Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 506

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale - section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Commission de l’assurance-emploi du Canada (416840)
datée du 26 février 2021 (transmise par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 4 août 2021
Numéro de dossier : GE-21-987

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Décision

[1] Je rejette l’appel du prestataire. Je juge qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite, car ses actions étaient conscientes et délibérées, et il aurait dû savoir que le refus d’exécuter les consignes directes de son employeur entraînerait son congédiement.

[2] Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi d’opérateur d’équipement. Son employeur affirme l’avoir congédié parce qu’il refusait de cesser de porter un masque de protection montrant le drapeau confédéré jugé raciste par les autres personnes.

[4] Le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, mais il prétend que son masque ne peut pas être la véritable raison de son congédiement parce que le drapeau n’est pas raciste. Il dit avoir porté le masque pendant deux mois sans recevoir aucun commentaire raciste.

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement de l’employeur. Elle a décidé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi elle l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Ce n’est pas mon rôle de décider si l’employeur du prestataire l’a congédié injustement ou si le drapeau figurant sur son masque est foncièrement raciste. J’ai seulement le pouvoir d’examiner si ses actions correspondent au critère d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[7] Pour être considérées comme une inconduite au sens de ce critère, les actions du prestataire doivent être conscientes et délibérées et manquer à l’exécution de leurs obligations envers leur employeur. De plus, le prestataire doit savoir ou aurait dû savoir qu’il pourrait être congédié en raison de ses actions.

La question que je dois trancher

[8] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[9] Pour déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois décider pourquoi il a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère cette raison comme de l’inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[10] Je juge que le prestataire a perdu son emploi parce qu’après avoir reçu un avertissement, il a refusé d’exécuter la consigne directe de son employeur d’enlever son masque de protection. Le masque arborait un drapeau confédéré, et une personne avait fait une plainte à ce sujet.

[11] Le prestataire et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle il a perdu son emploi. La Commission affirme que la raison que l’employeur a donnée est la véritable raison.

[12] L’employeur a dit à la Commission que le superviseur du prestataire l’avait averti de ne pas porter son masque de protection. Le lendemain, il est retourné au travail en portant le même masque. L’employeur dit l’avoir convoqué à une réunion avec des cadres supérieurs et lui avoir demandé d’enlever son masque, mais qu’il a refusé de le faire. L’employeur l’a alors congédié.

[13] Le prestataire affirme qu’il a porté son masque au travail pendant deux mois sans que quiconque ne se plaigne jusqu’à sa première conversation avec son superviseur. Il dit ne pas avoir donné suite à la demande de son employeur parce qu’il s’est senti intimidé lorsqu’on lui a demandé d’enlever son masque.

[14] Le prestataire a présenté des documents pour appuyer son argument selon lequel le symbole sur son masque est un signe inoffensif de rébellion légitime. Il dit qu’il est possible que des groupes racistes aient adopté le drapeau confédéré, mais que cela n’en fait pas pour autant un drapeau raciste. Il soutient qu’il s’agit d’un symbole de fierté, et non de haineNote de bas de page 3.

[15] Je ne vois pas d’autre raison dans la preuve pouvant expliquer le congédiement du prestataire, et il n’a pas fourni d’autre raison à part suggérer qu’il pourrait exister des [traduction] « raisons personnelles ». Je trouve cela improbable parce qu’il travaillait pour cet employeur sur une base saisonnière depuis 2007. J’estime qu’il est improbable que l’employeur ait continué de le réembaucher, puis qu’il ait ensuite cherché une occasion de le congédier.

[16] Par conséquent, je juge que son refus d’enlever son masque était la véritable raison de son congédiement, et non une excuse pour le licencierNote de bas de page 4.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[17] La raison du congédiement du prestataire est considérée comme une inconduite au sens de la loi.

[18] Pour être une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait l’intention de faire quelque chose de mal) pour que son comportement constitue une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[19] Il y a aussi inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 8.

[20] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 9.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a refusé d’exécuter la consigne directe de son employeur d’enlever son masque le lendemain de l’avertissement qu’on lui avait servi de ne pas porter ce masque au travail. La Commission a communiqué avec l’employeur pour vérifier ces événements.

[22] Le prestataire dit qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’y a rien de mal avec le drapeau qu’arbore son masque; il soutient que des renseignements dans Internet prouvent cet argument.

Les actes du prestataire étaient-ils conscients et délibérés?

[23] Oui. Retourner au travail en portant son masque le lendemain de l’avertissement qu’il avait reçu de le remplacer était un choix conscient et délibéré. Il s’agit du premier volet du critère d’inconduite au titre de la loi.

[24] Refuser dès le lendemain la consigne directe de son employeur d’enlever son masque était également conscient et délibéré. Il admet qu’il aurait pu conserver son emploi s’il avait enlevé son masque. Son refus était donc insouciant.

Le prestataire a-t-il manqué à l’exécution de ses obligations envers son employeur?

[25] Oui. En refusant d’exécuter une consigne directe, le prestataire a manqué à ses obligations envers son employeur. Il s’agit du deuxième volet du critère d’inconduite. L’employeur réagissait à une plainte en milieu de travail et le prestataire avait le devoir de coopérer dans le but d’assurer un environnement de travail harmonieux pour tous.

[26] Le prestataire n’est pas d’accord pour dire que le refus d’enlever son masque était un manquement à ses obligations envers son employeur. Il dit qu’il n’y a rien de mal à avoir le drapeau confédéré sur son masque puisque des collègues peuvent porter des symboles aussi, comme des logos d’équipes sportives.

[27] J’accorde plus de poids au témoignage du prestataire selon lequel il a refusé d’enlever son masque parce qu’il ne le considérait pas comme raciste qu’à son argument selon lequel il ne pouvait pas l’enlever parce que son employeur ne lui avait pas offert de le remplacer. Les parties contestent ce point précis, sans preuve concluante d’un côté ou de l’autre. D’après le témoignage du prestataire, il est plus probable qu’improbable qu’il agissait au nom de principes conformément à sa vision des choses.

[28] La question dans ce deuxième volet du critère d’inconduite n’est pas celle de savoir si un employeur est fondé à formuler une demande ou si l’employée ou l’employé est d’accord avec cette demande. La question est qu’une employée ou un employé doit se conformer à une demande raisonnable formulée par l’employeur. Je juge qu’en refusant de donner suite à la demande de son employeur, le prestataire a manqué à ses obligations envers lui.

Le prestataire aurait-il dû savoir que ses actes entraîneraient son congédiement?

[29] Oui. J’ai pris en compte qu’avant de conclure que le prestataire aurait dû savoir qu’il serait congédié, la Commission n’a pas demandé à l’employeur son code de conduite. La raison du congédiement du prestataire est d’avoir contrevenu au code, comme il est inscrit dans le dossier disciplinaire progressifNote de bas de page 10. Je ne constate pas non plus de règlements de l’entreprise dans la preuve. Le prestataire affirme qu’il n’a jamais vu de code de conduite ni de règlements en milieu de travail.

[30] J’ai examiné si l’omission de la Commission pouvait signifier que le prestataire n’aurait pas pu savoir qu’il enfreignait la politique de l’entreprise ou qu’il ne comprenait pas les conséquences de son refus de donner suite à la demande de son employeur. Il affirme avoir porté le masque pendant deux mois avant que quiconque ne remarque qu’il y avait un problème.

[31] Même si le code n’a pas été soumis, je juge que la Commission a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire aurait dû savoir qu’il serait congédié. La preuve qu’elle a recueillie auprès de l’employeur confirme que le prestataire avait été averti, mais qu’il s’est tout de même présenté au travail le lendemain portant le même masque. Lors de la réunion avec ses superviseurs à sa dernière journée, il a refusé de l’enlever; il s’agit d’insubordination.

[32] Le prestataire dit que l’employeur ne l’a pas averti, lors de la réunion où il lui a dit d’enlever son masque qu’il serait congédié s’il refusait de le faire. Il l’a seulement congédié après qu’il a refusé de se conformer.

[33] J’estime qu’être convoqué à une telle réunion était un signe évident que l’affaire s’était envenimée et que refuser la demande de son employeur pouvait avoir des conséquences désastreuses. Compte tenu de cette aggravation, je juge que le prestataire aurait dû savoir que refuser la consigne directe de son employeur pouvait entraîner son congédiement.

Donc, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

[34] En me fondant sur les constatations que j’ai faites plus haut, j’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[35] La Commission a démontré que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[36] Cela signifie que je rejette l’appel du prestataire.

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