Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 554

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : D. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Melanie Allen

Décision portée en appel : Décision de la division générale (GE-21-755) datée du 8 juillet 2021

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de la partie intimée

Date de la décision : Le 6 octobre 2021
Numéro de dossier : AD-21-241

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, c’est-à-dire le prestataire, s’est retrouvé sans emploi le 1er octobre 2019 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. Sur le premier relevé d’emploi, il est mentionné que le prestataire a reçu 9 213,53 $ de son employeur à la fin de son emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a estimé que ce montant était de la « rémunération » au sens de la loi puisqu’il a été versé au prestataire comme congé payé et indemnité de préavis.   

[3] L’employeur a transmis un relevé d’emploi révisé dans lequel il est mentionné que le prestataire a reçu 17 271,97 $ en congés payés et en indemnité de préavis. Cinq mois après avoir reçu le relevé d’emploi révisé, la Commission a estimé que la somme supplémentaire était également de la rémunération et a réparti ce montant sur la période de prestations d’assurance-emploi du prestataire, ce qui a engendré un trop-payé. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision initiale, mais en vain. Le prestataire a fait appel de la décision de révision devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que la Commission avait calculé et réparti correctement les congés payés, et les indemnités de préavis et de fin d’emploi. La division générale a également conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir d’octroyer une indemnisation pour compenser le retard engendré par la révision de la demande par la Commission.  

[5] La division d’appel a accordé au prestataire la permission d’en appeler. Il a fait valoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, elle a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.  

[6] L’appel du prestataire est rejeté pour les motifs qui suivent.  

Questions en litige

[7] Question en litige no 1 : Est-ce que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle lorsqu’elle a tenu compte des éléments de preuve supplémentaires de la Commission présentés après l’audience?  

[8] Question en litige no 2 : Est-ce que la division générale a commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le montant versé au prestataire constituait une rémunération à répartir à compter de la fin de l’emploi?

[9] Question en litige no 3 : Est-ce que la division générale a fait une erreur en n’octroyant pas une indemnisation quelconque à la suite du traitement de son dossier par la Commission?  

Analyse

Mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a établi que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1 .  

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel au regard des décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour de juridiction supérieureNote de bas de page 2 .

[12] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

Questions préliminaires

[13] Le prestataire a demandé les services d’un interprète pour l’audience de la division d’appel. Malheureusement, il n’y avait pas d’interprète présent à l’audience. Après avoir parlé avec le prestataire sur la possibilité d’ajourner l’audience, le prestataire a choisi de continuer sans interprète.

[14] J’ai néanmoins offert au prestataire l’occasion de m’aviser de tout problème lié à l’interprétation pendant l’audience. Le prestataire n’a fait part d’aucun problème d’interprétation et j’ai compris facilement sa position.

Question en litige no 1 : Est-ce que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle lorsqu’elle a tenu compte des éléments de preuve supplémentaires de la Commission présentés après l’audience?

[15] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[16] Conformément à une décision précédente de la division d’appel, la division générale a demandé à la Commission d’examiner la nature et la structure des 17 271,97 $ versés au prestataire. À la suite de l’audience, la Commission a été en mesure de parler à l’employeur et a transmis cet élément de preuve à la division généraleNote de bas de page 3 .  

[17] Le prestataire a fait valoir qu’il a préparé son dossier avec les documents qu’il avait reçus avant l’audience. Toutefois, la Commission a présenté des éléments de preuve supplémentaires après l’audience. Le prestataire fait observer que la division générale n’aurait pas dû autoriser la Commission à présenter ces éléments de preuve après l’audience. Il fait valoir qu’en raison de la transmission tardive des éléments de preuve, il a subi un préjudice puisque la division générale a fondé sa décision sur les éléments de preuve contestés. 

[18] La division d’appel a répété à maintes reprises que compte tenu du principe de justice naturelle, accepter des éléments de preuve après l’audience comportait des risquesNote de bas de page 4 .

[19] Par conséquent, je dois déterminer si le prestataire a eu l’occasion de réagir lorsque la Commission a présenté les éléments de preuve supplémentaires après l’audience en tenant compte du fait que la division générale a manifestement fondé sa décision sur ces éléments de preuve.

[20] La division générale précise dans sa décision qu’elle a offert au prestataire l’occasion de réagir par écrit aux éléments de preuve supplémentaires. Je constate que la lettre envoyée au prestataire l’informait de la présentation tardive d’un document, mais rien ne l’avisait qu’il pouvait réagir aux éléments de preuve supplémentaires de la Commission.

[21] Toutefois, le prestataire a accusé réception des éléments de preuve supplémentaires après l’audience et y a réagi par écrit avant que la division générale ne rende sa décision. Il conteste les éléments de preuve supplémentaires de l’employeur montrant qu’il a reçu l’argent après avoir perdu son emploi, et réaffirme que le montant reçu était une prime annuelle. De plus, le prestataire demande que la Commission approfondisse son enquête sur l’employeur.

[22] Pour que l’audience soit équitable, un préavis adéquat de la date d’audience doit être envoyé. Les parties doivent aussi avoir la possibilité d’être entendues, de connaître les allégations des autres parties et d’y répondre.  

[23] Lorsque j’examine toutes les circonstances, je conclus que le prestataire a eu l’occasion de lire et de répondre à l’analyse plus approfondie et au rapport présentés par la Commission avant que la division générale rende sa décision. 

[24] Par conséquent, je conclus que la division générale n’a pas omis d’observer un principe de justice naturelle.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le montant versé au prestataire constitue une rémunération à répartir dès la fin de l’emploi?

[25] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[26] La division générale devait décider si le montant versé au prestataire était de la rémunération et si la Commission l’avait réparti adéquatement.

[27] Comme la division générale l’a écrit, il incombe aux prestataires de prouver que l’argent reçu n’est pas de la rémunération au sens de la loi.

[28] Devant la division générale, le prestataire était en désaccord avec l’employeur, qui disait qu’il avait reçu 12 582,27 $ en indemnité de préavis. Il a fait valoir que la prime annuelle de 8 058,44 $ reçue en 2019 aurait été payable même s’il avait gardé son emploi.  

[29] Dans la copie de la lettre de cessation d’emploi de l’employeur, deux paragraphes se lisent comme suit :

[traduction] « Bien que l’employeur n’ait aucune obligation de le faire, nous sommes prêts à vous offrir le montant supplémentaire de 8 058,44 $ moins les retenues obligatoires en reconnaissance de votre service à [l’employeur]. Ce montant représente cinq semaines supplémentaires de salaire et 1,72 jour de plus en congé payé.

Toutefois, comme condition à cette offre, vous devrez signer et retourner la lettre de fin d’emploi ci-jointe (le « Renvoi ») à [l’employeur] d’ici le mardi 8 octobre 2019 ».

[30] La division générale a tenu compte de la confirmation du fournisseur tiers du relevé de paye à la Commission comme quoi le prestataire a d’abord été payé 4 523,83 $ en indemnité de préavis. Le prestataire a ensuite reçu une autre indemnité de préavis de 8 058,44 $, totalisant ainsi 12 582,27 $ en indemnité de préavis.

[31] La division générale a tenu compte du fait que la somme de l’indemnité de préavis a été augmentée à 12 582,27 $ sur le relevé d’emploi modifié. Cette somme représente une augmentation de 8 058,44 $ en comparaison au montant du relevé d’emploi initial.

[32] La division générale a conclu que les deux relevés d’emploi corroboraient l’information de la lettre de cessation d’emploi.  

[33] La division générale estime que le prestataire n’a pas fourni d’élément de preuve pour démontrer qu’il recevait ou qu’il avait reçu une prime à la fin de son emploi en octobre 2019.

[34] La division générale a également tenu compte du fait que l’employeur avait confirmé avec la Commission que personne n’avait reçu de prime en 2019.  

[35] La division générale a tenu compte du fait que le prestataire a admis avoir signé une « entente pacifique » pour recevoir ce paiement et terminer son emploi. De plus, il avait d’abord déclaré que le montant était une indemnité de départNote de bas de page 5 .

[36] La division générale a privilégié la preuve de la Commission selon laquelle le prestataire n’avait pas reçu de prime, mais plutôt une indemnité de départ de 8 058,44 $. Elle a privilégié cette preuve parce que la lettre de cessation d’emploi fournie par l’employeur est plus complète que la version fournie par le prestataire. La division générale a estimé que l’information de la lettre de cessation d’emploi expliquait la façon dont l’indemnité de départ avait été calculée et les conditions pour verser ce montant. Le prestataire a également signé cette lettre le 3 octobre 2019 à la fin de son emploi.  

[37] En se fondant sur cette preuve, la division générale a conclu qu’il était plus probable qu’improbable que l’employeur ait versé 17 271,97 $ au prestataire comme indemnités de congé payé, de préavis et de départ. Elle a conclu que le prestataire avait reçu ce montant en raison de la fin de son emploi. La division générale a estimé qu’il y avait suffisamment de liens entre l’emploi du prestataire et l’argent qu’il avait reçu de son employeur à la fin de son emploi. Elle a conclu que l’argent versé au prestataire par son employeur était de la rémunération à répartir conformément à la loi.

[38] La division générale a correctement appliqué la loi, qui exige que tous les revenus payés ou payables en raison de la cessation d’emploi soient répartis dès la semaine où la personne perd son emploi selon sa rémunération hebdomadaire normale. La répartition commence cette même semaine, peu importe le moment où la rémunération est payée ou payable.    

[39] Comme je l’ai mentionné pendant l’audience de l’appel, je ne suis pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer mon pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. La compétence de la division d’appel est limitée par la loi. À moins que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle, ait commis une erreur de droit, ou ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

[40] Je conclus que la division générale a fondé sa décision sur la preuve portée à sa connaissance, et qu’il s’agit d’une décision qui est conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.  

[41] Par conséquent, je ne vois aucune raison d’intervenir en ce qui concerne la question liée à la répartition de la rémunération.

Question en litige no 3 : Est-ce que la division générale a fait une erreur en n’octroyant pas une indemnisation quelconque à la suite du traitement de son dossier par la Commission?

[42] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[43] La division générale a conclu qu’elle n’avait pas la compétence pour accorder une indemnisation afin de compenser le retard lié à l’examen de la demande de prestations d’assurance-emploi du prestataire par la Commission.  

[44] Le prestataire fait valoir qu’il a eu des problèmes et des désagréments importants en raison du service de piètre qualité qu’il a reçu de la Commission. Il a également fait valoir que le retard déraisonnable de la Commission l’a empêché de transmettre des éléments de preuve pour appuyer sa position, selon laquelle l’argent reçu était une prime.

[45] Comme l’a expliqué la division générale, la loi accorde à la Commission jusqu’à 36 mois pour réviser une demande une fois les prestations versées. De plus, la division générale a donné pleinement l’occasion au prestataire d’expliquer sa version des faits et de contredire la lettre de cessation d’emploi à savoir qu’aucune prime n’avait été versée. 

[46] Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a décidé que le Tribunal n’avait pas la compétence d’ordonner une indemnisation ou une mesure compensatoire pour tout dommage ayant été causé au prestataire. Cela est vrai même si le Tribunal en est venu à la conclusion que la Commission a mal géré son dossier. Il s’agit d’un litige qui doit être débattu dans une autre tribuneNote de bas de page 6 .  

Conclusion

[47] L’appel est rejeté.

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