Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – prestations parentales – formulaire de demande et clarté des options – la prestataire ne pouvait pas soutenir que le formulaire de demande était trompeur parce qu’elle a déclaré ne pas l’avoir lu attentivement dès le départ – le choix des prestations était irrévocable

La prestataire a demandé des prestations parentales régulières de l’assurance-emploi (AE). En général, la loi donne à un parent le choix d’obtenir un même montant de prestations, c’est-à-dire une « rémunération hebdomadaire assurable », sur deux périodes différentes : les prestations « standards » donnent à un parent jusqu’à 35 semaines de prestations, à 55 % de la « rémunération hebdomadaire assurable »; les prestations « prolongées » donnent à un parent jusqu’à 61 semaines de prestations, à 33 % de la « rémunération hebdomadaire assurable ». Le formulaire permet également aux prestataires de choisir le nombre de semaines souhaité. L’option des prestations standards donne généralement lieu à un versement de prestations plus élevé chaque semaine que l’option des prestations prolongées. Dès qu’un parent reçoit son premier versement de prestations, la loi rend définitif son choix de prestations « prolongées » ou « standards », ce qui signifie que le parent ne peut plus le changer.

Dans cette affaire, la prestataire a demandé des prestations « prolongées ». Après avoir reçu son premier paiement par chèque, elle a téléphoné à la Commission pour savoir pourquoi le montant de ses prestations était si bas. Elle a dit qu’elle était confuse; elle a également travaillé jusqu’au 15 septembre 2020 et voulait reprendre le travail après son congé de maternité le 1er octobre 2021. Son employeur a déclaré qu’il ne savait pas quand elle retournerait au travail. La Commission a refusé de changer le choix de la prestataire pour l’option des prestations standards.

La prestataire a fait appel à la division générale (DG). Elle a fait valoir qu’elle était confuse lorsqu’elle a fait sa demande et qu’elle a rempli le formulaire sans le lire attentivement, pensant que les prestations standards et les prestations prolongées étaient combinées. Dans sa demande, elle a choisi 55 à la case « semaines » parce qu’elle pensait choisir le taux de prestations de 55 %. La DG a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a jugé que le formulaire de demande de la Commission ne contenait pas suffisamment d’informations claires, ce qui a empêché la prestataire de faire un choix valable entre les prestations standards et les prestations parentales.

La Commission a fait appel de la décision de la DG devant la division d’appel (DA). La DA a conclu que la DG avait commis une erreur en ne tenant pas compte du témoignage de la prestataire lors de l’audience selon lequel elle n’avait pas lu attentivement la demande. La DA a également conclu que la partie du formulaire où la prestataire a sélectionné « 55 » faisait clairement référence à un nombre de semaines et non à un taux de prestations de 55 %. Le formulaire expliquait aussi clairement la différence entre les deux options – elle ne l’a tout simplement pas lu. La Commission n’avait aucune obligation légale de clarifier les renseignements qui prêtaient à confusion dans le formulaire. La prestataire a le devoir de lire attentivement et d’essayer de comprendre ses options et de communiquer avec la Commission si elle a des questions. Son témoignage devant la DG a montré qu’elle ne comprenait pas la différence entre les deux options de prestations jusqu’à ce qu’elle fasse appel devant la DG. Elle ne pouvait pas faire valoir de manière crédible que le formulaire était trompeur. Après avoir soumis sa demande de prestations à la Commission, la prestataire a eu plusieurs semaines pour poser des questions ou modifier son option de prestations. La DA a accueilli l’appel de la Commission et a conclu que le choix des prestations prolongées de la prestataire était définitif.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c RD, 2021 TSS 552

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Isabelle Thiffault
Partie intimée : R. D.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 mai 2021 (GE-21-649)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 septembre 2021
Personnes participant à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée

Date de la décision : Le 6 octobre 2021
Numéro de dossier : AD-21-173

Sur cette page

Décision

[1] L’appel de la Commission est accueilli. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées.

Aperçu

[2] La Commission de l’assurance-emploi est l’appelante. C’est elle qui fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que l’intimée, R. D. (prestataire), avait choisi de recevoir des prestations parentales standards. Pourtant, dans son formulaire de demande, la prestataire avait choisi des prestations parentales prolongées et demandé de toucher des prestations pendant 55 semaines.

[3] La Commission avance que la division générale a commis plusieurs erreurs de compétence, de droit et de fait. Elle demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de rendre la décision qui, selon elle, aurait dû être rendue par la division générale. La Commission affirme que la division générale aurait dû décider que la prestataire avait choisi les prestations parentales prolongées et que son choix était irrévocable (final).

[4] La prestataire demande à la division d’appel de rejeter l’appel. Elle défend qu’elle avait toujours voulu s’absenter pendant un an seulement. Elle a simplement commis une erreur de bonne foi en demandant des prestations parentales prolongées dans son formulaire de demande. Elle soutient que le formulaire était trompeur ou, à tout le moins, ne donnait pas assez d’information pour lui permettre de bien le remplir. Selon la prestataire, il est évident que ce formulaire de demande contient des renseignements qui prêtent à confusion. La Commission aurait donc dû lui demander quelles prestations elle voulait réellement.

[5] Je conclus que la division générale a basé sa décision sur une erreur de fait, à savoir que le formulaire de demande avait induit la prestataire en erreur. Je conclus aussi que le choix de la prestataire était irrévocable. Elle a donc choisi de recevoir des prestations parentales prolongées.

Question en litige

[6] La Commission a présenté plusieurs arguments. Toutefois, je vais me consacrer à l’erreur de fait sur laquelle la division générale aurait basé sa décision. Plus précisément, je vais chercher à savoir si la division générale a basé sa décision sur une erreur de fait en jugeant que le formulaire de demande avait induit la prestataire en erreur et l’avait amenée à faire le mauvais choix entre les prestations parentales standards et prolongées.

Analyse

[7] La division d’appel peut seulement intervenir dans une décision de la division générale si celle-ci a commis une erreur de compétence, de procédure ou de droit, ou une erreur de fait de certains typesNote de bas page 1. La Commission est d’avis que la division générale a commis plusieurs erreurs.

Contexte factuel

[8] La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi.

[9] Il existe deux types de prestations parentales :

  • Prestations parentales standards – Ces prestations correspondent à 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable, tout en étant plafonnées à un certain montant. Une personne peut recevoir ces prestations pendant un maximum de 35 semaines.
  • Prestations parentales prolongées – Ces prestations correspondent à 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable, tout en étant plafonnées à un certain montant. Une personne peut recevoir ces prestations pendant un maximum de 61 semaines.

[10] Dans son formulaire de demande, la prestataire a choisi les prestations parentales prolongées plutôt que standardsNote de bas page 2.

[11] Le formulaire lui demandait ensuite : [traduction] « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? » La prestataire a sélectionné le chiffre « 55 » dans un menu déroulantNote de bas page 3.

[12] La prestataire a aussi précisé qu’elle avait travaillé jusqu’au 15 septembre 2020 inclusivement, et qu’elle s’attendait à reprendre le travail le 1er octobre 2021Note de bas page 4. Ses employeurs ne savaient pas quand elle serait de retour au travailNote de bas page 5.

[13] Après avoir reçu son premier versement de prestations parentales, la prestataire a téléphoné à la Commission. Elle voulait savoir pourquoi le montant de ses prestations d’assurance-emploi avait subitement baissé. Un agent lui a expliqué qu’elle avait fini de toucher ses prestations de maternité, et qu’elle recevait maintenant ses prestations parentales prolongées. On lui a aussi expliqué que le montant de ses prestations parentales aurait été plus élevé si elle avait choisi l’option standard plutôt que prolongée.

[14] La prestataire a dit à l’agent qu’elle souhaitait passer aux prestations parentales standards. On lui a cependant expliqué que son type de prestations parentales ne pouvait plus être changé comme leur versement avait déjà commencéNote de bas page 6.

Révision de la Commission

[15] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a expliqué qu’en remplissant sa demande, elle [traduction] « n’avait pas bien compris les options indiquées dans la demande en ligne pour les semaines de prestations… [Elle ignorait] comment étaient calculées les semaines de prestations de maternité et de prestations parentales. [Elle] veut seulement faire une demande pour un an de congé de maternitéNote de bas page 7. » La Commission n’a pas changé sa décision. La prestataire a donc porté en appel la décision de révision de la Commission devant la division générale.

Preuve de la prestataire à la division générale

[16] À l’audience devant la division générale, la prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas vraiment vu la différence entre les prestations parentales standards et prolongées quand elle avait rempli son formulaire de demande. Elle n’avait vu aucune description des deux différents types de prestations parentales avant de faire appel à la division générale. Elle croit qu’elle n’a pas nécessairement été très attentive en parcourant la demande afin de comprendre ces différencesNote de bas page 8. Elle pensait que les deux prestations étaient combinées.

[17] La requérante a aussi expliqué pourquoi elle avait sélectionné « 55 » dans le menu déroulant (en réponse au nombre de semaines de prestations qu’elle souhaitait demander). Elle a dit qu’elle avait alors pensé au taux de prestations qu’elle voulait. Elle voulait le taux de 55 % et c’est donc ce qu’elle a demandé, en pensant qu’une année comptait aussi 55 semainesNote de bas page 9.

Décision de la division générale

[18] La division générale a noté que le formulaire de demande spécifiait que Service Canada devait fournir aux prestataires des renseignements exacts sur leur demande. La division générale a écrit ceci :

[traduction]

Cependant, ici, les renseignements contenus dans la demande ont induit la prestataire en erreur. Elle ne savait pas qu’en sélectionnant « 55 », elle sélectionnait un nombre de semaines de prestations parentales, et non un taux de prestations. Elle ne savait pas non plus que les prestations de maternité étaient distinctes des prestations parentales, et que son choix signifiait qu’elle recevrait des prestations moins élevéesNote de bas page 10.

[19] La division générale a conclu que la prestataire avait choisi d’être en congé de maternité pendant un an après la naissance de son enfant, soit à compter du 30 septembre 2020. C’est la raison pour laquelle la prestataire avait dit prévoir un retour au travail le 1er octobre 2021. La division générale a jugé que la prestataire avait rempli sa demande en fonction des instructions fournies et pensait qu’elle demandait le taux de prestations le plus élevé des deux, soit 55 %Note de bas page 11.

[20] La division générale a conclu que [traduction] « le manque d’informations claires dans la demande [avait] empêch[é] la prestataire de faire un choix valide en matière de prestations parentalesNote de bas page 12. » La division générale a donc conclu que la prestataire avait fait un choix invalide en choisissant les prestations parentales prolongées. Elle a donc annulé la décision de la Commission de lui verser des prestations parentales prolongées.

Appel de la Commission à la division d’appel

[21] La Commission affirme que la division générale a commis plusieurs erreurs. Les voici :

· Elle a fondé sa décision sur une erreur de fait en concluant que le formulaire de demande avait induit en erreur la prestataire et l’avait amenée à faire le mauvais choix entre l’option standard et l’option prolongée.

  • Elle a dépassé sa compétence en décidant du type de prestations parentales choisi par la prestataire, et en décidant que son choix était invalide.
  • Elle n’a pas appliqué l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi.
  • Elle n’a pas appliqué les principes établis dans la décision KarvalNote de bas page 13.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait par rapport à la question de savoir si le formulaire de demande était trompeur?

[22] La division générale a conclu que le formulaire de demande avait induit en erreur la prestataire. Plus précisément, elle a jugé que le formulaire l’avait amenée à croire qu’en sélectionnant le chiffre « 55 », elle sélectionnait le pourcentage de son taux de prestations, plutôt que le nombre de semaines de prestations dont elle voulait bénéficier. La division générale a aussi conclu que le formulaire avait induit la prestataire en erreur du fait qu’il l’avait portée à croire que les prestations de maternité faisaient partie des prestations parentales, et qu’elle bénéficierait du taux le plus élevé des deux possiblesNote de bas page 14. La division générale a donc conclu que tous ces éléments avaient amené la prestataire à faire le mauvais choix entre les deux options de prestations parentales (standards et prolongées).

[23] La Commission accepte que la prestataire a mal compris le formulaire de demande et que cette incompréhension l’a amenée à choisir le mauvais type de prestations parentales par rapport à ce qu’elle voulait. La Commission n’est toutefois pas du tout d’accord pour dire que le formulaire de demande aurait été trompeur d’une quelconque façon ou qu’il aurait amené la prestataire à faire le mauvais choix. La Commission soutient que le formulaire de demande expliquait clairement ce qui différenciait les prestations parentales prolongées des prestations parentales standards.

La question [traduction] « Combien de semaines voulez-vous demander? » renvoyait aux semaines de prestations et non au taux de prestations

[24] À la question [traduction] « Combien de semaines voulez-vous demander? », la prestataire avait répondu « 55 ». Elle pensait que le chiffre « 55 » correspondait au taux des prestations qu’elle recevrait.

[25] Selon la Commission, la question [traduction] « Combien de semaines voulez-vous demander? » était sans équivoque. Cette question ne pouvait aucunement porter la prestataire à croire qu’on l’interrogeait sur le taux de prestations qu’elle voulait.

[26] Je crois que la question devait clairement montrer, dans sa formulation, qu’il s’agissait de savoir le nombre de semaines de prestations que la prestataire voulait. La question n’avait rien à voir avec le taux de prestations. Elle ne fait pas allusion aux taux de prestations et n’en fait pas mention.

[27] En plus, la Commission souligne que le menu déroulant offrait une série de chiffres allant jusqu’à « 61 ». Vu ces autres chiffres, la prestataire aurait tout de suite dû se rendre compte que la question portait sur le nombre de semaines souhaité, et non sur le taux de prestations souhaité. Après tout, si la question avait réellement porté sur le taux de prestations, seules deux options auraient été présentées : 33 et 55. En effet, il s’agit des deux seuls taux possibles pour les prestations parentales. L’éventail de chiffres représentait manifestement autre chose que le taux de prestations.

[28] Je juge que la question [traduction] « Combien de semaines voulez-vous demander? » ne pouvait pas induire la prestataire en erreur et la porter à croire qu’on la questionnait sur le taux de prestations dont elle souhaitait bénéficier.

Le formulaire montrait que les prestations de maternité et les prestations parentales étaient des prestations distinctes

[29] La division générale a conclu que le formulaire de demande avait aussi induit la prestataire en erreur puisqu’il ne lui avait pas permis de comprendre que les prestations de maternité étaient distinctes des prestations parentales.

[30] La Commission défend que le formulaire de demande montre, à plusieurs endroits, que les prestations de maternité sont distinctes des prestations parentales.

[31] Je suis d’accord que cette distinction est montrée à au moins deux endroits du formulaire de demande :

  1. Sous le sous-titre « Type de prestations », le formulaire demande notamment de préciser le type de prestations demandé. Il faut choisir entre des prestations régulières, de pêcheur, de maladie, de maternité, parentales, de compassion, pour proche aidant, etc. Le formulaire énumère chaque option distinctementNote de bas page 15.

    Le formulaire explique que l’option des prestations de maternité est destinée aux femmes enceintes ou ayant récemment accouché. Il est aussi précisé qu’il est possible de recevoir des prestations parentales immédiatement après des prestations de maternité.

    Pour l’option des prestations parentales, il est expliqué que ces prestations s’adressent aux personnes qui prennent soin d’un nouveau-né ou d’un enfant venant d’être adopté.
  2. Sous le sous-titre « Maternité – Information », dans le formulaire, on demande aux prestataires de préciser si elles souhaitent recevoir leurs prestations parentales immédiatement après leurs prestations de maternité. Deux options sont offertes : une prestataire peut demander de recevoir ses prestations parentales immédiatement après ses prestations de maternité, ou demander de recevoir seulement ses prestations de maternité, et ce, pendant un maximum de 15 semainesNote de bas page 16.

[32] Il aurait dû être clair pour la prestataire que les prestations de maternité étaient distinctes des prestations parentales. Je juge que le formulaire de demande ne lui faisait pas croire à tort que les prestations de maternité étaient la même chose que les prestations parentales.

Le formulaire de demande précisait le taux de prestations correspondant à chaque type de prestations parentales

[33] La division générale a conclu que le formulaire de demande avait aussi induit la prestataire en erreur puisqu’il ne lui avait pas permis de comprendre que son taux de prestations global serait plus bas à cause du type de prestations qu’elle avait choisi.

[34] Je constate que le formulaire de demande indique clairement les taux de prestations s’appliquant à chacune des deux options de prestations parentales. Le formulaire précise que le taux de prestations pour l’option prolongée correspond à 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable, et que celui pour l’option standard correspond à 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable.

[35] Je juge que le formulaire de demande n’a pas et n’aurait pas pu induire en erreur la prestataire en ne lui permettant pas de connaître les taux de prestations pour les prestations parentales standards et prolongées.

Le formulaire n’a pas (mal) orienté le choix de la prestataire

[36] La division générale a conclu que la prestataire avait fait un choix invalide, parce qu’il lui aurait été impossible de faire un choix délibéré entre les prestations parentales standards et prolongées en l’absence d’informations claires.

[37] Cependant, cette conclusion fait simplement fi de la preuve présentée par la prestataire lors de l’audience devant la division générale : elle n’avait simplement pas été attentive en lisant le formulaire de demande. La prestataire a témoigné qu’en remplissant son formulaire de demande, elle n’avait pas vu de description quant aux différences entre l’option standard et l’option prolongée, ou ne s’y était pas arrêtée. Elle était préoccupée parce qu’elle s’apprêtait à subir une période d’isolement et une opération subséquenteNote de bas page 17.

Résumé

[38] Je conclus que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait, puisqu’elle a conclu que le formulaire de demande avait induit en erreur la prestataire en lui laissant croire :

  • que la question [traduction] « Combien de semaines voulez-vous demander? » lui demandait le taux de prestations qu’elle voulait;
  • que les prestations de maternité et les prestations parentales étaient la même chose;
  • que son taux de prestations ne serait pas plus bas si elle choisissait les prestations parentales prolongées.

[39] Le formulaire de demande montrait clairement que les prestations de maternité étaient différentes des prestations parentales. Le formulaire montrait aussi que le taux des prestations parentales prolongées était inférieur à celui des prestations parentales standards. De son côté, la question sur le nombre de semaines de prestations que la prestataire voulait demander faisait clairement référence aux semaines de prestations, et non à leur taux.

[40] Surtout, la prestataire n’avait aucun fondement pour dire que le formulaire de demande était trompeur, inexact ou imprécis, puisqu’elle ne l’avait tout simplement pas lu.

[41] Vu la nature de cette erreur commise par la division générale, il ne sert à rien que je traite des autres arguments de la Commission sur ses autres erreurs potentielles. Je vais maintenant me pencher sur la réparation qui convient ici.

Réparation

[42] Comment puis-je corriger l’erreur de la division générale? Deux options s’offrent à moiNote de bas page 18. Je peux remplacer sa décision par la mienne, ou encore, je peux renvoyer le dossier à la division générale pour qu’une nouvelle décision soit rendue. Pour remplacer sa décision par la mienne, je dois commencer par tirer des conclusions de faitNote de bas page 19.

Arguments des parties

[43] La Commission m’exhorte à rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Selon elle, la division générale aurait dû conclure que la prestataire avait choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et que son choix était irrévocable.

[44] De son côté, la prestataire affirme que le résultat aurait été le même sans la supposée erreur de fait de la division générale, puisque la preuve montre clairement qu’elle avait toujours souhaité être en congé pendant un an seulement. Elle a juste fait une erreur de bonne foi dans son formulaire en demandant les prestations prolongées. Elle soutient que le formulaire de demande était trompeur ou, à tout le moins, qu’il n’avait pas toute l’information nécessaire pour lui permettre de bien le remplir. Elle prétend que la Commission aurait dû remarquer les contradictions dans l’information qu’elle avait fournie et aurait dû lui demander ce qu’elle voulait réellement.

La Commission n’avait aucune obligation envers la prestataire

[45] Je suis d’accord que la prestataire a donné des informations contradictoires dans son formulaire de demande. D’une part, elle a déclaré qu’elle retournerait travailler après un an. D’autre part, elle a demandé des prestations pour une durée de plus d’un an. Pourtant, si elle reprenait effectivement le travail après un an, elle ne toucherait aucune prestation parentale une fois cette année terminée.

[46] La prestataire soutient que la Commission avait l’obligation de l’informer de cette contradiction dans son formulaire de demande. Même si ce scénario serait idéal, je ne connais aucune procédure qui obligerait la Commission à revoir les demandes dans le détail pour s’assurer que les prestataires les ont bien remplies.

[47] La Cour fédérale a d’ailleurs établi la position suivante dans la décision Karval : « Il incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre puis, si des doutes subsistent, de poser des questionsNote de bas page 20. »

[48] En conséquence de ce principe de base, les prestataires sont essentiellement responsables de remplir soigneusement et correctement le formulaire de demande, en plus de le lire et d’essayer de comprendre leurs options en matière de prestations. (Bien entendu, il faut que l’information sur ces options soit claire et ne soit aucunement trompeuse.)

[49] À mes yeux, aucune raison impérieuse ne justifie de soustraire la prestataire à cette responsabilité fondamentale. Rien ne justifie non plus que la Commission soit obligée de mettre au clair ce que la prestataire voulait. La prestataire a soumis des informations contradictoires parce qu’elle n’a pas, à la base, lu attentivement le formulaire de demande.

[50] Les faits dans les dossiers de madame Kaval et de la prestataire ont des différences importantes. Toutefois, comme madame Karval, si la prestataire avait lu attentivement le formulaire de demande, elle aurait compris que l’option prolongée donnerait lieu à des prestations d’un montant inférieur à celui de l’option standard.

[51] D’après les faits du présent dossier, j’estime que la Commission n’avait aucunement l’obligation de clarifier le type de prestations parentales que la prestataire avait choisi.

La prestataire n’a pas lu attentivement le formulaire de demande

[52] Selon la prestataire, le formulaire de demande prêtait à confusion et manquait d’information. Elle a toutefois un problème pour défendre cet argument : elle a témoigné, devant la division générale, qu’elle n’avait tout simplement pas lu attentivement le formulaire de demande.

[traduction]
Peut-être que je lis l’explication sur les options prolongée et standard, mais je ne m’y concentre pas parce que ma situation actuelle me préoccupe… Honnêtement, quand je l’ai fait en ligne, je n’ai pas vu la différence. J’ai peut-être répondu à la question, mais je n’avais pas vu en ligne l’explication sur les prestations standards et prolongées. Par contre, quand j’ai reçu le document et que j’ai essayé de lire les explications une à une, j’ai remarqué qu’on expliquait la différence entre l’option prolongée et standard, que je n’avais pas vue en faisant ma demande en ligne. C’était donc une erreur de bonne foi. Je pense que j’ai juste cliqué sur l’option sans avoir lu attentivement la différence entre l’option prolongée et standard. Je viens de me rendre compte de la différence quand le Tribunal m’a envoyé tous les documents que j’avais remplis en ligneNote de bas page 21.

[53] La prestataire s’est seulement aperçue de la différence entre les prestations parentales standards et prolongées après voir soumis son appel à la division générale. Elle n’avait pas vu cette différence en remplissant le formulaire parce qu’elle était trop tracassée.

[54] D’après le témoignage de la prestataire, elle n’avait vu aucune explication sur la différence entre les prestations parentales standards et prolongées quand elle avait rempli son formulaire de demande en ligne, ou elle ne s’y était pas arrêtée. Elle pense qu’elle pourrait avoir simplement cliqué sur une optionNote de bas page 22.

[55] La prestataire n’a donc pas la crédibilité nécessaire pour prétendre que le formulaire l’avait induite en erreur ou manquait d’information, puisqu’elle ne l’avait pas lu attentivement à la base.

Dispositions sur l’irrévocabilité

[56] La Commission affirme que l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Selon cet article, le choix en matière de prestations parentales est irrévocable dès que des prestations parentales sont versées.

[57] Mes collègues, membres du Tribunal de la sécurité sociale, ont établi successivement que cet article ne s’applique pas si le choix qui a été fait est invalide. Ici, la division générale a défini un choix valide comme un choix délibéré. La membre de la division générale a conclu que le choix de la prestataire était invalide ici puisqu’il lui avait été impossible, face à un manque d’information ou à des informations trompeuses, de faire un choix délibéré.

[58] J’ai déjà touché à cette question. Si elle a fait un choix qui n’était pas délibéré, ce n’est pas parce que la prestataire n’a pas trouvé le formulaire de demande clair ou parce qu’il l’a induite en erreur.

[59] La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées sans raison particulière. Elle a juste cliqué sur une option, sans savoir ce qu’elle faisait et sans en comprendre les conséquences. Elle a dit qu’elle avait fait une erreur de bonne foi et qu’elle était préoccupée par sa situation.

[60] Je ne doute pas que la prestataire était préoccupée, vu sa situation, et que c’est la raison pour laquelle elle a rempli son formulaire de demande sans bien le lire. Néanmoins, cette situation et le fait qu’elle a donné des informations contradictoires ne suffisent pas à invalider son choix.

[61] J’ajoute également que la prestataire aurait pu changer son choix pendant plusieurs semaines. Son opération était alors chose du passé, et elle aurait eu le temps de revoir sa demande.

[62] Si elle avait pris le temps de revoir sa demande, la prestataire aurait pu constater que l’option standard lui convenait mieux. Elle aurait alors pu communiquer avec la Commission pour demande de changer le type de prestations parentales qu’elle avait choisi. Elle aurait eu le temps de le faire avant de recevoir ses premières prestations parentales.

[63] Rien ne montre que la prestataire ait revu sa demande ou qu’elle ait pris connaissance des informations sur la différence entre les prestations parentales standards et prolongées. Rien ne corrobore sa prétention que le formulaire de demande serait trompeur ou qu’il prêterait à confusion. La prestataire n’avait simplement pas lu l’information portant sur les deux différents types de prestations parentales avant de soumettre son appel à la division générale.

[64] L’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Dès que des prestations parentales lui ont été versées, l’option prolongée choisie par la prestataire était un choix irrévocable.

Conclusion

[65] L’appel est accueilli. En choisissant les prestations parentales prolongées, la prestataire a fait un choix irrévocable.

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