Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

Aperçu

[2] E. A., l’appelant, réside au Québec. Il présente une demande pour recevoir des prestations de paternité et parentales. La province de Québec administre elle-même le régime d’assurance parentale, offert par le gouvernement fédéral dans le cadre du régime de l’assurance emploi.

[3] À partir du 10 décembre 2017, il reçoit pendant 3 semaines des prestations de paternité en vertu du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Par la suite, il reçoit pendant 25 semaines des prestations parentales toujours en vertu de ce régime.

[4] Dans le cadre du RQAP, l’appelant peut choisir de recevoir le régime de base et recevoir des prestations pendant 32 semaines à 70 % du revenu hebdomadaire. Sinon, il peut recevoir pendant 25 semaines des prestations établies à 75 %. Il peut également recevoir 3 semaines ou 5 semaines de prestations de paternité du régime de base pour un total de 35 semaines ou 28 semaines dépendant de son choix.

[5] L’appelant a choisi de recevoir des prestations pendant 25 semaines des prestations parentales et 3 semaines des prestations de paternité.

[6] Selon le Règlement de l’assurance emploi, l’appelant a reçu l’équivalent de 35 semaines de prestations sous le régime de l’assurance emploi, soit la période maximale.

[7] Par la suite, l’appelant présente une demande à la Commission pour recevoir des prestations d’assurance emploi pour maladie. Il reçoit du 24 juin 2018 au 6 octobre 2018 quinze (15) semaines des prestations d’assurance emploi pour maladie.

[8] L’appelant présente également deux demandes renouvelées de prestations d’assurance emploi pour proche aidant.

[9] La Commission refuse de verser des prestations d’assurance d’emploi pour proche aidant, parce que l’appelant a reçu le maximum de semaines de prestation, soit 50 semaines. La période de prestations ne peut pas être prolongée. Par conséquent, les demandes de prestations pour proche aidant sont refusées.

[10] Selon l’appelant, les 3 semaines de prestations de paternité reçues ne doivent pas être considérées comme des semaines de prestations parentales aux fins de l’assurance emploi. En effet, les prestations de paternité n’existent pas sous le régime de l’assurance emploi. Elles existent seulement au Québec.

[11] Selon la Commission, la période de prestations doit être établie à partir du 10 décembre 2017 et se terminer le 6 octobre 2018, date à laquelle l’appelant a reçu 50 semaines de prestations. Les 3 semaines de prestations de paternité doivent être incluses dans le calcul de la période de prestations, puisqu’il s’agit de prestations semblables à celles des prestations parentales.

Question préliminaire

[12] L’audience a eu lieu le 14 mars 2019. Lors de l’audience, la Commission n’était pas présente pour expliquer le détail des semaines de prestations versées à l’appelant. J’ai ajourné l’audience afin de demander à la Commission de fournir ces détails. Également, la division d’appel du Tribunal devait rendre une décision concernant une question en litige du même genre.

[13] En vertu de l’article 32 du Règlement de sur le Tribunal de la sécurité sociale, j’ai demandé à la Commission de spécifier les raisons pour lesquelles les prestations pour proche aidant ont été refusées.

[14] Le 20 mars 2019, la Commission a transmis les informations demandées ainsi qu’un argumentaire supplémentaire. Le 28 mars 2019, l’appelant a transmis un complément aux arguments de la Commission.

[15] L’audience a repris le 6 juin 2019. Seul était présent l’appelant. Les parties ont eu l’occasion de présenter des arguments supplémentaires.

Questions en litige

  1. Est-ce que les 3 semaines de prestations de paternité doivent être incluses dans le calcul de la période de prestations ?
  2. Est-ce que l’appelant a le droit de recevoir des prestations pour proche aidant concernant ses enfants ?
  3. Est-ce que l’appelant a le droit de recevoir des prestations pour proche concernant sa conjointe ?

Analyse

Question No. 1: est-ce que les 3 semaines de prestations de paternité doivent être incluses dans le calcul de la période de prestations ?

[16] Je retiens de la preuve au dossier et du témoignage de l’appelant que sa conjointe a donné naissance à un enfant. À partir du 10 décembre 2017, l’appelant reçoit trois semaines de congé de paternité. Par la suite, il reçoit 25 semaines de congé parental se terminant le 17 juin 2018.

[17] À partir du 24 juin 2018, l’appelant reçoit 15 semaines de prestations d’assurance emploi en raison d’une maladie.

[18] Il présente deux demandes pour proche aidant concernant ses enfants et sa conjointe. Les deux demandes sont refusées par la Commission, parce qu’il a terminé sa période de prestations.

[19] Selon la Commission, la demande de prestations à commencer le 10 décembre 2017 soit lorsqu’il a commencé à recevoir des prestations pour un congé de paternité.

[20] Selon l’appelant, la période de prestations devait être prolongée, parce que les 3 semaines de paternité ne doivent pas être prises en compte pour déterminer la période de prestations parce qu’elles n’ont pas leur équivalent dans le régime fédéral.

[21] Je comprends qu’il s’agit dans un premier temps de déterminer si les 3 semaines de prestations de paternité versées dans le cadre du RQAP doivent être prises en compte dans le calcul de la période de prestations du régime de l’assurance emploi.

[22] Selon l’appelant, si les 3 semaines ne sont pas prises en considération, alors la période de prestations est prolongée en vertu de l’alinéa 10 (13) de la Loi. Ainsi, l’appelant est admissible à des prestations pour proche aidant.

[23] Le gouvernement fédéral a mis sur pied un programme de congé de maternité et de congé parental pour les travailleurs qui contribuent au régime de l’assurance emploi. La province du Québec a soumis à la Cour d’appel du Québec des questions concernant la constitutionnalité de ce régime. En fait, la province de Québec prétendait qu’il s’agissait d’une compétence provinciale.

[24] La Cour suprême du Canada a déterminé dans le Renvoi relatif sur la Loi sur l’assurance emploiNote de bas page 1 que le régime était de compétence fédérale dans le cadre du régime de l’assurance emploi. Enfin, les prestations parentales, tout comme les prestations de maternité, ont comme caractère véritable de pourvoir au remplacement du revenu à l’occasion d’une interruption d’emploi due à la naissance ou à l’arrivée d’un enfant. Ce caractère véritable permet de conclure que le Parlement peut se fonder sur la compétence qui lui est conférée par le par. 91 (2A) de la Loi constitutionnelle de 1867. L’inclusion de ce type de prestations dans le régime d’assurance‑chômage constitue une extension nécessaire du régime, ce qui permet de respecter les droits à l’égalité des parents adoptifs et des parents naturels.

[25] Alors que le débat judiciaire n’était pas encore terminé, le gouvernement fédéral et le gouvernement de la province de Québec ont signé une entente le 21 mai 2004 visant la mise en œuvre du Régime québécois d’assurance parentale.

[26] Autrement dit, le gouvernement fédéral a transféré les sommes prévues pour le régime de prestations de maternité et parentales à la province de Québec. En contrepartie, le Québec a établi son propre régime et les prestataires, en vertu RQAP, ne devraient pas recevoir des prestations d’assurance emploi pour la même période et les mêmes fins que celles prévues au régime québécoisNote de bas page 2.

[27] Plus spécifiquement, l’article 76.19 du Règlement de l’assurance emploi prévoit :

76.19 (1) Sous réserve du paragraphe (2), les prestations provinciales versées au prestataire pour une semaine au cours d’une période de prestations sont considérées comme des prestations versées pour une semaine sous le régime de la Loi dans le cas où celui-ci aurait été en droit de recevoir des prestations du même genre en vertu de la Loi, et toute semaine pour laquelle il reçoit des prestations provinciales est prise en compte dans le calcul :

a) du nombre maximal total de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées au cours d’une période de prestations en vertu des alinéas 12 (3) a) et b) de la Loi ;

b) du nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées pour l’application du paragraphe 12 (4) de la Loi.

(1.1) Une période de prestations est réputée établie au moment où la période de prestations a été établie en vertu de la loi provinciale et elle est réputée avoir débuté la même semaine que celle établie en vertu de la loi provinciale dans le cas où le prestataire aurait été en droit de recevoir des prestations du même genre en vertu de la Loi pour la même période.

[28] La division d’appel du Tribunal dans la cause E.O.Note de bas page 3 a déterminé que :

« Le sens ordinaire et grammatical des mots “du même genre” que l’on retrouve à l’article 76.19 du Règlement sur l’AE, signifie “qui a des traits communs” ou “qui exprime de la ressemblance” .3

Le Tribunal est d’avis que l’examen des termes “du même genre” replacés dans leur contexte global, et en tenant compte de l’esprit et l’objet de la Loi sur l’AE, supporte la conclusion que les prestations de paternité de la RQAP sont des prestations du même genre que les prestations d’assurance-emploi au sens de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE. »

[29] Cependant, lorsque la division d’appel a rendu sa décision, il n’a pas été soumis au Tribunal les débats à la Chambre des Communes lors de l’adoption par le gouvernement du Canada de nouvelles mesures.

[30] L’appelant a cité deux extraits des débats de la Chambre des Communes pour démontrer que les prestations de paternité ne sont pas du même genre, puisqu’elle n’existait pas au fédéral avant l’adoption de la Loi d’exécution du budget mettant en œuvre la nouvelle prestation parentale partagée de l’assurance emploi. Ainsi, « ces nouvelles prestations donneraient plus de souplesse aux parents leur accordant cinq semaines supplémentaires de prestations, s’ils acceptent tous les deux de partager le congé parenté. Ce modèle de style à prendre ou à laisser est déjà offert aux parents au Québec »Note de bas page 4.

[31] Par conséquent, avec les modifications à la Loi de l’assurance emploi, les parents ont cinq semaines de plus avec le régime régulier ou 3 semaines avec le régime accéléré.

[32] Autrement dit, le régime de l’assurance emploi prévoit un régime semblable à celui du Québec concernant les prestations parentales, mais seulement depuis l’adoption des nouvelles mesures.

[33] Je suis d’avis qu’avant les modifications à la Loi sur l’assurance emploi de 2018, les deux régimes n’étaient pas semblables lorsque l’appelant a demandé des prestations de paternité. En effet, si les deux régimes avaient été semblables, il n’y aurait pas eu de modifications de la Loi.

[34] Selon Le Petit LarousseNote de bas page 5, le mot « même » signifie comme une marque de similitude, l’identité totale. Le mot « genre » signifie comme étant une division fondée sur un ou plusieurs caractères communs. Le « même genre » signifie, selon moi, que l’identité totale est définie selon un ou plusieurs caractères communs.

[35] Dans cette perspective, les 5 semaines ou 3 semaines (selon le mode accéléré) offertes par le régime québécois ne sont pas identiques au régime fédéral. En fait, elle ne trouve pas leur équivalent dans le régime fédéral. D’ailleurs, le fédéral a modelé son régime à celui du Québec. S’ils avaient été identiques, il n’y aurait pas eu de changements.

[36] J’estime donc que les 3 semaines de prestations de paternité de l’appelant ne doivent pas être incluses dans la période de prestations. Ainsi, la période de prestations débute le 31 décembre 2017.

Question No. 2: est-ce que l’appelant a le droit de recevoir des prestations pour de proche aidant pour ses enfants ?

[37] Le paragraphe 23.2 (1) de la Loi permet à un prestataire de prendre soin d’un enfant gravement malade.

[38] Le paragraphe 1 (6) du Règlement sur l’assurance emploi (Règlement) définit ce qu’est un enfant gravement malade : « Personne âgée de moins dix-huit ans au commencement de la période visée aux paragraphes 23.2 (1) ou 152.062 (3) de la Loi, dont l’état de santé habituel a subi un changement important et dont la vie se trouve en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure. (critically ill adult) »

[39] Afin de recevoir des prestations, un certificat doit attester que le membre de la famille est gravement malade et qu’il requiert des soins pendant une période précise.

[40] La Commission soutient que l’appelant n’avait pas le droit de recevoir des prestations d’assurance emploi parce que la période de prestations était terminée le 6 octobre 2018 et que la demande a été faite le 28 novembre 2018. Également, parce que la demande ne répondait pas aux exigences du règlement de l’assurance emploi.

[41] Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas démontré que la vie de ses enfants se trouve en danger en raison d’une maladie ou une blessure, et ce, bien que leur état de santé habituel a subi un changement important et que leur vie se trouve en danger.

[42] Le certificat médical produit n’atteste pas que la vie des enfants de l’appelant se trouve en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure. Ainsi, le 25 novembre 2018, la médecin Roxanne Campbell a répondu « non » à la question « La vie des patients est en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure ».

[43] Le Tribunal retient que la définition prévue au paragraphe 1 (6) du Règlement est claire : la vie des patients doit être en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure. Or, le Tribunal ne peut pas conclure indirectement ce qu’il ne peut pas conclure directement de la preuve soumise par l’appelant. Ainsi, la preuve n’a pas été faite que la vie des enfants de l’appelant est en danger.

[44] Le Tribunal comprend que les règles sont strictes et que l’appelant trouve sévère le résultat. Cependant, il n’appartient pas au Tribunal de réécrire la Loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sensNote de bas page 6.

[45] Je suis d’avis que l’appelant n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance emploi pour proches aidant concernant ses enfants, parce qu’il n’a pas démontré que la vie de ces derniers était en danger.

Question No. 3: est-ce que l’appelant est admissible à recevoir des prestations pour proches aidant concernant sa conjointe ?

[46] Le paragraphe 23. (3) de la Loi permet à un prestataire de prendre soin d’un membre adulte de sa famille gravement malade.

[47] Afin de recevoir des prestations, un certificat doit attester que le membre de la famille est gravement malade et qu’il requiert des soins pendant une période précise.

[48] Le paragraphe 1 (7) du Règlement définit ce qu’est un adulte gravement malade : « Personne âgée d’au moins dix-huit ans au commencement de la période visée aux paragraphes 23.3 (3) ou 152.062 (3) de la Loi, dont l’état de santé habituel a subi un changement important et dont la vie se trouve en danger en raison d’une maladie ou d’une blessure. (critically ill adult) »

[49] Le 27 décembre 2018, l’appelant présente une demande pour recevoir des prestations pour proche aidant. À l’appui de sa demande, il produit à la Commission un certificat médical attestant que la vie de sa conjointe est en danger et qu’elle requiert des soins. Le médecin a constaté le 20 décembre 2018 que la conjointe de l’appelant souffre d’une dépression majeure.

[50] Je constate que la Commission ne s’est pas prononcée sur la validité du certificat médical. Elle a refusé la demande de prestations, parce que la période de prestations était terminée depuis le 6 octobre 2019.

[51] Selon la Commission, la période de prestations s’est terminée le 6 octobre 2018. Ainsi, la période de prestations a commencé le 10 décembre 2017. L’appelant a reçu 3 semaines de prestations de paternité et 25 semaines de prestations parentales dans le cadre du régime accéléré du RCPQ. Les 28 semaines correspondent à 35 semaines de prestations d’assurance emploi pour le congé parental. Il s’agit du nombre maximal de semaines que l’appelant peut recevoir de prestations. Par la suite, l’appelant a présenté une demande pour recevoir des prestations d’assurance emploi pour maladie. Il a reçu 15 semaines de prestations, soit le maximum de semaines.

[52] Toujours selon la Commission, lorsqu’il présente une demande le 27 décembre 2018 pour recevoir des prestations de proche aidant, il n’est plus admissible puisque la période de prestations s’est terminée le 6 octobre 2018. Selon le paragraphe 12 (5) de la Loi, le nombre de semaines maximales est de 50 semaines, puisque l’appelant a reçu 35 semaines de prestations parentales et 15 semaines de prestations de maladie.

[53] Selon l’appelant, les 3 premières semaines ne doivent pas être prises en compte dans le calcul de la période de prestations. Ainsi, la période de prestations a commencé le 31 décembre 2017. L’appelant a reçu 25 semaines de prestations parentales ce qui correspond à 32 semaines de prestations pour l’assurance emploi et 15 semaines de prestations d’assurance emploi pour maladie. Autrement dit, l’appelant a reçu 47 semaines de prestations pendant la période de prestations. Il n’a donc pas terminé sa période de prestations lorsqu’il présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance emploi pour proche aidant. La demande pour recevoir des prestations est donc faite pendant la période de prestation et elle doit être prolongée selon le paragraphe 10 (3) de la Loi.

[54] Je suis d’avis qu’effectivement la demande pour recevoir des prestations d’assurance pour proche aidant est présentée pendant la période de prestations. L’appelant est donc admissible à recevoir des prestations s’il démontre que la vie de sa conjointe est en danger et qu’elle nécessite des soins, et ce, conformément au paragraphe 1 (7) du Règlement.

Conclusion

[55] Je conclus que les 3 semaines de prestations de paternité ne constituent pas des prestations d’assurance emploi au sens de l’article 79.16 du Règlement.

[56] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à recevoir des prestations pour proche aidant, parce qu’il n’a pas démontré que la vie de ses enfants était en danger.

[57] Je conclus que l’appelant est admissible à recevoir des prestations pour proche aidant concernant sa conjointe, puisque la demande a été présentée pendant la période de prestation. La Commission devra établir si la preuve médicale permet à l’appelant de démontrer que la vie de sa conjointe est en danger.

[58] L’appel est accueilli en partie.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.