Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 564

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. L.
Représentante ou
représentant :
V. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (421073) datée
du 15 avril 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 16 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-838

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec D. L., le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi. Les 480 heures supplémentaires ne peuvent pas être appliquées à sa demande actuelle parce qu’elles ont été appliquées à une demande antérieure.

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi le 13 février 2021, mais la Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu qu’il n’a pas travaillé assez d’heures pour y être admissibleFootnote 1.

[4] Je dois décider si le prestataire a travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[5] En septembre 2020, le Parlement a apporté des modifications à la loi pour aider les parties prestataires à recevoir des prestations. Ces modifications comprenaient l’ajout d’heures d’emploi assurable à la période de référence des parties prestataires qui ont présenté une demande initiale de prestations le 27 septembre 2020 ou après cette date. Lorsque le prestataire a demandé des prestations le 28 septembre 2020, la Commission a automatiquement appliqué ces heures supplémentaires à la période de référence du prestataire.

[6] La Commission affirme que le prestataire n’a pas accumulé assez d’heures pour la demande qu’il a présentée le 13 février 2021. En effet, il a besoin de 600 heures pour être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi, soit des prestations spéciales. Cependant, il en a seulement 216. La Commission précise qu’il ne peut pas utiliser les 480 heures supplémentaires parce que celles-ci ont été appliquées à la demande qu’il a faite le 27 septembre 2020.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’on lui a dit qu’il avait besoin de 120 heures pour être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi. Après s’être vu refuser ses prestations d’assurance-emploi, il a découvert que la Commission avait augmenté ses heures dans le cadre de la demande du 27 septembre 2020, alors qu’il en avait suffisamment pour être admissible aux prestations. La Commission a appliqué les heures supplémentaires à l’insu du prestataire et sans sa permission. Le prestataire soutient qu’il devrait être capable d’utiliser les heures supplémentaires dans sa demande du 13 février 2021 puisqu’il a besoin de ces heures pour être admissible aux prestations.

Question que je dois examiner en premier

La Commission a commis une erreur d’écriture

[8] La Commission a affirmé avoir commis une erreur d’écriture lorsqu’elle a communiqué sa lettre de décision initiale. Dans cette lettre, la Commission a écrit que le prestataire avait accumulé 226 heures au cours de sa période de référence, alors qu’elle aurait dû écrire qu’il en avait accumulé 216.

[9] Une erreur qui ne cause aucun préjudice n’est pas fatale pour la décision examinée en appelFootnote 2. Je conclus donc que l’erreur de la Commission ne porte aucun préjudice au prestataire, car elle ne l’a pas empêché de demander la révision de la décision initiale de la Commission ni de faire appel de la décision subséquente.

Question en litige

[10] Le prestataire a-t-il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi?

Analyse

Admissibilité aux prestations

[11] Seulement certaines personnes qui cessent de travailler peuvent recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il faut prouver qu’on y est admissibleFootnote 3. Le prestataire doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est admissible aux prestations.

[12] Pour être admissible, la personne doit avoir travaillé assez d’heures durant une période donnée. Ce délai s’appelle la « période de référenceFootnote 4 ».

[13] Le nombre d’heures dépend du taux régional de chômage applicable au moment où la personne demande des prestations régulières d’assurance-emploiFootnote 5.

[14] Si la personne demande des prestations spéciales, comme les prestations de maladie de l’assurance-emploi, elle doit avoir accumulé 600 heures au cours de sa période de référenceFootnote 6. Dans le cas présent, le prestataire a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Il devait donc avoir travaillé 600 heures durant sa période de référence.

[15] En septembre 2020, le Parlement a ajouté des mesures temporaires à la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) pour faciliter l’accès aux prestations d’assurance-emploi. La loi prévoit maintenant que toute personne qui présente une demande initiale de prestations spéciales le 27 septembre 2020 ou après cette date est réputée avoir 480 heures supplémentaires dans sa période de référenceFootnote 7. Cette augmentation d’heures ne peut être utilisée qu’une seule foisFootnote 8.

Période de référence du prestataire

[16] Comme je l’ai mentionné précédemment, les heures qui sont calculées sont les heures travaillées par le prestataire pendant sa période de référence. En général, la période de référence correspond aux 52 semaines qui précèdent le début de la période de prestations d’une partie prestataire. Toutefois, si une demande de prestations d’assurance-emploi commence au cours des 52 semaines, la période de référence est réduite à la période allant du premier jour de cette demande de prestations d’assurance-emploi jusqu’à la veille de la demande actuelleFootnote 9.

[17] La Commission a conclu que la période de référence du prestataire était plus courte que les 52 semaines habituelles, parce que le prestataire avait une demande qui commençait le 27 septembre 2020.

[18] La période de référence actuelle d’une personne ne peut pas chevaucher une période de référence antérieure. La période de référence du prestataire chevaucherait sa période de référence antérieure si elle remontait à une date avant le 27 septembre 2020. Cela signifie que même si le prestataire était malade et incapable de travailler du 27 septembre 2020 au 3 janvier 2021, la période de référence du prestataire ne peut être prolongée avant le 27 septembre 2020, car les heures qu’il a travaillées avant cette date ont été utilisées dans le cadre de sa première demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[19] Par conséquent, la Commission a conclu que la période de référence du prestataire était d’une durée de 20 semaines et qu’elle s’étendait du 27 septembre 2020 au 13 février 2021.

[20] Rien ne me permet de douter de la décision de la Commission. J’admets donc que la période de référence du prestataire était du 27 septembre 2020 au 13 février 2021.

Heures travaillées par le prestataire

[21] La Commission a conclu que le prestataire avait travaillé 216 heures au cours de sa période de référence.

[22] Le prestataire ne conteste pas ce qui précède, et rien ne me porte à remettre cela en question. Je l’accepte donc comme un fait.

Le prestataire a-t-il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi?

[23] Non, le prestataire n’a pas travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi parce qu’il avait besoin de 600 heures. Cependant, il a seulement accumulé 216 heures durant sa période de référence.

[24] Le prestataire a déclaré qu’il a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi le 28 septembre 2020. Au moment de faire sa demande, il avait accumulé 1 993 heures. Il a reçu 14 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi jusqu’au 2 janvier 2021. Il a repris le travail du 4 janvier 2021 au 9 février 2020. Il a alors cessé de travailler pour cause de maladie.

[25] Le prestataire a déclaré qu’il avait reçu une semaine de prestations de maladie de l’assurance-emploi en février 2021. Il s’agissait de la dernière semaine de prestations de maladie de l’assurance-emploi dans le cadre de sa demande du 27 septembre 2020. Le prestataire a dit que plusieurs responsables de Service Canada lui ont expliqué qu’il devait accumuler 120 heures pour être admissible à nouveau aux prestations d’assurance-emploi. Il n’a pas découvert que la Commission avait appliqué les 480 heures supplémentaires à sa période de référence de septembre 2020 jusqu’à ce qu’on lui dise qu’il n’avait pas assez d’heures pour être admissible aux prestations dans le cadre de sa demande de février 2021.

[26] La représentante du prestataire a soutenu que le règlement sur l’assurance‑emploi qui a été rendu public en raison des demandes de prestations liées à la COVID‑19 prévoyait une augmentation du nombre d’heures pour les personnes qui n’étaient pas admissibles aux prestations d’assurance-emploi. La Commission a appliqué les heures supplémentaires à la période de référence de septembre 2020 du prestataire, alors qu’elles n’étaient pas nécessaires pour établir sa demande. Le prestataire avait accumulé 1 993 heures en septembre 2020, ce qui était plus que suffisant pour établir une demande. Aucune partie prestataire n’a eu le choix d’appliquer ou non les heures supplémentaires. Celles-ci ont plutôt été appliquées automatiquement.

[27] La représentante du prestataire a souligné que le fait que Service Canada ait répété au prestataire qu’il avait besoin de 120 heures et que personne n’avait vérifié si les 480 heures avaient été appliquées n’avait aucun sens. Comme la représentante du prestataire l’a précisé et la Commission l’a cité à la page GD4‑4 du dossier d’appel, l’article 153.17(2) de la Loi prévoit que les heures supplémentaires n’auraient jamais dû être appliquées à la demande de septembre 2020 du prestataire.

[28] La représentante du prestataire a fait valoir qu’étant donné que les dispositions entourant les heures supplémentaires sont nouvelles, il n’y a rien dans la jurisprudence qui précise que les heures supplémentaires ne peuvent pas être appliquées de la façon dont le prestataire le souhaite. Il n’est pas clairement indiqué que la loi exigeait une augmentation d’heures automatique.

[29] Le prestataire a soutenu qu’aucune information sur les modifications législatives n’a été rendue publique. Le grand public ne comprend pas ces changements. On a dit au prestataire qu’il avait besoin de 120 heures. Celui-ci estime qu’on lui a menti et tendu un piège. Il a été offensé lorsque les responsables de Service Canada lui ont dit [traduction] « C’est comme ça ».

[30] La Commission affirme que le prestataire avait besoin de 600 heures pour être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi, soit des prestations spéciales. Elle soutient que les mesures temporaires qui sont entrées en vigueur le 27 septembre 2020 prévoyaient qu’une partie prestataire ayant établi une demande à cette date ou après cette date recevrait un crédit d’heures unique. Le crédit d’heures lié aux prestations spéciales était de 480 heures, dont 300 heures liées à tout autre type de prestations. Dans le cas présent, la Commission affirme qu’en raison des mesures temporaires, elle a dû appliquer le crédit d’heures unique à la demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi que le prestataire a présentée le 28 septembre 2020. La Commission soutient que les mesures temporaires empêchent que le crédit d’heures unique soit retiré de la demande du 20 septembre 2020 afin d’être utilisé dans le cadre d’une demande subséquente au choix du prestataireFootnote 10.

[31] Je reconnais que le prestataire soutient qu’il a parlé avec les responsables de Service Canada qui lui ont fourni des renseignements inexacts. Même si cela peut être vrai, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il est clair que les responsables de la Commission [traduction] « n’ont pas le pouvoir de modifier la loi », alors toute interprétation qu’elles ou ils font de la loi n’a pas en soi [traduction] « force de loi ». La Cour a aussi affirmé que tout engagement pris par les représentantes et représentants de la Commission, [traduction] « qu’ils soient pris de bonne ou de mauvaise foi, d’agir de toute autre façon que ce qui est » écrit dans la loi serait [traduction] « nul ». Cela signifie que même si le prestataire a reçu de l’information erronée des responsables de la Commission, ce qui est important est ce qui est écrit dans la Loi, et si le prestataire s’est conformé à ces dispositions.

[32] J’accepte l’argument du prestataire selon lequel les heures supplémentaires n’auraient pas dû être appliquées à la demande de septembre 2020 puisqu’il était admissible aux prestations. Je reconnais aussi que les heures supplémentaires ont été appliquées à cette demande à l’insu du prestataire et sans son consentement. Toutefois, la loi ne prévoit aucun mécanisme permettant à une partie prestataire ou à la Commission d’annuler l’application des heures supplémentaires si la partie prestataire est capable d’être admissible aux prestations sans elles. La loi ne considère que si la partie prestataire a fait une demande initiale de prestations le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[33] J’accepte l’argument du prestataire selon lequel il serait avantageux pour lui de choisir le moment où appliquer ces heures supplémentaires, mais la loi ne permet tout simplement aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard. La loi précise clairement qu’une partie prestataire est réputée avoir des heures supplémentaires si elle présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 27 septembre 2020 ou après cette date. Cela signifie que la Commission a appliqué les 480 heures supplémentaires aux 1 933 heures du prestataire qui ont été utilisées pour établir la demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi qu’il a présentée le 27 septembre 2020.

[34] Comme mentionné précédemment, lorsque les heures sont utilisées pour établir une demande de prestations d’assurance-emploi, elles ne peuvent pas être réutilisées dans le cadre d’une nouvelle demande. Les mesures temporaires précisent aussi qu’une partie prestataire dont les heures supplémentaires ont déjà été appliquées ne peut pas obtenir d’autres heures supplémentairesFootnote 11. Autrement dit, comme les heures supplémentaires ont été appliquées à la demande de septembre 2020, le prestataire ne peut pas obtenir des heures supplémentaires pour sa demande de février 2021. Par conséquent, j’estime que le prestataire a accumulé 216 heures au cours de sa période de référence, alors qu’il en avait besoin de 600 pour établir sa demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi. Je conclus donc que le prestataire n’a pas assez d’heures pour être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[35] La disposition déterminative a pour but d’augmenter le nombre d’heures durant la période de référence d’une partie prestataire si celle-ci a présenté sa première demande de prestations d’assurance-emploi le 27 septembre 2020 ou après cette date. La loi ne permet pas au prestataire d’annuler l’application des heures supplémentaires ni de révoquer leur application dans le cadre d’une demande antérieure. Le prestataire peut penser qu’il s’agit d’une conclusion injuste, mais il n’y a aucun fondement juridique sur lequel je peux me fonder pour apporter la modification qu’il demande. Je n’ai pas la capacité de réécrire la loi ni de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireFootnote 12.

Conclusion

[36] Le prestataire n’a pas assez d’heures pour être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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