Assurance-emploi (AE)

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Citation : CM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 563

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (427354) datée du 13 juillet 2021 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 septembre 2021
Personne présente à l’audience : C. M.

Date de la décision : Le 8 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1350

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 13 mai 2021. Elle est admissible à recevoir des prestations pendant cette période.

Aperçu

[3] Le 31 mai 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que l’appelante est inadmissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi du 5 octobre 2020 au 13 mai 2021 parce qu’elle suivait une formation de sa propre initiative et qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[4] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, l’appelante doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que l’appelante doit être à la recherche d’un emploi.

[5] L’appelante affirme que ces prestations lui ont permis de survivre pendant la pandémie. Elle explique avoir cessé d’occupé son emploi à temps partiel en raison de la pandémie, puis que son poste a été aboli.

[6] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible pour travailler entre le 5 octobre 2020 et le 13 mai 2021 parce qu’elle n’était disponible pour travailler qu’à temps partiel et qu’elle imposait des restrictions à son horaire de travail pour se consacrer à sa formation.

[7] Je dois déterminer si l’appelante était disponible pour travailler au sens de la Loi entre le 5 octobre 2020 et le 13 mai 2021 et si elle peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant cette période. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

Question en litige

[8] L’appelante était-elle disponible pour travailler entre le 5 octobre 2020 et le 13 mai 2021 ?

Analyse

[9] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenable.Note de bas de page 1 La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire, l’appelante, doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sens.Note de bas de page 2

[10] Je vais examiner ces éléments pour décider si l’appelante est disponible pour travailler.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[11] La jurisprudence établit trois éléments à examiner pour déterminer si un prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 3  :

  • montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  • faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • démontrer l’absence de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire qui limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[12] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelante.Note de bas de page 4

Vouloir retourner travailler

[13] Les faits démontrent que l’appelante suit une formation en technique sociale au Cégep du Vieux Montréal depuis l’automne 2018. Elle a déclaré qu’elle était disponible pour travailler à temps partiel.

[14] Lors de l’audience, elle a expliqué avoir été mise à pied par son employeur, Air Transat, en raison de la pandémie et que même si elle voulait réintégrer son emploi chez son employeur pendant une certaine période, l’employeur l’a rapidement avisé qu’elle ne reviendrait pas à l’emploi parce que le département pour lequel elle travaillait avait été fermé. Elle a précisé avoir fait des démarches auprès de son employeur pour obtenir différents postes dans d’autres départements et que son nom se trouve sur des listes d’attentes.

[15] L’appelante affirme également avoir évalué les emplois disponibles de façon quotidienne sur le site d’emplois du gouvernement du Canada. Elle a indiqué qu’elle a obtenu un contrat de travail après avoir réalisé un stage de formation au X. Elle a obtenu un contrat de travail d’une durée de trois mois à compter du 31 mai 2021.

[16] La Commission affirme que l’appelante n’était disponible pour travailler qu’à temps partiel durant ses études.

[17] Je retiens des explications de l’appelante qu’elle avait l’intention de réintégrer son emploi dès que son employeur la rappellerait. Puisque son poste a été aboli, elle a fait des démarches pour occuper un autre poste chez Air Transat. Elle avait l’intention de continuer à travailler.

[18] L’appelante a démontré un désir de vouloir retourner travailler, en ce sens, je dois maintenant déterminer si elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[19] L’appelante a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 5

[20] La décision rendue par la Commission s’en tient à la non-disponibilité de l’appelante en raison de la formation qu’elle suit à temps plein.

[21] La Commission affirme que l’appelante était disponible pour travailler uniquement à temps partiel en raison de sa formation; un jour de la semaine et la fin de semaine, en fonction de son horaire de cours. Elle mentionne que l’appelante restreint sa disponibilité, mais elle ne présente aucun argument sur les démarches d’emplois réalisées pour se trouver un emploi convenable.

[22] L’appelante a déclaré qu’elle aurait aimé conserver son emploi qui lui permettait de subsister à ses besoins et à ceux de sa fille tout en poursuivant ses études. Lorsque l’employeur l’a avisé que son poste était aboli, elle a fait des démarches auprès de son employeur pour obtenir différents postes dans d’autres départements et elle s’est assuré que son nom soit présent sur différentes listes d’attentes.

[23] L’appelante a également amorcé d’autres démarches d’emploi en évaluant les emplois disponibles. Cependant, elle a expliqué qu'en raison de la pandémie, les emplois étaient limités.

[24] Les faits démontrent que du 5 octobre 2020 au le 23 mai 2021, l’appelante suivait une formation à temps plein. Si elle a d’abord attendu d’être rappelée par son employeur pour lequel elle travaillait, en temps normal, à raison de trois jours par semaine (un jour de la semaine et la fin de semaine), dès que l’employeur l’a avisé que son poste était aboli, elle a multiplié les démarches pour obtenir un poste dans un autre département.

[25] Les efforts mis doivent avoir comme objectif d’occuper un emploi convenable dès qu’il est offert. Dans ce cas, l’appelante a concentré ses efforts pour présenter sa candidature afin de pouvoir occuper un poste dans un autre département chez Air Transat, mais elle a également amorcé des démarches d’emploi pour évaluer les emplois disponibles.

[26] Étant donné les faits présentés, je conclus que l’appelante a fait certains efforts pour se trouver un emploi convenable. Je vais évaluer si l’appelante présente des conditions personnelles qui limitent indûment ses chances de se trouver un emploi convenable.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[27] La Commission fait valoir que l’appelante n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité alors qu’elle suit un cours de formation à temps plein et qu’elle restreint sa disponibilité pour travailler en fonction de son horaire de cours.

[28] La Commission soutient qu’aucune circonstance exceptionnelle ne permet de réfuter la présomption de non-disponibilité.

[29] L’appelante a déclaré qu’elle suivait une formation à temps plein.

[30] Je présume que la formation à laquelle est inscrite l’appelante la rend non disponible pour travailler au sens de la Loi.

[31] Cette présomption de non-disponibilité peut être renversée en fonction de quatre principes se rapportant spécifiquement aux cas de retour aux études.Note de bas de page 6

[32] Ces principes sont les suivantsNote de bas de page 7 :

  • Les exigences de présence au cours ;
  • Le consentement du prestataire à abandonner ses études pour accepter un emploi;
  • Le fait que le prestataire ait déjà travaillé dans le passé à des heures irrégulières;
  • L’existence de « circonstances exceptionnelles » qui permettraient au prestataire de travailler tout en suivant son cours.

[33] Le 1er juin 2021, l’appelante a déclaré à la Commission qu’elle étudiait à temps plein pendant la session d’automne qui s’échelonnait du 27 août 2020 au 15 décembre 2020 et pendant la session d’hiver du 27 janvier 2021 au 23 mai 2021. Pendant la session d’hiver, l’appelante consacrait environ 25 à 28 heures, soit 4 jours/semaine à un stage ainsi que 3 heures à un cours par semaine. Elle a alors déclaré qu’elle était disponible pour travailler à temps partiel.

[34] Comme la Commission l’affirme : un prestataire qui suit un cours de formation sans être dirigé par une autorité désignée doit prouver qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de se trouver un emploi convenable. Le prestataire doit satisfaire aux exigences relatives à la disponibilité au même titre que tout autre prestataire qui souhaite obtenir des prestations ordinaires.

[35] Le fait d’attendre que son employeur le rappelle est une condition qui limite indûment un prestataire à se trouver un emploi convenable puisqu’il peut limiter la possibilité de retourner travailler dès qu’un emploi lui est offert.

[36] Dans ce cas-ci, l’employeur a rapidement avisé l’appelante que le département pour lequel elle travaillait serait fermé et qu’elle ne pourrait réintégrer son emploi. L’appelante a alors amorcé des démarches pour occuper un emploi dans un autre département.

[37] Bien qu’elle était disponible pour travailler à temps partiel, je suis d’avis que l’appelante a réfuté la présomption de non-disponibilité pendant qu’elle était aux études étant donné la présence de circonstances exceptionnelles.

[38] Comme elle l’a expliqué lors de l’audience, elle a été mise à pied en raison de la pandémie du Covid-19. Et, si ce n’était pas de la pandémie, elle n’aurait pas cessé d’occuper son emploi à ce moment. Elle aurait donc continué à travailler un jour par semaine ainsi que la fin de semaine chez Air Transat, emploi qu’elle occupait depuis 2015.

[39] En plus de la situation reliée à la pandémie, l’employeur a fermé le département pour lequel elle travaillait et elle n’a pu réintégrer son emploi une fois que la pandémie le permettait.

[40] L’appelante a expliqué qu’elle travaille depuis l’âge de 14 ans et qu’elle n’a jamais eu recours à l’assurance-emploi avant la pandémie. Elle a indiqué que, d’une manière ou d’une autre, elle a toujours travaillé à temps partiel en même temps qu’elle étudiait. Depuis l’âge de 14 ans, l’appelante combine le travail et les études afin de subvenir à ses besoins.

[41] Elle a également expliqué avoir vécu de la violence conjugale pendant cette période et que le fait de recevoir des prestations d’assurance-emploi est une aide importante qui lui a permis de survivre pendant la pandémie.

[42] Elle a précisé que puisqu’elle est mère monoparentale, il lui était difficile de trouver un emploi à temps plein pendant sa formation, mais qu’elle recherchait activement un emploi lui offrant le même genre d’horaire qu’elle avait chez Air Transat. C’est pourquoi elle a multiplié les démarches pour conserver un emploi chez cet employeur puisqu’il lui permettait de travailler tout en étudiant.

[43] Malgré l’abolition de son poste, elle a entrepris des démarches pour faire partie de listes de rappel chez son employeur actuel pour travailler dans d’autres départements et elle a régulièrement évalué les emplois disponibles sur les sites d’emplois.

[44] Je suis d’avis que l’existence de « circonstances exceptionnelles » permet à l’appelante de travailler tout en suivant sa formation.

[45] Les seuls antécédents qui peuvent être considérés pour établir une période de prestations ne sont pas les heures d’emploi assurables cumulées alors qu’un prestataire travaille à temps plein. Et, les antécédents d’emploi ne sont pas le seul fondement sur lequel la présomption de disponibilité peut être réfutée.Note de bas de page 8 En effet, la présomption de non-disponibilité peut être réfutée par une preuve de circonstances exceptionnelles.Note de bas de page 9

[46] Ainsi, les circonstances exceptionnelles peuvent être associées à des antécédents d’emploi à temps partiel. L’appelante étudie et travaille à temps partiel depuis l’âge de 14 ans, soit depuis 2013. Et, n’eût été la pandémie reliée au Covid-19, elle aurait continué à travailler à temps partiel pendant sa formation. Malheureusement, pendant la pandémie, l’employeur a remanié les départements et l’appelante a perdu son emploi.

[47] L’appelante poursuit une formation à temps plein, mais elle a réussi à renverser la présomption selon laquelle une personne suivant un cours de formation à temps plein, de sa propre initiative, n’est pas disponible à travailler.Note de bas de page 10

[48] L’appelante suivait une formation à temps plein et les faits démontrent que des circonstances exceptionnelles permettent de conclure que, n’eût été la pandémie reliée au Covid-19, l’appelante aurait continué à travailler à temps partiel pour subsister à ses besoins et à ceux de son enfant et elle a démontré que, depuis de nombreuses années, elle travaille à temps partiel tout en étudiant à temps plein.

[49] Je conclus qu’aucune condition personnelle ne limitait indûment les chances de l’appelante de se trouver un emploi convenable entre le 5 octobre 2020 et le 13 mai 2021. L’appelante travaillait à temps partiel et elle a démontré, par son historique de travail, qu’elle était disponible pour travailler à temps partiel tout en étudiant à temps plein.

Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour le faire ?

[50] Je dois appliquer les critères permettant de déterminer si l’appelante était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si elle peut recevoir des prestations entre le 5 octobre 2020 et le 13 mai 2021.

[51] L’appelante a fait des efforts pour se trouver un emploi et elle a réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité même si elle suivait une formation à temps plein pendant cette période. Les conditions qui l’ont limitées à travailler sont dues à des circonstances externes, tel que la pandémie ou l’abolition de son poste, et elle ne présente pas de conditions personnelles qui limitent indûment sa disponibilité à travailler pendant cette période. Bien qu’elle cherchait un emploi à temps partiel, elle a tenté d’obtenir un emploi dans un autre département chez l’employeur qui avait aboli son poste et son historique de travail/études démontre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler pendant sa formation.

[52] La disponibilité est une question de faits et, pour les raisons mentionnées, je considère que la situation de l’appelante constitue une exception.Note de bas de page 11

[53] Pour cette raison et selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire.

Conclusion

[54] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la Loi entre le 5 octobre 2020 et le 13 mai 2021. C’est pourquoi je conclus qu’elle est admissible à recevoir des prestations pendant cette période.

[55] L’appel est accueilli.

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