Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c KN, 2021 TSS 613

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada c KN
Représentante ou représentant : Angèle Fricker
Partie intimée : K. N.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 mai 2021, GE-21-788

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentante de la partie appelante
Partie intimée

Date de la décision : Le 21 octobre 2021
Numéro de dossier : AD-21-202

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi l’option des prestations parentales prolongées. Son choix était irrévocable.

Aperçu

[2] L’appelante de la présente affaire, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, fait appel de la décision de la division générale. La division générale a décidé que l’intimée, K. N. (prestataire), avait choisi de recevoir les prestations parentales d’assurance-emploi standards même si elle avait sélectionné les prestations parentales prolongées dans sa demande et qu’elle avait demandé 61 semaines de prestations.

[3] La Commission fait valoir que la division générale a dépassé sa compétence en concluant [traduction] « qu’il [était] plus probable que l’appelante a choisi l’option des prestations parentales standardsNote de bas de page 1  ». La Commission soutient également que la division générale a fait des erreurs de droit et de fait. La Commission demande à la division d’appel d’accueillir l’appel et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre selon elle. La Commission fait valoir que la division générale aurait dû décider que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales prolongées et que son choix est irrévocable.

[4] La prestataire demande à la division d’appel de rejeter l’appel. Elle maintient qu’elle a fait une erreur de bonne foi lorsqu’elle a sélectionné les prestations parentales prolongées. Elle dit que plusieurs affaires du Tribunal de la sécurité sociale sont semblables à la sienne et que le Tribunal a permis aux prestataires de changer leur choix même après que des prestations ont été versées. Elle dit que le Tribunal devrait lui permettre aussi de changer son choix.

[5] Je dois déterminer si la division générale a commis des erreurs de droit ou des erreurs factuelles. J’estime que la division générale a ignoré plusieurs faits importants, et je dois donc aussi décider de la réparation appropriée. J’estime qu’il est approprié de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, c’est-à-dire que la prestataire a choisi les prestations parentales prolongées et que son choix était irrévocable.

Questions en litige

[6] La Commission relève les éléments suivants comme étant des questions en litige dans cet appel :

  1. (a) La division générale a-t-elle dépassé sa compétence en décidant quelle option la prestataire avait choisie dans sa demande et en décidant de la validité de ce choix?
  2. (b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en changeant effectivement le choix de la prestataire des prestations parentales prolongées aux prestations parentales standards après que des prestations lui ont déjà été versées?
  3. (c) La division générale a-t-elle commis une erreur factuelle lorsqu’elle a décidé que la prestataire avait choisi les prestations parentales standards?
  4. (d) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’exigeant pas que la prestataire remplisse ses obligations de connaître ses droits et privilèges au titre de la Loi sur l’assurance-emploi?

[7] Je vais concentrer mon attention sur la question de savoir si la division générale a fondé sa décision sur une erreur factuelle.

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si elles présentent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs factuellesNote de bas de page 2 . La division d’appel n’a pas le pouvoir de procéder à des réévaluations ou de tenir de nouvelles audiences.

Faits contextuels

[9] Le dernier jour de travail de la prestataire était le 4 décembre 2020. Le 10 décembre 2020, la prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance‑emploi.

[10] La prestataire s’attendait à être en congé pendant un an. Elle avait conclu une entente avec son employeur selon laquelle elle serait en congé pendant un an. Cependant, lorsqu’elle a rempli son formulaire de demande de prestations, elle n’a pas fourni de date précise de retour au travailNote de bas de page 3 . De même, le relevé d’emploi de l’employeur ne montre pas non plus de date prévue de rappel au travailNote de bas de page 4 .

[11] La prestataire a inscrit sur le formulaire de demande qu’elle voulait recevoir des prestations parentales immédiatement après les prestations de maternitéNote de bas de page 5 .

[12] Il existe deux types de prestations parentales :

  • Prestations parentales standards : le taux de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la personne jusqu’à concurrence d’un montant maximum. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent.
  • Prestations parentales prolongées : le taux de prestations est de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la personne jusqu’à concurrence d’un montant maximum. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent.

[13] Appelée à choisir le type de prestations parentales qu’elle demandait, la prestataire a coché l’option des prestations prolongées plutôt que l’option des prestations standards. Appelée à choisir le nombre de semaines qu’elle voulait, la prestataire a répondu qu’elle voulait toucher des prestations pendant 61 semainesNote de bas de page 6 .

[14] À l’audience de la division générale, la prestataire a expliqué qu’elle avait demandé 61 semaines de prestations parce que cette option lui semblait plus rapprochée de la période d’un an (52 semaines) que l’option des 35 semainesNote de bas de page 7 .

[15] Après avoir reçu son premier versement de prestations parentales au taux inférieur prolongé, la prestataire a immédiatement communiqué avec la Commission. Elle voulait changer de type de prestations parentales, soit passer des prestations prolongées aux prestations standards. Elle a expliqué qu’elle avait fait une erreur dans le formulaire de demande. La Commission a toutefois répondu que la prestataire ne pouvait pas changer d’option de prestations parentales parce qu’elle avait déjà commencé à lui verser ses prestations.

[16] La prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa position. Elle a confirmé avoir commis une erreur en sélectionnant les prestations parentales prolongées au lieu des prestations parentales standardsNote de bas de page 8 . La Commission a maintenu qu’elle ne pouvait pas convertir les prestations parentales prolongées en prestations standardsNote de bas de page 9 . La prestataire a fait appel devant la division générale.

[17] La division générale a établi que la prestataire était fatiguée et incapable de réfléchir clairement lorsqu’elle a rempli son formulaire de demande. La division générale a établi que la prestataire [traduction] « croyait réellement avoir sélectionné l’option des prestations standards qui correspondait à son congé de maternité d’une annéeNote de bas de page 10  ». La division générale a reconnu que la prestataire avait sélectionné l’option des prestations prolongées dans sa demande, mais a accepté l’explication de la prestataire selon laquelle cette option correspondait mieux au congé de 52 semaines qu’elle prévoyait prendre.

[18] La division générale a conclu que l’entente préexistante que la prestataire avec son employeur selon laquelle elle prendrait un congé d’un an [traduction] « appuie amplement et de façon crédible les déclarations de [la prestataire] […] concernant le type de prestations parentales qu’elle a vraisemblablement choisiNote de bas de page 11  ». La division générale a conclu qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante ait choisi l’option des prestations parentales standardsNote de bas de page 12 .

La division générale a-t-elle commis une erreur factuelle importante lorsqu’elle a décidé que la prestataire avait choisi les prestations parentales standards?

[19] La Commission fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire. La Commission soutient que la division générale a commis une erreur factuelle lorsqu’elle a conclu que [traduction] « la prestataire n’a pas fait le choix valide de recevoir des prestations parentales prolongées parce qu’elle ne savait pas qu’elle recevrait 15 semaines de prestations de maternité en plus du nombre demandé de semaines de prestations parentalesNote de bas de page 13  ».

[20] La division générale a établi que la prestataire ne comprenait pas que les prestations de maternité étaient un type de prestations distinct qui lui seraient versées pendant les 15 premières semaines de son congé de maternitéNote de bas de page 14 . La prestataire a demandé 61 semaines de prestations. Elle croyait que les 61 semaines correspondaient mieux à la période d’un an, soit la durée du congé qu’elle prévoyait prendre. Cela l’a poussée à choisir l’option prolongée dans son formulaire de demande.

[21] La Commission fait valoir que la preuve n’appuie pas les conclusions de la division générale. La Commission soutient qu’il est évident d’après la preuve que la prestataire savait ou aurait dû savoir 1) qu’il y a une différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales et 2) qu’elle recevrait 15 semaines de prestations de maternité en plus des prestations parentales.

[22] La Commission soutient que le formulaire de demande montre clairement qu’il existe une différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales. La Commission fait valoir que cette distinction est établie clairement à au moins deux endroits dans le formulaire :

  • On demande aux prestataires quel est le type de prestations voulu. Les prestations de maternité sont l’une des options. Le formulaire précise : « Cette option permet aussi de recevoir les prestations de maternité, suivies des prestations parentalesNote de bas de page 15  ». Les prestations parentales sont l’autre option.
  • Sous la rubrique [traduction] « Renseignements sur la maternité », on demande si les prestataires souhaitent recevoir des prestations parentales immédiatement après les prestations de maternité. Le formulaire permet aux prestataires de répondre soit [traduction] « Oui, je veux recevoir des prestations parentales immédiatement après mes prestations de maternité » ou « Non, je veux seulement recevoir jusqu’à 15 semaines de prestations de maternitéNote de bas de page 16  ».

[23] Le formulaire établit clairement qu’il existe une différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales, et que le versement des prestations parentales est effectué après la fin du versement des 15 semaines de prestations de maternité.

[24] Malgré cela, la prestataire n’a pas bien compris la question sur le nombre de semaines pendant lesquelles elle voulait recevoir des prestations. Même si la question figurait sous la rubrique [traduction] « Renseignements sur les prestations parentales », elle ne précisait pas qu’elle se rapportait uniquement aux prestations parentales. La prestataire a compris que la question portait sur le nombre total de semaines de prestations qu’elle pouvait recevoir sans faire de distinction entre les prestations de maternité et les prestations parentales.

[25] La conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire ne savait pas qu’elle recevrait 15 semaines de prestations de maternité illustrait bien la preuve de la prestataire qu’elle était confuse et avait fait une erreur. La prestataire n’a simplement pas tenu compte du fait qu’elle recevrait également 15 semaines de prestations de maternité. La prestataire a affirmé :

[traduction]
Je pense que j’étais confuse parce que je pensais, disons, un an, et j’ai comme calculé que c’était à partir du jour… il me semblait que 35 était trop peu parce que lorsque j’ai demandé une entente de congé avec mon employeur, j’ai inscrit, je pense, 52 semaines ou quelque chose du genre. Euh… à partir de la date où je… ça m’a un peu dérangé et j’ai pensé que c’était trop peu, et j’ai pensé que c’était peut-être du court terme, et donc j’ai cliqué sur l’option prolongée en pensant que c’était juste pour un an.

Et j’ai pensé que cette option standard était seulement une option à court terme, quelque chose que peut-être les gens demandent après trois ou quatre mois. Donc, ouais, je ne pensais simplement pas… Note de bas de page 17   

[26] Lorsque la division générale a demandé à la prestataire pourquoi elle avait choisi plus d’un an de prestations, la prestataire a affirmé :

[traduction]
Vraiment, je pense que c’est seulement une erreur.

Dans mon esprit, je voulais choisir un an et j’ai juste inscrit le mauvais choix. Je voulais choisir l’option standard, mais j’étais un peu confuse et j’ai choisi l’option prolongée. C’était une erreur. Et j’ai voulu la corriger immédiatement. Je suis désolée de m’en être aperçue seulement après avoir reçu le premier versement, mais je ne pouvais pas m’en apercevoir avant, car je n’ai pas vérifié le systèmeNote de bas de page 18 .

[27] Je juge que la division générale n’a pas commis une erreur factuelle quant à la question de savoir si la prestataire n’a pas compris que les prestations de maternité étaient différentes des prestations parentales et que les prestations de maternité couvriraient les 15 premières semaines du congé de maternité.

[28] La Commission peut trouver cela déraisonnable que la prestataire n’ait pas été au courant de cette différence, compte tenu de l’information contenue dans le formulaire de demande. Cependant, le caractère raisonnable de la compréhension de la prestataire est une question différente de celle de la preuve de la prestataire.

[29] La prestataire a affirmé qu’elle était confuse. C’était la preuve de la prestataire, et la division générale l’a exposée correctement.

[30] Cependant, la preuve de la prestataire présente une divergence importante.

Preuve contradictoire de la prestataire

[31] La prestataire a affirmé à l’audience de la division générale qu’elle était certaine d’avoir choisi l’option des prestations standards. Elle en était certaine jusqu’à ce qu’elle reçoive son premier versement de prestations parentales. C’est à ce moment qu’elle s’est aperçue qu’elle avait fait une erreurNote de bas de page 19 .

[32] La division générale a accepté [traduction] « le témoignage sincère de l’appelante selon lequel elle croyait avoir sélectionné l’option des prestations standards qui correspondait à son congé de maternité d’une annéeNote de bas de page 20  ». La division générale a écrit : [traduction] « Il s’agissait en fait de la seule option qui s’offrait à elle compte tenu de l’entente écrite préexistante qu’elle avait conclue avec son employeur avant la naissance de son enfantNote de bas de page 21  ».

[33] La prestataire a néanmoins aussi reconnu qu’elle avait cliqué sur l’option des prestations prolongées. Elle a expliqué avoir fait cela parce qu’elle pensait que c’était la seule option qui lui procurerait des prestations pendant un anNote de bas de page 22 .

[34] La prestataire n’aurait pas pu penser sincèrement qu’elle avait choisi l’option des prestations standards si, en même temps, elle savait qu’elle avait choisi l’option des prestations prolongées.

[35] La division générale a ignoré et omis d’aborder cette preuve contradictoire. Il était important que la division générale aborde cette preuve, car elle concernait son analyse et approche pour décider si la prestataire avait consciemment choisi un type de prestations parentales plutôt qu’un autre.

[36] Comme j’ai établi que la division avait erré, je n’ai pas besoin d’aborder les autres arguments de la Commission.

Réparation

[37] Comment puis-je réparer l’erreur de la division générale? Deux options s’offrent à moiNote de bas de page 23 . Je peux substituer ma propre décision à celle de la division générale ou renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de révision. Si je substitue ma propre décision, cela signifie que je peux tirer des conclusions de faitNote de bas de page 24 .

Les arguments des parties

[38] La Commission me demande d’accueillir l’appel et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La Commission fait valoir que la division générale aurait dû suivre les principes énoncés dans une affaire intitulée KarvalNote de bas de page 25 . La Commission soutient que la division générale aurait dû conclure que la prestataire avait choisi de recevoir les prestations parentales prolongées et que son choix est irrévocable.

[39] La prestataire fait valoir que l’affaire Karval ne s’applique pas, parce que les faits sont différents. Mme Karval a attendu six mois après avoir reçu des prestations parentales au taux réduit avant d’appeler la Commission. La prestataire a appelé immédiatement la Commission, le jour même où elle a reçu son premier versement de prestations parentalesNote de bas de page 26 .

[40] La prestataire reconnaît qu’elle a fait une erreur lorsqu’elle a rempli sa demande de prestations. Elle dit toutefois qu’on devrait lui accorder la possibilité de corriger son erreur. Après tout, la Commission l’aurait-elle laissé rapporter une erreur? Elle note qu’elle peut rapporter des erreurs au moyen d’un lien, « Des erreurs, ça arrive » sur la page Web de son compte Mon dossier Service CanadaNote de bas de page 27 .

[41] La prestataire soutient que les choix peuvent être changés. Autrement, demande-t-elle, pourquoi la Commission lui permettrait-elle de demander une révision, puis lui donnerait un droit d’appel à la division générale et maintenant à la division d’appel? Elle dit que ce sont des occasions de corriger son erreur.

[42] Finalement, la prestataire affirme que le Tribunal a laissé de nombreuses parties prestataires changer leur choix après le début du versement des prestations. Comme ces cas sont semblables au sien, elle dit qu’elle devrait aussi être capable de corriger son erreur.

Substitution de ma propre décision

[43] Il s’agit d’une situation appropriée dans laquelle substituer ma propre décision à celle de la division générale. Les faits ne sont pas contestés et le dossier de preuve est suffisant pour me permettre de rendre une décision. La preuve de la prestataire est contradictoire, mais il n’est pas nécessaire de la concilier; et cela ne m’empêche pas de rendre ma propre décision. De plus, aucune partie n’allègue que l’audience n’était pas équitable ou qu’elle n’a pas eu une chance équitable de défendre sa cause devant la division générale.

La prestataire affirme que le processus de demande permet la correction des erreurs

[44] La prestataire dit qu’elle n’a pas été capable de corriger son erreur à cause d’une formalitéNote de bas de page 28 . Elle soutient toutefois que le processus de demande permet de corriger les erreurs. Si elle n’était pas en mesure de corriger les erreurs, elle fait valoir qu’il n’y aurait sûrement aucune chance de signaler les erreurs. Ou, fait-elle valoir, la page Web de son compte Mon dossier Service Canada mentionnerait : [traduction] « Veuillez ne pas communiquer avec nous, car le choix que vous avez fait est final et irrévocable ». Et selon elle, il n’y aurait aucune possibilité de demander une révision ou de faire appel devant la division générale et la division d’appel.

[45] La prestataire omet toutefois de mentionner l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Cet article précise que le choix est irrévocable dès lors que des prestations parentales sont versées relativement au même enfant ou aux mêmes enfants.

[46] Il est vrai que la prestataire aurait pu corriger son erreur. Cependant, selon l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, il y avait un délai précis pendant lequel elle pouvait corriger son erreur. Il aurait fallu qu’elle la corrige avant de recevoir des prestations parentales.

[47] Dans le formulaire de demande, on précise, à l’intention des prestataires, que leur choix entre les prestations standards et les prestations prolongées sera irrévocable dès lors que les prestations seront versées. Cela est énoncé juste avant la section, dans le formulaire, où la prestataire devait sélectionner le type de prestations parentales qu’elle voulaitNote de bas de page 29 .

Le Tribunal a permis à d’autres prestataires de changer leur choix

[48] La prestataire affirme qu’il existe de nombreuses situations où le Tribunal a effectivement permis à des prestataires de changer leur choix de prestations parentales. Elle dit que sa situation est semblable à celle de ces autres prestataires, et qu’elle devrait donc pouvoir aussi modifier son choix.

[49] En plus du fait que je ne suis pas lié par ces cas, la grande majorité d’entre eux ont été tranchés avant l’affaire Karval.

Décision Karval

[50] Dans Karval, la Cour fédérale a précisé qu’un formulaire de demande imprécis, incomplet ou ambigu n’est pas suffisant pour invalider un choix. Après tout, « [i]l est certain que bon nombre de programmes de prestations gouvernementales sont complexes et assortis de conditions d’admissibilité strictes. Il est presque toujours possible, après coup, de conclure qu’il aurait fallu donner plus d’information, recourir à un langage plus clair et fournir de meilleures explicationsNote de bas de page 30  ».

[51] La Cour n’a pas écarté la disponibilité d’un recours légal. Un recours serait possible « [s]i un prestataire est réellement induit en erreur parce qu’il s’est fié à des renseignements officiels et erronésNote de bas de page 31  ». Cependant, un recours ne serait pas possible lorsqu’une personne « n’est pas induite en erreur, mais qu’elle ne possède tout simplement pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguësNote de bas de page 32  ».

[52] La prestataire affirme qu’elle a fait une erreur. Elle ne dit toutefois pas que le formulaire était trompeur. La prestataire a trouvé au plus que le formulaire portait à confusion. Devant la division générale, elle a affirmé qu’elle [traduction] « voulait choisir l’option standard, mais qu’elle s’est en quelque sorte mélangée et a choisi l’option prolongéeNote de bas de page 33  ».

[53] Il est possible que la prestataire ait été confuse parce qu’elle a rempli la demande deux semaines après avoir accouché de son bébé, et qu’elle était probablement fatiguéeNote de bas de page 34 . La prestataire a confirmé qu’elle était stressée, fatiguée et épuisée lorsqu’elle a fait sa demandeNote de bas de page 35 .

[54] Je conviens que le formulaire de demande aurait pu fournir plus de renseignements et présenter des explications meilleures et plus complètes. Cela ne signifie toutefois pas que le formulaire de demande était si trompeur, ambigu ou imprécis que l’invalidation du choix serait justifiée.

[55] En effet, la Cour a établi qu’il « n’y a rien non plus de très confus dans la demande remplie par Mme KarvalNote de bas de page 36  ». D’après ce que je peux constater, la prestataire a rempli le même formulaire de demande que Mme Karval.

Les responsabilités de la prestataire

[56] La Commission soutient qu’il est évident, d’après la décision Karval, que les prestataires ont la responsabilité d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre. En cas de doute ou d’incompréhension, il leur revient aussi de poser des questions. La Commission affirme que la prestataire n’a simplement pas rempli ses obligations et que pour cette raison, elle a choisi l’option prolongée.

[57] La prestataire dit que la décision Karval ne s’applique pas parce que les faits sont différents. Cependant, la Cour fédérale a énoncé des principes de base qui semblent s’appliquer à n’importe quel scénario. Je ne constate aucun motif de s’écarter de ces principes ou de dégager la prestataire de cette responsabilité fondamentale. La prestataire devait analyser soigneusement les options possibles et le formulaire de demande et tenter de les comprendre.

[58] La responsabilité des prestataires ne s’arrête toutefois pas là. Ce qui doit découler de ce principe de base est qu’une personne doit aussi remplir soigneusement et adéquatement le formulaire de demande.

[59] La prestataire était convaincue qu’elle voulait choisir l’option standard et qu’elle a seulement cliqué sur la mauvaise option. Cependant, cela ne l’aide pas, parce que cela ne montre pas qu’elle a rempli soigneusement le formulaire de demande.

[60] La prestataire dit aussi qu’elle a demandé l’option des prestations prolongées parce qu’elle pensait que c’était la seule option qui lui permettrait de toucher des prestations pendant un an. Elle pensait que les prestations standards étaient une option à court terme [traduction] « que les gens demandent pendant peut-être trois ou quatre moisNote de bas de page 37  ». Cela ne l’aide pas non plus, parce cela montre qu’elle n’a pas analysé soigneusement les options possibles ni tenté de les comprendre, même si l’information au sujet des prestations parentales se trouvait dans la demande.

[61] Il existe des différences factuelles entre l’affaire de Mme Karval et celle de la prestataire. Toutefois, comme Mme Karval, si la prestataire avait lu attentivement le formulaire de demande, elle aurait compris qu’en cliquant sur l’option des prestations prolongées, les paiements lui seraient versés selon un taux inférieur à celui qui lui aurait été versé si elle avait cliqué sur l’option des prestations standards. De plus, elle aurait aussi compris qu’une fois que les paiements commenceraient à lui être versés, elle serait incapable de changer son choix de prestations parentales.

Diligence raisonnable exigée de la part des prestataires

[62] La Cour a aussi affirmé que Mme Karval aurait dû poser les questions nécessaires si elle était dans le doute ou si elle trouvait que la demande était ambiguë. Autrement dit, la Cour a dit qu’une prestataire devait exercer sa diligence raisonnable et demander les renseignements appropriés.

[63] La prestataire n’a pas appelé la Commission avant de commencer à toucher des prestations parentales. Elle ne s’est pas renseignée adéquatement, même si elle était confuse.

[64] La prestataire n’était pas capable de corriger son erreur avant de commencer à recevoir des prestations parentales parce qu’elle ne s’était pas aperçue de son erreur avant ce moment. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas vérifié le systèmeNote de bas de page 38 .

[65] La prestataire peut dire qu’elle n’a pas eu besoin d’appeler quelqu’un pour obtenir de l’aide, parce qu’elle a aussi affirmé qu’elle savait qu’elle voulait recevoir les prestations standards. Elle a affirmé avoir été surprise lorsqu’elle a commencé à recevoir les prestations parentales au taux réduit parce qu’elle était certaine qu’elle avait choisi l’option standard. Autrement dit, elle n’avait aucun doute quant à l’option qu’elle voulait choisir. Elle n’avait donc aucune raison de communiquer avec la Commission pour poser des questions. Cependant, comme je l’ai mentionné plus haut, ce scénario n’aide pas la prestataire parce qu’elle avait la responsabilité de remplir le formulaire correctement en premier lieu.

Sommaire

[66] La preuve montre que la prestataire a choisi, dans sa demande, les prestations parentales prolongées. Elle reconnaît avoir fait une erreur. Cependant, selon la décision Karval, une erreur ne peut pas constituer le fondement d’une réparation juridique si le formulaire de demande n’était pas trompeur.

Conclusion

[67] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées. Son choix était irrévocable.

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