Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

assurance-emploi – réexamen de la demande – la division générale a commis une erreur en concluant que la Commission n’avait pas réexaminé la demande dans les délais permis – il n’y a pas de délai prescrit pour traiter des sommes qui deviennent payables à titre de dommages-intérêts pour congédiement injustifié

Le prestataire a perdu son emploi et a reçu des prestations d’assurance-emploi (AE) pour février 2017. Il a poursuivi son employeur pour l’avoir illégalement congédié (aussi appelé « congédiement injustifié »). Le prestataire a réglé la poursuite avec son ancien employeur et a reçu de l’argent du règlement. Une fois que la Commission a pris connaissance du règlement, elle a informé le prestataire qu’elle réduirait les prestataions d’AE qu’il recevait en fonction de l’argent du règlement. Le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, mais elle n’as pas changé d’avis.

Le prestataire a fait appel à la division générale (DG). La DG a accordé l’appel du prestataire. Elle a jugé que la Commission ne pouvait pas prolonger la période de réexamen au-delà de 36 mois parce qu’elle n’avait pas montré qu’elle avait un motif raisonnable de conclure que le prestataire avait fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse. En général, la loi permet à la Commission de réexaminer une demande jusqu’à 72 mois plus tard si le prestataire a fait une fausse déclaration. Par conséquent, la DG a conclu que la Commission n’avait pas réexaminé la demande du prestataire dans les délais permis.

La Commission a fait appel devant la division d’appel (DA). La DA a jugé que la DG avait commis une erreur de droit en appliquant le délai de prescription de 36 mois de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), étant donné que le prestataire n’avait pas fait de fausse déclaration. La DA a conclu que la Commission tentait de recouvrer des dettes dans le cadre de cet appel, ce qui signifiait que les articles 45 et 46 de la Loi sur l’AE s’appliquaient et non l’article 52. La DG a appliqué à tort l’article 52 de la Loi sur l’AE et n’a pas abordé l’application de l’article 46.01. La DA a retourné l’appel à la DG pour que celle-ci décide si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire au titre de l’article 46.01 de la Loi sur l’AE.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c SB, 2021 TSS 659

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Anick Dumoulin
Partie intimée : S. B.
Représentant : Jesse Valkenier

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 22 juin 2021 (GE-21-730)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 octobre 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimé
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 9 novembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-248

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le dossier est renvoyé à la division générale pour que celle-ci décide si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire au titre de l’article 46.01 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Aperçu

[2] L’intimé (prestataire) a réglé une réclamation pour congédiement injustifié contre son employeur pour 5000 $. L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que ce versement constitue une rémunération et l’a répartie sur la période de prestations du prestataire, ce qui a entraîné un trop payé.

[3] Après révision, la Commission a modifié sa répartition parce qu’elle l’avait commencée à partir de la date incorrecte et avait aussi utilisé la rémunération hebdomadaire moyenne inexacte pour en faire la répartition. Cette situation a changé le montant du trop payé. Le prestataire a fait appel de la décision découlant de la révision à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le versement constituait une rémunération et elle a accepté la répartition de la Commission. Elle a cependant jugé que la Commission n’avait pas réexaminé la demande dans les délais impartis pour le faire. Par conséquent, la division générale a conclu que la décision de la Commission était invalide.

[5] La division d’appel a accordé au prestataire la permission d’en appeler. L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la Commission n’avait pas réexaminé la demande dans les délais impartis pour le faire.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la Commission n’avait pas réexaminé la demande dans les délais impartis pour le faire.

[7] J’accueille l’appel de la Commission. Le dossier est renvoyé à la division générale pour que celle-ci décide si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire au titre de l’article 46.01 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la Commission n’avait pas réexaminé la demande dans les délais impartis pour le faire?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a établi que lorsque la division d’appel entend des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1 .

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2 .

[11] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la Commission n’avait pas réexaminé la demande dans les délais impartis pour le faire?

[12] Les faits au dossier sont simples et non contestés.

[13] Le prestataire a perdu son emploi le 24 novembre 2017. Il a touché des prestations d’assurance-emploi jusqu’au 23 juin 2018. Il a intenté une poursuite judiciaire pour congédiement injustifié contre son employeur et a réglé la réclamation pour 8000,00 $ moins 3000,00 $ en frais judiciaires le 25 mai 2018. Le 3 février 2021, la Commission a avisé le prestataire de la répartition de la rémunération, ce qui a créé un trop payé de 2564,00 $. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale avec modifications.

[14] La division générale a conclu que la Commission n’avait pas démontré qu’elle avait un motif raisonnable de conclure que le prestataire avait fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse relativement à sa demande. Par conséquent, elle ne pouvait pas prolonger la période de réexamen au-delà de 36 mois.Ainsi, la division générale a conclu que la Commission n’avait pas réexaminé la demande du prestataire dans les délais impartis pour le faire.

[15] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant l’article 52(1) de la Loi sur l’assurance-emploi en rendant sa décision. Elle fait valoir que la division générale aurait dû appliquer les articles 45 et 46 de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission affirme qu’il n’y a pas de délai prescrit pour traiter de fonds qui deviennent payables en lien avec des dommages pour congédiement injustifié.

[16] Le prestataire ne conteste pas la répartition de la rémunération faite par la division générale. Cependant, il s’oppose au fait que la Commission puisse remonter au-delà de 36 mois pour lui réclamer un trop payé même s’il n’a fait aucune fausse déclaration.

[17] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué le délai de prescription de 36 mois prévus à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi étant donné que le prestataire n’a pas fait de fausse déclaration?

[18] Je crois que oui. Je suis d’avis que l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas aux créances issues de l’application des articles 45 et 46.

[19] Selon l’article 45 de la Loi sur l’assurance-emploi, lorsque le prestataire reçoit des prestations au titre d’une période et que l’employeur se trouve par la suite tenu de lui verser une rémunération, notamment des dommages-intérêts pour congédiement abusif, au titre de la même période et lui verse effectivement la rémunération, ce prestataire est tenu de rembourser au receveur général à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations les prestations qui n’auraient pas été payées si, au moment où elles l’ont été, la rémunération avait été ou devait être versée.

[20] Je remarque qu’il n’est pas question de bonne ou de mauvaise foi dans l’article 46, qui doit se lire avec l’article 45, où repose l’obligation du prestataire de rembourser les versements excédentaires de prestation lorsqu’une rémunération différée lui est versée.Note de bas de page 3

[21] La Commission a été avisée qu’un accord de règlement avait été conclu entre le prestataire et son employeur et qu’il avait reçu une somme d’argent à la suite d’une réclamation pour congédiement injustifié. Il s’agit précisément de l’une des raisons énumérées aux articles 45 et 46 de la Loi sur l’assurance-emploi permettant de corriger le calcul des prestations payables.

[22] Dans ces circonstances, sous réserve de l’article 46.01, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que le recouvrement des créances visées se prescrit par un délai de 72 mois à compter de la date où elles ont pris naissance, et ce même si le prestataire est de bonne foiNote de bas de page 4 .

[23] Je constate que la division générale a commis une erreur de droit en concluant que le délai de prescription de 36 mois prévu à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquait et que la Commission n’avait pas réexaminé la demande dans les délais impartis pour le faire.

[24] Il est donc justifié que j’intervienne.

Réparation

[25] Étant donné que la division générale a appliqué à tort l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi, elle n’a pas abordé l’application de l’article 46.01 de cette même loiNote de bas de page 5 .

[26] Je n’ai donc d’autre choix que de renvoyer le dossier à la division générale pour que celle-ci décide si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire au titre de l’article 46.01 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[27] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.