Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 660

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. B.
Représentant : Jesse Valkenier
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (417 865) datée du
30 mars 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Téléconférence
Dates d’audience : Le 28 mai 2021 et le 10 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 22 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-730

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] S. B. (prestataire) a réglé une réclamation pour congédiement injustifié contre son employeur pour 5000 $. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme que ce versement constitue une rémunération et l’a réparti sur la période de prestations du prestataire, ce qui a entraîné un trop payé. La Commission n’a pas révisé la demande d’après le délai accordé. Sa décision disant que l’argent du règlement est une rémunération et que la répartition de cette rémunération a créé un trop payé n’est donc pas valide.

Aperçu

[3] Le prestataire a été congédié de son emploi le 24 novembre 2017. L’employeur lui a versé trois semaines en indemnité de préavis de 1578,37 $. Cette somme a été répartie sur sa période de prestations à partir du 26 novembre 2017. Le prestataire a commencé à toucher des prestations d’assurance-emploi à compter du 31 décembre 2017. Le prestataire a entrepris une action en justice contre son employeur et a réglé la réclamation pour 8000,00 $ moins 3000,00 $ en frais juridiques le 25 mai 2018. Le prestataire a parlé de son règlement à la Commission le 14 août 2018. En 2019, la Commission a demandé au prestataire de fournir une copie de l’entente de règlement, ce qu’il a fait le 2 juillet 2019. Le 3 février 2021, la Commission a écrit au prestataire, disant qu’à la suite de sa divulgation volontaire de renseignements concernant sa rémunération, la Commission avait conclu que le prestataire avait fait une fausse déclaration parce qu’il avait déclaré seulement une partie de la somme du règlement qu’il a reçue de son employeur. La Commission a ensuite réparti la rémunération ajustée de la semaine du 10 décembre 2017 à la semaine du 28 janvier 2018 à un taux de 684,00 $ par semaine. Le prestataire a demandé une révision de cette décision.

[4] Après révision, le 30 mars 2021, la Commission a modifié sa répartition. La Commission a dit dans sa décision découlant de la révision qu’elle avait commencé la répartition à la date incorrecte et avait aussi utilisé la rémunération hebdomadaire moyenne inexacte pour en faire la répartition. Elle a noté que les corrections donneraient lieu à une modification du trop payé. Aucune précision n’a été fournie sur la date de début corrigée ou sur la rémunération hebdomadaire moyenne corrigée. On a fourni le nouveau trop payé. Le prestataire a porté cette décision en appel au Tribunal.

[5] Dans son observation au Tribunal, la Commission a précisé sa position. La Commission affirme qu’elle avait décidé que l’indemnité de départ initiale de 1578,37 $ et que 5000 $ des sommes qu’il avait reçues en guise de règlement (8000,00 $ moins les frais juridiques de 3000,00 $) étaient une « rémunération » aux termes de la loi parce que ces versements avaient été effectués pour indemniser le prestataire pour la perte de son salaire.  

[6] La loi prévoit que toute rémunération doit être répartie sur certaines semaines. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie dépendent de la raison pour laquelle la rémunération a été verséeNote de bas de page 1

[7] La Commission a réparti la rémunération de 6578,00 $ (indemnité de départ de 1578,37 $ et somme de 5000,00 $ versée à titre de règlement) du 26 novembre 2017 au 3 février 2018 selon la rémunération hebdomadaire normale de 630,00 $ du prestataire, avec un solde de 220,00 $ réparti sur la semaine commençant le 4 février 2018. La Commission dit que la semaine du 26 novembre 2017 est la semaine au cours de laquelle le prestataire a été congédié de son emploi. La Commission affirme que la cessation d’emploi du prestataire est la raison pour laquelle on lui a versé la rémunération. La répartition de la rémunération a créé un trop payé de 2872,00 $.

[8] Le prestataire convient que l’indemnité de préavis de 1578,37 $ est une rémunération qui doit être répartie selon sa rémunération hebdomadaire normale à partir de la semaine de cessation d’emploi. Il n’est cependant pas en accord avec la Commission pour dire qu’une portion de la somme de 5000,00 $ versée à titre de règlement est une rémunération. Le prestataire affirme que la somme de 684,02 $ représente le remboursement de dépenses qu’il avait engagées. Il dit que le reste des 5000,00 $ constitue des dommages-intérêts généraux pour l’indemniser en raison de la manière incorrecte dont on l’a congédié. Le prestataire soutient aussi que, même si une partie de la somme reçue à titre de règlement est considérée comme étant une rémunération, son employeur a retenu 1756,00 $ de cette somme pour rembourser à la Commission les prestations d’assurance-emploi qu’il avait reçues. Il affirme donc que ce montant devait être déduit d’un trop payé.

[9] Le prestataire conteste également le fait que la Commission révise la demande maintenant, alors qu’elle avait en main les renseignements nécessaires pour en faire la révision en 2019. Le prestataire dit avoir divulgué les montants du règlement à la Commission.  

Questions que je dois examiner en premier

Le représentant du prestataire a témoigné

[10] Le représentant du prestataire voulait fournir des preuves concernant les modalités du règlement parce que le prestataire était absent pendant les négociations. Bien que, règle générale, une représentante ou un représentant ne donne pas d’élément de preuve, puisque le représentant du prestataire en avait à fournir et qu’ils étaient pertinents, je lui ai permis de témoigner.

Clarification de la part de la Commission

[11] À l’audience initiale de la présente affaire le 28 mai 2021, on s’est aperçu que le calcul du trop payé par la Commission allait nécessiter des précisions. L’audience a donc été ajournée pour obtenir ces clarifications. L’audience s’est poursuivie le 10 juin 2021.

Le prestataire n’a présenté aucun document après l’audience

[12] Le représentant du prestataire a déclaré que lui et l’avocat de l’employeur avaient échangé au téléphone et par courriel sur la façon de caractériser les modalités du règlement final. Il a témoigné du contenu de certains de ces courriels. Je n’avais pas ces courriels sous les yeux. J’ai demandé au représentant du prestataire s’il voulait plus de temps pour présenter ces documents au Tribunal. Le représentant a répondu qu’il allait consulter les courriels et présenterait les documents sur lesquels il souhaitait se fonder avant 19 heures le 10 juin 2021. Cependant, à la date de la présente décision, aucun document n’a été présenté après l’audience.

Questions en litige

[13] Voici les questions que je dois trancher :

  1. a) La Commission a-t-elle respecté les délais impartis pour le réexamen de la demande?
  2. b) Dans l’affirmative, l’argent que le prestataire a reçu constitue-t-il une rémunération?
  3. c) Si l’argent est une rémunération, la Commission l’a-t-elle réparti correctement?
  4. d) La Commission a-t-elle correctement calculé le montant du trop payé?

Analyse

La Commission a-t-elle respecté les délais impartis pour le réexamen de la demande?

[14] Non. J’estime qu’elle ne l’a pas fait. La Commission n’a pas montré qu’elle a un motif raisonnable de conclure qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à la demande du prestataire; elle ne peut donc pas prolonger la période de réexamen au-delà de 36 mois.

[15] La Commission doit respecter certaines limites pour réexaminer une demande. La Commission peut réexaminer une demande de prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payablesNote de bas de page 2 . La Commission a 36 mois pour établir qu’il y a eu paiement en trop et en poursuivre ensuite le recouvrementNote de bas de page 3 .

[16] Ce délai peut être prolongé jusqu’à 72 mois lorsque la Commission estime qu’une partie prestataire a fait une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuseNote de bas de page 4 . Dans cette situation, la Commission doit calculer le montant payé en trop et informer la partie prestataire de sa décision au cours des 72 mois. La Commission doit aussi expliquer à la partie prestataire pourquoi elle a jugé que sa déclaration était fausseNote de bas de page 5 .

[17] Même si la déclaration fausse ou trompeuse avait été faite innocemment, la Commission peut toujours réexaminer une demande dans un délai de 72 mois. Il suffit à la Commission d’avoir un motif raisonnable d’estimer qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite. L’intention de la personne qui fait une telle déclaration n’a pas d’importanceNote de bas de page 6 .

[18] La Commission doit prouver qu’elle a un motif raisonnable d’estimer qu’une partie prestataire a fait une affirmation ou une déclaration fausse ou trompeuse.

[19] La Commission a fourni un calendrier de versements montrant que le prestataire a touché des prestations d’assurance-emploi du 31 décembre 2017, et ce jusqu’au 23 juin 2018. La répartition de la Commission vise la période allant du 26 novembre 2017 à la semaine du 4 au 10 février 2017. Ainsi, j’estime que la Commission a eu 36 mois à compter du 10 février 2017, ce qui mène au 10 février 2020, pour examiner de nouveau la demande du prestataire, à moins qu’elle n’ait eu un motif raisonnable de croire que le prestataire avait fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse.

[20] J’estime que la Commission n’a pas prouvé qu’elle a un motif raisonnable de croire que le prestataire a fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse.

[21] Une demande initiale de prestations d’assurance-emploi en travail partagé a été établie par le prestataire le 2 avril 2017. Le 27 novembre 2017, le prestataire a demandé la conversion de sa demande en prestations régulières de l’assurance-emploi. Il a indiqué que son dernier jour de travail était le 24 novembre 2017 et qu’il recevrait trois semaines d’indemnité de préavis à la date de cessation de l’emploi. Il a aussi expliqué qu’il intenterait une poursuite pour congédiement injustifié et les raisons de son action en justiceNote de bas de page 7 .

[22] Le 8 décembre 2017, la Commission a communiqué avec le prestataire, qui a confirmé que l’indemnité de départ s’élevait à 1578,37 $. Le prestataire a aussi confirmé sa rémunération au cours de la dernière semaine de cessation d’emploiNote de bas de page 8 . Cette information a également été inscrite dans un relevé d’emploi modifié daté du 12 décembre 2017Note de bas de page 9 .

[23] D’après ces renseignements, la Commission a écrit au prestataire le 27 décembre 2020 pour lui dire que sa demande serait renouvelée à partir du 26 novembre 2017. La lettre indiquait que le prestataire avait reçu 1578,37 $ en indemnités de départ de son employeur. Cette somme était considérée comme une rémunération et qu’elle serait appliquée à sa demande pour la période du 26 novembre 2017 au 9 décembre 2017, et que le solde de 142,00 $ serait appliqué à ses prestations pour la semaine commençant le 10 décembre 2017Note de bas de page 10 .

[24] Le 14 août 2018, le prestataire a communiqué avec la Commission pour indiquer qu’il avait obtenu un règlement dans le cadre de sa poursuite contre son employeur. Les notes de la Commission indiquent que le prestataire l’a informée qu’il avait touché des indemnités de vacances et de départ d’un montant brut de 2340,00 $. Il a ajouté que l’employeur avait retenu quatre semaines de ce qu’il avait reçu de l’assurance-emploi sur l’argent qui lui était dû. Il a dit que le montant total était de 4107,98 $, mais qu’il a reçu seulement 2339,99 $Note de bas de page 11 . Le prestataire a déclaré avoir communiqué avec la Commission pour déclarer l’argent qu’il a touché à titre de règlement. Il a affirmé que la Commission n’a pas communiqué avec lui au sujet de cette somme.

[25] À la suite de cette divulgation, la Commission a communiqué avec l’employeur le 3 mars 2019 afin d’obtenir les détails du règlement. L’employeur a informé la Commission le   [sic] que le montant brut du règlement s’élevait à 8000 $ ventilé de la façon suivanteNote de bas de page 12  :

  • 3000 $ pour des frais juridiques
  • 684,02 $ pour le remboursement de dépenses médicales
  • Sommes de 2559,98 $ versés au prestataire et de 1756,00 $ versés à l’employeur et retenus en fiducie par celui-ci en attendant le remboursement du trop payé de l’assurance-emploi.

[26] La Commission a ensuite envoyé une demande de renseignements au prestataire, demandant une copie de l’entente de règlement afin de savoir si les sommes supplémentaires auraient une incidence sur la demande du prestataire. La demande ne comporte aucune date, mais la Commission a demandé qu’on lui retourne les renseignements avant le 3 mai 2019Note de bas de page 13 .

[27] Le prestataire a retourné le formulaire daté du 2 mai 2019 à la Commission. Note de bas de page 14 Il a confirmé la ventilation des sommes reçues à titre de règlement comme l’a expliqué l’employeur. Il a également fourni une copie du courriel du 25 mai 2018 entre son représentant et l’avocat de l’employeur confirmant les modalités du règlementNote de bas de page 15 . Il a aussi fourni une copie de la renonciation finale signée par les parties le 25 mai 2018Note de bas de page 16 . Le prestataire a également fourni des talons de paie montrant deux versements, l’un de 2399,99 $ et l’autre de 684,02 $Note de bas de page 17 .

[28] Le 3 février 2021, la Commission a envoyé au prestataire une lettre disant qu’à la suite de sa divulgation volontaire des renseignements sur sa rémunération, elle avait conclu qu’il a fait une fausse déclaration. On l’a également informé qu’il recevrait un avis de dette pour le remboursement des prestations qu’il n’aurait pas dû recevoir. La lettre ne précise toutefois pas la fausse déclaration que le prestataire est censé avoir faiteNote de bas de page 18 .

[29] La Commission a ensuite envoyé au prestataire une lettre de décision le 3 février 2021 qui disait que, d’après ses registres, le prestataire avait déclaré seulement une partie de la rémunération reçue de son employeur à titre de règlement. La lettre indiquait que la Commission avait ajusté la répartition de la rémunération en fonction des nouveaux renseignements fournis. Elle a noté la répartition suivante :

[30] [traduction]

La semaine commençant le : votre rémunération était de : plutôt que de :
10 décembre 2017 684,00 $ 142,00 $
17 décembre 2017 684,00 $ 0,00 $
24 décembre 2017 684,00 $ 0,00 $
31 décembre 2017 684,00 $ 0,00 $
7 janvier 2018 684,00 $ 0,00 $
14 janvier 2018 684,00 $ 0,00 $
Le 21 janvier 2018 684,00 $ 0,00 $
Le 28 janvier 2018 354,00 $ 0,00 $

[31] Après un réexamen, le 30 mars 2021, la Commission a informé le prestataire du fait qu’elle avait modifié sa répartition. Dans sa décision découlant de la révision, la Commission a dit avoir fait des erreurs dans la décision initiale, ayant fait la répartition à partir de la mauvaise date de début et ayant utilisé une rémunération hebdomadaire moyenne incorrecte. La Commission a noté que les corrections entraîneraient une modification du trop payé. Elle n’a cependant pas donné de détails quant à la date exacte de début ou ce qui aurait dû être la rémunération hebdomadaire moyenne. La Commission n’a pas donné non plus de détails sur la façon dont les modifications auraient une incidence sur le montant du trop payé.

[32] La Commission n’a fourni aucune observation indiquant pourquoi elle a pu réexaminer la demande du prestataire au-delà de la période de 36 mois.

[33] Je vois mal comment la Commission a démontré un motif raisonnable de conclure que le prestataire avait fait une fausse déclaration. Les semaines en question pour lesquelles la Commission dit que le prestataire n’a déclaré aucune rémunération étaient une représentation fidèle au moment où il a fait ces déclarations. Le prestataire a conclu le règlement avec son employeur le 25 mai 2018 seulement. Il aurait donc difficilement pu déclarer des sommes reçues à titre de règlement au cours des semaines allant du 10 décembre 2017 au 28 janvier 2018. Le prestataire a reçu des prestations en fonction de l’information dont il disposait au moment où il a rempli ses déclarations. Quand il a eu de nouveaux renseignements, à savoir le règlement, le prestataire en a volontairement divulgué les modalités à la Commission et a fourni tous les documents relatifs au règlement sur demande.

[34] Il n’y a rien qui m’indique que des prestations ont été payées en fonction de déclarations ou d’affirmations fausses ou trompeuses faites par le prestataire. De nouveaux renseignements ne sont pas la même chose qu’une affirmation ou déclaration fausse ou trompeuse faite relativement à une demande. Les renseignements fournis par le prestataire étaient exacts au moment de sa déclaration. Une fausse déclaration, bien qu’elle n’ait pas à être intentionnelle, doit du moins être inexacte au moment où elle est faite.

[35] La Commission n’a pas donné à croire que l’employeur a fait des déclarations ou affirmations fausses ou trompeuses.

[36] Puisque la Commission n’a fourni aucun motif raisonnable à l’appui de sa conclusion selon laquelle des déclarations ou affirmations fausses ou trompeuses ont été faites relativement à la demande, j’estime que la Commission disposait de 36 mois seulement, et qu’elle avait jusqu’au 10 février 2020, pour la réexaminer. La Commission a réexaminé la demande le 3 février 2021, au-delà de la période visée. Ainsi, j’estime que la Commission a réexaminé la demande de façon inappropriée.

[37] Ma conclusion à cet égard n’a aucun effet sur la décision du 27 décembre 2020 de la Commission. La décision indique que l’indemnité de départ initiale de 1578,37 $ était une rémunération et qu’il fallait la répartir du 26 novembre 2017 au 9 décembre 2017, avec un solde de 142,00 $ réparti sur la semaine commençant le 10 décembre 2017. Le prestataire ne conteste ni le fait que ce versement soit une rémunération ni la répartition de cette rémunération. La Commission a rendu cette décision dans un délai approprié.

[38] Étant donné que j’ai décidé que la Commission n’a pas respecté les délais impartis pour le réexamen de la demande concernant la somme reçue à titre de règlement de la poursuite, je ne suis pas tenue d’examiner ensuite la question de savoir si ces sommes constituent une rémunération ou si on l’a répartie correctement. Toutefois, afin que tout soit complet, j’ai abordé ces questions également.

L’argent que le prestataire a reçu est-il une rémunération?

[39] La Commission affirme que l’indemnité initiale de préavis de 1578,37 $, les 684,02 $ pour remboursement de dépenses médicales, de même que le versement de 2559,98 $ au prestataire et les 1756,00 $ retenus en fiducie par l’employeur pour rembourser à la Commission les prestations d’assurance-emploi versées au prestataire, sont tous une rémunération. La Commission affirme que la rémunération du prestataire s’élève à 6578,00 $ (5000,00 $ + 1578,37 $). La Commission dit que les paiements ont été versés au prestataire pour l’indemniser pour perte de salaire. La Commission ajoute que l’on a effectué ces versements en raison de la cessation de l’emploi du prestataire.

[40] Comme je l’ai dit précédemment, le prestataire ne conteste ni le fait que l’indemnité de préavis de 1578,37 $ est une rémunération ni la répartition de cette rémunération, conformément à la décision du 27 décembre 2017 de la CommissionNote de bas de page 19 .

[41] Le prestataire conteste cependant le fait que les autres versements constituent une rémunération. D’après lui, la somme de 684,02 $ lui a été versée en guise de remboursement des dépenses médicales qu’il avait dû payer lui-même, donc il ne s’agit pas d’une rémunération. Le prestataire dit que le versement de 2559,98 $ et les 1756,00 $ détenus en fiducie n’étaient pas une rémunération puisque c’était des dommages généraux qui l’indemnisaient en raison de la façon dont on l’avait congédié. Il affirme que, même si les 1756,00 $ constituaient une rémunération, il n’a jamais touché cette somme. L’employeur l’a retenue pour rembourser à la Commission des prestations d’assurance-emploi qu’il avait reçues.  

[42] Selon la loi, la rémunération est le revenu intégral provenant d’un emploiNote de bas de page 20 . Elle définit les termes « revenu » et « emploi ».

[43] Un revenu comprend tout revenu en espèces ou non que la partie prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personneNote de bas de page 21 . La jurisprudence dit qu’une indemnité de départ constitue une rémunérationNote de bas de page 22 .

[44] Un emploi comprend tout emploi faisant l’objet d’un contrat de louage de services ou de tout autre contratNote de bas de page 23 .

[45] Les sommes reçues d’un employeur sont présumées avoir valeur de rémunération et doivent par conséquent être réparties sur une période de prestations à moins d’être visées par l’une des exceptions prévues par la loiNote de bas de page 24 ou de ne pas provenir d’un emploi.

[46] Si une personne soutient que son employeur ou son ancien employeur lui a versé des sommes pour d’autres raisons que la perte de revenus provenant d’un emploi, en vertu d’un règlement intervenu dans le cadre d’une action pour congédiement injustifié, il revient à la personne d’établir qu’en raison de « circonstances particulières », une partie de ce revenu doit être considérée comme une rémunération concernant une autre dépense ou perteNote de bas de page 25 .

[47] Des « circonstances particulières » pourraient comprendre des indemnités pécuniaires versées pour remédier à une atteinte à la santé ou à la réputation d’une personne, pour le règlement de ses frais juridiques, pour la renonciation au droit de retourner au travail, ou encore pour dommages liés à la violation d’une loi sur les droits de la personne.

[48] Le prestataire doit prouver que l’argent n’est pas une rémunération. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit montrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’argent ne constitue pas une rémunération.

[49] Une lettre datée du 4 décembre 2017 de l’employeur au prestataire est versée au dossier. Elle précise que le prestataire recevra trois semaines de salaire à son niveau du moment, en témoignage de bonne volonté, au montant brut de 1578,37 $. La lettre indique aussi que la protection du prestataire cessait à compter du 24 novembre 2017Note de bas de page 26 .

[50] Le prestataire a dit à la Commission qu’on l’avait congédié le 24 novembre 2017. Il affirme que la lettre de congédiement disait qu’il ne respectait pas les procédures et qu’il ne communiquait pas avec son personnel. Il a expliqué qu’il intentait une poursuite pour congédiement injustifié. Le prestataire a dit qu’il avait commencé à travailler pour l’employeur le 28 décembre 2014, mais qu’il travaillait pour l’entreprise depuis le premier jour comme [traduction] « employé temporaire ». Le prestataire a expliqué qu’en septembre 2017, une nouvelle directrice générale avait été embauchée et qu’il avait eu des difficultés avec elle dès son entrée en fonction. Il a dit qu’il avait déposé un rapport auprès des ressources humaines et que depuis ce temps, elle avait eu recours à des tactiques d’intimidation. Il affirme avoir été mis à pied parce qu’il lui a tenu tête. Le prestataire a dit que son employeur a même averti certains de ses [traduction] « employés » qu’on allait le renvoyer avant qu’il ne le sache, et de n’avoir aucun contact avec lui au travail et à l’extérieur. Le prestataire a expliqué n’avoir eu aucun avertissement et qu’au moment de son congédiement, des gens ne faisant même pas partie des ressources humaines étaient à la réunion, y compris une personne des achats et une ou un comptableNote de bas de page 27 .

[51] Le prestataire a téléphoné à la Commission le 14 août 2018 pour déclarer des sommes reçues de son employeur en guise de règlement de sa poursuite judiciaire pour congédiement injustifié. Les notes indiquent qu’il a dit à la Commission avoir reçu 2340,00 $, soit des indemnités de vacances et le reste de son indemnité de départ, le 1er juin 2018. Il a dit que le versement total était de 4107,98 $, mais que son employeur a retenu la valeur de 4 semaines de ce qu’il recevait de l’assurance-emploi sur les fonds qui lui étaient dusNote de bas de page 28 .

[52] L’employeur a dit à la Commission que le montant brut du règlement s’élevait à 8000 $ ventilés de la façon suivante : 3000 $ pour des frais juridiques; 684,02 $ pour le remboursement de dépenses médicales, sommes de 2559,98 $ versés au prestataire et de 1756,00 $ versés à l’employeur et retenus en fiducie en attendant le remboursement du trop-payé de l’assurance-emploi. L’employeur a dit que l’entente ne précisait pas la raison des paiements de 2559,98 $ et de 1756,00 $Note de bas de page 29 . L’employeur a affirmé que les 684,02 $ étaient une indemnité versée en guise d’avantages sociaux.

[53] Un courriel daté du 25 mai 2018 confirme que les parties règlent l’affaire de la façon suivante : un règlement de 8000 $ à verser comme suit — 3000 $ en remboursement de frais judiciaires; 684,02 $ en remboursement de dépenses médicales. 1756,00 $ sont retenus de l’assurance-emploi en attendant le relevé de trop payé en prestations d’assurance-emploi; [nom de l’employeur] paiera le montant du trop payé directement à Service Canada et le solde sera envoyé au prestataire, à savoir un paiement de 3559,98 $ moins des déductions de 10 % à la source, au demandeurNote de bas de page 30 .

[54] Un accord de renonciation daté du 25 mai 2018 est également au dossierNote de bas de page 31 . Il souligne que le versement de 8000,00 $ moins les retenues obligatoires, doit être payé conformément au courriel du 25 mai 2018 et s’ajoute au montant ayant été versé à la cessation d’emploi. En contrepartie du versement, l’accord dit que le prestataire libère l’employeur de toute action ou réclamation découlant directement ou non de son emploi ou de la cessation de son emploi. Il renonce précisément à toute réclamation pour congédiement injustifié, notamment à tous les avantages non salariaux, à l’indemnité de congé, et à toutes les dépenses engagées relativement à l’emploi et à toute réclamation qu’il ait pu avoir dans le dossier (numéro de dossier noté) de la Cour des petites créances. Il reconnaît avoir reçu toutes les sommes qui lui étaient dues conformément à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi de l’Ontario y compris l’indemnité de licenciement, le salaire pour jour férié, l’indemnité de vacances et la rémunération des heures supplémentaires.

[55] La renonciation précise également que le prestataire convient de prémunir et d’indemniser l’employeur contre toute réclamation présentée aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu et à l’égard de frais liés à la Commission de l’assurance-emploi et qui pourraient être considérés payables par l’employeur. Il est reconnu que l’employeur doit rembourser à la Commission de l’assurance-emploi toute somme reçue par le prestataire en raison des prestations d’assurance-emploi, et que le remboursement proviendra du produit de toutes les sommes d’argent qui lui ont été versées. Le prestataire accepte de fournir toute preuve de prestations d’assurance-emploi reçues après la cessation de son emploi afin que les sommes nécessaires soient retenues.

[56] Le prestataire a déclaré qu’il ne se rappelle pas avoir dit à la Commission que les 2340,00 $ qu’il a reçus le 1er juin 2018 étaient ses indemnités de vacances et le reste de son indemnité de départNote de bas de page 32 . Il dit qu’il ne sait pas d’où cela provient. Il affirme qu’on ne lui devait aucune indemnité de vacances et qu’il n’en a reçu aucune.

[57] Le prestataire a déclaré que les 684,02 $ lui avaient été versés parce que l’employeur devait maintenir ses avantages sociaux pendant trois semaines après la cessation d’emploi, mais qu’il ne l’a pas fait. Il dit qu’il a dépensé cet argent pour des prescriptions. Il a dû présenter des reçus à l’employeur. Il dit que cette somme était un remboursement des dépenses médicales qu’il avait dû payer.

[58] Le prestataire a déclaré que le reste de la somme (2559,98 $ et les 1756,00 $ retenus en fiducie) n’était ni une indemnité de départ ni une indemnité de vacances. Il dit qu’il avait déjà touché trois semaines d’indemnités de départ à la fin de son emploi. Le prestataire a déclaré qu’il comprenait que ces sommes ont été versées pour congédiement injustifié. Il affirme que, selon lui, le congédiement était une attaque personnelle à son endroit, une atteinte à son caractère et à ses habitudes de travail n’ayant rien à voir avec son rendement professionnel. Le prestataire a expliqué qu’ils avaient intenté une action devant un tribunal pour obtenir plus d’argent pour le congédiement injustifié. Ils ont ensuite conclu cet accord et la demande a été retirée.

[59] Le prestataire a témoigné au sujet de son congédiement. Il dit qu’il retournait à la maison après le travail et qu’on lui a demandé de revenir pour une réunion générale avec la directrice générale. Il est entré dans une pièce où se trouvaient six personnes. Certaines étaient de la comptabilité et du service de paie. On lui a lancé de la paperasse en lui disant qu’on le mettait à pied et qu’il devait signer des papiers. Les documents disaient qu’on le renvoyait pour insubordination et manque de professionnalisme. Le prestataire dit qu’il a été renvoyé parce que, le jour précédant la cessation de son emploi, il avait déposé une plainte contre la directrice générale pour l’avoir traité de menteur et autre chose. Le prestataire a affirmé qu’ils se confrontaient depuis qu’elle avait commencé en septembre. Elle lui avait demandé d’organiser les choses dans l’entrepôt au plus tard le 7 décembre 2017, mais l’avait ensuite mis à pied une semaine le 24 novembre 2017. Le prestataire dit qu’il estime qu’on lui a payé la somme en guise de règlement parce que la cessation de son emploi était une attaque à son endroit, mais pas tant pour congédiement injustifié. Il affirme s’être senti déprimé et offensé à cause de la raison de son congédiement et de la façon dont on a mis fin à son emploi. 

[60] Le représentant du prestataire a déclaré que le règlement ne visait pas des pertes de salaire, mais l’attaque de l’employeur contre le prestataire. Il a dit que lorsque le prestataire l’a approché, ils ont discuté de ses options. Ils ont parlé du fait qu’on l’avait congédié, mais surtout de la façon dont on l’avait congédié. Le représentant a dit que si le prestataire voulait intenter une poursuite pour congédiement injustifié, il aurait besoin d’un avocat en raison de la somme d’argent qu’il demanderait dans le cadre d’une réclamation de ce genre. Le représentant a affirmé que, comme parajuriste, il ne pouvait représenter le prestataire dans le cadre d’une telle poursuite. D’après le représentant, puisque le prestataire avait travaillé plus de trois ans, un tel règlement aurait dépassé les 8000,00 $.

[61] Le représentant du prestataire a déclaré qu’ils avaient intenté une action à la Cour des petites créances pour 25 000,00 $. Il dit ne pas avoir de copie de la réclamation, car elle est entreposée. Il se rappelle toutefois qu’ils ont demandé des dommages d’ordre général, qui comprennent la douleur, les souffrances, et pour diffamation. Il dit qu’il n’y avait aucune demande d’indemnité de préavis, l’employeur ayant déjà versé trois semaines d’indemnités de départ à la cessation de l’emploi.

[62] Le représentant du prestataire a déclaré que des appels téléphoniques et des courriels ont été échangés entre lui et l’avocat de l’employeur pendant quatre mois avant le règlement de l’affaire. Le représentant du prestataire nie qu’une fraction de la somme finale de 8000,00 $ sur laquelle les parties s’étaient entendues représentait une indemnité de préavis ou de départ. Le représentant du prestataire a déclaré que la somme convenue de 8000,00 $ faisait partie de la catégorie des dommages généraux ou spéciaux parce que prestataire a fait l’objet de diffamation et qu’on l’a congédié devant des gens qui n’avaient rien à faire là. Il a affirmé que la somme visait à l’indemniser pour la manière dont il avait été renvoyé.

[63] J’ai demandé au représentant du prestataire pourquoi le règlement concernant les versements de 2449,98 $ et de 1756,00 $ ne faisait pas référence à des dommages généraux, mais semblait plutôt représenter un accord selon lequel il s’agissait d’une rémunération, étant donné les retenues obligatoires sur les 2559,98 $ et le fait que les 1756,00 $ étaient détenus en fiducie à titre de remboursement de prestations de l’assurance-emploi.

[64] Le représentant du prestataire a déclaré que lui et l’avocat de l’employeur étaient en désaccord sur la façon de formuler le règlement. Il a déclaré qu’il avait envoyé un courriel à l’avocat de l’employeur le 17 mai 2018, disant qu’il y avait diverses façons de qualifier une partie des fonds du règlement. Dans le courriel, il a dit à l’avocat de l’employeur que les dommages étaient principalement d’ordre général, plus le remboursement de frais juridiques. Il a dit à l’avocat de l’employeur qu’une partie peut être accordée sous forme de dommages généraux. Il a dit qu’en cas de fondement légitime pour le faire, des dommages généraux ne sont pas imposables et n’ont aucune incidence sur les prestations d’assurance-emploi. Le représentant du prestataire dit avoir poursuivi en faisant référence à l’atteinte aux droits de la personne, c’est-à-dire à la façon dont on licencie une personne devant un groupe de gens. Il affirme que le courriel disait ensuite que l’autre attribution fréquente est le remboursement des frais juridiques. Il a dit, concernant le revenu restant, que lorsqu’il est versé sous forme de montant forfaitaire, on peut le traiter comme une allocation de retraite aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu. De plus, les taux de retenue d’impôt seront inférieurs au montant qui s’applique habituellement aux chèques de paie et les retenues habituelles comme l’assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada ne s’appliquent pas. Le représentant du prestataire a dit qu’il fallait veiller à ce que le client reçoive les 7000,00 $ ou ils iraient de l’avant avec la réclamation à la Cour des petites créances. Il a dit dans le courriel que le libellé de la renonciation pleine et entière devait être modifié. Il a ajouté dans le message qu’il avait communiqué avec l’Agence du revenu du Canada et que s’il s’agissait d’un revenu d’emploi, il fallait faire des retenues d’impôt, mais ce n’est pas un revenu provenant d’un emploi.

[65] Le représentant du prestataire a affirmé que l’avocat de l’employeur ne voulait pas accepter les dommages généraux, car ils refusaient d’admettre avoir commis des actes répréhensibles. Il a dit que l’avocat de l’employeur lui a renvoyé un courriel daté du 17 mai 2018 disant que l’employeur ne paierait pas de dommages punitifs. L’avocat a dit dans le courriel que de tels dommages peuvent uniquement être accordés par un tribunal. L’avocat a souligné que le seul règlement se soustrayant à des obligations fiscales concernait des obligations en matière de droits de la personne et des dommages pour souffrance et douleur, ce qui ne s’applique pas ici. L’avocat a dit que les souffrances et douleurs subies par le prestataire n’allaient pas au-delà de ce que tout le monde subit lorsqu’on met fin à leur emploi. Il a dit que toute personne doit payer des taxes à moins d’être visée par ces deux exceptions. Il a dit que même si l’on [traduction] « plaidait » la douleur et la souffrance, l’employeur ne paierait pas de dommages généraux, car il n’y avait pas d’intention de causer douleur et souffrance. L’avocat a indiqué que l’employeur avait tout simplement laissé aller un employé dont il ne voulait plus.

[66] Le représentant du prestataire a affirmé que l’avocat de l’employeur avait dit que soit ils réglaient l’affaire selon ces modalités ou il y aurait un procès. Le représentant du prestataire a dit que ce dernier avait besoin de cet argent; il a donc accepté les conditions de l’avocat de l’employeur. Il pouvait accepter ces conditions ou livrer une longue bataille judiciaire.

Remboursement de dépenses médicales

[67] J’estime que le remboursement de dépenses médicales de 684,02 $ constitue une rémunération.

[68] Le prestataire dit que cela ne devrait pas être considéré comme une rémunération puisqu’il s’agissait du remboursement de dépenses médicales payées de sa poche.

[69] L’employeur a dit à la Commission que cette somme représentait un paiement tenant lieu d’avantages sociauxNote de bas de page 33 .

[70] La Commission fait valoir que ce montant est un avantage lié à l’emploi.

[71] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel cette somme représente le remboursement d’une dépense engagée pour des médicaments. Cela dit, j’estime que cette somme correspond quand même à une rémunération. Cette somme n’est pas visée par une exception prévue par la loiNote de bas de page 34 . Le paiement provient de l’emploi du prestataire. Le régime de soins de santé est un avantage provenant de son emploi. Cela fait partie de l’ensemble du régime de rémunération que le prestataire reçoit de son emploi. Il y a un [traduction] « lien suffisant » entre l’emploi du prestataire et la somme reçue. À ce propos, sans cet avantage, le prestataire aurait eu à payer les dépenses liées au médicament lui-même. Ainsi, j’estime que même si l’on remboursait les dépenses du prestataire, la raison du remboursement était l’indemnisation pour la perte d’un avantage provenant de son emploi. J’estime donc que ce montant est une rémunération.

Versement de 2559,98 $ et de 1756,00 $ détenus en fiducie par l’employeur pour rembourser à la Commission des prestations d’assurance-emploi payées

[72] Je ne suis pas convaincue qu’en raison de circonstances particulières, les sommes mentionnées ci-dessus représentent une indemnisation pour une dépense ou perte autre que la perte de revenus découlant de l’emploi.

[73] Il faut examiner les éléments du règlement par rapport aux éléments de preuve propres à chaque affaireNote de bas de page 35 . À ce propos, je dois tenir compte de l’ensemble de la preuve pour décider si ces sommes représentent une rémunération.

[74] Bien que les modalités du règlement ne disent pas précisément la raison d’être des versements, le fait que des retenues obligatoires soient prélevées sur les 2559,98 $ et les 1756,00 $ retenus pour rembourser les prestations d’assurance-emploi versés au prestataire, laisse croire que ces versements étaient une « rémunération ». Habituellement, il n’y a pas de retenue obligatoire sur des dommages généraux. Une entente de remboursement de l’assurance-emploi à partir des 1756,00 $ est une reconnaissance tacite du fait que les 1756,00 $ représentent une rémunération.

[75] L’accord de renonciation est ambigu. Il est rédigé en termes généraux pour abandonner toute réclamation, y compris celles de l’affaire déposée à la Cour des petites créances. Les réclamations liées à la rémunération et celles qui ne concernent pas la rémunération sont toutes deux possiblement abandonnées. Donc, ce document n’aide pas à régler la question d’une façon ou d’une autre le problème.

[76] Le témoignage du prestataire tenait au fait que, à l’exception du remboursement de dépenses médicales, le solde de 5000,00 $ visait à l’indemniser pour la façon dont on l’avait congédié. Cependant, j’ai un peu de difficulté avec son témoignage. Je ne vois pas pourquoi, si c’était ce à quoi l’argent était destiné, on n’a jamais mentionné cela à la Commission. Il y a plutôt une note selon laquelle le prestataire a dit à la Commission que les fonds étaient une indemnité de congé et le reste de l’indemnité de départNote de bas de page 36 . Le prestataire affirme qu’il ne se rappelle pas avoir dit cela. Toutefois, même s’il ne l’a pas dit, il n’a pas informé la Commission que les versements représentaient une indemnisation pour la façon dont on l’avait congédié.

[77] Le représentant du prestataire dit se rappeler qu’une réclamation a été déposée pour dommages généraux incluant douleur et souffrance, et diffamation. Il a dit qu’il n’y avait pas de réclamation pour indemnisation de préavis, puisque l’employeur avait déjà payé les trois semaines d’indemnités de départ lors de la cessation d’emploi et que le prestataire aurait eu à retenir les services d’un avocat pour faire valoir une telle réclamation. La déclaration n’a pas été déposée en preuve. Le représentant du prestataire a témoigné au sujet d’un courriel du 17 mai 2018 à l’avocat de l’employeur, dans lequel il a proposé qu’une partie du règlement soit considérée comme des dommages généraux. Cependant, le courriel dit aussi que [traduction] : « concernant le revenu restant, que lorsqu’il est versé sous forme de montant forfaitaire, on peut le traiter comme une allocation de retraite aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu. De plus, les taux de retenue d’impôt seront inférieurs au montant qui s’applique habituellement aux chèques de paie et les retenues habituelles comme l’assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada ne s’appliquent pas ». Le fait que l’on parle d’autres revenus qui, selon le représentant du prestataire, devraient être qualifiés d’« allocation de retraite » donne à penser que l’indemnité faisant l’objet du règlement comprenait plus que des dommages relatifs à la forme de congédiement. Il semblerait qu’une certaine indemnisation liée à la rémunération faisait également partie des fonds du règlement.

[78] J’accepte que le prestataire ait été bouleversé par les raisons de son congédiement et la manière dont il a été renvoyé. J’accepte également qu’une partie de la réclamation du prestataire vise des dommages relatifs à la façon dont on l’a congédié. Toutefois, étant donné que le représentant du prestataire témoignait de mémoire du contenu de la réclamation et compte tenu de la longueur du délai, ainsi que de la proposition du représentant du prestataire à l’avocat de l’employeur de qualifier une partie du règlement d’« allocation de retraite », je ne suis pas convaincue que les seules réclamations faites concernaient le mode de congédiement et n’incluaient aucune demande relative à une indemnisation, comme une paie supplémentaire à titre de préavis ou d’indemnité de départ. En effet, le courriel lu par le prestataire et envoyé par l’avocat de l’employeur le 17 mai 2018 porte à penser que l’on n’avait plaidé aucune réclamation pour douleur et souffrance dans le cadre de la poursuite judiciaire en Cour des petites créances. Je ne suis pas non plus convaincue que les fonds du règlement visaient uniquement à indemniser le prestataire pour le mode de congédiement.

[79] Le représentant du prestataire a déclaré qu’il y avait désaccord entre lui et l’avocat de l’employeur sur la façon dont le règlement devrait être qualifié. Il a fait référence à un courriel dans lequel l’avocat de l’employeur dit que ce dernier avait refusé de payer des dommages généraux puisqu’il n’était pas d’accord pour dire que le prestataire avait subi des dommages dépassant ceux associés à un congédiement et qu’il n’y avait aucune intention de causer douleur et souffrance de la part de l’employeur. Le représentant du prestataire affirme que celui-ci a accepté les conditions de l’employeur parce qu’il avait besoin d’aide financière et qu’une instance judiciaire était l’autre solution. 

[80] Même si les parties voulaient qualifier le règlement de différentes façons, elles ont finalement réussi à s’entendre sur les modalités énoncées dans le courriel du 18 mai 2018. Comme je l’ai mentionné plus haut, ces modalités donnent à penser que les montants en question étaient une rémunération, vu les retenues obligatoires et la retenue d’assurance-emploi. J’accorde moins d’importance à la description après coup du prestataire et de son représentant de ce que le règlement était censé compenser qu’aux modalités mêmes du règlement. À cet égard, je souligne qu’il n’y a eu aucune mention à la Commission selon laquelle les paiements de règlement étaient une indemnisation pour le mode de congédiement et que l’on n’a fourni aucun document à l’appui de cette position. Les courriels auxquels a fait référence le représentant du prestataire dans son témoignage sont ambigus et portent uniquement à croire qu’il y avait désaccord entre les parties sur la façon de qualifier le règlement. Ils donnent également à penser que l’indemnisation acceptée comprenait à la fois des indemnités liées à la rémunération et des indemnités qui n’y étaient pas liées.

[81] Je reconnais qu’une fraction quelconque des deux versements en question représentent une indemnisation pour la manière dont on a congédié le prestataire. Il n’y a cependant aucune preuve de ce que cette composante peut être. Je ne peux pas simplement émettre des hypothèses sur la fraction de ces versements qui était une indemnisation pour la façon dont on avait congédié le prestataire et ce qui était une indemnité reliée à la rémunération. Je ne connais aucun pouvoir qui me permet simplement d’estimer un montant. Je pense donc que le prestataire n’a pas établi que les sommes de 2559,98 $ et de 1756,00 $ détenus en fiducie représentent une indemnisation pour une autre dépense ou perte autre que la perte de revenus provenant d’un emploi. J’estime par conséquent que ces versements représentent une perte de revenus provenant d’un emploi.

[82] Si la Commission avait réexaminé la demande à temps, je conviendrais que la rémunération totale à répartir s’élève à 5000,00 $. Il s’agit de la somme de 2559,98 $ versée au prestataire, des 1756,00 $ retenus pour rembourser les prestations d’assurance-emploi reçues et le remboursement de dépenses médicales de 684,02 $.

[83] Le prestataire soutient que, puisqu’il n’a pas reçu les 1756,00 $ retenus en fiducie par l’employeur pour rembourser à la Commission les prestations d’assurance-emploi qu’il avait reçues, ce montant ne peut pas être considéré comme une rémunération. Je ne suis pas d’accord. Les 1756,00 $ correspondent à des sommes d’argent payables au prestataire, une partie des 8000,00 $ convenus. Que les sommes d’argent aient été versées directement au prestataire afin qu’il puisse rembourser la Commission ou que les fonds aient été retenus pour permettre à l’employeur de rembourser la Commission en son nom ne modifie pas la nature du versement. La rémunération peut comprendre des sommes qui ne sont pas effectivement reçues lorsqu’elles doivent être versées à une tierce partie à la demande de la partie prestataire ou selon ce qu’elle convient.

La Commission a-t-elle correctement réparti la rémunération?

[84] La loi établit que toute rémunération doit être répartie. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie varient selon la raison pour laquelle la rémunération a été touchéeNote de bas de page 37 .

[85] La rémunération du prestataire vise à l’indemniser pour une perte de revenus provenant d’un emploi. L’employeur du prestataire lui a remis cette rémunération parce que le prestataire a été mis à pied de son emploi.

[86] Selon la loi, la rémunération qu’une personne reçoit à la cessation de son emploi doit être répartie à partir de la semaine de sa cessation d’emploi. Le moment où la personne obtient réellement cette rémunération importe peu. La rémunération doit être répartie à compter de la semaine au cours de laquelle la cessation a lieu, même si la personne n’a pas obtenu cette rémunération à ce moment-làNote de bas de page 38 . Si des indemnités de cessation d’emploi ont déjà été réparties à l’égard d’une demande et que des sommes supplémentaires sont payées à payer ultérieurement à une partie prestataire en raison de la cessation, cette rémunération ultérieure doit être ajoutée à celle que l’on a déjà répartie et une répartition révisée du total des indemnités de cessation doit être effectuée à compter de la semaine de la cessation. La répartition est faite de manière à ce que la rémunération totale de cet emploi soit, au cours de chaque semaine consécutive, sauf la dernière, égale la rémunération hebdomadaire habituelle que la personne obtient de cet emploiNote de bas de page 39 .

[87] Le prestataire et la Commission conviennent que le prestataire a été congédié le 24 novembre 2017. La Commission dit que la semaine de la cessation est celle du 26 novembre 2017. Le prestataire ne le conteste pas. Je constate que le prestataire a été mis à pied de son emploi à compter de la semaine du 26 novembre 2017.  

[88] Le prestataire a reçu une indemnité de départ de 1578,37 $ à la cessation. Ultérieurement, il a touché une rémunération qui lui était payée ou payable sur le règlement de sa réclamation pour congédiement injustifié s’élevant à 5000,00 $. Ainsi, la rémunération totale à répartir est de 6578,00 $.

[89] La Commission dit que la rémunération hebdomadaire habituelle du prestataire est de 630,00 $. La Commission a fondé cette décision sur la rémunération moyenne du prestataireNote de bas de page 40 . Les parties ne contestent pas cette somme, et j’accepte ce fait. Autrement dit, à compter de la semaine du 26 novembre 2017, on devrait répartir 630,00 $ sur chaque semaine. Tout montant de rémunération restant doit être réparti sur la dernière semaine.

[90] Cependant, tel qu’il est indiqué précédemment, la Commission n’a plus de temps pour réexaminer la demande. Donc, même si je suis d’accord pour dire que les 5000,00 $ constituent une rémunération et que j’accepte la répartition de la Commission, on ne peut répartir la somme sur la période de prestations du prestataire puisque la Commission n’a plus de temps pour examiner la demande de nouveau.

Le trop payé est-il correctement calculé?

[91] Oui. J’estime cependant que ce trop-payé ne peut être imposé au prestataire, car la Commission n’a plus de temps pour réexaminer la demande.

[92] La Commission a fourni son calcul du trop payé. Le trop payé découlant de la répartition s’élève à 2872,00 $. À la date d’audience initiale, le prestataire a contesté le fait qu’il avait reçu des prestations pour la semaine du 31 décembre 2017 et du 7 janvier 2018. J’ai ajourné l’audience et j’ai demandé des précisions à la Commission sur cette question. La Commission a fourni un calendrier de paiement. À la reprise de l’audience, le prestataire a déclaré qu’il ne contestait plus le fait qu’il avait touché ces versements.

[93] J’ai examiné le calcul du trop payé et je le trouve exact. Si la Commission avait réexaminé la demande dans les délais, j’aurais conclu que le trop payé avait été correctement imposé au prestataire. Il en est ainsi parce que le trop payé résulte de la répartition de la rémunération qui lui est payée ou payable. 

[94] Le prestataire affirme que le montant du trop payé devrait être réduit de la somme retenue par l’employeur pour rembourser à la Commission les prestations d’assurance-emploi qu’on lui a versées. La Commission a confirmé qu’elle n’a reçu aucun paiement de l’employeur. La Commission dit que le prestataire a la responsabilité de fournir une copie de l’avis de dette à son employeur afin de permettre à ce dernier de libérer les fonds retenus.

[95] L’objection que le prestataire soulève est vraiment une question de savoir qui devrait rembourser le trop payé, et non de savoir si le trop payé lui a été dûment imposé. L’article 46 de la Loi sur l’assurance-emploi exige que l’employeur soumette le montant de prestations retenu à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations. Le prestataire est seulement tenu de rembourser ces prestations si l’employeur enfreint cette obligationNote de bas de page 41 . Cependant, cela ne veut pas dire que le trop payé ne devrait pas être imposé au prestataire. Sans cela, on ne saurait pas vraiment combien l’employeur était tenu de remettre et si le prestataire avait un solde à verser après la remise.

[96] Les modalités du règlement exigent que l’on fournisse à l’employeur un relevé du trop payé pour pouvoir rembourser la CommissionNote de bas de page 42 . Il semble que cela n’ait pas encore été fait. En effet, si l’employeur enfreignait son obligation de remboursement une fois qu’il reçoit le relevé du trop payé, et que la Commission poursuivait le prestataire pour la somme retenue, alors le prestataire disposerait peut-être d’une solution juridique. Toutefois, je trouve qu’il est prématuré d’examiner cette question dans le cadre du présent appel, et que cela excède mon champ de compétence. La question dont je suis saisie est de savoir si le montant du trop payé est correct et a été imposé au prestataire de façon légitime. 

[97] Si la Commission avait réexaminé la demande en temps opportun, je dirais que le montant du trop payé est exact et a été imposé de façon légitime au prestataire. 

[98] Toutefois, puisque la Commission n’a pas agi dans les délais raisonnables pour réexaminer la demande et imposer un trop payé au prestataire, le paiement en trop ne peut lui être réclamé.  

Conclusion

[99] L’appel est accueilli.

[100] Parce que la Commission n’a pas réexaminé la demande dans les délais impartis pour le faire, sa décision disant que le fonds de règlement de 5000,00 $ est une rémunération et que la répartition de cette rémunération a créé un trop payé n’est pas valide.

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