Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – prestations parentales – présenter une demande avec un aidant communautaire – la division générale n’a pas analysé la preuve de façon valable et a tiré des conclusions en l’absence de preuve – la prestataire ne pouvait pas retirer son appel à la division d’appel; c’était l’appel de la Commission – renvoi du dossier à la division générale

La prestataire a demandé des prestations parentales de l’assurance-emploi (AE). En général, la loi donne à un parent le choix d’obtenir un même montant de prestations, c’est-à-dire une « rémunération hebdomadaire assurable », sur deux périodes différentes : les prestations « standards » donnent à un parent jusqu’à 35 semaines de prestations, à 55 % de la « rémunération hebdomadaire assurable »; les prestations « prolongées » donnent à un parent jusqu’à 61 semaines de prestations, à 33 % de la « rémunération hebdomadaire assurable ». Le formulaire permet également aux parties prestataires de choisir le nombre de semaines souhaité. L’option des prestations standards donne généralement lieu à un versement de prestations plus élevé chaque semaine que l’option des prestations prolongées. Dès qu’un parent reçoit son premier versement de prestations, la loi rend définitif son choix de prestations « prolongées » ou « standards », ce qui signifie que le parent ne peut plus le changer.

Dans cette affaire, la prestataire a demandé des prestations « prolongées ». Après avoir reçu son premier paiement par chèque, elle a téléphoné à la Commission pour savoir pourquoi le montant de ses prestations était si bas. En effet, une partie prestataire reçoit habituellement des « prestations de maternité » de l’assurance emploi, puis des « prestations parentales » juste après. Si elle a choisi l’option des prestations « prolongées », le montant des prestations est généralement inférieur au montant du dernier paiement de prestations de maternité. La Commission a refusé de changer le choix de la prestataire pour l’option des prestations standards.

La prestataire a fait appel à la division générale (DG). La DG a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu que le choix des prestations « prolongées » de la prestataire n’était pas valide parce qu’il ne reflétait pas son intention au moment où elle a choisi les prestations « prolongées ». Elle a en fait choisi l’option des prestations « standards ».

La Commission a fait appel de la décision de la DG devant la division d’appel (DA). La prestataire a essayé de retirer son appel parce qu’elle voulait conserver l’option des prestations prolongées. Cependant, la Commission faisait appel à la DA, de sorte que la prestataire n’avait pas le droit de retirer son appel. Les parties n’étaient pas d’accord que le DG avait commis une erreur dans sa décision. La DA a jugé que la DG n’avait pas analysé la preuve de façon valable. La DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’aidant de la prestataire avait trouvé que le formulaire prêtait à confusion. Toutefois, les documents présentés en preuve, y compris les conversations entre l’aidant et la prestataire, n’appuyaient pas cette conclusion. La DG a également ignoré la preuve selon laquelle la prestataire aurait cliqué sur le bouton d’envoi du formulaire de demande, ce qui signifie qu’elle a probablement examiné la demande et l’a approuvée, mais elle n’a pas non plus posé de questions à la prestataire à ce sujet à l’audience devant la DG. La DA a estimé qu’elle avait besoin d’éléments de preuve dont elle ne disposait pas pour trancher l’appel. La DA a accueilli l’appel et a renvoyé le dossier à la DG pour réexamen. La DA a également noté que la prestataire pourrait également retirer son appel au niveau de la DG si elle le souhaitait.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c TM, 2021 TSS 567

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Rachel Paquette
Partie intimée : T. M.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 14 mai 2021 dans le dossier GE-21-703)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 7 octobre 2021
Numéro de dossier : AD-21-191

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour un réexamen.

Aperçu

[2] L’intimée, T. M. (prestataire) a fait une demande de prestations de maternité et de prestations parentales avec l’aide d’une membre de sa collectivité (aide). Son aide a rempli le formulaire de demande de prestations et demandé 61 semaines de prestations parentales prolongées.

[3] Lorsque l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a versé pour la première fois des prestations parentales dans le compte de la prestataire, celle-ci a été surprise de constater que le montant de ses prestations avait diminué. Elle a donc communiqué avec la Commission. La Commission l’a informée qu’elle avait choisi les prestations parentales prolongées et qu’il était trop tard pour modifier son choix. La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais elle a maintenu sa décision.

[4] La prestataire a ensuite fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a accueilli son appel. La division générale a conclu que son choix n’était pas valide parce qu’il ne reflétait pas son intention au moment où elle a fait la demande.

[5] La Commission porte maintenant la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a outrepassé sa compétence, a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en accueillant l’appel.

[6] J’accueille l’appel. La division générale a omis d’analyser la preuve de façon significative et, ce faisant, a commis une erreur de droit. Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

Questions préliminaires

Nouveaux éléments de preuve

[7] Dans ses observations écrites, la Commission a inclus des copies des pages d’une demande de prestations et des captures d’écran de son site Web. Ces documents ne faisaient pas partie du dossier de la prestataire et n’ont pas été soumis à la division générale. Lors de l’audience, la représentante de la Commission a affirmé qu’ils ne s’appuyaient plus sur ces éléments de preuve. Étant donné la position de la Commission, je n’ai pas tenu compte de ces nouveaux éléments de preuve dans ma décision.

Observations présentées par la prestataire après l’audience

[8] Après l’audience, la prestataire a communiqué avec le Tribunal et lui a demandé « d’annuler sa décisionNote de bas de page 1  ». Le Tribunal a communiqué avec la prestataire par téléphone et elle a dit qu’elle aimerait qu’il accueille l’appel de la Commission parce qu’elle était préoccupée par le temps qui s’écoulait. La prestataire n’a pas précisé si elle était d’accord pour dire que la division générale avait commis une erreur. Comme l’audience a déjà eu lieu et qu’il n’y a pas d’accord formel entre les parties, je dois quand même examiner les questions en litige.

Questions en litige

[9] Je me suis concentrée sur les questions suivantes dans le présent appel :

  • La division générale a-t-elle omis d’analyser la preuve de manière significative?
  • Si oui, quelle est la réparation appropriée?

Analyse

[10] Je peux seulement intervenir dans cette affaire si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc me demander si la division généraleNote de bas de page 2  :

  • a agi de façon inéquitable;
  • n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire;
  • a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[11] La prestataire a demandé à une membre de sa collectivité de l’aider à faire sa demande de prestations de maternité et de prestations parentales. Cette aide ne connaissait pas bien la procédure à suivre pour faire ces demandes et la prestataire en était conscienteNote de bas de page 3 .

[12] Il existe deux types de prestations parentales :

  • les prestations parentales standards, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations à un taux de 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un certain montant;
  • les prestations parentales prolongées, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations à un taux de 33 % de sa rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un certain montant.

[13] Lorsqu’elle a présenté la demande de prestations de la prestataire, l’aide a choisi les prestations prolongées. On demandait à l’aide d’indiquer le nombre de semaines de prestations que la prestataire souhaitait recevoir, et l’aide a choisi 61 semaines dans le menu déroulant. L’aide n’a pas confirmé cela auprès de la prestataire. Elle lui a envoyé une copie de la demande de prestations trois jours après l’avoir présentéeNote de bas de page 4 .

[14] La prestataire a reçu son premier versement de prestations prolongées le 7 avril 2021. Elle a communiqué avec la Commission parce qu’il était beaucoup moins élevé que ce à quoi elle s’attendait. Elle a ensuite appris que l’aide avait choisi les prestations prolongées et elle a tenté de modifier ce choix pour passer à des prestations standards. La Commission a refusé de permettre à la prestataire de modifier son choix parce que celui-ci était irrévocable une fois qu’elle avait reçu des prestations prolongées.

[15] La division générale a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu que le choix que la prestataire avait fait n’était pas valide parce qu’elle n’avait pas elle-même fait le choix dans le formulaire de demande et que l’aide n’avait pas choisi l’option qui correspondait à ses intentions.

La division générale a-t-elle omis d’analyser la preuve de manière significative?

[16] Au moment de présenter la demande de prestations parentales, l’aide de la prestataire devait choisir entre les prestations standards et les prestations prolongées. L’aide a communiqué avec la prestataire et lui a demandé si elle voulait recevoir des prestations parentales après ses prestations de maternité. Elle a aussi demandé à la prestataire si elle voulait recevoir un maximum de 35 semaines ou choisir l’option des prestations prolongées et recevoir un maximum de 50 semaines. La prestataire a répondu qu’elle voulait prendre un congé d’un anNote de bas de page 5 .

[17] La division générale a constaté que la prestataire s’est fiée aux conseils et à l’aide de la personne qui l’a aidée à présenter sa demande de prestations parentales. Elle a conclu qu’il était « probable que l’aide ait trouvé le formulaire de demande déroutantNote de bas de page 6  ».

[18] La Commission soutient que la division générale n’a pas analysé la preuve de façon significative. Elle dit que la division générale ne disposait d’aucun élément de preuve montrant que l’aide de la prestataire avait trouvé le formulaire de demande déroutant. Je suis d’accord avec les observations de la Commission.

[19] La preuve présentée à la division générale comprenait le témoignage de la prestataire, des messages textes et des courriels échangés entre la prestataire et l’aide, ainsi qu’une lettre signée par l’aide.

[20] Dans les messages textes, l’aide demande à la prestataire si elle veut recevoir des prestations parentales après ses prestations de maternité et si elle veut en recevoir pendant 35 ou 50 semaines. La prestataire répond qu’elle veut prendre un congé d’un an. L’aide ajoute ensuite que la prestataire recevra 61 semaines de prestations si l’autre parent ne demande pas de prestations et celle-ci confirme qu’il ne compte en demander que deux semainesNote de bas de page 7 .

[21] L’aide de la prestataire a présenté la demande de prestations le 14 décembre 2020. Dans un échange de courriels le 17 décembre 2020, l’aide transmet une version PDF de la demande à la prestataire. Celle-ci répond à l’aide : [traduction] « J’ai essayé de cliquer pour confirmer que je suis d’accord, mais je n’y arrive pas. Peux-tu le faire pour moi? » L’aide répond qu’elle l’a déjà fait et que le courriel visait juste à en informer la prestataireNote de bas de page 8 .

[22] La division générale n’a pas analysé de façon significative ces éléments de preuve dans sa décision. Elle a conclu que le choix que la prestataire avait fait dans sa demande de prestations n’était pas valide. À l’appui de cette conclusion, la division générale note que l’aide n’a pas confirmé quelle option la prestataire souhaitait et ne lui a pas dit quelle option elle avait choisie. La division générale note également que la prestataire n’a reçu une copie de la demande de prestations qu’après qu’elle a été présentéeNote de bas de page 9 .

[23] La division générale n’a pas tenu compte de l’échange de courriels dans son analyse. Cet échange montre que la prestataire a reçu une copie de la demande de prestations trois jours après qu’elle ait été présentée. La prestataire affirme qu’elle a essayé de cliquer pour confirmer qu’elle était d’accord, mais qu’elle n’a pas été en mesure de le faire. Cet élément de preuve porte à croire que la prestataire a examiné le formulaire de demande et qu’elle était d’accord avec celui-ci. Cela s’est produit avant le premier versement de prestations prolongées et à un moment où l’option choisie aurait pu être modifiée.

[24] J’estime que la division générale n’a pas analysé la preuve de façon significative lorsqu’elle a omis de tenir compte de l’échange de courriels entre la prestataire et son aide et lorsqu’elle a conclu que l’aide avait trouvé le formulaire de demande déroutant sans preuve à l’appui de cette conclusion.

[25] La prestataire a également déclaré qu’elle était confuse lorsque son aide lui a demandé dans les messages textes si elle voulait un maximum de 35 semaines de prestations ou choisir l’option des prestations prolongées. Elle a dit qu’elle ne comprenait pas ce que l’aide lui demandait et qu’elle ne savait pas qu’il y avait deux types différents de prestationsNote de bas de page 10 . La prestataire a affirmé lors de l’audience de la division générale qu’après que ses prestations ont diminué et que sa demande de modifier son choix a été refusée, elle avait fait des recherches en ligne et découvert les prestations prolongées versées à un taux de 33 % de sa rémunération hebdomadaire assurableNote de bas de page 11 .

[26] La division générale n’a pas interrogé la prestataire au sujet de sa confusion au moment de la conversation avec son aide. Cet élément de preuve aurait été utile pour décider si elle a délibérément choisi un type de prestations parentales plutôt qu’un autre. La division générale aurait dû examiner ces éléments de preuve de façon significative.

Réparation de l’erreur

[27] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision qu’elle aurait dû rendre. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine sa décisionNote de bas de page 12 .

[28] La Commission m’a demandé de prendre la décision que la division générale aurait dû rendre et de conclure que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et que ce choix est irrévocable. À l’audience, la prestataire a soutenu que la division générale n’avait pas commis d’erreur et n’a pas pris position sur la réparation appropriée. Comme il a été mentionné ci-dessus, la prestataire a écrit au Tribunal après l’audience pour lui demander d’annuler sa décision, ce que j’ai interprété comme étant la position qu’elle a défendue à l’audience devant moi.

[29] Je rendrais une décision seulement si je pouvais admettre qu’il y a des éléments de preuve sur toutes les questions que je dois trancher et que les deux parties ont eu la juste possibilité de présenter leurs arguments.

[30] J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’analyser la preuve de façon significative. La preuve n’était pas claire quant à savoir si la prestataire avait examiné ou non la demande de prestations lorsque son aide la lui a envoyée le 17 décembre 2020. La prestataire a déposé en preuve l’échange de courriels dans lequel elle a affirmé qu’elle avait essayé de cliquer pour confirmer qu’elle était d’accord avec la demande, mais on ne lui a pas posé de questions à ce sujet à l’audience.

[31] La division générale a également conclu qu’il est probable que l’aide avait trouvé le formulaire de demande déroutant. La prestataire a témoigné du fait qu’elle était elle‑même confuse lorsque son aide lui a demandé si elle voulait des prestations standards ou des prestations prolongées. La division générale n’a pas examiné si cette confusion avait eu un effet sur la décision de la prestataire de choisir consciemment un type de prestations plutôt que l’autre.

[32] La prestataire s’attendait à ce que la membre lui pose toutes les questions nécessaires lors de l’audience de division générale. J’estime que la preuve concernant la question de savoir si la prestataire a examiné la demande est pertinente et qu’elle n’a pas été interrogée à ce sujet.

[33] Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen. Je comprends la position de la prestataire qui voulait modifier son choix devant la division générale. La prestataire peut retirer son appel auprès de la division générale si elle le souhaite.

Conclusion

[34] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’analyser la preuve de façon significative. Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

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