Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

assurance-emploi – prestations parentales – prestataire induite en erreur par le personnel de la Commission – choix de prestations parentales – choix invalide – erreur de fait de la division générale quant au choix de la prestataire

La prestataire a demandé des prestations parentales de l’assurance-emploi (AE). Généralement, la loi donne aux parents la possibilité d’obtenir la même somme de prestations, appelée la « rémunération hebdomadaire assurable », pendant deux périodes différentes : l’option « standard » permet à un parent de recevoir des prestations au taux de 55 % de la « rémunération hebdomadaire assurable » pendant un maximum de 35 semaines tandis que l’option « prolongée » lui permet de recevoir des prestations au taux de 33 % de la « rémunération hebdomadaire assurable » pendant un maximum de 61 semaines. Le formulaire permet aussi de choisir le nombre de semaines pendant lesquelles les prestataires veulent recevoir des prestations. Dès qu’un parent reçoit son premier paiement de prestations, la loi rend son choix entre les prestations « standards » et « prolongées » définitif, ce qui veut dire qu’il n’est plus possible de le modifier.

Le 25 septembre 2020, la prestataire a choisi l’option « prolongée » dans sa demande de prestations parentales de l’AE. Le 7 octobre 2020, elle a présenté une deuxième demande. Cette fois-ci, elle a choisi les « prestations standards ». Le 2 novembre 2020, la Commission a communiqué avec la prestataire pour confirmer son choix de prestations. Dans les registres téléphoniques de la Commission, on peut lire ceci : « La [prestataire] a dit qu’elle aimerait recevoir des prestations parentales prolongées pendant 61 semaines. »

Après avoir commencé à recevoir les prestations prolongées, la prestataire a communiqué avec la Commission. Elle a déclaré qu’elle voulait remplacer ses prestations prolongées par les prestations standards. La Commission a refusé sa demande parce que la loi précise qu’un prestataire ne peut pas changer d’avis après avoir reçu un premier versement de prestations. La Commission a maintenu sa décision après révision.

La prestataire a fait appel à la division générale (DG). Celle-ci a accueilli l’appel. Elle a conclu que la prestataire avait choisi les prestations standards parce qu’elle avait déposé une deuxième demande pour obtenir les prestations standards.

La Commission a fait appel de la décision de la DG à la division d’appel (DA). Cette dernière a conclu que la DG avait fondé sa décision sur une erreur de fait concernant le choix de la prestataire. La DA a noté que la DG avait commis une erreur lorsqu’elle a constaté qu’une conversation entre la prestataire et la Commission n’avait pas changé son choix entre les prestations standards et les prestataions prolongées.

La DA a décidé de rendre la décision que la DG aurait dû rendre. La DA a conclu que la prestataire avait été mal informée parce que l’agente lui a dit qu’avec l’option prolongée, elle obtiendrait un taux de prestations de 55 % pour une année à partir du début des prestations de maternité et que le taux baisserait à 33 % pour les semaines restantes. C’est faux.

La DA a conclu que la prestataire avait été induite en erreur et qu’elle a fait son choix en se fondant sur de faux renseignements fournis par une personne de qui elle aurait dû pouvoir s’attendre à recevoir des renseignements exacts, c’est-à-dire la Commission. La DA a conclu que l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi présuppose un choix valide. Comme le choix de la prestataire entre les prestations standards et prolongées était invalide, la DA a accueilli l’appel en partie.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c LU, 2021 TSS 619

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Rachel Paquette
Partie intimée : L. U.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 11 juin 2021 (GE-21-855)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 22 octobre 2021
Numéro de dossier : AD-21-206

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. J’annule la décision de l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, de verser des prestations à l’intimée, L. U. (prestataire), conformément à son choix du 2 novembre 2020.

Aperçu

[2] La Commission fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire avait choisi de recevoir des prestations parentales standards de l’assurance-emploi.

[3] La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait en permettant à la prestataire de modifier son choix pour obtenir les prestations parentales standards. La Commission maintient que la prestataire a clairement choisi les prestations parentales prolongées.

[4] La Commission demande à la division d’appel d’accueillir l’appel et de rendre la décision que, selon elle, la division générale aurait dû rendre. La Commission soutient que la division générale aurait dû décider i) que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales prolongées et ii) que son choix était irrévocable. La prestataire n’a pas présenté d’observations dans le cadre de l’appel devant la division d’appel.

[5] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de droit ou de fait. Je juge que la division générale a commis une erreur de fait au sujet du choix qu’a fait la prestataire le 2 novembre 2020. Malgré cela, j’estime que le choix de la prestataire ce jour-là n’était pas valide. Par conséquent, j’annule la décision de la Commission de verser des prestations à la prestataire conformément à son choix du 2 novembre 2020. La prestataire doit maintenant choisir entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées.

Question préliminaire

[6] La division d’appel a initialement prévu une audience par téléconférence, mais les parties n’ont pas pu s’entendre sur un moment qui leur convenait mutuellement. Les parties ont convenu d’aller de l’avant avec l’appel en se fondant sur les documents déjà au dossier.

Question en litige

[7] La Commission soulève plusieurs arguments, mais je vais me concentrer sur la question de savoir si la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait. En particulier, je m’attarderai à l’argument de la Commission selon lequel la division générale a commis une erreur de fait en concluant que la prestataire n’avait pas fait ou changé son choix le 2 novembre 2020.

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1 . La division d’appel n’a aucunement le pouvoir de réévaluer la preuve ou d’instruire l’affaire à nouveau.

Contexte

[9] Le 20 août 2020, la prestataire a arrêté de travailler. Elle a demandé des prestations parentales et des prestations de maternité de l’assurance-emploi.

[10] Il y a deux types de prestations parentales :

  • Les prestations parentales standards - le taux des prestations s’élève à 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable des prestataires, jusqu’à concurrence d’un montant maximal, et un parent peut toucher des prestations pendant un maximum de 35 semaines.
  • Les prestations parentales prolongées - le taux des prestations s’élève à 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable des prestataires, jusqu’à concurrence d’un montant maximal, et un parent peut toucher des prestations pendant un maximum de 61 semaines.

Première demande de la prestataire présentée en septembre 2020

[11] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 25 septembre 2020. Elle ne s’attendait pas à reprendre son emploi à cause de la pandémie.

[12] La prestataire a affirmé qu’elle voulait recevoir des prestations parentales immédiatement après ses prestations de maternitéNote de bas de page 2 . Elle a demandé 61 semaines de prestations parentales prolongéesNote de bas de page 3 .

Deuxième demande de la prestataire présentée en octobre 2020

[13] La prestataire a présenté une deuxième demande de prestations le 7 octobre 2020. Elle a confirmé qu’elle ne s’attendait pas à reprendre son emploi en raison d’une pénurie de travail.

[14] Cette fois-ci, la prestataire a demandé 35 semaines de prestations parentales standardsNote de bas de page 4 .

Choix de prestations parentales de la prestataire le 2 novembre 2020

[15] La Commission a communiqué avec la prestataire le 20 novembre 2020 pour clarifier quel type de prestations parentales elle souhaitait recevoir. Les notes du registre téléphonique de la Commission disent ce qui suit : [traduction] « La [prestataire] a dit qu’elle aimerait recevoir des prestations parentales prolongées pendant 61 semainesNote de bas de page 5  ».

Après le premier versement de prestations parentales

[16] La prestataire a commencé à recevoir des prestations parentales en avril 2021 au taux réduit des prestations parentales prolongées. Elle a remarqué que les prestations étaient beaucoup moins élevées que ce à quoi elle s’attendait.

[17] La prestataire a communiqué avec la Commission pour demander de passer des prestations parentales prolongées aux prestations parentales standards. La Commission lui a expliqué qu’il était trop tard pour modifier son choix parce que des prestations parentales lui avaient déjà été verséesNote de bas de page 6 .

Étape de la révision

[18] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a écrit : [traduction] « J’ai été mal informée au sujet de la durée du congé de maternité. J’ai d’abord demandé le congé standardNote de bas de page 7  ».

[19] La prestataire a communiqué avec la Commission le 19 mai 2021. La Commission a de nouveau informé la prestataire qu’elle ne pouvait pas changer son type de prestations parentales une fois qu’une semaine de prestations avait été versée. Son choix était irrévocable, de sorte que la Commission maintiendrait sa décisionNote de bas de page 8 .

[20] La Commission a maintenu sa décision après avoir procédé à la révisionNote de bas de page 9 . La prestataire a fait appel à la division générale. Elle a de nouveau écrit qu’elle avait été [traduction] « mal informée au sujet de la durée du congé de maternitéNote de bas de page 10  » et qu’elle avait d’abord présenté une demande de prestations parentales standards.

Décision de la division générale

[21] La division générale a fait remarquer qu’au titre de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, une partie prestataire ne peut plus modifier son choix de prestations parentales dès que des prestations parentales sont versées.

[22] La division générale a accepté la preuve de la prestataire selon laquelle :

  • Elle a parlé à la Commission le 20 novembre 2020, et un agent lui a dit qu’avec l’option prolongée, le taux de prestations était de 55 % pour un an, à partir du début des prestations de maternité, et qu’il baisserait à 33 % pour les semaines restantes après la fin de l’annéeNote de bas de page 11 .
  • En se fondant sur ce conseil, elle a décidé de choisir 61 semaines de prestations parentales prolongées. Elle a informé la Commission de son choix.

[23] La division générale a conclu que le choix de prestations parentales prolongées de la prestataire était fondé sur une erreur concernant le taux des prestations. Le membre a conclu que la prestataire avait clairement indiqué dans son témoignage qu’elle avait besoin de prestations au taux de 55 % et qu’elle n’était pas d’accord avec le taux réduit de 33 %. La division générale a conclu que « Le fait que la prestataire a déclaré lors de cette conversation [du 2 novembre 2020 avec la Commission] qu’elle aimerait recevoir des prestations prolongées ne change rien au fait qu’elle a choisi les prestations standards dans sa deuxième demandeNote de bas de page 12  ».

[24] Autrement dit, la division générale a conclu que la conversation du 2 novembre 2020 n’a pas changé le choix de la prestataire des prestations parentales prolongées aux prestations standards parce qu’il était fondé sur une erreur et qu’il « allait à l’encontre de l’intention continue de la prestataire de recevoir des prestations pendant un an au taux de 55 % et de retourner au travail par la suiteNote de bas de page 13  ».

[25] La division générale a également déclaré qu’elle accordait plus de poids au choix écrit de la prestataire dans sa deuxième demande de prestations qu’à son « choix » verbal du 2 novembre 2020.

L’appel de la Commission à la division d’appel

[26] La Commission soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs, que voici :

  • Elle n’a pas analysé la preuve de façon pertinente
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur de fait. En particulier, la Commission soutient que la division générale a commis une erreur de fait de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte de la preuve, lorsqu’elle a conclu que la conversation du 2 novembre 2020 entre la prestataire et la Commission n’avait pas changé le choix de la prestataire.
  • Elle a omis d’appliquer l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait concernant le choix de la prestataire?

[27] La Commission soutient que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait selon laquelle la conversation du 2 novembre 2020 entre la prestataire et la Commission n’avait pas changé le choix de la prestataire.

[28] La Commission note que la prestataire a affirmé que les notes du registre téléphonique indiquaient avec exactitude sa réponse au sujet du type de prestations parentales qu’elle souhaitait recevoir. La prestataire a déclaré qu’elle voulait recevoir les prestations prolongées pendant 61 semaines. Il s’agissait d’un changement par rapport à sa plus récente demande, dans laquelle elle disait vouloir 35 semaines de prestations parentales standards.

[29] En fait, la division générale a fait remarquer que la prestataire avait présenté cette preuve. La division générale a écrit ce qui suit :

Dans sa conversation du 2 novembre 2020 avec la Commission, elle a effectivement dit qu’elle voulait l’option prolongée de 61 semaines. Elle a affirmé avoir fait ce choix en se fondant sur sa discussion avec l’agent de la Commission. L’agent lui a dit qu’avec l’option prolongée, le taux de prestations demeurait à 55 % pendant un an à partir du début des prestations de maternité, et qu’il baisserait à 33 % pour les semaines restantes après la fin de l’annéeNote de bas de page 14 .

[30] Il ressort clairement de la preuve de la prestataire qu’elle avait changé d’avis au sujet du type de prestations parentales qu’elle souhaitait recevoir et de la durée de ces prestations depuis qu’elle avait présenté sa deuxième demande.

[31] Bien que la prestataire se soit peut-être trompée quant au montant qu’elle recevrait sous forme de prestations parentales prolongées, elle a modifié son choix directement à la suite de l’appel téléphonique de la Commission. Son choix allait peut-être à l’encontre de son intention continue de recevoir des prestations parentales au taux de 55 % au cours d’une année, mais il s’agissait néanmoins d’un choix, même s’il était fondé sur ce que la division générale a qualifié d’« erreur ».

[32] La division générale a conclu que le fait que la prestataire « a déclaré lors de [la] conversation [du 2 novembre 2020] qu’elle aimerait recevoir des prestations prolongées ne change rien au fait qu’elle a choisi les prestations standards dans sa deuxième demande ». Il s’agit d’une conclusion abusive et arbitraire, compte tenu du témoignage de la prestataire à la division générale.

[33] Puisque j’ai conclu que la division générale avait commis une erreur, je n’ai pas à examiner les autres arguments de la Commission.

Réparation

[34] Comment puis-je réparer l’erreur de la division générale? Deux options s’offrent à moiNote de bas de page 15 . Je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen. Si je choisis la première option, je peux tirer des conclusions de faitNote de bas de page 16 .

Arguments des parties

[35] La Commission m’invite à accueillir l’appel et à rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Selon elle, la division générale aurait dû conclure que la prestataire avait choisi de recevoir les prestations parentales prolongées et que son choix était irrévocable. La prestataire n’a présenté aucun argument à la division d’appel.

Substituer ma propre décision

[36] Dans la présente affaire, il convient de remplacer la décision de la division générale par ma propre décision. Les faits ne sont pas contestés et la preuve au dossier est suffisante pour me permettre de rendre une décision. Aucune des parties n’allègue que la procédure de la division générale a été inéquitable ni que la division générale ne lui a pas donné une occasion raisonnable de présenter ses arguments.

Les choix sont irrévocables

[37] La Commission soutient qu’au titre de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, une fois que des prestations parentales ont été versées relativement au même enfant, le choix d’une partie prestataire est irrévocable. Elle déclare aussi qu’il n’existe aucune exception ou circonstance qui permettrait à une partie prestataire de modifier son choix.

[38] La Commission prétend qu’il n’est pas pertinent que la prestataire se soit trompée sur ce qu’elle recevrait. L’incertitude ou le manque de connaissances au sujet du régime de prestations d’assurance-emploi n’ont permis d’accorder aucune réparationNote de bas de page 17 .

[39] Dans la présente affaire, la Commission soutient que la prestataire ne pouvait plus changer son choix de prestations parentales prolongées à des prestations parentales standards après le 13 avril 2021, parce que des prestations parentales lui avaient déjà été versées à cette date.

La prestataire s’est appuyée sur des renseignements erronés

[40] La Commission cite la décision Karval, dans laquelle la Cour fédérale a déclaré qu’il n’y avait aucun recours possible en droit lorsqu’une partie prestataire « ne possède tout simplement pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguësNote de bas de page 18  ».

[41] Toutefois, dans le cadre de l’instance à la division générale, la prestataire a dit que cela ne décrivait pas du tout sa situation. La prestataire a dit qu’un agent l’avait induite en erreur et qu’elle s’était fiée à cette information erronée pour choisir de recevoir des prestations parentales prolongées pendant 61 semaines.

[42] Dans sa demande de révision et son avis d’appel à la division générale, la prestataire a écrit qu’elle avait été [traduction] « mal informée au sujet de la durée du congé de maternité ». La prestataire a déclaré que la Commission l’avait informée qu’avec l’option prolongée, le taux de prestations demeurait à 55 % pendant un an à compter du début des prestations de maternité et qu’il baisserait à 33 % pour les semaines restantes après la fin de cette année.

[43] La Commission soutient que les notes du registre téléphonique décrivent fidèlement sa conversation avec la prestataire et qu’elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées pendant 61 semaines. Je conviens que les notes du registre téléphonique reflètent avec exactitude cette partie de la conversation téléphonique. La prestataire reconnaît volontiers qu’elle a dit qu’elle voulait recevoir des prestations parentales prolongées pendant 61 semaines.

[44] Cependant, la prestataire affirme que sa conversation avec la Commission allait plus loin. Elle affirme que l’agent lui a dit qu’elle pouvait s’attendre à recevoir 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable pendant un an, à compter de la date du versement des prestations de maternité.

[45] La division générale a accepté le témoignage de la prestataire à ce sujet. Elle a conclu que la preuve de la prestataire était fiable. Autrement dit, la division générale a jugé que les notes de la Commission étaient, au mieux, incomplètes. La division générale avait le droit de tirer cette conclusion en se fondant sur la preuve.

[46] La Commission n’a pas assisté à l’audience de la division générale. La Commission n’a pas contesté le témoignage de la prestataire à l’audience selon lequel un agent l’avait mal informée en lui disant qu’elle pouvait s’attendre à recevoir 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable pendant un an, à compter de la date du versement des prestations de maternité. De plus, la Commission n’a jamais produit de preuve, comme des documents d’affidavit, pour tenter de réfuter la preuve de la prestataire au sujet de sa conversation avec la Commission. Fait important, la Commission ne conteste pas ses affirmations au sujet de la conversation.

[47] Tout simplement, il n’y avait aucune preuve qui contredisait le témoignage de la prestataire selon lequel un agent l’avait mal informée. La prestataire a été induite en erreur et s’est fiée à ces renseignements. Ils étaient au cœur de son choix des prestations parentales prolongées.

Affaire Karval

[48] La Commission laisse entendre que, malgré le fait que la prestataire se soit fiée à ses renseignements erronés, elle ne peut toujours pas modifier son choix en raison de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui interdit de modifier un choix une fois que les prestations parentales ont été versées.

[49] L’article ne donne pas non plus à la division d’appel le pouvoir de modifier le choix d’une partie prestataire, même dans les circonstances où celle-ci s’est fondée sur des renseignements erronés.

[50] Toutefois, dans l’arrêt Karval, la Cour fédérale n’a pas écarté la possibilité d’un recours judiciaire pour une partie prestataire. Les tribunaux ont dit que ce serait possible « si un prestataire est réellement induit en erreur parce qu’il s’est fié à des renseignements officiels et erronésNote de bas de page 19  ». Cela semble bien décrire la situation de la prestataire.

[51] La Cour fédérale a conclu que certains recours judiciaires pourraient être possibles au titre de la doctrine des attentes raisonnables. Toutefois, elle n’a pas précisé comment l’information erronée et les erreurs qui en ont découlé pourraient être corrigées (si elles pouvaient même être corrigées) au niveau de la division générale ou de la division d’appel.

[52] Un examen de la jurisprudence porte à croire que la doctrine des attentes raisonnables ne s’applique que dans un contexte contractuel, tandis que d’autres affaires laissent entendre qu’elle s’applique à l’instance et ne définit pas les droits fondamentaux. Par exemple, dans l’arrêt Moreau-BérubéNote de bas de page 20 , la Cour suprême du Canada a déclaré que la doctrine ne crée pas de droits fondamentaux.

Elle fait plutôt partie de l’équité procédurale et trouve application dans les cas où une partie affectée par une décision administrative peut établir qu’elle s’attend légitimement à ce qu’une certaine procédure soit suivie : Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, p. 557; Baker, précité, par. 26. Elle peut donner lieu au droit de faire des observations, au droit d’être consulté et peut-être, si les circonstances l’exigent, à des droits procéduraux plus étendus.

[53] D’autres affaires ont décrit la doctrine comme un recours équitable.

[54] Ces affaires précisent toutes qu’un recours en vertu de la doctrine des attentes raisonnables est seulement possible dans un nombre très limité de circonstances factuelles. Ni la division générale ni la division d’appel ne semblent avoir le pouvoir d’accorder un recours judiciaire en vertu de la doctrine.

[55] Toutefois, l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi suppose un choix valide. Par conséquent, si une partie prestataire a été induite en erreur et a fait son choix en se fondant sur des renseignements erronés fournis par une personne qui aurait dû pouvoir fournir des renseignements exacts, on ne peut pas dire qu’elle a fait un choix valide en premier lieu.

[56] Le choix de la prestataire du 2 novembre 2020 n’est pas valide.

Conclusion

[57] L’appel est accueilli en partie. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait. Toutefois, le choix de la prestataire du 2 novembre 2020 n’était pas valide parce qu’elle s’est appuyée sur des renseignements erronés de la Commission. Par conséquent, j’annule la décision de la Commission de verser des prestations parentales prolongées à la prestataire. La prestataire peut maintenant choisir entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées.

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