Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 612

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie demanderesse : M. K.
Représentante ou représentant : S. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Demande d’annulation ou de
modification d’une décision :
Décision de la division générale, section de l’assurance-
emploi, du Tribunal de la sécurité sociale datée du
26 mai 2021

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 23 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Demanderesse
Représentante de la demanderesse
Date de la décision : Le 26 août 2021
Numéro de dossier : GE-21-1101

Sur cette page

Décision

[1] La demanderesse n’a pas prouvé qu’il y a une raison de réexaminer et de modifier la décision initiale du Tribunal. La décision initiale est donc maintenue.

Aperçu

[2] Une partie peut demander au Tribunal de réexaminer et de modifier une décisionNote de bas de page 1 . La partie qui en fait la demande est la « partie demanderesse ». Dans la présente affaire, c’est la demanderesse qui est la prestataire, et non la Commission de l’assurance-emploi du Canada.   

[3] Le Tribunal avait initialement décidé que la demanderesse n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Cette décision était fondée sur le fait qu’elle était étudiante à temps plein et qu’elle ne réfutait pas la présomption selon laquelle une personne qui étudie à temps plein n’est pas disponible. La demanderesse a déposé de nouveaux renseignements avec cette demande. Elle estime que cette décision devrait être modifiée, car elle a des éléments de preuve documentaires montrant qu’elle était disposée à travailler à temps plein tout en poursuivant ses études et qu’elle n’avait pas de cours pendant le trimestre de février à avril 2021. Elle a également soulevé une question de justice naturelle, aussi désignée sous le nom d’équité procédurale. Elle n’a pas reçu le rappel téléphonique du Tribunal avant l’audience. Par conséquent, elle et sa représentante (sa mère) ne s’étaient pas préparées convenablement. Enfin, la demanderesse veut que la décision soit modifiée pour lui accorder des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle fréquentait l’école, du 28 décembre 2021 jusqu’à la fin des classes en juin 2021.    

Question en litige

[4] La demanderesse a-t-elle prouvé qu’il y avait une raison de réexaminer la décision initiale? Dans l’affirmative, je dois ensuite déterminer en quoi cela modifie la décision.

Analyse

[5] Le Tribunal ne peut pas simplement réexaminer une décision lorsqu’une partie demanderesse le demande. En effet, le Tribunal ne peut réexaminer et modifier une décision que pour l’un des deux motifs suivants :

  1. de nouveaux faits sont présentés au Tribunal;
  2. la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un fait essentielNote de bas de page 2

[6] Ces deux motifs exigent que j’examine si les nouveaux renseignements ont une incidenceNote de bas de page 3 sur l’issue de la décision initiale. En ce qui concerne les faits nouveaux, la cour a énoncé que je dois examiner la question de savoir si les nouveaux renseignements jouent un [traduction] « rôle déterminantNote de bas de page 4  ». Pour le deuxième motif, je dois me pencher sur la question de savoir si les renseignements concernent un « fait essentielNote de bas de page 5  ». 

[7] Il est logique que pour les deux motifs, la demanderesse doive montrer que les nouveaux renseignements ont une incidence sur la décision. Il en est ainsi parce que la demanderesse me demande de modifier la décision à la lumière de ces nouveaux renseignements. Si les renseignements n’ont pas d’incidence sur la décision, ou ne la modifient pas, il n’y a alors aucun intérêt de la réexaminer. 

Les renseignements sont-ils suffisamment importants pour avoir une incidence sur l’issue de la décision?

[8] La question en litige dans la décision que l’on cherche à modifier était de savoir si la demanderesse n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle était étudiante à temps plein. La demanderesse affirme que les renseignements documentaires sont suffisamment importants pour avoir une incidence sur la décision, car ils confirment qu’elle pouvait et voulait travailler à temps plein, et qu’elle n’avait pas de cours pendant la période de février à avril 2021. Elle était donc disponible pour travailler. Il a également été injuste de ne pas recevoir d’informations de la part du personnel du Tribunal avant l’audience, de sorte qu’elle n’était pas convenablement préparée à participer à l’audience.   

[9] En revanche, la Commission affirme que la demanderesse n’était pas disponible, car sa disponibilité était limitée par son statut d’étudiante à temps plein. Les documents que la demanderesse a présentés ne constituent pas des « faits nouveaux ». Ils étaient connus au moment de l’audience. Ils ne sont pas déterminants. La Commission n’a pas présenté d’observations sur la question de la justice naturelle. 

[10] J’estime que les renseignements sont pertinents et qu’ils peuvent être suffisamment importants pour avoir une incidence sur les questions soulevées dans la décision, car les éléments de preuve documentaires portent sur les questions liées au travail à temps plein et aux exigences du travail scolaire. Les renseignements sur la question de la justice naturelle concernent l’équité procédurale d’un processus ou d’une audience. L’importance de cette question est confirmée par le fait qu’une violation de la justice naturelle par la division générale est une raison de faire appel de sa décision devant la division d’appel. Je traiterai d’abord des deux questions relatives aux éléments de preuve documentaire (travail à temps plein et fréquentation scolaire). Je traiterai de la question de la justice naturelle en dernier lieu, sous la rubrique « La question de la justice naturelle ». 

[11] Le document sur le travail à temps plein n’aurait pas d’incidence sur la décision pour les raisons qui suivent. Ce document est un [traduction] « formulaire de disponibilité des employés » provenant de son employeur, pour lequel elle a travaillé de septembre 2019 à aujourd’hui. En 2020 et en 2021, elle a été mise à pied pendant plusieurs périodes en raison de fermetures liées à la COVID-19. Le document est daté du 6 septembre 2020, et est signé par elle et son employeur. Dans ce document, la demanderesse déclare être disponible sept jours sur sept, de six à huit heures par jour. Elle déclare préférer faire 40 heures et plus. Elle avait connaissance du document avant l’audience, mais n’en a obtenu une copie qu’après l’audience. Je n’ai pas besoin d’examiner le critère relatif aux faits nouveaux ou aux faits essentiels, car le document ne modifierait pas la décision. Le document confirme ma conclusion au paragraphe [32] de la décision selon laquelle la demanderesse était prête à travailler à temps plein. Cette conclusion est en faveur de la demanderesse sur l’un des points qu’elle devait prouver, à savoir son désir de retourner sur le marché du travail, comme indiqué au paragraphe [33] de la décision. Puisque ce document ne changerait pas cette conclusion, ni la décision, je n’ai pas besoin de l’examiner davantage.

[12] J’examinerai le document sur sa fréquentation scolaire ainsi que les questions de justice naturelle ci-dessous, afin de décider si les renseignements sont suffisamment importants pour modifier la décision.    

La demanderesse a-t-elle démontré qu’il existe des faits nouveaux?

[13] La demanderesse doit ensuite prouverNote de bas de page 6 qu’il existe des « faits nouveaux », c’est-à-dire que ceux-ci se sont produits :

  • après que la décision ait été prise; ou  
  • avant que la décision ait été rendue, mais n’auraient pas pu être découverts avant cette date par une personne agissant avec diligenceNote de bas de page 7 .

[14] En ce qui concerne la question de la fréquentation scolaire, la demanderesse n’a pas satisfait à la première partie du critère relatif aux « faits nouveaux ».

Quand est-ce que les renseignements sont apparus?  

[15] Les renseignements concernant la question de la fréquentation scolaire sont apparus avant l’audience. La Commission a fondé ses observations sur le fait que ces renseignements étaient connus personnellement de la demanderesse avant l’audience. La demanderesse a déclaré qu’elle disposait de ces renseignements avant l’audience. Comme les parties ne sont pas en désaccord sur le fait que la demanderesse était au courant de ces renseignements avant l’audience, j’accepte cela comme étant un fait. 

[16] Cependant, pour qu’un renseignement connu par la demanderesse avant l’audience soit considéré comme un « fait nouveau » qui entraînera le réexamen de la décision, la demanderesse doit démontrer que le renseignement n’aurait pas pu être découvert avant l’audience par une personne agissant avec diligenceNote de bas de page 8 . La demanderesse n’est pas en mesure de le faire, car elle connaissait en fait ce renseignement avant l’audience. 

[17] La demanderesse ne satisfait pas au critère relatif aux « faits nouveaux » pour justifier le réexamen de sa décision. Toutefois, je dois tenir compte de l’autre critère de réexamen, à savoir si la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou si elle a été fondée sur une erreur relative à un fait essentielNote de bas de page 9 .

Fait essentiel non connu ou erreur relative à un fait essentiel

[18] Je peux également modifier une décision si elle a été rendue sans que soit connu un fait essentiel ou si elle a été fondée sur une erreur relative à un fait essentiel. Les tribunaux n’ont pas encore énoncé de critère pour définir les exigences que traduit cette phrase. Dans une affaire judiciaire, un décideur a rendu une décision en l’absence d’un document qui fournirait des éléments de preuve pour appuyer ou contester l’affirmation de la Commission selon laquelle un prestataire avait fait de fausses déclarations. Le tribunal a jugé qu’en l’absence de cette preuve essentielle, la décision du décideur était fondée sur une erreur concernant un fait essentielNote de bas de page 10 . La demanderesse a prouvé que les renseignements portent sur un fait essentiel, à savoir la preuve de sa fréquentation scolaire pendant la période de février à avril 2021.  

[19] La demanderesse n’a présenté aucune observation sur ce point. La Commission a simplement déclaré que les renseignements supplémentaires [traduction] « ne constituent pas une erreur relative à des faits essentiels ».

[20] J’estime que la preuve concernant l’horaire scolaire ne permet pas de conclure que la décision a été rendue sans que soit connu un fait essentiel ou si elle a été fondée sur une erreur relative à un fait essentiel.   

[21] Le nouveau document relatif à l’horaire scolaire pour la période de février à avril 2021 consiste en des captures d’écran de pages de l’application de la commission scolaire de la demanderesse, à laquelle elle accède par voie électronique. La demanderesse a déclaré qu’elle connaissait l’horaire avant l’audience. Il y a trois captures d’écran de deux semaines : du 8 au 12 mars 2021, et du 19 au 23 avril 2021. Sur chacune des trois captures d’écran, un jour est mis en évidence, et en dessous figure la mention [traduction] « Il n’y a pas de cours à afficher pour la journée sélectionnée ». Les deux captures d’écran du 8 au 12 mars montrent le jeudi (D2) en surbrillance sur l’une, et le vendredi (D3) en surbrillance sur l’autre. La capture d’écran pour la période du 19 au 23 avril 2021 montre le jeudi (J1) en surbrillance. Les captures d’écran montrent les jours de la semaine étiquetés de D1 à D4 par rotation. La demanderesse a déclaré que ces captures d’écran montrent qu’elle n’a pas eu de cours pendant toute la semaine, malgré la mention faisant référence au jour sélectionné. 

[22] Malgré le témoignage de la demanderesse, j’ai du mal à accepter que les documents prouvent qu’elle n’a pas eu de cours pendant la période de février à avril 2021. Premièrement, les trois documents ne montrent que deux semaines sur le trimestre, et chacun ne concerne qu’un jour de la semaine. Deuxièmement, les documents montrent un jour en surbrillance et indiquent qu’ [traduction] « il n’y a pas de cours à afficher pour la journée sélectionnée ». La mention ne précise pas [traduction] « pour la semaine sélectionnée » ou [traduction] « pour le trimestre sélectionné ». Cela contredit le témoignage de la demanderesse, au lieu de le soutenir. Les captures d’écran montrent trois des quatre jours de l’horaire tournant : D1, D2 et D3, mais pas D4. Il est donc possible qu’il y ait eu des cours le jour J4. Ces considérations, en combinaison avec les incohérences de la demanderesse et mes motifs énoncés au paragraphe [31] de la décision du 26 mai 2021, me convainquent que les nouveaux renseignements ne sont pas assez importants pour avoir une incidence sur la décision. Ma décision sur la question de la fréquentation scolaire pour la période de février à avril 2021 reste inchangée. 

La question de la justice naturelle

[23] J’ai jugé, pour les motifs suivants, qu’il n’est pas approprié pour moi d’aborder la question de la justice naturelle. 

[24] Au début de l’audience du 23 août, j’ai souligné qu’en règle générale, une représentante ou un représentant ne témoigne pas. Aux fins de la présente audience, j’ai autorisé la représentante à témoigner sur la question de la justice naturelle, car c’est elle qui a parlé au téléphone avec la personne qui a appelé quelques jours après l’audience du 17 mai. C’est elle qui avait la preuve concernant cette question. Je n’ai pas permis à la représentante de témoigner sur les deux questions concernant les documents relatifs à l’horaire de travail et à l’horaire scolaire. En effet, la demanderesse avait une connaissance directe de ces questions, et la règle générale veut qu’une représentante ou un représentant ne soit pas également un témoin qui fournit des éléments de preuve. 

[25] La représentante a témoigné comme suit. Ce n’est qu’après l’audience que la demanderesse et sa représentante ont appris qu’elles n’avaient pas reçu d’appel du personnel du Tribunal avant l’audience. Elles ont appris cela lorsque la représentante a reçu un appel quelques jours après l’audience. La personne qui a appelé recueillait des renseignements sur leur satisfaction à l’égard du processus et de l’audience du Tribunal. L’appel du personnel du Tribunal les aurait aidés à se préparer et à savoir à quoi s’attendre à l’audience. Si elles avaient reçu l’appel préalable à l’audience du Tribunal, elles auraient été mieux préparées pour l’audience et auraient pu fournir tous les documents de preuve possibles. Comme la représentante l’a expliqué lors de l’audience du 23 août, elle et la demanderesse étaient confuses et n’étaient pas préparées pour l’audience antérieure. La représentante n’a pas été autorisée à présenter des éléments de preuve. Elle n’avait reçu aucune référence concernant des sources d’aide extérieures. Si on lui avait parlé d’une aide juridique, elle y aurait eu recours. Cela lui aurait permis d’obtenir des conseils sur les éléments de preuve et les documents nécessaires et sur la manière de les présenter. La représentante s’attendait à témoigner lors de l’audience du 17 mai, mais elle a constaté que le membre (moi-même) ne le permettrait pas. Elle a trouvé le site Web du Tribunal peu clair. 

[26] Le problème que ce témoignage me pose est le suivant. Le témoignage de la représentante porte principalement sur l’appel téléphonique non effectué par le Tribunal et sur les difficultés que son absence a entraînées pour la demanderesse et la représentante dans la préparation de l’audience et dans la participation à l’audience. Il y a aussi le témoignage selon lequel je n’ai pas permis à la représentante de présenter des éléments de preuve à l’audience du 17 mai. Il est exact que j’ai expliqué le rôle du témoin (donner un témoignage) et le rôle de la représentante (poser des questions à la demanderesse, résumer, et non donner, des éléments de preuve, et faire des observations sur les raisons pour lesquelles la demanderesse devrait gagner son appel). Cela soulève la question de savoir si j’ai peut-être enfreint les règles de justice naturelle en décidant que la représentante ne pouvait pas témoigner. Cela soulève implicitement la question de savoir si j’ai omis de fournir des renseignements que le personnel du Tribunal aurait donnés, et si une telle omission constitue une violation des règles de justice naturelle. Cela soulève implicitement la question de savoir si ma conduite lors de l’audience du 17 mai a enfreint les règles de justice naturelle. Si je devais examiner la question de la justice naturelle, alors que mes propres actions peuvent être remises en question, je violerais le droit de la demanderesse de voir cette question tranchée par un tribunal indépendant et impartial. Cela violerait également ce principe juridique de longue date : [traduction] « Nul ne peut être juge dans sa propre cause ». Pour cette raison, je ne me prononcerai pas sur la question de la justice naturelle. Cependant, cette question doit être traitée par quelqu’un.   

[27] L’un des moyens de faire appel de la division générale du Tribunal devant la division d’appel est que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelleNote de bas de page 11 . La division d’appel est mieux placée pour procéder à un examen indépendant et impartial de la question de la justice naturelle. Si la demanderesse souhaite donner suite à la question de justice naturelle (ou à d’autres questions) soulevée dans la demande d’annulation ou de modification, elle devra demander à la division d’appel la permission de faire appel de la présente décision. Elle devra déposer une demande de permission d’en appeler auprès de la division d’appel dans un délai de 30 joursNote de bas de page 12 . Dans la présente affaire, il existe déjà un appel devant la division d’appel concernant ma décision du 26 mai 2021. Cet appel est temporairement mis en attente pendant que la présente demande d’annulation ou de modification est tranchée. Cet appel ne porte pas sur les questions de la demande d’annulation ou de modification tranchées dans la présente décision. Un appel séparé est nécessaireNote de bas de page 13 .       

[28] En ce qui concerne les questions du travail à temps plein et de la fréquentation scolaire, la demanderesse n’a pas satisfait à toutes les exigences du critère relatif aux faits nouveaux ou du critère relatif aux faits essentiels de manière à modifier ma décision sur ces questions. Elle n’a pas non plus établi que je devrais traiter la question de la justice naturelle plutôt que de laisser la division d’appel traiter cette question. Cela signifie que la décision ne sera pas réexaminée et que la décision initiale est maintenue, sans aucun changement.

Conclusion

[29] La demande est rejetée.     

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