Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 662

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (424889) datée
du 4 juin 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 5 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 9 août 2021
Numéro de dossier : GE-21-1072

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi, mais la Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu qu’il n’avait pas accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestationsNote de bas page 1.

[4] La Commission affirme que l’appelant n’a pas accumulé assez d’heures. En effet, il a besoin de 420 heures, mais il n’a accumulé aucune heure d’emploi assurable au cours de sa période de référence. Un crédit unique de 300 heures ne lui permet pas non plus d’atteindre le nombre d’heures requis.

[5] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il a travaillé en République d’Irlande et qu’il a accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations au Canada. Il soutient que ces heures devraient compter pour son admissibilité ou, à tout le moins, l’équité devrait être appliquée de sorte à lui accorder des prestations d’assurance‑emploi.

[6] Je dois décider si l’appelant a accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

L’appelant n’a pas participé à l’audience

[7] L’appelant a fourni une copie papier des documents auxquels il a fait référence dans sa présentation lors de l’audience. Les documents portent essentiellement sur ce qu’il a abordé au cours de l’audience. Je suis donc convaincu qu’il n’y a aucune nouvelle information en plus des renseignements qu’il a présentés à l’audience.

Question en litige

[8] L’appelant a-t-il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi?

Analyse

Admissibilité aux prestations

[9] Seulement certaines personnes qui cessent de travailler peuvent recevoir des prestations d’assurance-emploi. Ces personnes doivent prouver qu’elles sont admissibles aux prestationsNote de bas page 2. L’appelant doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est admissible aux prestations.

[10] Pour être admissible, toute personne doit avoir travaillé assez d’heures durant une période donnée. Ce délai s’appelle la « période de référenceNote de bas page 3 ».

[11] Le nombre d’heures dépend du taux régional de chômage de la personneNote de bas page 4.

Région et taux régional de chômage de l’appelant

[12] La Commission a conclu que le taux régional de chômage de l’appelant était de 13,1 %, car il s’agissait à ce moment-là du taux régional de chômage des 62 régions.

[13] Ainsi, pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, l’appelant devait avoir accumulé au moins 420 heures au cours de sa période de référenceNote de bas page 5.

L’appelant est d’accord avec la Commission

[14] L’appelant ne conteste pas les décisions de la Commission concernant la région et le taux régional de chômage qui s’appliquent à lui. En fait, les 420 heures représentent le nombre minimal d’heures requis pour être admissible aux prestations. Je suis donc convaincu que le nombre minimal de 420 heures requis s’applique à l’appelant. Ainsi, pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, l’appelant devait avoir accumulé au moins 420 heures au cours de sa période de référenceNote de bas page 6.

[15] Toutefois, en raison de la pandémie de la COVID‑19, le gouvernement fédéral a modifié les règles d’admissibilité. Il a reconnu qu’à cause de la pandémie, certaines parties appelantes de l’assurance-emploi n’étaient pas en mesure d’accumuler le nombre d’heures requis pour être admissibles aux prestations. Il a donc mis en place un crédit unique de 300 heures à ajouter aux heures de travail réelles des parties appelantes pour les aider à être admissibles aux prestationsNote de bas page 7.

[16] Par conséquent, l’appelant devait uniquement avoir travaillé 120 heures au cours de sa période de référence. Combiné au crédit de 300 heures, son nombre d’heures accumulées lui permettrait d’atteindre les 420 heures requises pour être admissible aux prestations.

Période de référence de l’appelant

[17] Comme je l’ai mentionné précédemment, les heures qui sont calculées sont les heures travaillées par l’appelant durant sa période de référence. En général, la période de référence correspond aux 52 semaines qui précèdent le début de la période de prestations d’une personneNote de bas page 8.

[18] La période de prestations n’est pas la même chose que la période de référence. La période de prestations est la période durant laquelle une personne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[19] La Commission a conclu que la période de référence de l’appelant correspondait aux 52 semaines habituelles et qu’elle s’étendait du 22 mars 2020 au 20 mars 2021.

[20] L’appelant ne conteste pas la période de référence, et je ne vois aucun élément de preuve pouvant me mener à une autre conclusion.

Heures travaillées par l’appelant

L’appelant n’est pas d’accord avec la Commission

[21] La Commission a conclu que l’appelant n’avait accumulé aucune heure de travail au cours de sa période de référence. Elle affirme qu’il n’existe aucun relevé d’emploi d’un employeur admissible qui consigne les heures travaillées durant sa période de référence.

[22] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il n’a accumulé aucune heure de travail durant sa période de référence. Il affirme qu’il travaillait en Irlande et a soutenu que je devrais considérer ces heures comme étant admissibles pour lui permettre de satisfaire aux exigences de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) afin de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Les heures travaillées en Irlande comptent-elles pour l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi au Canada?

[23] J’ai demandé à la Commission d’obtenir une décision de l’Agence du revenu du Canada (ARC) sur le nombre d’heures requis, car habituellement, je n’ai pas le pouvoir de trancher ce genre de questionNote de bas page 9. J’ai fait la demande le 8 juillet 2021. Une réponse devrait être fournie dans un délai raisonnable.

[24] Le jour de l’audience, le 5 août 2021, la Commission n’avait pas répondu à la demande. Elle n’a pas demandé une prolongation du délai pour obtenir les renseignements demandés et n’a pas participé à l’audience afin d’expliquer la raison pour laquelle elle n’avait pas répondu à la demande. Le 6 août 2021, elle a émis un avis qu’il n’y aurait pas d’autres observations.

[25] Je me retrouve donc dans une situation où je suis obligé de trancher l’affaire sans bénéficier d’une décision de l’ARC. Je suis convaincu que je dispose d’assez d’éléments de preuve pour rendre une décision.

[26] L’appelant a soutenu qu’il avait travaillé en Irlande du 1er novembre 2019 au 31 août 2020. Il a fourni une copie de son contrat avec son employeur en Irlande ainsi qu’un résumé détaillé de son emploi pour 2020 (voir la page GD2‑16 du dossier d’appel). Ce résumé fournit des précisions sur ses gains et ses déductions pendant la durée de son contrat. Il précise aussi qu’il avait accumulé 34 semaines d’emploi assurable. Des retenues ont été faites sur son salaire pour les charges sociales liées au salaire. Il prétend que les semaines et les heures connexes qu’il a accumulées en Irlande peuvent être utilisées pour son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi au Canada en raison d’un accord conclu entre les deux pays.

[27] L’appelant a soutenu que le Canada et l’Irlande ont conclu un accord sur la sécurité socialeNote de bas page 10. Il laisse entendre que cet accord prévoit l’application réciproque des prestations d’assurance-emploi au Canada en fonction du travail qu’il a effectué en Irlande. L’appelant a admis dans son témoignage qu’il n’y a aucune référence à l’assurance-emploi dans l’accord. En fait, l’accord souligne que les deux seuls programmes d’aide sociale auxquels il s’applique au Canada sont le Régime de pensions du Canada (RPC) et la Sécurité de la vieillesse (SV).

[28] J’estime que l’appelant ne peut pas se fier à l’accord bilatéral mentionné, car celui-ci précise qu’il s’applique uniquement au RPC et à la SV au Canada. Il n’y a aucune mention de l’accord s’appliquant aux questions d’assurance-emploi au Canada ni aucune référence qui m’amènerait à conclure qu’il y avait une intention de le faire.

[29] L’appelant a aussi soutenu que le Règlement sur l’assurance‑emploi (Règlement) contient une disposition pour accepter les heures accumulées à l’étrangerNote de bas page 11. L’article en question énonce en détail quatre exigences à respecter pour que les heures soient considérées comme des heures d’emploi assurable :

L’emploi exercé à l’étranger, autre que celui exercé à bord d’un navire conformément à l’article 4, est inclus dans les emplois assurables s’il satisfait aux exigences suivantes :

  1. a) il est exercé par une personne qui réside habituellement au Canada;
  2. b) il est exercé entièrement ou partiellement à l’étranger au service d’un employeur qui réside ou a un établissement au Canada;
  3. c) il serait un emploi assurable s’il était exercé au Canada;
  4. d) il n’est pas un emploi assurable selon les lois du pays où il est exercé.

[30] L’appelant a présenté des observations sur les éléments a) et c). Il affirme qu’il réside habituellement au Canada et que son emploi en Irlande serait assurable s’il l’avait exercé au Canada. Je suis porté à être d’accord avec l’appelant. Il avait un contrat d’emploi temporaire en Irlande. Je suis convaincu que l’appelant avait l’intention de revenir au Canada pour reprendre sa résidence habituelle. De plus, selon l’emploi que l’appelant occupait en Irlande, je suis convaincu que s’il avait fait le même travail au Canada, celui-ci aurait été considéré comme un emploi assurable.

[31] Toutefois, l’appelant n’a pas fourni d’observations sur les éléments b) et d). L’élément c) [sic] exige que l’emploi exercé à l’étranger soit au service d’un employeur qui réside ou a un établissement au Canada.

[32] L’appelant travaillait pour la Sutherland School of Law [faculté de droit] de la University College Dublin. L’employeur ne réside pas au Canada et n’a pas d’établissement au Canada. L’appelant n’a présenté aucune observation pouvant me mener à une autre conclusion.

[33] L’élément d) prévoit que tout emploi à l’étranger n’est pas considéré comme un emploi assurable selon les lois du pays où il est exercé. L’appelant a soutenu qu’il n’est pas admissible au bénéfice des prestations en Irlande parce qu’il ne répond pas aux exigences relatives à la résidence. L’élément en question ne précise rien sur l’admissibilité aux prestations. Il indique uniquement qu’un emploi à l’étranger ne peut pas être un emploi assurable dans le pays où il est exercé. L’appelant a fait valoir que son emploi était assurable (voir la page GD2‑6 du dossier d’appel). Il a aussi présenté des documents confirmant que l’Irlande considérait son emploi comme un emploi assurable (voir la page GD2‑16 du dossier d’appel).

[34] Le Règlement exige clairement que les quatre éléments soient respectés pour qu’un emploi à l’étranger soit considéré comme un emploi assurable au Canada. Je suis convaincu que l’emploi de l’appelant à l’étranger ne répond pas aux exigences énoncées aux éléments b) et d).

[35] J’estime que l’appelant ne peut pas se fier à l’article 5 du Règlement pour soutenir que son emploi à l’étranger était assurable au Canada.

[36] Enfin, l’appelant a fait valoir que les dispositions de la Loi devraient être appliquées de manière libérale et non littérale. Il suggère aux législateurs que les citoyennes et citoyens aient tous le droit d’obtenir de l’aide en cas de besoin. Il croit que même s’il ne répond pas aux conditions minimales d’admissibilité de la Loi, il devrait quand même se voir accorder des prestations d’assurance-emploi, car cela serait juste et respecterait la notion d’équité entre les citoyennes et citoyens.

[37] J’ai de l’empathie pour la situation de l’appelant et son plaidoyer pour l’équité. Toutefois, pour lui accorder des prestations, je devrais ignorer les conditions d’admissibilité prévues par la Loi et interpréter celle-ci de manière contraire à son sens ordinaire. La Loi énonce les conditions minimales d’admissibilité afin d’être admissible aux prestations d’assurance-emploi. La Loi n’est pas muette au sujet des conditions d’admissibilité et ne confère pas de pouvoir discrétionnaire quant à leur interprétation. Il est clair qu’il y avait un objectif législateur en agissant ainsi.

[38] La Cour d’appel fédérale a conclu que de telles exigences ne sont pas discriminatoires, même si une partie prestataire n’est pas capable d’y satisfaireNote de bas page 12. Toute partie prestataire doit être en mesure de démontrer un attachement minimal au marché du travail canadien. L’appelant n’avait pas de tel lien avec le marché du travail canadien durant sa période de référence.

[39] Le Parlement a clairement pris en considération les effets de la COVID‑19 sur la capacité des parties prestataires à accumuler les heures requises. Il a mis en place un crédit unique de 300 heures pour les aider à être admissibles aux prestations. Toutefois, même avec ce crédit de 300 heures, l’appelant n’a pas pu atteindre le seuil minimal de 420 heures pour être admissible aux prestations.

[40] Les tribunaux ont conclu par le passé que les arbitres n’ont pas le pouvoir d’accorder des heures qui n’ont pas été accumulées au cours de la période de référence d’une partie prestataire, quelles que soient les circonstancesNote de bas page 13.

L’appelant a-t-il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi?

[41] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations. En effet, il avait besoin de 420 heures durant sa période de référence, mais ne compte que le crédit unique de 300 heures.

[42] L’assurance-emploi est un régime d’assurance, et comme tout autre régime d’assurance, il faut satisfaire à certaines exigences pour recevoir des prestations.

[43] Dans le cas présent, l’appelant ne répond pas aux exigences. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations. Je compatis à la situation de l’appelant, mais je n’ai pas le pouvoir de modifier la loiNote de bas page 14.

Conclusion

[44] L’appelant n’a pas accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations.

[45] L’appel est donc rejeté.

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