Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que le prestataire a commis la conduite reprochée qui a mené à sa suspension du travail.

Aperçu

[2] Le prestataire, O. S., travaillait comme agent de sécurité pour une période déterminée de six mois lorsqu’il a été accusé d’infractions au Code criminel. Le prestataire a dit à son employeur qu’il avait été accusé de possession et de transmission de pornographie juvénile. Le prestataire continue de contester les accusations.

[3] L’employeur a mis le prestataire en congé payé jusqu’à sa première comparution devant le tribunal. Lorsque l’affaire n’a pas été résolue et que le prestataire a perdu son permis d’agent de sécurité, qui était une exigence de son emploi, l’employeur l’a mis en congé obligatoire, sans rémunération. La période de travail du prestataire a pris fin avant que la question des accusations ne soit résolue. Son contrat de travail n’a pas été renouvelé.

[4] Le prestataire a fait une demande de prestations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi.

[5] La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations parce qu’il avait été suspendu en raison de son inconduite. Après révision, la Commission a maintenu sa décision. La Commission a soutenu que le prestataire n’avait pas le droit de recevoir des prestations en raison de l’article 30 de la Loi.

[6] Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant le Tribunal. Au moment de l’audience, ses accusations étaient toujours en suspens; il n’avait pas été reconnu coupable d’une infraction au Code criminel.

Questions préliminaires

Ne pas décider des questions constitutionnelles.

[7] La présente décision n’abordera aucune des questions constitutionnelles soulevées par le prestataire, car il a confirmé à l’audience qu’il ne souhaitait pas invoquer ces contestations au niveau de la division générale du Tribunal.

Questions en litige

[8] Quelle est la conduite présumée qui a entraîné la suspension du prestataire de son emploi?

[9] La Commission a-t-elle prouvé que le prestataire a commis les actes reprochés?

[10] La Commission a-t-elle prouvé l’existence d’une inconduite selon la Loi?

Analyse

[11] Un prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ne peut recevoir de prestations régulières au titre de la Loi avant d’avoir accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable depuis la perte de son emploi pour être admissible aux prestations. Cela est dû à l’exclusion indéfinie imposée par l’article 30 de la Loi.

[12] Une exception à l’exclusion indéfinie en vertu de l’article 30 s’applique si la perte d’emploi du prestataire était une suspension pour inconduite au titre de l’article 31 de la LoiNote de bas de page 1 . Dans le cas d’une suspension, le prestataire n’a pas le droit de recevoir des prestations régulières pendant la période de suspension, mais il ne perd pas les heures d’emploi assurable qu’il a accumulées avant sa suspension, ce qui est le cas si l’article 30 s’applique.

[13] Il incombe à la Commission de prouver qu’il est plus probable que le contraire que la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi (y compris une suspension) était due à son inconduiteNote de bas de page 2 .

Quelle est la conduite présumée qui a entraîné la suspension du prestataire?

[14] J’estime que la conduite reprochée qui a causé la suspension du prestataire était la possession et la transmission de pornographie juvénile.

[15] L’acte présumé de possession et de transmission de pornographie juvénile a conduit le prestataire à être accusé en vertu du Code criminel. L’accusation criminelle a mené à la suspension de son permis d’agent de sécurité par la province. L’accusation criminelle et la suspension de son permis d’agent de sécurité ont mené à son congé sans solde.

[16] Dans cette suite d’événements, le seul acte ou comportement qui dépendait du prestataire est l’acte reproché de possession et de transmission de pornographie juvénile.

[17] Les accusations criminelles (pas un acte du prestataire) et la suspension de son permis d’agent de sécurité (pas un acte du prestataire) sont directement liées à l’acte présumé de possession et de transmission de pornographie juvénile.

[18] Puisque la seule conduite qui dépendait du prestataire était l’acte présumé de possession et de transmission de pornographie juvénile, la Commission doit prouver que le prestataire a eu cette conduite.

[19] Je conclus que la suspension du prestataire est directement liée à la conduite reprochée de possession et de transmission de pornographie juvénile parce que le prestataire a témoigné qu’il a été mis en congé payé après avoir dit à son employeur qu’il était accusé d’une infraction au Code criminel pour possession et transmission de pornographie juvénile. Le prestataire a déclaré que son employeur a informé la province des accusations criminelles, et la province a suspendu son permis d’agent de sécurité. L’employeur a ensuite mis le prestataire en congé sans solde.

[20] Les deux lettres écrites par l’employeur appuient le témoignage du prestataire. La lettre du mois d’août indique que l’employeur a annulé ses quarts de travail prévus, mais qu’il continuerait à payer le prestataire jusqu’à ce qu’il connaisse l’issue du procès en septembre. La cause du prestataire n’a pas été résolue en septembre. La lettre d’octobre indique que l’employeur mettait le prestataire en congé sans solde. L’employeur a conseillé au prestataire de lui faire savoir s’il était blanchi des accusations et si son permis d’agent de sécurité était rétabli avant la fin de son contrat de travail en novembre.

[21] Les déclarations du prestataire dans sa demande de prestations sont conformes à son témoignage. Dans sa demande, il a indiqué qu’il ne travaillait pas parce qu’il avait été accusé de possession et de transmission de pornographie juvénile et que son permis d’agent de sécurité avait été suspendu.

[22] Lors de l’audience, le prestataire a soutenu qu’il n’avait pas été « suspendu » de son travail. Je ne suis pas d’accord avec le prestataire. J’estime qu’il a été suspendu parce qu’il est incontestable qu’il ne travaillait pas en raison d’un congé sans solde. J’estime que le fait qu’il était en congé sans solde signifie qu’il a été suspendu de son emploi. De plus, le prestataire a indiqué qu’il avait été suspendu sur sa demande de prestations lorsqu’il a écrit ce qui suit, dans ses propres mots : [traduction] « mon organisation m’a suspendu du travail » et « j’ai été suspendu du travail »Note de bas de page 3 .

La Commission a-t-elle prouvé que le prestataire a possédé et transmis de la pornographie juvénile?

[23] Non. J’estime que la Commission n’a pas prouvé qu’il est plus probable que le contraire que le prestataire a possédé et transmis de la pornographie juvénile, ce qui est la conduite présumée qui a causé la suspension du prestataire.

[24] Puisque la Commission n’a pas prouvé que le prestataire a eu la conduite qui a mené à sa suspension, la Commission n’a pas prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une « inconduite » selon la Loi.

[25] La Commission a fait valoir que le prestataire savait que le fait de posséder et de transmettre de la pornographie juvénile par Internet pouvait lui faire perdre son permis, et qu’il savait que la possession d’un permis d’agent de sécurité était une exigence du poste.

[26] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le prestataire savait, ou aurait dû savoir, que la possession et la transmission de pornographie juvénile pouvaient lui faire perdre son permis d’agent de sécurité, et qu’il savait que c’était une exigence de son emploi. Le prestataire n’a pas contesté le fait qu’avoir un permis d’agent de sécurité est une exigence de son emploi.

[27] Cependant, la première question qui doit être posée, et à laquelle il faut répondre, est de savoir si le prestataire a fait la conduite reprochée qui a mené à sa suspension. Si la Commission ne prouve pas que le prestataire a commis l’acte reproché, il importe peu qu’il ait su que cette conduite entraînerait sa suspension.

[28] Les preuves ne démontrent pas que le prestataire a possédé et transmis de la pornographie juvénile. La Commission n’a pas fait d’enquête sur cette conduite reprochée. Le prestataire nie avoir commis cette conduite reprochée.

[29] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il n’est pas suffisant pour la Commission de se fonder sur des accusations criminelles qui ont été portées et non prouvées au moment de la cessation d’emploi sans faire d’autres vérificationsNote de bas de page 4 .

[30] Je ne dispose d’aucune preuve selon laquelle la Commission a procédé aux vérifications appropriées à propos de la conduite reprochée de possession et de transmission de pornographie juvénile.

[31] La Commission a parlé à l’employeur, mais ce dernier n’avait aucune connaissance directe de la conduite qui a mené au dépôt des accusations criminelles. Il n’y a aucune preuve selon laquelle l’employeur avait une connaissance des accusations autre que ce que lui a dit le prestataire. Il n’est pas contesté que les actes présumés pour lesquels les accusations criminelles ont été portées se sont produits à l’extérieur du lieu de travail. C’est le prestataire qui a porté les accusations à l’attention de l’employeur.

[32] Par conséquent, j’estime que le fait que la Commission a vérifié les accusations présumées auprès de l’employeur ne prouve pas que le prestataire a eu la conduite reprochée qui a mené aux accusations criminelles.

[33] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas possédé et transmis de la pornographie juvénile, mais que quelqu’un d’autre l’avait fait au moyen de son compte Facebook. Il retourne en cour pour contester les accusations ce mois-ci.

[34] Dans sa demande de prestations, le prestataire a coché « oui » pour dire qu’il était impliqué dans l’infraction criminelle reprochée.

[35] J’accepte l’explication du prestataire selon laquelle en cochant « oui », il ne voulait pas admettre qu’il avait commis l’infraction présumée, mais seulement qu’il était « impliqué » dans le sens où il avait été accusé. J’estime que son explication correspond à son action continue de contester l’accusation au tribunal.

[36] J’estime que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que le prestataire possédait ou transmettait de la pornographie juvénile parce que :

  1. a) la Commission n’a pas procédé aux vérifications appropriées à propos de la conduite qui a mené aux accusations;
  2. b) la Commission n’a pas présenté de preuve démontrant que le prestataire a commis la conduite reprochée;
  3. c) le prestataire a nié avoir commis la conduite reprochée.

La Commission a-t-elle prouvé l’existence d’une inconduite selon la Loi?

[37] Non. Puisque la Commission n’a pas prouvé qu’il est plus probable que le contraire que le prestataire a commis la conduite reprochée qui a mené à sa suspension, la Commission n’a pas prouvé que le prestataire a été suspendu pour inconduite selon la Loi.

Conclusion

[38] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 4 mars 2019

Mode d’audience :

Vidéoconférence

Comparutions :

O. S., appelant

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