Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 592

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (427886) datée du 10 août 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 29 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1506

Sur cette page

Décision

[1] S. S. est la prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a jugé que la prestataire avait quitté son emploi sans justification. La prestataire a fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] J’accueille son appel. Quitter son emploi était la seule chose raisonnable à faire, dans sa situation. J’estime qu’elle était fondée à quitter son emploi. Cela signifie qu’elle devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi sans exclusion.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait pour une entreprise d’affûtage de scies. Elle a cessé de travailler et a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Elle n’est pas retournée travailler et a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission a jugé qu’elle avait quitté son emploi. La Commission a refusé de lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’elle a estimé que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

[4] La prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Elle dit qu’elle a dû quitter son emploi. Sa vue se détériorait et elle ne voyait plus assez bien pour faire son travail. Elle a dit qu’elle avait des maux de tête et des problèmes oculaires à cause de son travail.

[5] La Commission dit que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle avait d’autres solutions raisonnables. La Commission affirme que la prestataire aurait pu prendre un congé médical, demander des tâches différentes ou trouver un nouvel emploi.

Question en litige

[6] Je dois décider si la prestataire doit être exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification.

[7] Pour rendre ma décision, je dois d’abord décider si la prestataire a cessé de travailler parce qu’elle a démissionné, ou si elle a cessé de travailler pour une autre raison. Si la preuve démontre qu’elle a quitté son emploi, je dois alors décider si elle était fondée à le faire.

Analyse

La prestataire et la Commission conviennent que la prestataire a quitté volontairement son emploi

[8] La prestataire a toujours dit qu’elle avait cessé de travailler parce qu’elle avait quitté son emploi. La Commission dit qu’elle a démissionné. Sur le relevé d’emploi, l’employeur a inscrit qu’elle avait démissionné. Il n’y a aucune preuve indiquant que la prestataire a cessé de travailler pour toute autre raison. Elle a cessé de travailler parce qu’elle a choisi de quitter son emploi.

[9] La loi qualifie une démission de « départ volontaire ». J’estime que la prestataire a quitté volontairement son emploi. Je dois donc décider si elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

La prestataire et la Commission sont en désaccord sur la question de savoir si la prestataire avait une justification

[10] La prestataire et la Commission sont en désaccord sur la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[11] La loi prévoit qu’une personne n’est pas admissible à des prestations si elle a quitté son emploi volontairement et sans justificationNote de bas de page 1 . Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que la personne était fondée à quitter son emploi.

[12] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». La loi dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Elle établit que la personne doit tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2 .

[13] Il revient à la prestataire de prouver qu’elle avait une justification. Elle doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de démissionnerNote de bas de page 3 .

[14] Pour décider si la prestataire avait une justification, je dois examiner l’ensemble des circonstances entourant la démission de la prestataire. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 4 .

[15] Après avoir décidé quelles circonstances s’appliquent à la prestataire, cette dernière doit ensuite démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a faitNote de bas de page 5 .

Les circonstances de la démission de la prestataire

[16] La prestataire dit qu’elle a démissionné en raison de ses problèmes de santé. Elle dit qu’elle avait des problèmes avec ses yeux et ne pouvait pas continuer à faire le même travail.

[17] La loi prévoit que l’une des circonstances que je dois prendre en compte est de savoir si le lieu de travail présentait un danger pour la santé ou la sécurité de la prestataire. Ainsi, je déciderai si elle a prouvé que son travail lui causait des problèmes de santé au niveau des yeux.

[18] La prestataire a décrit son travail lors de l’audience. Elle a dit qu’elle travaillait dans une petite entreprise, à aiguiser des lames de scie. Elle a déclaré que ce travail nécessitait une attention particulière aux détails et une bonne vue. Elle occupait ce poste depuis près de trois ans et a commencé à remarquer des problèmes de vue dès les premiers mois. La situation était pire en automne et en hiver, car il n’y avait pas beaucoup de lumière naturelle. Elle a commencé à porter des lunettes de lecture de plus en plus fortes. Cela l’a aidée pendant un certain temps, mais elle a fini par avoir des problèmes pour distinguer les dents des lames de scie, même avec les lunettes de lecture les plus puissantes. La prestataire a dit qu’elle a commencé à faire des erreurs parce qu’elle ne voyait pas assez bien.

[19] Elle avait besoin d’une opération des canaux lacrymaux. Son ophtalmologue lui a dit que sa vision et ses autres problèmes oculaires allaient continuer à s’aggraver si elle continuait à se fatiguer les yeux. Il ne lui a pas dit de quitter son emploi, mais lui a dit que ce serait une bonne idée d’essayer un autre travail qui ne nécessite pas une vue aussi attentive.

[20] La prestataire a déclaré que ses lunettes de lecture puissantes lui donnaient des maux de tête intenses. Elle a pris tellement d’ibuprofène pour traiter ses maux de tête que cela l’a rendue malade. À la fin d’une journée de travail, ses yeux étaient si fatigués qu’elle avait du mal à voir la route la nuit et à conduire en toute sécurité.

[21] La Commission dit que la prestataire n’a pas de note du médecin. Je suis d’accord; il n’y a pas de note du médecin. Cependant, je n’ai aucune raison de douter de la prestataire. Elle a toujours dit qu’elle avait quitté son emploi en raison de fatigue oculaire et de problèmes de vue. À l’audience, elle a promis de dire la vérité. Elle a répondu à mes questions de manière approfondie et m’a donné des détails sur ses problèmes oculaires. Donc, je la crois.

[22] J’estime que l’emploi de la prestataire exigeait une vue perçante. Je constate que sa vue se détériore. Je suis convaincue qu’elle avait des maux de tête et de la fatigue oculaire. C’est cette circonstance que je prendrai en considération lorsque je déciderai si elle était fondée à quitter son emploi.

La prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable

[23] Pour prouver qu’elle avait une justification, la prestataire doit démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[24] La prestataire dit qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable. Elle dit qu’elle a donné à son employeur un préavis de trois mois pour trouver un remplaçant, mais qu’elle ne pouvait tout simplement pas occuper ce poste plus longtemps. Elle dit que ses maux de tête et sa fatigue oculaire étaient si importants que c’était dangereux et qu’elle faisait des erreurs.

[25] La Commission n’est pas d’accord. La Commission dit que la prestataire n’a pas prouvé que son travail était si intolérable qu’elle a dû démissionner. La Commission affirme qu’elle aurait pu prendre un congé de maladie, demander des tâches différentes ou trouver un nouvel emploi.

[26] Je ne suis pas d’accord avec la Commission. Je n’ai pas à décider si son travail était intolérable. Je dois seulement trancher la question suivante : la prestataire a-t-elle prouvé que quitter son emploi était la seule chose raisonnable qu’il lui restait à faire, compte tenu de ses circonstancesNote de bas de page 6 ? Je pense qu’elle a prouvé cela.

[27] La prestataire a déclaré qu’elle avait parlé à son employeur de ses problèmes oculaires, mais qu’il ne l’avait pas prise au sérieux. Elle dit qu’il s’agissait d’une petite entreprise et qu’il n’y avait pas d’autres types d’emplois. Tous les emplois nécessitaient une bonne vue. Elle a cherché un autre travail, mais il était difficile de trouver quelque chose à cause de la pandémie de COVID-19. Peu d’employeurs embauchaient. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas conserver son emploi jusqu’à ce qu’elle en trouve un autre, car c’était trop difficile. Certains jours, elle quittait le travail en larmes parce qu’elle ne pouvait pas voir.

[28] Je ne pense pas qu’il était raisonnable de la part de la prestataire de continuer à faire un travail qui lui causait des maux de tête et une fatigue oculaire. Il n’était pas raisonnable pour elle de continuer à faire des erreurs parce qu’elle ne voyait pas bien. Donc, je ne pense pas que conserver son emploi jusqu’à ce qu’elle en trouve un autre était une solution raisonnable pour elle.

[29] Prendre un congé de maladie n’aurait pas réglé le fond du problème : elle ne voyait pas assez bien pour faire son travail. Par conséquent, prendre un congé de maladie n’était pas une solution raisonnable pour elle.

[30] Je crois la prestataire quand elle dit qu’il n’y avait pas d’autres tâches parce qu’il s’agissait d’une petite entreprise. Demander d’autres tâches n’était pas une solution raisonnable.

[31] Elle a parlé à l’employeur, mais comment ce dernier pouvait-il résoudre le problème alors que le véritable problème était la détérioration de sa vue? Donc, parler à l’employeur pour trouver une solution n’était pas une solution raisonnable.

[32] Je comprends que la Commission veuille une note du médecin indiquant qu’on lui a recommandé de quitter son emploi. Cependant, je ne pense pas qu’une note du médecin apporterait quelque chose de nouveau. Je crois déjà la prestataireNote de bas de page 7 . Je crois que la prestataire avait de la fatigue oculaire, des maux de tête et des problèmes de vision, et tout cela dans le cadre d’un emploi qui exigeait une vue perçante. Dans sa situation, quelles étaient les autres solutions raisonnables dont disposait la prestataire? Je crois que démissionner était la seule chose raisonnable qu’il lui restait à faire. Je conclus que la prestataire a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[33] J’accueille donc l’appel de la prestataire. Je conclus qu’elle a prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi. Par conséquent, la Commission ne devrait pas l’exclure du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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