Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 576

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (422036) datée du
26 avril 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 juin 2021
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 24 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-858

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance‑emploi. Autrement dit, la prestataire a démontré qu’elle avait une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Cela signifie que la demande de la prestataire peut être traitée comme ayant été présentée plus tôtFootnote 1.

Aperçu

[3] La prestataire a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi le 18 février 2021. Elle souhaite maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 22 novembre 2020. La Commission de l’assurance-emploi a déjà refusé cette demande.

[4] Je dois décider si la prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable pour ne pas avoir demandé de prestations plus tôt.

[5] La Commission mentionne que la prestataire n’avait pas de motif valable parce qu’elle avait choisi de ne pas présenter de demande en supposant ne pas avoir accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations de l’assurance-emploi. La Commission ajoute que la prestataire n’avait pas fait de démarches pour se renseigner sur ses droits et ses responsabilités que la Loi sur l’assurance-emploi lui imposait.

[6] La prestataire n’est pas d’accord. Elle a été licenciée d’un emploi et a dû démissionner d’un autre en raison de problèmes de santé. Elle mentionne qu’elle a appelé au bureau de Service Canada pour savoir si elle était admissible à des prestations et on lui a répondu que non.

Question en litige

[7] Est-ce que la demande de prestations peut être traitée comme si elle avait été présentée le 22 novembre 2020? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande (ou le fait de considérer une demande comme ayant été présentée à une date antérieure). 

Analyse

[8] Pour qu’une demande soit antidatée, vous devez démontrer les deux éléments suivantsFootnote 2 :

  1. Vous aviez un motif valable justifiant le retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, vous aviez une raison acceptable selon la loi. 
  2. Vous étiez admissible à recevoir des prestations à la date antérieure (le jour où vous souhaitez faire antidater votre demande).

[9] Les principaux arguments de cette affaire visent à établir si la prestataire avait un motif valable. Je commencerai donc mon analyse avec cet élément.  

[10] Pour établir qu’il existe un motif valable, la prestataire doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesFootnote 3. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[11] La prestataire doit démontrer qu’elle a agi de cette façon pour toute la période du retardFootnote 4. Cette période s’étend du jour où elle veut que sa demande soit antidatée au jour où elle a présenté sa demande. Par conséquent, la période de retard de la prestataire est du 22 novembre 2020 au 18 février 2021.  

[12] La prestataire doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et les obligations que la loi lui imposaitFootnote 5. Cela veut dire que la prestataire doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible. Si la prestataire ne l’a pas fait, elle doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéeFootnote 6.

[13] La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable pour son retard.

[14] La prestataire a déclaré qu’elle travaillait pour deux employeurs différents de l’industrie hôtelière. Avant la pandémie de COVID-19, elle était licenciée à la mi-décembre pendant la période hivernale, moment où habituellement les activités de l’entreprise ralentissent. Elle a été licenciée de l’employeur « H » en mars 2020 dans le cadre d’un licenciement massif en raison des restrictions liées à la COVID-19. L’autre employeur, « C », l’a également licenciée. La prestataire est retournée travailler pour « C » le 4 septembre 2020. Elle a démissionné de cet emploi le 10 octobre 2020 en raison de problèmes de santé. Sur le relevé d’emploi de l’employeur « C », il est indiqué qu’elle a accumulé 183 heures d’emploi assurable.  

[15] Au moment de sa démission, la prestataire avait déjà une demande d’assurance-emploi ouverte. La demande prenait fin le 21 novembre 2020. La prestataire savait que sa demande d’assurance-emploi prenait fin. Elle pensait qu’il fallait avoir accumulé plus de 400 heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle avait présenté des demandes d’assurance-emploi dans le passé et ses connaissances du nombre d’heures exigé étaient fondées sur ces demandes. La prestataire savait qu’elle avait accumulé entre 63 et 83 heures pour son emploi avec « H ». Elle a vérifié en ligne et a vu qu’elle avait accumulé 183 heures pour son emploi avec « C ».

[16] La prestataire a déclaré avoir téléphoné à la ligne d’information générale de Service Canada en novembre 2020 pour savoir si elle devait présenter une demande de prestations d’assurance-emploi. La prestataire a mentionné qu’elle avait décidé d’appeler Service Canada parce qu’elle pensait qu’il s’agissait de la meilleure source d’information. Elle a expliqué à l’agent de Service Canada qu’elle avait démissionné de son emploi parce que son médecin lui avait prescrit un arrêt de travail. La prestataire a mentionné que l’agent lui avait demandé si elle avait un billet du médecin. La prestataire a répondu : « Certainement. » La prestataire a déclaré qu’on lui avait dit : « Malheureusement, vous ne serez pas admissible » ou quelque chose du genre. Elle a compris qu’elle ne serait pas admissible en raison du manque d’heures et du fait qu’elle avait démissionné. La prestataire a fait une demande pour la Prestation canadienne d’urgence (PCU), qu’elle a reçue pendant environ deux mois.

[17] La prestataire a mentionné qu’elle a pris connaissance du crédit des heures additionnelles offert aux prestataires de l’assurance-emploi en janvier 2021Footnote 7. Elle a cherché en vain de l’information à ce sujet sur Internet. 

[18] La prestataire a déclaré qu’elle participait à une réunion de famille en février 2021 lorsque sa sœur lui a demandé si elle recevait de l’assurance-emploi. La prestataire a répondu que non. Sa sœur lui a parlé du crédit des heures additionnelles offert aux prestataires d’assurance-emploi et du fait qu’elle y serait admissible avec ses heures. Le jour suivant, la prestataire a fait une demande de prestations d’assurance-emploi.

[19] La Commission mentionne que la prestataire n’a pas démontré de motif valable justifiant son retard puisqu’il est évident qu’elle n’a pas fait de demande avant le 18 février 2021 en raison de sa supposition de ne pas être admissible aux prestations.

[20] La prestataire a déclaré que la supposition de ne pas être admissible aux prestations d’assurance-emploi en raison des heures qu’elle avait accumulées n’était pas d’elle. Un agent de Service Canada lui a dit qu’elle n’était pas admissible. Il n’était pas nécessaire, selon la prestataire, qu’elle fasse plus de vérifications auprès de Service Canada après avoir été informée de son inadmissibilité. La prestataire a déclaré qu’il aurait été plus facile de présenter une demande après celle qui prenait fin en novembre 2020. C’est lorsque sa sœur lui a dit qu’elle serait admissible qu’elle a appelé de nouveau Service Canada pour s’informer au sujet des demandes de prestations d’assurance-emploi. Dès qu’elle a obtenu des réponses à ses questions, elle a présenté une demande. 

[21] La prestataire a fait valoir qu’elle avait agi comme une personne raisonnable l’aurait fait. Elle a agi en tenant compte des renseignements qu’un agent de Service Canada lui avait fournis. Elle pouvait accéder en ligne aux heures qu’elle avait accumulées. Il n’y avait aucune raison de ne pas croire l’agent lorsqu’on l’a informée qu’elle ne serait pas admissible.  

[22] La Commission a fait remarquer que la prestataire avait reconnu avoir reçu un message au moment de la transmission de sa dernière déclaration du 27 novembre 2020. Dans ce message, on conseillait à la prestataire de communiquer avec Service Canada si elle était toujours incapable de travailler et qu’elle avait besoin d’aide supplémentaire. La Commission affirme que la preuve au dossier démontre que la prestataire n’a pas communiqué avec elle au sujet de son admissibilité aux prestations avant le 19 février 2021. La Commission mentionne que la prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait puisqu’elle n’a fait aucune démarche avant février 2021 pour s’informer de ses droits et de ses obligations dans le processus de demande.

[23] J’accepte le témoignage de la prestataire voulant qu’elle ait communiqué avec la Commission en novembre 2020 pour savoir si elle était admissible aux prestations d’assurance-emploi. Son témoignage est cohérent aux déclarations faites aux agents de Service Canada avec qui elle a parlé les 8 et 26 avril 2021. La prestataire a comparu devant moi et a présenté directement des éléments de preuve sous déclaration solennelle. J’ai pu lui poser des questions sur la conversation qu’elle a eue avec un agent de Service Canada en novembre 2020. Le fait que la Commission n’a pas de document concernant cet appel n’est pas déterminant dans cette affaire.

[24] La prestataire a déclaré avoir appelé la ligne d’information générale de Service Canada. Elle connaissait le nombre d’heures travaillées auprès des deux employeurs puisqu’elle pouvait accéder en ligne aux relevés d’emploi. Elle savait également, car elle avait fait des demandes d’assurance-emploi au cours des dernières années, qu’elle devait avoir accumulé au moins 400 heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi. La prestataire a déclaré savoir qu’elle n’avait pas accumulé tant d’heures. La prestataire a mentionné qu’un agent de Service Canada l’avait informée qu’elle ne serait pas admissible à des prestations d’assurance-emploi puisqu’elle avait démissionné de son emploi et qu’elle n’avait pas accumulé suffisamment d’heures. Elle a également informé l’agent de Service Canada qu’elle avait un billet du médecin concernant l’arrêt de travail au cours de son dernier emploi.

[25] Je suis convaincue que la prestataire a vérifié assez rapidement quels étaient ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi et, par conséquent, qu’elle a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande.  

[26] La prestataire a arrêté de travailler pour « C » en octobre 2020. Sa demande prenait fin en novembre 2020, elle a donc consulté en ligne le nombre d’heures qu’elle avait accumulées. La prestataire pensait qu’elle avait besoin d’au moins 400 heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi tout comme pour ses demandes précédentes. Toutefois, elle ne s’est pas fiée à cette supposition. Elle a appelé la ligne d’information générale de Service Canada pour obtenir de l’information précise concernant son admissibilité aux prestations. Cet élément de preuve m’indique que la prestataire a fait des démarches assez rapidement pour se renseigner sur ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[27] J’estime que la prestataire a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans sa situation.  

[28] La prestataire a présenté des demandes de prestations d’assurance-emploi au cours des années passées. Ces demandes ont été faites avant les changements apportés à la Loi sur l’assurance-emploi qui ont accru l’accès des prestataires aux prestations d’assurance-emploi. Elle pensait qu’elle devait avoir accumulé au moins 400 heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, ce qu’elle n’avait pas fait.. Elle ne savait pas qu’un crédit d’heures additionnelles était offert. Je remarque que l’offre du crédit d’heures additionnelles ne faisait pas partie du message adressé à la prestataire lorsqu’elle a transmis sa dernière déclaration le 27 novembre 2020.

[29] En novembre 2020, la prestataire s’est renseignée auprès de la Commission concernant son admissibilité aux prestations. On l’a informée qu’elle n’était pas admissible. La combinaison de ces renseignements à sa connaissance des heures requises des demandes précédentes a mené la prestataire à supposer qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. Je conclus qu’avec sa compréhension subjective de ses circonstances, à la lumière de laquelle elle croyait ne pas être admissible aux prestations d’assurance-emploi, la prestataire a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables et n’a pas approfondi la question de son admissibilité aux prestations à ce moment.

[30] Lorsque la prestataire a reçu de l’information de la part d’un membre de sa famille concernant le crédit des heures additionnelles qui pouvait lui être offert, elle a immédiatement présenté une demande de prestations. Il s’agissait également d’un acte raisonnable qui démontrait que la prestataire approfondissait diligemment la question de son admissibilité aux prestations.

[31] La prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée. Je dois maintenant déterminer si elle était admissible à des prestations à la date antérieure.

[32] La Commission n’a fourni aucune observation concernant l’admissibilité de la prestataire à recevoir des prestations à la date antérieure. Toutefois, je remarque que la Commission a mentionné que la prestataire avait fait une demande de prestations d’assurance-emploi le 18 février 2021 et qu’une période de prestations avait commencé le 14 février 2021. J’en déduis que le prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi à la date antérieure. Compte tenu de la preuve au dossier, j’estime qu’il est fort probable que la prestataire était admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi le 22 novembre 2020.

Conclusion

[33] La prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.

[34] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.