Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 606

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-19

ENTRE :

K. C.

Appelante (requérante)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Partie intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : Amanda Pezzutto
ENTENDUE LE : Le 19 janvier 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 25 janvier 2021

Sur cette page

Décision

[1] K. C. est la requérante. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’était pas fondée à quitter son emploi. La requérante fait appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de la requérante. Elle n’a pas démontré qu’elle avait une justification pour quitter son emploi. D’autres options raisonnables s’offraient à elle. Elle est exclue du bénéfice des prestations.

Aperçu

[3] La requérante travaillait comme enseignante dans une réserve d’une communauté du Nord. Pendant un congé scolaire, elle s’est déplacée à l’extérieur de la communauté pour un rendez-vous médical. Dès son retour au sein de la communauté, elle est retournée travailler immédiatement. Certains enseignants ont critiqué sa décision de retourner travailler sans avoir fait de quarantaine. Ils l’ont accusée d’enfreindre les règles sanitaires de la communauté. Ils l’ont aussi accusée de potentiellement exposer la communauté à une éclosion de la COVID-19. La requérante a quitté son emploi et a demandé de recevoir des prestations d’assurance-emploi. La Commission a évalué les raisons pour lesquelles la requérante a quitté son emploi. La Commission a décidé qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification et qu’elle n’était pas fondée à quitter son emploi.

[4] La requérante soutient qu’elle devait quitter son emploi. Elle affirme que ses collègues la harcelaient. Elle affirme qu’elle avait des problèmes de santé qui se seraient aggravés si elle avait été contrainte de travailler dans un environnement stressant.

[5] La Commission n’est pas d’accord. La Commission soutient que la requérante n’a pas subi de harcèlement de la part de ses collègues. Selon la Commission, il aurait aussi été raisonnable que la requérante discute de la situation avec son employeur avant de quitter son emploi.

Question en litige

[6] Je dois décider si la requérante est exclue du bénéfice de prestations puisqu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification. Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de la requérante. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que la requérante était fondée à quitter volontairement son emploi

[7] J’accepte le fait que la requérante a quitté son emploi. La requérante est d’accord sur le fait qu’elle a quitté son emploi. Il n’existe pas de preuve au contraire. Lorsqu’une personne quitte son emploi, il s’agit d’un départ volontaire selon la loi.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la requérante était fondée à quitter volontairement son emploi

[8] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la requérante était fondée à quitter volontairement son emploi au moment de sa démission.

[9] La loi affirme qu’une personne est exclue du bénéfice de prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Avoir une bonne raison de quitter son emploi n’est pas une justification. Une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ volontaire constitue la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2. Il incombe à la requérante de le démontrerNote de bas de page 3. La requérante doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il n’avait pas d’autres solutions raisonnablesNote de bas de page 4.

[10]  Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où la requérante a quitté son emploi. Certaines des circonstances que je dois examiner ont été établies par la loiNote de bas de page 5. Après avoir décidé quelles circonstances s’appliquent à la requérante, je dois décider si cette dernière a montré qu’il n’y avait aucune solution raisonnable au moment où elle a quitté son emploiNote de bas de page 6.

Les circonstances qui existaient lorsque la requérante a quitté son emploi

[11] La requérante soutient que plusieurs circonstances énoncées dans la loi pourraient s’appliquer à sa situation. Elle affirme qu’elle a subi du harcèlement de la part de ses collègues. Elle a aussi des problèmes de santé et le stress au travail aurait nui à sa santé.

[12] La requérante affirme qu’elle a subi du harcèlement de la part de ses collègues. Elle dit qu’une personne en particulier au travail, MB, [traduction] « lui a tendu un piège » en l’encourageant à se déplacer à l’extérieur de la ville. La requérante a dit à MB qu’elle songeait à voyager durant le congé scolaire. MB a promis qu’elle n’allait pas mentionner aux autres que la requérante allait voyager. Toutefois, MB a dit à d’autres collègues avant le congé que la requérante planifiait voyager. Lorsque la requérante est retournée travailler, MB lui a envoyé des messages sur Facebook au sujet de son voyage.

[13] La requérante a fourni des copies des messages Facebook avec MB. Dans les messages, MB dit à la requérante qu’elle n’est pas à l’aise avec le fait que la requérante ne fait pas de quarantaine après s’être déplacée à l’extérieur de la communauté. Elle dit à la requérante que l’administration de la bande pourrait dire à la requérante de quitter la communauté ou lui imposer une amende si elle l’apprenait. Elle dit à la requérante d’en discuter avec la direction de l’école.

[14] Lors de l’audience, la requérante a affirmé qu’elle ne s’entendait pas très bien avec MB. Elle a dit que la vie n’avait pas été facile avec MB lorsqu’elles étaient à l’université ensemble. Elle a dit que MB lui aurait rendu la vie difficile à l’école et au sein de la communauté si elle était restée à son poste.

[15] La requérante a aussi affirmé qu’une autre personne au travail lui a envoyé un message harcelant après sa démission. AB a envoyé un message sarcastique lui reprochant de ne pas s’être isolée, car toute l’école devait maintenant faire une quarantaine. Une copie de ce message se trouve dans le dossier d’appel. La requérante soutient aussi que l’employeur n’a pas respecté son droit à la confidentialité.

[16] La Commission n’estime pas que le comportement de ses collègues constitue du harcèlement. La Commission soutient que ses collègues soulevaient des préoccupations légitimes sur la manière dont le comportement de la requérante mettait leur santé en danger.

[17] Je ne suis pas d’accord avec la Commission. Je suis d’accord sur le fait que les messages en soi ne semblent pas constituer du harcèlement. Toutefois, j’estime que les déclarations de la requérante lors de l’audience au sujet du contexte sont importantes. Elle a dit que MB lui avait rendu la vie difficile par le passé. Donc, grâce à ce contexte, j’accepte que les messages de MB ressemblaient à du harcèlement. J’estime aussi que le message d’AB ressemble à de l’intimidation. Je sais qu’AB a envoyé le message après la démission de la requérante. Toutefois, j’estime que le message est malveillant et constitue de l’intimidation. De plus, cela ajoute du poids à l’argument de la requérante selon lequel ses collègues la harcelaient.

[18] Je crois ce que dit la requérante. Je crois que son voyage a suscité bien du commérage de la part de ses collègues avant et après le congé scolaire. Je conclus que ses collègues lui ont envoyé des messages qui pourraient être lus comme intimidants ou harcelants. Je conclus que la requérante a démontré qu’il y avait du harcèlement au moment où elle a quitté son emploi.

[19] La requérante a aussi affirmé qu’elle avait des problèmes de santé. Elle a dit que le stress en milieu de travail aurait empiré ses problèmes de santé.

[20] La requérante a affirmé qu’elle s’est déplacée à l’extérieur de la communauté afin d’obtenir un traitement médical pour son affection à l’épaule. Elle a dit qu’après avoir quitté son emploi, son médecin lui a diagnostiqué une dépression et elle a obtenu des médicaments sur ordonnance. Lors de l’audience, elle a dit qu’elle avait des antécédents médicaux (AVC et anévrismes) de sorte que travailler dans un environnement stressant aurait mis sa santé en danger.

[21] Lors de l’audience, la requérante a affirmé qu’elle n’a pas demandé conseil à son médecin avant de démissionner. Son médecin ne lui a pas conseillé de quitter son emploi pour des raisons de santé.

[22] La requérante n’a pas fourni de notes médicales décrivant ses problèmes de santé, mais je n’ai aucune raison de douter de ses déclarations sur sa santé. Je crois que la requérante a plusieurs problèmes de santé. Toutefois, elle dit qu’elle n’a pas demandé conseil à son médecin avant de démissionner. Elle n’a pas montré que son médecin lui a dit que son emploi nuisait à sa santé.

[23] La requérante a démontré qu’il y avait du harcèlement et de l’intimidation en milieu de travail au moment où elle a démissionné. Elle a prouvé qu’elle avait des problèmes de santé, mais elle n’a pas démontré que son médecin lui a conseillé de quitter son emploi pour des raisons de santé. Je vais évaluer ses circonstances en décidant s’il y avait d’autres solutions raisonnables que la requérante aurait pu considérer avant de quitter son emploi.

D’autres solutions raisonnables

[24] Je vais maintenant examiner si d’autres options raisonnables s’offraient à elle avant qu’elle ne démissionne.

[25] La requérante affirme qu’elle devait démissionner parce que ses collègues lui auraient autrement rendu la vie difficile. Elle affirme que l’environnement de travail stressant aurait nui à sa santé.

[26] La Commission n’est pas d’accord. La Commission soutient que d’autres options raisonnables s’offraient à elle avant qu’elle ne démissionne. La Commission affirme qu’elle aurait pu discuter avec son employeur pour lui expliquer pourquoi elle s’est déplacée ou pour lui signaler ses inquiétudes quant à l’intimidation et le harcèlement.

[27] Je conclus que d’autres options raisonnables s’offraient à la requérante avant qu’elle ne démissionne. Elle n’a pas démontré qu’aucune autre option raisonnable ne s’offrait à elle.

[28] Lors de l’audience, la requérante a affirmé que son contrat interdisait l’intimidation et le harcèlement. Ce genre de comportement ne devrait pas se produire en milieu de travail. Toutefois, elle a dit qu’elle ne connaissait pas les détails de la politique de son milieu de travail en matière d’intimidation et de harcèlement.

[29] J’estime qu’il est probable que l’entente collective ou le contrat de travail de la requérante interdisait l’intimidation et le harcèlement. La requérante a inclus des copies de l’échange de courriels avec son représentant syndical. Le représentant syndical affirme que la requérante pourrait peut-être déposer une plainte concernant le fait que le milieu de travail de l’employeur n’était pas exempt de harcèlement. Cela laisse entendre que l’employeur avait probablement une politique en matière d’intimidation et de harcèlement.

[30] Le représentant syndical a dit à la requérante que le fait qu’elle a démissionné avant de parler au syndicat a limité ses options. Le représentant syndical l’a mentionné plusieurs fois de différentes manières. Il a dit à la requérante que le fait qu’elle avait déjà démissionné [traduction] « limite vraiment leurs options »Note de bas de page 7. Selon lui [traduction] « une partie du problème » découle du fait que l’employeur « n’a pas eu la chance de résoudre le problème avant la démission ». Il a dit que la décision de la requérante de démissionner [traduction] « a réduit le nombre d’avenues » qu’ils auraient pu emprunterNote de bas de page 8. Il a dit que la décision de la requérante de démissionner [traduction] « enlève d’emblée plusieurs options qui étaient à notre disposition » et qu’il ne savait pas si l’employeur avait eu la chance d’aborder le problème avec le personnel enseignant avant la démission de la requéranteNote de bas de page 9.

[31] J’accorde beaucoup de poids aux déclarations du représentant syndical. Ses déclarations montrent que le syndicat aurait pu aider la requérante avant sa démission. Le syndicat aurait pu discuter avec l’employeur ou aider à aborder le conflit entre la requérante et les autres enseignants. Le représentant syndical a dit à la requérante qu’elle a démissionné avant que le syndicat puisse l’aider.

[32] Je suis d’accord sur le fait qu’il avait de l’intimidation et du harcèlement dans le milieu de travail de la requérante. Malgré cela, il aurait été raisonnable de demander de l’aide au syndicat avant de démissionner. Le représentant syndical indique clairement que le syndicat aurait aidé la requérante si elle l’avait consulté avant de démissionner.

[33] Je crois que la requérante avait des problèmes de santé. Toutefois, je ne crois pas qu’elle a démontré que démissionner était la seule option raisonnable qui s’offrait à elle, malgré ses problèmes de santé. La requérante aurait pu demander conseil à son médecin avant de démissionner. Elle aurait pu discuter avec son employeur d’un congé de maladie. Elle aurait pu demander au syndicat de l’aider à organiser un congé médical.

[34] La requérante doit prouver que démissionner était la seule option raisonnable qui s’offrait à elle. Malgré le fait que je crois qu’il y avait du harcèlement et qu’elle avait des problèmes de santé, je ne crois pas que la requérante a démontré que quitter son emploi était la seule option raisonnable qu’elle a pu choisir. Elle n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[35] Je rejette l’appel de la requérante. Cela signifie qu’elle n’est pas admissible au bénéfice des prestations.

 

Entendue le :

Le 19 janvier 2021

Mode de l’audience :

Téléconférence

Personnes présentes :

K. C., Appelante

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