Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 721

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : J. N.
Représentante : Sharon Vokey
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Suzanne Prud’Homme

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 27 avril 2021 (GE-21-506)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 novembre 2021
Personne présente à l’audience : Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 1er décembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-181

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Le prestataire a été mis à pied comme matelot de pont. Peu de temps après, il a accepté un emploi temporaire de cinq semaines à bord d’un remorqueur dans les Grands Lacs. Après environ une semaine sur le bateau et un voyage vers une ville ontarienne, le prestataire a appris que le prochain port d’escale serait à Détroit. Le prestataire était angoissé par le nombre élevé de cas de COVID-19 aux États-Unis et avait peur de contracter la COVID-19, alors il a quitté son emploi plutôt que de se rendre à Détroit.

[3] Lorsque le prestataire a fait une demande de prestations d’assurance-emploi, la partie intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande. La Commission lui a dit qu’il a quitté volontairement son emploi sans justifications. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais elle n’a pas voulu la modifier.  

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. Elle a décidé que le prestataire n’a pas cherché de travail avant de démissionner. Elle a aussi décidé qu’il aurait été raisonnable pour le prestataire de parler au capitaine au sujet de la propreté du navire ou de discuter avec le capitaine de ses préoccupations concernant la COVID-19 dans le port aux États-Unis pour voir s’il pouvait être accommodé avant de démissionner.

[5] La division d’appel a accordé au prestataire la permission d’en appeler, car la division générale a peut-être commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] Je rejette l’appel du prestataire pour les raisons suivantes.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi?

Analyse

Le mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a conclu que lorsque la division d’appel instruit des appels au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas page 2.

[10] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit, qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée d’une manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a décidé que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi?

[11] Je dois rendre ma décision concernant le présent appel en me fiant à la preuve présentée devant la division générale.

[12] La division générale devait décider si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment de sa démission.

[13] Une personne est fondée à quitter volontairement son emploi si elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionner compte tenu de l’ensemble des circonstances.

[14] Le prestataire a accepté un emploi temporaire de cinq semaines à bord d’un remorqueur dans les Grands Lacs. Après environ une semaine sur le bateau et un voyage vers une ville ontarienne, le prestataire a appris que le prochain port d’escale serait à Détroit. Après avoir appris l’intention de l’employeur de se rendre aux États-Unis, il a informé le capitaine que l’emploi n’était pas pour lui et il a immédiatement quitté le bateau.

[15] Le prestataire était angoissé par le nombre élevé de cas de COVID-19 aux États-Unis et avait peur d’être infecté et ensuite d’infecter ses parents. Il craignait également que s’il contractait la COVID-19, l’employeur l’obligerait à quitter le bateau et que les services frontaliers ne lui permettraient pas de revenir au Canada. Il craignait également d’être placé dans un hôpital américain, où ses frais médicaux ne pourraient pas être payés comme ils le seraient au Canada. Il a donc immédiatement démissionné.

[16] On ne conteste pas que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Il a d’abord déclaré à la Commission que la principale raison pour laquelle il avait quitté son emploi était qu’il se sentait mal à l’aise de se rendre aux États-Unis pendant la pandémieNote de bas page 3.  

[17] Au cours de l’étape de la révision, le prestataire a affirmé que l’employeur avait mis en œuvre des mesures pour protéger les travailleurs contre l’infection au Canada, qu’il fournissait des masques hygiéniques et faisait de son mieux pour imposer la distanciation sociale lorsque cela était possible, mais qu’il ressentait toujours un certain malaise quant à sa sécurité malgré ces efforts. Il a également exprimé son mécontentement quant à l’état du navire. Cependant, il n’a pas abordé ces questions avec le capitaine avant de quitter le bateauNote de bas page 4.

[18] Je suis d’avis que la preuve présentée à la division générale ne permet pas de conclure que les conditions de travail du prestataire constituaient un danger pour sa santé ou sa sécurité une fois accosté dans le port américain. Le prestataire ne s’est pas renseigné sur le protocole de sécurité de l’employeur aux États-Unis avant de quitter son emploi. Il a fondé sa décision sur des hypothèses personnelles. La division générale a noté que le prestataire avait effectué le même travail dans un port canadien durant la pandémie et qu’il n’y aurait pas eu de changement de tâches au port américain.

[19] La division générale a conclu qu’il aurait été raisonnable pour le prestataire de discuter de ses préoccupations au sujet de la propreté du navire ou de la COVID-19 avec le capitaine pour savoir quels protocoles de sécurité seraient en place aux États-Unis ou pour savoir s’il pouvait être accommodé avant de démissionner. Le prestataire ne pouvait pas simplement supposer que l’employeur ne ferait rien pour répondre à ses préoccupations et quitter immédiatement son emploi.

[20] Une partie prestataire insatisfaite de ses conditions de travail doit tenter de résoudre le conflit avec son employeur avant de quitter son emploi. Le prestataire de son propre aveu ne l’a pas fait.

[21] De plus, le prestataire a déclaré que son contrat d’emploi indiquait qu’il pourrait y avoir des voyages aux États-Unis, mais qu’il ne pensait pas qu’ils finiraient par y allerNote de bas page 5. Par conséquent, le prestataire savait, lorsqu’il a accepté l’emploi la semaine précédente, qu’il pourrait aller aux États-Unis pendant la pandémie.

[22] Une partie prestataire qui accepte un emploi tout en étant consciente de l’existence de certaines conditions requises par ce poste ne peut pas invoquer ultérieurement l’existence de ces conditions comme justification pour quitter son emploiNote de bas page 6.

[23] Comme cela a été expliqué lors de l’audience d’appel, je ne suis pas habilité à instruire à nouveau une affaire ni à exercer mon propre discernement (quant aux faits de l’affaire) à la place de celui de la division générale. À moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit, qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée d’une manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, je dois rejeter l’appel.

[24] Je conclus que la division générale a fondé sa décision sur la preuve devant elle et que sa décision est conforme à la législation ainsi qu’à la jurisprudence en matière de départ volontaire.

[25] Je n’ai pas d’autre choix que de rejeter l’appel du prestataire.

Conclusion

[26] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.