Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 710

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale - section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assuranceemploi du Canada (430197) datée du 11 août 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 septembre 2021
Personnes participant à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 7 octobre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1508

Sur cette page

Décision

[1] J. C. est le prestataire. La Commission de l’assurance-emploi a refusé de lui payer des prestations d’assurance-emploi (AE). Le prestataire porte cette décision en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel du prestataire. Il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi, comme il étudiait à temps plein et n’essayait pas de réintégrer le marché du travail. Il n’est pas admissible à des prestations régulières d’AE.

Aperçu

[3] Le prestataire a reçu la Prestation canadienne d’urgence (PCU), puis a commencé à recevoir des prestations régulières d’AE. Il a dit à la Commission qu’il allait aussi à l’école. Après avoir versé au prestataire des prestations pendant plusieurs mois, la Commission a enquêté sur sa disponibilité pour travailler. Elle a alors décidé que le prestataire n’avait pas été disponible pour travailler du 4 octobre 2020 au 30 avril 2021, puisqu’il étudiait à temps plein. La Commission a rendu cette décision de façon rétroactive. Elle a donc demandé au prestataire de lui rembourser des prestations.

[4] Pour recevoir des prestations régulières d’AE, une personne doit être disponible pour travailler. Cette exigence est continuelle : autrement dit, il faut que la personne soit à la recherche d’un emploi. De plus, elle doit pouvoir le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire montrer qu’il est probable à plus de 50 % qu’elle était disponible pour travailler.

[5] Selon la Commission, le prestataire n’était pas disponible pour travailler puisqu’il étudiait à temps plein. La Commission dit que le prestataire ne cherchait pas d’emploi à temps plein.

[6] Le prestataire, lui, affirme qu’il était disponible pour travailler puisqu’il travaillait à temps partiel. Il dit que la Commission l’a fait passer au régime d’AE sans l’aviser de ses conditions d’admissibilité. Selon lui, il est injuste qu’on lui demande de rembourser des prestations.

Questions que je dois examiner en premier

Le prestataire ne veut pas faire appel de la décision sur son départ volontaire

[7] La Commission s’était aussi prononcée sur le départ volontaire du prestataire. Elle a décidé qu’il était exclu du bénéfice des prestations à partir du 4 avril 2021, du fait qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification.

[8] À l’audience, le prestataire a dit qu’il ne voulait pas faire appel de cette décision. Il a dit comprendre que la Commission l’ait exclu du bénéfice des prestations à partir du 4 avril 2021. Il comprenait que je ne rendrais aucune décision sur cette question s’il ne voulait pas en faire appel.

[9] Puisque le prestataire a affirmé qu’il ne voulait pas faire appel de la décision concernant son départ volontaire, et puisqu’il a dit comprendre que la décision de révision de la Commission serait maintenue, je ne vais pas traiter de cette question dans ma décision. Je ne me prononcerai donc pas sur la question de savoir si son départ volontaire avait été fondé

Question en litige

[10] Le prestataire était-il disponible pour travailler tout en allant à l’école?

Analyse

[11] Deux articles de loi expliquent qu’une personne doit montrer qu’elle est disponible pour travailler. La Commission dit avoir utilisé ces deux articles de la loi pour rendre sa décision concernant les prestations d’AE du prestataire.

[12] De plus, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les prestataires fréquentant l’école à temps plein sont présumés ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 1. C’est ce qu’on appelle une « présomption de non-disponibilité ». Ainsi, je peux présumer, c’est-à-dire supposer, que les étudiants qui vont à l’école à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler.

[13] Pour rendre une décision dans cet appel, je dois donc commencer par décider s’il m’est possible de présumer que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Je vais ensuite décider de sa disponibilité d’après les deux articles de loi sur ce sujet.

Présomption de non-disponibilité des étudiants à temps plein

[14] La présomption selon laquelle les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler s’applique uniquement aux étudiants à temps plein.

[15] Le prestataire a dit à la Commission qu’il étudiait à temps plein. À l’audience, il a dit qu’il avait cinq cours par semaine, du lundi au vendredi. Je juge donc qu’il était un étudiant à temps plein. Je dois donc commencer en présumant qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[16] Le prestataire peut réfuter cette présomption. S’il arrive à le faire, elle ne s’appliquera pas à lui.

[17] La présomption peut être réfutée de deux façons. Il peut montrer qu’il avait l’habitude de travailler à temps plein tout en étudiantNote de bas de page 2. Sinon, il peut montrer que des circonstances exceptionnelles existaient dans son casNote de bas de page 3.

[18] Le prestataire dit que sa situation était exceptionnelle du fait que la Commission ne l’avait pas consulté avant de le faire passer de la PCU aux prestations régulières d’AE. Il dit qu’il ignorait qu’il y avait des critères différents pour les prestations régulières d’AE. Il travaillait à temps partiel tout en allant l’école à temps plein et se considérait donc comme disponible pour travailler.

[19] La Commission affirme que le prestataire n’a pas réfuté la présomption qu’il n’était pas disponible pour travailler, puisqu’il ne cherchait pas d’emploi à temps plein.

[20] Même si je compatis à la situation du prestataire, je constate qu’il n’a pas réfuté la présomption voulant qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[21] À l'audience, le prestataire a décrit son horaire de cours. Il avait cinq cours par semaine, du lundi au vendredi. Ses cours avaient lieu durant le jour et la plupart d'entre eux étaient donnés en ligne, même si certains avaient aussi lieu en personne. Il devait respecter son horaire de cours.

[22] Le prestataire a commencé à travailler à temps partiel au début de l’année scolaire, en septembre 2019. Il dit qu’il avait toujours travaillé à temps partiel. Il travaillait deux ou trois jours par semaine, selon son horaire de cours. Il dit qu’il travaillait autant qu’il le pouvait, en respectant ses obligations scolaires. Sa priorité était de finir l’école. Il n’aurait pas quitté son programme si on lui avait offert un emploi entrant en conflit avec l’école.

[23] Le prestataire n’a jamais eu l’habitude de travailler à temps plein tout en étudiant. Je conviens qu’il travaillait à temps partiel en allant à l’école. Toutefois, je ne crois pas que cela suffise à établir une situation exceptionnelle. Il ne voulait pas travailler plus de deux ou trois jours par semaine. Il devait aller à ses cours et ne pouvait pas changer son horaire de cours pour le travail. Sa priorité était de finir ses études et non de trouver du travail.

[24] Je comprends quand le prestataire dit qu’il ne comprenait pas les critères d’admissibilité aux prestations régulières d’AE. Par contre, il ne s’agit quand même pas d’une situation exceptionnelle.

[25] Je juge que le prestataire n’a pas réfuté la présomption voulant que les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler.

[26] La Cour d’appel fédérale n’a pas encore expliqué le lien entre cette présomption et les articles de loi portant sur la disponibilité. Comme ce lien n’est pas clair, je vais maintenant traiter des articles portant sur la disponibilité, même si j’ai déjà conclu que le prestataire est présumé être indisponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[27] Un des articles de la loi explique que la personne doit prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La Commission dit avoir utilisé cet article lorsqu’elle a jugé le prestataire inadmissible aux prestations.

[28] Je ne suis pas d’accord. Je ne crois pas que la Commission ait prouvé qu’elle aurait utilisé cet article de la loi. Je n’utiliserai pas cet article pour décider si la prestataire est disponible pour travailler.

[29] La Commission n’a jamais interrogé le prestataire sur les démarches qu’il aurait faites pour trouver un emploi pendant qu’il allait à l’école. Dans sa lettre de décision, la Commission ne dit pas que ses démarches à cet effet n’auraient pas été habituelles ou raisonnables. Elle n’a jamais expliqué, dans ses observations, pourquoi elle avait décidé que les démarches du prestataire pour trouver un emploi n’étaient pas habituelles et raisonnables.

[30] Dans l’une de ses décisions, la division d’appel explique la nécessité de faire preuve de prudence en examinant cet article de la loi. Elle dit que je devrais chercher une preuve montrant que la Commission a demandé au prestataire une preuve des démarches habituelles et raisonnables qu’il a faites pour trouver un emploi. Je devrais aussi voir s’il y a une preuve montrant que la Commission a bel et bien expliqué au prestataire qu’elle utilisait cet article de la loi pour décider de sa disponibilité pour travaillerNote de bas de page 5.

[31] Rien ne m’oblige à suivre les décisions de la division d’appel. Cependant, je trouve que sa décision est ici très éclairante. Selon moi, il n’y a pas une preuve suffisante pour montrer que la Commission aurait utilisé cette partie de la loi pour juger le prestataire inadmissible aux prestations.

[32] Je ne vais pas chercher à savoir si le prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. En effet, je ne crois pas que la Commission ait démontré que l’inadmissibilité du prestataire était fondée sur cet article de la loi.

[33] Je n’accueille pas pour autant l’appel du prestataire : il me faut encore examiner l’autre partie de la loi qui porte sur la disponibilité pour travailler.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[34] Selon l’autre partie de la loi dont je dois tenir compte, la personne doit prouver qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 6.

[35] D’après la jurisprudence, je dois rendre ma décision en me basant sur les trois facteurs suivants :

  1. La personne doit montrer qu’elle veut recommencer à travailler dès qu’un emploi convenable lui sera offert. Il faut que son attitude et ses actions montrent qu’elle veut retravailler le plus tôt possible.
  2. La personne doit prouver qu’elle fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi convenable.
  3. La personne ne doit pas avoir établi de conditions qui peuvent l’empêcher de trouver un emploi. Si elle limite sa recherche d’emploi d’une façon quelconque, ces limites doivent être raisonnablesNote de bas de page 7.

Désir de retravailler

[36] Le prestataire a toujours dit qu’il travaillait pendant qu’il étudiait. Il dit qu’il travaillait autant qu’il le pouvait, compte tenu de son horaire de cours.

[37] J’estime que le prestataire, en travaillant, a montré qu’il désirait travailler. Je juge qu’il remplit la première condition.

Démarches pour trouver un emploi convenable

[38] Le prestataire n’a pas fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[39] À l’audience, le prestataire a dit qu’il ne cherchait pas un autre emploi. Il s’est dit satisfait de son emploi. Selon lui, il serait difficile de trouver un autre emploi qui fonctionne avec son horaire de cours.

[40] Conformément à la loi, une personne doit être à la recherche d’un emploi pour prouver qu’elle est disponible pour travailler. Même si elle a une raison raisonnable de ne pas chercher de travail, elle doit quand même faire des démarches pour chercher un emploiNote de bas de page 8.

[41] Le prestataire a dit qu’il ne cherchait pas de travail. Je constate donc qu’il n’a pas prouvé qu’il faisait des démarches suffisantes pour trouver un emploi. Il ne remplit pas la seconde condition.

Conditions limitant indûment les chances de retravailler

[42] Je juge que le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retravailler.

[43] Le prestataire a affirmé qu’il avait cinq cours par semaine. Il ne pouvait pas changer son horaire et ne voulait pas arrêter ses études pour un emploi. Il voulait seulement un emploi qui lui permettrait de travailler en fonction de son horaire de cours.

[44] Comme ses cours avaient lieu durant la journée, du lundi au vendredi, j’estime que le prestataire restreignait sa recherche d’emploi d'une manière qu’il lui serait très difficile d’en trouver un.

[45] Le prestataire a aussi dit qu’il avait déjà un emploi et qu’il ne voulait pas en chercher un autre ailleurs. Il voulait recevoir des prestations d’AE comme supplément à son emploi à temps partiel, mais ne cherchait pas de travail additionnel. Il serait difficile pour le prestataire de réintégrer le marché du travail alors qu’il voulait travailler pour un seul employeur.

[46] Les prestations d’AE ne servent pas à supplémenter le salaire d’un travailleur à temps partiel, si ce travailleur n’essaie pas de trouver plus de travailNote de bas de page 9. Les prestations d’AE sont destinées aux travailleurs qui essaient de revenir sur le marché du travail.

[47] Étant donné qu'il se limitait à un seul employeur et qu’il pouvait seulement travailler selon son horaire de cours, je juge que le prestataire a établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.

Alors, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[48] Même si crois que le prestataire voulait travailler, il n’en faisait pas assez pour trouver du travail. Il a établi des conditions personnelles à cause desquelles il lui était trop difficile de trouver un emploi. Au regard de ces trois facteurs, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable.

[49] Je comprends l’argument avancé par le prestataire, à savoir qu’il ignorait les conditions d’admissibilité aux prestations de l’AE. Je note qu’il avait informé la Commission de ses études peu après avoir commencé à recevoir des prestations de l’AE. Il est dommage que la Commission ait pris autant de temps à enquêter sur sa disponibilité. Si la Commission avait agi plus tôt, le trop-payé du prestataire ne serait pas si élevé.

[50] Je demande à la Commission de revoir le dossier du prestataire pour voir s’il remplit les conditions permettant de défalquer (annuler) son trop-payé.

Conclusion

[51] Je rejette l’appel du prestataire. En effet, il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler selon la loi. Il n’était pas disponible pour travailler du 4 octobre 2020 au 30 avril 2021. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’AE pour cette période.

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