Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 561

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (428300) datée du 26 avril 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 2 septembre 2021
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 7 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-859

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je suis d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant ses études. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La prestataire n’était pas en mesure de travailler en raison de sa blessure. Elle aurait été disponible pour travailler si elle n’avait pas été blessée. Sa blessure était la seule chose qui l’empêchait d’être disponible pour travailler. Cela signifie qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

Aperçu

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant ses études.

[5] La Commission a également décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations de maladie de l’assurance-emploi parce qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle aurait été disponible pour travailler si elle n’avait pas été blessée. Cette décision a donné lieu à un trop‑payé.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’elle cherche un emploi. Elle a déjà aussi travaillé pendant qu’elle étudiait. Elle ajoute qu’elle aurait été en mesure de travailler si elle n’avait pas été blessée.

[7] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était « disponible pour travailler » et « sans cela disponible pour travailler ».

Questions en litige

Disponibilité

[8] La prestataire était-elle disponible pour travailler pendant ses études, plus précisément du 12 octobre 2020 au 18 décembre 2020 et du 12 janvier 2021 au 16 février 2021? 

Sans cela disponible pour travailler

[9] La prestataire aurait-elle été disponible pour travailler à compter du 1er mars 2020 si elle n’avait pas été blessée?

Analyse

Question en litige no 1 : Disponibilité

[10] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent qu’ils sont disponibles pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. Cette dernière doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[11] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit que les prestataires doivent prouver qu’ils font des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1 . Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2  ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[12] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que les prestataires doivent prouver qu’ils sont « capables de travailler et disponibles à cette fin », mais incapables d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3 . La jurisprudence énonce trois éléments que les prestataires doivent prouver pour démontrer qu’ils sont « disponibles » en ce sensNote de bas de page 4 . Je vais examiner ces éléments plus loin.

[13] La Commission a établi que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon les deux articles de loi.

[14] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les personnes aux études à temps plein sont présumés ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 5 . C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que nous pouvons supposer qu’une personne n’est pas disponible pour travailler lorsque la preuve montre qu’elle est étudiante à temps plein.

[15] Je vais commencer par voir si je peux présumer que la prestataire n’était pas disponible pour travailler. J’examinerai ensuite si elle était disponible pour travailler selon les deux articles de loi portant sur la disponibilité.

Présomption de non disponibilité dans le cas des personnes aux études à temps plein

[16] La présomption de non disponibilité ne s’applique qu’aux personnes aux études à temps plein.

La prestataire est étudiante à temps plein

[17] La prestataire est étudiante à temps plein. La présomption selon laquelle les personnes aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’on peut démontrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption était réfutée, elle ne s’appliquerait pas.

[18] Il y a deux façons pour la prestataire de réfuter la présomption. Elle peut démontrer qu’elle a déjà travaillé à temps plein tout étant aux étudesNote de bas de page 6 . Elle peut aussi démontrer que des circonstances exceptionnelles s’appliquent dans son casNote de bas de page 7 .

[19] Je conclus que la prestataire a réfuté la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible pour travailler. Elle a travaillé chez Shopper’s Drug Mart pendant ses études de septembre 2012 à avril 2020. Elle a travaillé au moins 28 heures par semaine tout en terminant plusieurs diplômes d’études collégiales et un programme de certificat. Elle souligne que Shopper’s Drug Mart considère que les personnes qui travaillent au moins 28 heures sont des employés à temps plein.

[20] Plus récemment, elle a travaillé chez Reitman tout en étudiant. Cependant, les heures d’ouverture du centre commercial étaient limitées en raison de la pandémie, même si elle était disponible pour travailler plus d’heures.

La présomption est réfutée

[21] Je suis convaincue que la prestataire a réfuté la présomption dans la présente affaire parce qu’elle a déjà travaillé à temps plein pendant ses études.

[22] Le fait de réfuter la présomption signifie seulement qu’on ne présume pas que la prestataire n’est pas disponible. Je dois quand même examiner les deux articles de la loi applicables et décider si la prestataire est réellement disponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[23] Le premier article de la loi que je vais examiner prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploiNote de bas de page 8 .

[24] La loi énonce des critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 9 . Je dois décider si ces démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[25] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 10  :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitæ ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, à des banques d’emploi en ligne ou auprès d’agences de placement;
  • participer à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi;
  • faire du réseautage;
  • communiquer avec de possibles employeuses ou employeurs;
  • présenter des demandes d’emploi;
  • participer à des entrevues;

[26] Je conclus que la prestataire a prouvé qu’elle a fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi pour les raisons suivantes.

[27] Les démarches de la prestataire étaient soutenues et elle a postulé plusieurs emplois pendant les périodes où elle était inadmissible.

[28] Une copie de ses demandes d’emploi a été incluse dans le dossier (pages GD9-2 à GD9-3). La prestataire a mis à jour son curriculum vitæ et sa lettre de présentation pour chaque emploi auquel elle a postulé. Elle a utilisé de recherches d’emploi en ligne comme Indeed ou des profils d’entreprise pour postuler à des emplois. Elle a postulé un emploi dans un magasin de vente de détail parce que c’était un emploi convenable compte tenu de son expérience.

[29] La prestataire a obtenu une entrevue chez Reitman’s le 29 octobre 2021 et a accepté un emploi le 1er novembre 2021. Elle a eu une autre entrevue en janvier 2021, mais c’était pour un emploi autonome et elle n’était pas qualifiée pour celui-ci.

[30] Par conséquent, j’estime que la prestataire a prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient raisonnables et habituelles. Ses démarches étaient variées et visaient à trouver un emploi convenable.

Capacité de travailler et disponibilité à cette fin

[31] Je dois également décider si la prestataire était capable de travailler et disponible à cettee fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 11 . La jurisprudence établit trois facteurs dont je dois tenir compte pour trancher cette question. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 12  :

  1. a) qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui était offert;
  2. b) qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[32] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 13 .

Désir de retourner au travail

[33] J’estime que la prestataire a démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui était offert. Elle a dit qu’elle est étudiante, qu’elle a des factures à payer et qu’elle a besoin de travailler.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[34] Je juge que la prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[35] Pour tirer une conclusion par rapport à ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi mentionnées plus haut. Cette liste me sert seulement de référenceNote de bas de page 14 .

[36] Les efforts que la prestataire a déployé pour trouver un nouvel emploi comprenaient la présentation d’une demande d’emploi, des entrevues, l’évaluation des possibilités d’emploi, l’inscription à des outils de recherche d’emploi ainsi que la rédaction d’un curriculum vitae et d’une lettre de présentation.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[37] Je juge que les études de la prestataire ne constituaient pas une condition personnelle susceptible de limiter indûment ses chances de retourner au travail parce qu’elle a longtemps travailler selon un horaire irrégulier (l’après-midi, le soir et les fins de semaine) à temps plein pendant ses études. J’accepte également l’argument de la prestataire selon lequel il est généralement accepté qu’une personne qui travaille 30 heures par semaine est une personne qui travaille à temps plein (page GD16-10).

[38] Je remarque que l’horaire scolaire de la prestataire se limitait à quelques heures le matin pendant la semaine. Tous ses cours étaient virtuels. Je ne crois pas que ses études aient indûment limité ses chances de retourner au travail, mais plutôt que c’est la pandémie qui a rendu les choses plus difficiles pour les personnes travaillant dans les commerces de détail, compte tenu des fermetures récurrentes ainsi que des heures limitées et de la capacité limitées. Il ne s’agissait pas d’une condition personnelle qu’elle a établi parce qu’elle était toujours disponible pour travailler.

La prestataire était-elle donc capable de travailler et disponible à cette fin?

[39] À la lumière de mes conclusions sur les trois facteurs, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable.

Question en litige no 2 : Sans cela disponible pour travailler

[40] Il est évident qu’une personne malade ou blessée n’est pas disponible pour travailler. La loi liée aux prestations de maladie de l’assurance-emploi en tient compte. Toutefois, la loi exige que les personnes qui demandent des prestations de maladie soient sans cela disponibles pour travailler. Autrement dit, la prestataire doit démontrer que sa blessure est la seule raison pour laquelle elle n’était pas disponible pour travaillerNote de bas de page 15 .

[41] La Commission a déclaré la prestataire inadmissible au bénéfice des prestations de maladie de l’assurance-emploi à compter du 1er mars 2020 après avoir décidé qu’elle n’était pas sans cela disponible pour travailler.

[42] La prestataire s’est cassé la main. Elle a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi à compter du 3 mars 2021. Elle a subi une intervention chirurgicale le 22 mars 2021. Elle a porté son plâtre pendant environ quatre semaines et elle n’a pas pu travailler pendant cette période. Elle reconnaît qu’elle était toujours en mesure d’assister à ses cours virtuels, mais affirme qu’elle a bénéficié de mesures d’adaptation pour faire des tests et des devoirs oraux.

[43] Je conclus que la prestataire était sans cela disponible pour travailler à partir du 1er mars 2021. Elle ne pouvait pas travailler dans la vente au détail avec une main cassée. Si elle ne s’était pas cassé la main, elle aurait continué à travailler tout en étudiant. C’est sa blessure qui l’a empêchée de travailler. Elle s’est rétablie et a réussi à retourner au travail.

Conclusion

[44] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler et sans cela disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il est donc possible qu’elle ait droit à des prestations d’assurance-emploi.

[45] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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