Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 562

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (423839) rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada le 10 juin 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 9 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoin de l’appelante
Date de la décision : Le 21 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1128

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Décision

[1] L’appel est rejeté. En d’autres mots, je ne suis pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire ne remplit pas les conditions requises pour l’annulation ou l’arrêt de sa période de prestations. Elle n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 5 octobre 2020 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Il faut donc que les prestataires poursuivent leur recherche d’emploi.

[4] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle a refusé de retourner au travail, qu’elle n’a pas fait de démarches pour trouver du travail ou d’autres solutions pour faire garder son enfant et qu’elle limite ses heures de disponibilité.

[5] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle avait déjà un emploi, mais qu’elle ne pouvait pas retourner au travail parce que personne ne pouvait garder son enfant. Elle soutient qu’elle aurait dû pouvoir mettre fin à sa période de prestations ou du moins l’annuler de façon à pouvoir demander à l’Agence du revenu du Canada la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants. La Commission n’était pas d’accord et elle a rejeté la demande parce que la prestataire ne répondait pas aux critères permettant d’arrêter ou d’annuler sa période de prestations.

[6] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit établir sa preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit également prouver qu’elle remplit les critères pour mettre fin à sa période de prestations ou l’annuler.

Questions que je dois examiner en premier

Deux nouvelles questions ont été ajoutées

[7] La première audience a dû être ajournée parce que la prestataire a dit que la question en litige aurait dû comprendre l’arrêt ou l’annulation de sa période de prestations (voir les documents GD1 et GD14 du dossier d’appel). J’ai écrit à la Commission pour l’interroger sur ces deux questions et pour voir si elle croit que j’ai la compétence de les jugerNote de bas de page 1 (documents GD5 et GD7).

[8] La Commission a répondu en présentant des observations et elle a rendu une décision de révision sur ces deux questions (documents GD3A, GD9 et GD13). Une copie des documents a été transmise à la prestataire avant l’audience. Dans les circonstances, j’ai admis que j’avais la compétence de trancher ces questions.

La prestataire a déposé des enregistrements téléphoniques

[9] La prestataire a produit une copie de l’enregistrement d’une conversation téléphonique avec un agent de la Commission (document GD10). Elle a dit que la conversation a eu lieu le 17 novembre 2020 (voir la page GD22-4 du dossier d’appel).

[10] La prestataire a dit à la Commission qu’elle voulait faire annuler sa période de prestations et demander la prestation pour proches aidants à l’Agence du revenu du Canada. L’agent de la Commission lui a dit qu’il pouvait annuler sa période de prestations. Il lui a suggéré la possibilité de se déclarer malade pour les jours où elle n’était pas en mesure de travailler en raison de la COVID ou de l’impossibilité de trouver un service de garde, ou encore la possibilité de cesser de remplir ses déclarations de prestataire.

[11] La prestataire a également déposé l’enregistrement d’une conversation téléphonique avec l’Agence du revenu du Canada (document GD11). La personne au bout du fil lui a dit qu’elle devait mettre fin à sa période de prestations d’assurance-emploi avant de pouvoir recevoir des prestations de l’Agence du revenu du Canada.

Questions en litige

[12] La prestataire peut-elle annuler sa période de prestations ou y mettre fin?

[13] La prestataire était-elle disponible pour travailler à partir du 5 octobre 2020?

Analyse

Annulation ou arrêt d’une période de prestations

[14] On peut annuler une période de prestations seulement si certains critères sont remplisNote de bas de page 2 . Selon l’un de ces critères, on peut annuler une période de prestations si aucune prestation d’assurance-emploi n’a été versée ou ne devait être versée pendant la périodeNote de bas de page 3 . On peut aussi l’annuler à la demande d’une personne si une nouvelle période de prestations est établie à son profit et qu’elle avait un motif valableNote de bas de page 4 .

[15] Par ailleurs, une période de prestations peut prendre fin à la demande d’une personne qui présente une nouvelle demande initiale de prestations d’assurance-emploi et qui remplit les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 5 .

[16] La prestataire veut faire annuler ou arrêter la période de prestations qui a commencé le 4 octobre 2020. La preuve montre que les paiements de prestations d’assurance-emploi ont été traités du 16 octobre 2020 au 5 février 2021 (pages GD20‑5 à GD20-23).

[17] L’époux de la prestataire a déclaré qu’ils ont appelé la Commission au début d’octobre 2020 et non en avril 2021, comme l’a écrit la Commission (document GD10). Toutefois, après l’audience, ils ont déclaré que l’appel à la Commission avait eu lieu le 17 novembre 2020 (page GD22‑4). Ils s’appuient sur l’enregistrement audio du 17 novembre 2020 pour prouver que la demande de la prestataire a été présentée et rejetée (document GD10).

La prestataire ne peut pas faire annuler ou arrêter sa période de prestations

[18] Je conclus que la prestataire ne peut pas faire annuler sa période de prestations ayant débuté le 4 octobre 2020 parce qu’elle ne répond à aucun des critères énoncés dans la loi. Je n’ai pas le pouvoir de modifier la loi, quand bien même la prestataire se trouverait dans une situation difficile ou aurait été induite en erreur.

[19] La preuve montre que des prestations ont été versées du 16 octobre 2020 au 5 février 2021 (pages GD20-5 à GD20-23). Selon l’enregistrement audio qu’elle a déposé (document GD10), la prestataire a demandé l’annulation de sa période de prestations seulement le 17 novembre 2020. De plus, elle n’a pas présenté une nouvelle demande initiale de prestations et n’a pas démontré un motif valable, deux exigences qu’il faut remplir.

Disponibilité

[20] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. Cette dernière doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[21] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 6 . Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 7  ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[22] En deuxième lieu, la Loi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 8 . La jurisprudence donne trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 9 . Je vais examiner ces éléments plus loin.

[23] Je reconnais que la prestataire affirme qu’à son avis, la disponibilité pour le travail n’est pas une question en litige. Toutefois, la Commission a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler aux termes de ces deux articles de loi. Il s’agit donc d’une question qui est en litige et qu’il faut trancher.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[24] La loi énonce des critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10 . Je dois regarder si les démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[25] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 11  :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitæ ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, à des banques d’emploi en ligne ou auprès d’agences de placement;
  • participer à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi;
  • faire du réseautage;
  • communiquer avec de possibles employeuses ou employeurs;
  • présenter des demandes d’emploi;
  • participer à des entrevues;
  • participer à des évaluations des compétences.

[26] Je juge que la prestataire n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi à partir du 5 octobre 2020. Elle a déclaré qu’elle s’est renseignée sur des emplois auprès de connaissances et qu’elle a fait des recherches en ligne. Elle n’a rien fait d’autre pour trouver du travail parce qu’elle s’attendait à reprendre son emploi habituel. Ses démarches n’étaient pas soutenues. Par conséquent, elle n’a pas fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail et elle demeure inadmissible aux prestations d’assurance-emploi au titre de cet article de loi.

Capable de travailler et disponible pour travailler

[27] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 12  :

  1. Elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[28] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 13 .

Désir de retourner au travail

[29] Je conclus que la prestataire a démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible. Elle a déclaré qu’elle fait le quart de l’après-midi pour la même entreprise depuis le 14 octobre 2015 et qu’elle voulait vraiment retourner au travail.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[30] Pour tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi mentionnée plus haut. La liste me sert seulement de référenceNote de bas de page 14 .

[31] Je juge que la prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable pendant qu’elle recevait des prestations d’assurance-emploi. Tout ce qu’elle a fait, c’est s’informer sur les possibilités d’emploi auprès de ses connaissances et faire des recherches en ligne. Le formulaire de demande mentionne clairement l’obligation de chercher du travail aux termes de ses droits et de ses responsabilités (page GD3-7 du dossier d’appel).

[32] La prestataire a dit qu’elle avait été rappelée au travail, mais qu’elle avait dû s’occuper de son enfant pendant la pandémie. Il est clair qu’elle en a informé la Commission au cours de leur conversation téléphonique du 17 novembre 2020 (document GD10). Toutefois, l’agent de la Commission lui a dit d’écrire dans ses déclarations qu’elle était malade en raison de la COVID et de l’impossibilité de trouver une personne pour garder son enfant. Il n’est pas clair si elle s’est déclarée malade pour ces jours-là ou si elle a continué de se déclarer disponible pour travailler, car le dossier ne contenait aucune déclaration de prestataire.

[33] Les tribunaux ont dit qu’il ne faut pas attendre de se faire rappeler au travail, que les prestataires doivent chercher un emploi pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 15 . Peu importe si une personne croit avoir très peu de chances de réussir à trouver un emploi, la Loi est conçue de façon à ce que seules les personnes qui sont véritablement au chômage et qui cherchent activement du travail reçoivent des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 16 .

Limitation indue des chances de retourner travailler

[34] Je juge que la prestataire a fixé des conditions personnelles qui ont peut-être limité à tort ses chances de retourner travailler. Plus précisément, elle s’est limitée à un retour au travail auprès de l’entreprise qui l’employait. Elle n’a pas tenu compte des autres possibilités, comme le travail à distance ou peut-être un horaire de travail pour lequel elle était disponible (par exemple, les soirées où son mari était à la maison ou les fins de semaine). Même si elle était en congé autorisé, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle était disponible.

[35] J’admets que la prestataire a eu des difficultés à faire garder son enfant pendant la pandémie et la période où elle a été déclarée inadmissible, soit à partir du 5 octobre 2020. Elle travaillait durant le quart de l’après-midi, mais n’arrivait pas à trouver une personne pouvant garder son enfant de 11 ans. Je ne considère pas que le fait de n’avoir personne pour garder son enfant était une condition personnelle qu’elle s’est fixée. C’était plutôt une circonstance indépendante de sa volonté qui l’a empêchée de retourner au travail.

Somme toute, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour travailler?

[36] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[37] La prestataire ne remplit aucune des conditions qui permettraient de mettre fin à sa période de prestations ou de l’annuler. De plus, elle n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[38] Je n’ai pas le pouvoir de radier la dette découlant du trop-payé de la prestataire (prestations reçues en trop). Seule la Commission peut prendre cette décisionNote de bas de page 17 (page GD4-2). La prestataire doit présenter une demande officielle directement à la Commission en invoquant des difficultés financières.

[39] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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