Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 690

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale - section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. P.
Représentant : Pierre Céré
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (420195) datée du 20 avril 2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charline Bourque
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 novembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 10 novembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1804

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant qu’elle était aux études. Par conséquent, elle est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 28 septembre 2020, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler en raison de sa formation.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle était aux études à temps plein.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’elle était disponible pour travailler à temps plein. Elle explique que c’est en raison de la fermeture des commerces non essentiels qu’elle a cessé de travailler alors qu’elle était disponible pour travailler à temps plein. Elle explique combiner travail et études depuis plusieurs années. De plus, elle ajoute que ses cours étaient donnés à distance et enregistrés, ce qui lui permettait de les suivre lorsqu’elle le voulait.

Question que je dois examiner en premier

Retour de la Division d’appel

[7] La prestataire a été entendue devant la Division générale du Tribunal et une décision a été rendue le 9 juin 2021. La prestataire a porté appel de cette décision devant la Division d’appel du Tribunal et une décision a été rendue le 21 septembre 2021. La décision prévoyait que le dossier soit retourné à la Division générale pour réexamen.

[8] Je suis donc saisie de la question de la disponibilité de la prestataire à partir du 28 septembre 2020. J’ai tenu une nouvelle audience à ce sujet le 10 novembre 2021.

Question en litige

[9] La prestataire était-elle disponible pour travailler à partir du 28 septembre 2020 pendant qu’elle était aux études ?

Analyse

[10] Deux articles de loi différents exigent que la partie prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[11] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ».

[12] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4.

[13] La Commission a établi que la prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[14] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 5. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 6 :

  1. a) montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[15] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 7.

Vouloir retourner travailler

[16] La prestataire a démontré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[17] La Commission est d’avis que selon les déclarations répétées de la prestataire à propos du fait qu’elle travaillait entre 25 et 29 heures par semaine pour son dernier employeur et qu’elle ne cherche pas à travailler à temps plein puisqu’elle priorise ses études et qu’elle affirme qu’elle finirait son cours au lieu d’accepter un emploi à temps plein et en conflit qui lui serait offert, la prestataire ne démontre pas que son intention première est de retourner rapidement sur le marché du travail pour y occuper un emploi à temps plein.

[18] Je ne suis pas d’accord avec cette conclusion. La prestataire a perdu son emploi en raison de la fermeture des commerces non essentiels imposée par le Gouvernement en raison de la pandémie. Elle affirme travailler entre 25 et 29 heures par semaine, mais indique qu’elle offrait une disponibilité à temps plein à son employeur. La prestataire explique que ses cours se donnaient à distance en plus d’être enregistrés. Ainsi, elle pouvait les suivre quand elle le souhaitait, ce que confirme l’universitéNote de bas de page 8. Elle explique qu’elle ajustait son horaire de cours en fonction de ses horaires de travail. Ainsi, dès le début de session, elle pouvait apporter des modifications à son horaire de cours en fonction des besoins de l’employeur. De plus, elle indique qu’elle n’aurait pas refusé de travailler en raison d’un cours comme elle pouvait suivre ce cours quand elle le voulait.

[19] Je considère que même si la prestataire a choisi de suivre une formation à temps plein, cette situation ne fait pas en sorte de compromettre son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[20] La prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[21] Un prestataire a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[22] Pour déterminer si un prestataire est disponible à travailler, je dois considérer les critères spécifiques énoncés dans la Loi permettant d’établir si ses démarches pour trouver un emploi convenable constituent des démarches habituelles et raisonnables. Selon ces critères, les démarches doivent être soutenues, orientées vers l’obtention d’un emploi convenable et compatibles avec neuf activités spécifiques qui peuvent être utilisées pour aider les prestataires à obtenir un emploi convenable.

[23] Par exemple, ces activités correspondent à des éléments comme évaluer les possibilités d’emploi, s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, communiquer avec des employeurs éventuels et présenter des demandes d’emploiNote de bas de page 10. De plus, d’autres critères servent à déterminer ce qui constitue un emploi convenable, par exemple, l’état de santé et la capacité physique du prestataire pour effectuer un travailNote de bas de page 11.

[24] La Commission est d’avis que la prestataire a clairement indiqué ne pas chercher d’emploi à temps plein parce qu’elle priorise ses études. Elle est d’avis que la prestataire a fourni déclaration contradictoire lors de sa demande de révision alors qu’elle a affirmé avoir toujours fait des démarches de recherche d’emploi depuis le début de sa demande de prestations et pouvoir visionner ses cours à n’importe quel moment puisqu’ils étaient enregistrés alors que cela n’a jamais été mentionné auparavant. Or, la Commission estime que les premières déclarations de la prestataire formulées avant la décision du 12 mars 2021 sont plus crédibles que celles obtenues une fois la décision initiale rendue et le trop payé crééNote de bas de page 12.

[25] La Commission ajoute que la prestataire démontre avoir postulé auprès de 6 employeurs potentiels durant son cours de formation non référé et donc elle ne démontre pas être activement à la recherche d’un emploi. Concernant sa rencontre avec Desjardins, la prestataire n’a pas démontré avoir postulé pour l’entreprise que ce soit avant ou après le 7 décembre 2020. Enfin, la Commission considère que le fait de travailler 32 heures en dehors de ses heures de cours durant la semaine du 3 au 7 mai 2021 alors qu’elle était en période d’examens ne constitue pas une preuve de disponibilité. Par contre, son horaire de travail démontre qu’elle travaille 35 heures par semaine dès le 10 mai 2021.

[26] En me basant sur les caractéristiques énoncées dans la Loi pour décrire ce qu’est un emploi non convenable, je suis d’avis qu’un emploi convenable représente entre autres, un emploi du même genre (ex. : nature de l’emploi, rémunération et conditions d’emploi) que celui exercé par un prestataire dans le cadre de son occupation ordinaire ou habituelleNote de bas de page 13.

[27] Dans ce contexte, je suis d’avis que la prestataire a fait des recherches afin de se trouver un emploi convenable. Je constate que la prestataire a fait des recherches d’emploi à l’extérieur de son domaine habituel de travail. Je crois qu’il ne faut pas ignorer la situation imposée par la fermeture des commerces non essentiels d’autant que l’emploi habituel de la prestataire était dans le domaine de la restauration qui a été durement touché par les fermetures.

[28] Je prends aussi en considération que la Loi n’exige pas spécifiquement qu’un prestataire soit disponible pour un travail à temps plein. La prestataire affirme offrir une disponibilité à temps plein à son employeur. Elle était à la recherche d’un emploi. Elle ajoute avoir commencé un travail à temps plein, malgré le fait qu’elle continue à étudier à temps plein en présentiel depuis le début de la session d’automne 2021Note de bas de page 14.

[29] Contrairement à la Commission, je suis d’avis que les recherches d’emploi de la prestataire démontrent qu’elle faisait des recherches afin de travailler dans un contexte où les possibilités étaient limitéesNote de bas de page 15.

[30] Je conclus que les démarches de la prestataire étaient suffisantes pour satisfaire aux exigences liées à ce deuxième élément.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[31] La prestataire n’établit pas de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[32] La Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 16. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que l’on considère que les personnes qui sont aux études ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[33] Un prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé conformément n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 17.

[34] La prestataire reconnaît qu’elle étudie à temps plein, et rien ne démontre que ce n’est pas le cas. J’accepte donc le fait que la prestataire est aux études à temps plein. Il y a donc présomption que la prestataire n’est pas disponible pour travailler.

[35] Par contre, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption est réfutée, elle ne s’applique pas.

[36] La prestataire peut réfuter cette présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a l’habitude de travailler tout en étant aux étudesNote de bas de page 18. Sinon, elle peut démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 19.

[37] Quatre principes se rapportant aux études doivent être considérés afin de permettre de renverser la présomption de non-disponibilité. Ceux-ci correspondent aux exigences de présence au cours, au consentement du prestataire à abandonner ses études pour accepter un emploi, à l’historique de travail du prestataire ayant travaillé à des heures irrégulières et à l’existence de circonstances exceptionnelles qui permettraient au prestataire de travailler tout en suivant son coursNote de bas de page 20.

[38] La Commission considère que ces faits démontrent que l’intention première de la prestataire était de prioriser son cours de formation non dirigé et non pas d’accepter un emploi à temps plein afin de retourner rapidement sur le marché du travail comme attendu par la Loi. De plus, la Commission souligne que dans contexte où la prestataire a clairement mentionné ne pas être disposée à travailler à temps plein, ni à abandonner son cours de formation non dirigé, il n’y avait pas lieu de considérer un délai raisonnable pour effectuer des recherches d’emplois étant donné qu’il s’agit d’un état évident de non-disponibilité et une inadmissibilité indéfinie a alors été imposée à partir du 28 septembre 2020.

[39] La prestataire affirme qu’elle était disponible à travailler à temps plein. Elle indique avoir toujours travaillé tout en étant aux études. Elle ajoute que le fait que les cours étaient à distance et enregistrés lui permettait de les suivre lorsqu’elle le souhaitait. Elle pouvait donc travailler même si elle avait un cours et le reprendre lorsqu’elle le pouvait. La prestataire avait aussi une habitude de travail à des heures irrégulières. Elle pouvait modifier son horaire de cours en début de saison afin de l’adapter à ses horaires de travail.

[40] Je ne retiens pas l’argument de la Commission voulant que la prestataire ne prouve pas qu’elle soit disponible à travailler parce qu’elle restreint sa disponibilité pour un emploi en dehors de ses heures de cours, d’autant que ces cours étaient à distance et enregistrés. La prestataire travaille selon des heures irrégulières. De plus, la Loi ne prévoit pas qu’un emploi soit uniquement effectué sur des heures dites « régulières », de jour. Cela aurait pour effet d’exclure plusieurs types d’emplois qui offrent des heures de travail selon des horaires irréguliers.

[41] Je suis donc d’avis que la prestataire a présenté des circonstances exceptionnelles permettant de réfuter la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler. Je conclus que la prestataire n’a pas établi de conditions personnelles limitant ses chances de retourner sur le marché du travail.

Alors, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[42] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable à partir du 28 septembre 2020.

Conclusion

[43] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus que la prestataire est admissible au bénéfice des prestations.

[44] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.