Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

assurance-emploi – répartition – indemnité de départ – mise à pied – répartition incorrecte de la part de la Commission – indemnité de départ répartie à compter de la semaine de la cessation d’emploi

Le prestataire a d’abord été licencié. Lorsqu’il a été mis à pied, il croyait qu’il retournerait au travail. Toutefois, l’entreprise a fermé ses portes quelques mois plus tard. Le prestataire a alors reçu 16 705,92 $ de son employeur. La Commission a classé les sommes reçues par le prestataire comme une indemnité de départ, qu’elle a répartie sur la période commençant à la mise à pied du prestataire. Le régime d’assurance-emploi (AE) est conçu de façon à ne pas verser trop de prestations aux personnes qui ont besoin d’aide après avoir subi des pertes. L’idée générale est que les gens devraient compter sur leur rémunération, c’est-à-dire l’argent gagné en travaillant, avant de toucher des prestations d’AE. La rémunération est déduite (soustraite) des prestations d’AE. C’est ce qu’on appelle la « répartition de la rémunération ».

Le prestataire a fait appel à la division générale (DG). Celle-ci a constaté que la Commission avait correctement classé les sommes versées au prestataire par l’employeur comme une « rémunération ». Toutefois, la DG a décidé que la Commission avait réparti l’argent sur la mauvaise période. Selon la loi, il faut répartir les sommes versées en raison d’un licenciement sur la période commençant la semaine du licenciement. Il faut répartir les sommes versées en raison d’une cessation d’emploi sur la période commençant la semaine de la cessation d’emploi. Comme les sommes ont été versées au prestataire en raison de la cessation de son emploi, la DG a réparti les sommes à compter de la semaine débutant le 14 juillet 2019, c’est-à-dire la semaine de la fermeture de l’entreprise. La DG a accueilli l’appel en partie.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : BP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 723

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : B. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (419172) datée du
24 mars 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 10 mai 2021
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 18 mai 2021
Numéro de dossier : GE-21-583

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. B. P., le prestataire, a reçu une rémunération. Cependant, la Commission de l’assurance-emploi du Canada ne l’a pas déduite des bonnes semaines de prestations d’assurance-emploi du prestataireNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le prestataire a reçu une somme de 16 705,92 $ de son ancien employeur. La Commission a décidé que cette somme était une « rémunération » selon la loi du fait qu’il s’agissait d’une indemnité de départ.

[3] La loi prévoit que toute la rémunération doit être répartie. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie dépendent de la raison pour laquelle la personne a reçu la rémunérationNote de bas de page 2.

[4] La Commission a déduit la rémunération à partir de la semaine du 19 mai 2019, à raison de 1 499,60 $ par semaine. Selon la Commission, c’est la semaine où le prestataire a été licencié. La Commission a affirmé que le licenciement du prestataire (c’est-à-dire la fin de son emploi) était la raison pour laquelle il avait reçu la rémunération.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Le prestataire affirme que la Commission n’a pas réparti correctement la rémunération, car il avait seulement reçu l’indemnité le 31 juillet 2019, date à laquelle l’employeur a cessé ses activités. Il avait été licencié le 19 mai 2019, car l’employeur déménageait ses activités. Le prestataire s’attendait à être rappelé au travail. Il ne savait pas que l’employeur prévoyait de fermer ses portes lorsqu’il a été licencié et a demandé des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

J’accepte les documents déposés après l’audience

[6] Lors de l’audience, le prestataire a expliqué qu’il avait des courriels envoyés par un propriétaire ou directeur de son ancienne entreprise à son agent syndical. Le prestataire a reçu ces courriels parce qu’il était délégué syndical en chef de l’entreprise. Ces courriels confirment que l’employeur a décidé, à la mi-juillet 2019, de cesser ses activités et, de ce fait, de verser à ses employés une indemnité de départ conformément aux dispositions de la convention collective. J’ai admis les courriels comme preuve parce que l’information contenue dans les courriels est pertinente pour savoir quand l’indemnité de départ était payable et a été payée au prestataire.

[7] Une copie de ces courriels a été envoyée à la Commission. Elle a examiné les courriels et a fourni des observations sur l’incidence des courriels en ce qui concerne la date de cessation d’emploi du prestataire et la date à laquelle la répartition de l’indemnité de départ devait commencer. J’ai pris en considération les observations de la Commission.

Questions en litige

[8] Voici les deux questions que je dois trancher :

  1. a) La somme que le prestataire a reçue est-elle une rémunération?
  2. b) Si c’est le cas, la Commission a-t-elle réparti la rémunération correctement?

Analyse

La somme que le prestataire a reçue est-elle une rémunération?

[9] Oui, la somme de 16 705,92 $ que le prestataire a reçue est une rémunération. Les raisons de ma décision sont expliquées ci-dessous.

[10] La loi établit que la rémunération est le revenu intégral (c’est-à-dire le revenu entier) qu’une personne reçoit de tout emploiNote de bas de page 3. La loi définit à la fois le « revenu » et l’« emploi ».

[11] Le revenu peut être tout ce qu’une personne a reçu ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne. Ce n’est pas nécessairement une somme d’argent, mais ça l’est souventNote de bas de page 4. La jurisprudence précise que l’indemnité de départ est une rémunérationNote de bas de page 5.

[12] L’emploi est tout travail qu’une personne a fait ou fera dans le cadre d’un contrat de travail ou de servicesNote de bas de page 6.

[13] Le prestataire a reçu une somme de 16 705,92 $ de son ancien employeur le 31 juillet 2019. La Commission a décidé que cette somme était une indemnité de départ. La Commission a donc dit qu’il s’agit d’une rémunération selon la loi.

[14] Le prestataire ne conteste pas avoir reçu cette somme. Il conteste également qu’il s’agissait d’une indemnité de départ qu’il aurait reçue parce que l’entreprise cessait ses activités.

[15] Je conclus que la somme de 16 705,92 $ versée au prestataire le 31 juillet 2019 constitue une rémunération, car elle lui a été versée par son ancien employeur lorsque l’entreprise a cessé ses activités.

La Commission a-t-elle réparti la rémunération correctement?

[16] Non, la Commission n’a pas réparti la rémunération correctement, car elle n’a pas réparti la rémunération sur les bonnes semaines. Les raisons de ma décision sont expliquées ci-dessous.

[17] La loi prévoit que la rémunération doit être répartie sur certaines semaines. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie dépendent de la raison pour laquelle la personne a reçu la rémunérationNote de bas de page 7.

[18] Le prestataire a reçu la rémunération parce que son emploi a pris fin. Ce type de rémunération est souvent appelé « indemnité de départ ». Une rémunération est qualifiée d’indemnité de départ lorsqu’elle est versée en raison du poste, des années de service ou du salaire d’une personne.

[19] Le prestataire a déclaré qu’il avait travaillé comme soudeur. Il est membre du syndicat et est affecté à différents employeurs par le bureau d’embauchage syndical. En mars, l’employeur a rencontré les employés pour leur annoncer que l’entreprise allait être relocalisée. L’employeur a déclaré qu’ils allaient terminer le travail entamé, licencier les employés, puis se relocaliser. Une fois la relocalisation terminée, dans six mois à un an, les employés reprendraient le travail.

[20] Le prestataire a témoigné qu’il avait été licencié le 15 mai 2019. Quelque temps plus tard, il avait appris par ses anciens collègues que l’employeur organisait une vente aux enchères pour vendre son équipement lourd. Le prestataire s’attendait pourtant à reprendre le travail auprès de son employeur. Le 17 juillet 2019, le prestataire a reçu un courriel de l’agent syndical. Le directeur général de l’entreprise avait envoyé un courriel à l’agent syndical le 17 juillet 2019 pour lui dire que l’entreprise allait [traduction] « plier bagage ». Le directeur général a écrit qu’il avait [traduction] « appliqué les exigences de l’article 26.01 » et a joint à ses notes une liste d’employés, montrant que les indemnités de départ allaient d’une semaine à un maximum de dix semaines. Le directeur général a écrit : [traduction] « Il n’y a pas de paye de vacances accumulée ou de salaire normal en suspens, car tout le monde a été payé intégralement au moment de son licenciement ».

[21] Le 25 juillet 2019, le directeur général a envoyé un autre courriel à l’agent syndical. Il a joint les calculs pour les indemnités de départ (salaire brut). Il a écrit : [traduction] « Nous traiterons ces paiements la semaine prochaine ». Il y avait un fichier PDF contenant la liste des employés inclus dans le courriel transmis au prestataire. La page est intitulée : [traduction] « Calcul des indemnités de départ de [Nom de l’entreprise] – rémunération brute – 25 juillet 2019 ». Sous le titre se trouve une liste de 12 employés, avec leur date d’entrée en service, leur salaire de base, leurs primes, leur paye de vacances, leur nombre total d’heures de travail et leur salaire brut. Au bas de la page, on peut lire : [traduction] « Préparé par [nom du directeur général] » et [traduction] « 25 juillet 2019 ».

[22] Le prestataire a expliqué qu’il était admissible à une indemnité de départ de 10 semaines. Cette indemnité était prévue par la convention collective et avait été calculée conformément aux dispositions d’une convention collective, en fonction de ses années de service et de sa paye de vacances. Cette preuve, en plus des calculs des indemnités de départ préparés par le directeur général, m’indique que la somme de 16 705,92 $ était, en fait, une indemnité de départ payable lors de la cessation de l’emploi du prestataire auprès de l’entreprise.

[23] La loi prévoit que toute rémunération reçue en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi doit être répartie à partir de la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploi. Le moment où la personne reçoit réellement cette rémunération n’a pas d’importance. La rémunération doit être répartie à partir de la semaine du début du licenciement ou de la cessation d’activité, même si la personne n’a pas reçu cette rémunération à ce moment-làNote de bas de page 8.

[24] La Commission a initialement réparti la somme de 16 705,92 $ sur la semaine commençant le 19 mai 2019. Elle a expliqué que, puisque le paiement avait été effectué en raison de la cessation de l’emploi du prestataire, il avait été réparti à partir du dernier jour où il a travaillé. La Commission a affirmé qu’elle n’avait pas réussi à communiquer avec l’entreprise pour déterminer la date exacte de la cessation d’emploi. Elle a fait valoir que l’indemnité de départ n’est pas toujours répartie à partir du dernier jour de travail et que, si la date de cessation d’emploi pouvait être vérifiée, l’indemnité de départ devrait être répartie à partir de la semaine de cessation d’emploi.

[25] La Commission a examiné les courriels envoyés par le directeur général à l’agent syndical. Elle a soutenu qu’il était probable que l’emploi du prestataire ait pris fin le 17 juillet 2019, compte tenu du courriel de l’employeur indiquant que l’entreprise allait [traduction] « plier bagage ». Sur ce fondement, la Commission a fait valoir que la répartition devait se faire à partir de la semaine du 14 juillet 2019, car il s’agissait de la semaine où avait eu lieu la cessation d’emploi du 17 juillet 2019.

[26] Le prestataire affirme que l’indemnité de départ devrait être répartie sur la semaine au cours de laquelle il a reçu l’indemnité de départ et non avant.

[27] La disposition qui régit la répartition des sommes reçues en fin d’emploi prévoit deux situations : une personne peut cesser de travailler en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi. Les sommes versées en raison d’un licenciement sont à répartir à partir de la semaine du licenciement et sur les semaines suivantes. Les sommes versées en raison d’une cessation d’emploi sont à répartir à partir de la semaine de la cessation d’emploi et sur les semaines suivantes. « Nulle part n’est-il prévu de répartir des montants payés à la suite d’une cessation d’emploi sur une période qui suit un licenciement. Il n’existe aucun lien entre les deuxNote de bas de page 9. »

[28] Toute rémunération payée ou payable à une personne en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi constitue « un revenu provenant d’un emploi ». Un paiement est versé « en raison » d’une cessation d’emploi lorsqu’il devient dû et exigible au moment où survient la fin de l’emploi. Autrement dit, le paiement est « déclenché » par la fin de l’emploiNote de bas de page 10.

[29] Dans le cas du prestataire, il a été initialement licencié le 15 mai 2019. Le directeur général a écrit que toute somme d’argent due au prestataire à la suite du licenciement lui avait été versée à ce moment-là. Le 17 juillet 2019, le directeur général a informé l’agent syndical que l’entreprise allait mettre la clé sous la porte. L’objet du courriel était le suivant : [traduction] « Admissibilité à l’indemnité de départ ». Il avait joint une copie de la plus récente liste d’ancienneté à ses commentaires concernant le nombre de semaines de rémunération pour les employés admissibles. Cette preuve m’indique que l’élément déclencheur du paiement de l’indemnité de départ au prestataire était la décision de l’entreprise de cesser ses activités. Le directeur général a remis cette décision à l’agent syndical le 17 juillet 2019 et a joint au courriel un calcul préliminaire des indemnités de départ.

[30] Je reconnais l’argument du prestataire selon lequel l’indemnité de départ ne devrait pas être répartie avant qu’il ne l’ait reçue le 31 juillet 2019. Je pense qu’il importe peu que le montant de l’indemnité de départ n’ait été finalisé que le 25 juillet 2019 et qu’il n’ait été reçu que le 31 juillet 2019. Ce qui importe, c’est qu’une fois que l’entreprise a déclaré qu’elle cessait ses activités le 17 juillet 2019, le prestataire ne pouvait pas poursuivre son emploi après cette date. Ainsi, je considère comme un fait établi que le prestataire a cessé d’exercer son emploi le 17 juillet 2019.

[31] Par conséquent, puisque j’ai conclu que le prestataire a cessé de travailler le 17 juillet 2019, je conclus également que l’indemnité de départ lui est devenue payable à cette date et qu’elle devrait être répartie à partir de la semaine au cours de laquelle la cessation d’emploi a eu lieu. Dans le cas du prestataire, la répartition doit commencer au cours de la semaine débutant le 14 juillet 2019.

Conclusion

[32] L’appel est accueilli en partie. Cela signifie que je modifie la décision initiale de la Commission.

[33] Le prestataire a reçu une rémunération de 16 705,92 $. Cette rémunération est répartie à partir de la semaine du 14 juillet 2019 selon une somme de 1 499,60 $ par semaine. Ce qu’il reste ensuite de la somme de la rémunération est réparti sur la dernière semaine.

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