Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

assurance emploi – prestations parentales – choix de prestations parentales standards ou prolongées – interprétation de la loi – moment où des prestations sont versées au titre de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance emploi – appel accueilli

La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance emploi. Dans son formulaire de demande, elle devait choisir entre deux options de prestations parentales : standards et prolongées. L’option standard offre jusqu’à 35 semaines de prestations à un taux supérieur; l’option prolongée offre jusqu’à 61 semaines de prestations à un taux inférieur. La loi prévoit que le choix est irrévocable dès que des prestations sont versées, ce qui signifie que le choix ne peut plus être modifié. La prestataire a choisi l’option « prolongée » afin de recevoir des prestations pendant 61 semaines. Le 2 mai 2021, la prestataire a reçu un courriel généré automatiquement qui l’informait que de nouveaux renseignements sur sa demande d’AE étaient disponibles. C’est à ce moment qu’elle s’est aperçue qu’elle avait choisi l’option prolongée par erreur. Le 3 mai 2021, elle a communiqué avec la Commission pour modifier son choix. La Commission a toutefois refusé de changer l’option de prestations parentales de la prestataire parce qu’elle avait déjà reçu un versement de prestations prolongées.

La prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale (DG). La DG a accueilli l’appel de la prestataire et a décidé qu’elle avait l’intention de choisir les prestations parentales standards. La Commission a ensuite fait appel de la décision de la DG devant la division d’appel (DA). La DA a accueilli l’appel et a conclu que la DG avait commis une erreur dans la façon dont elle avait décidé que la prestataire avait choisi les prestations parentales standards. La DA a renvoyé l’affaire à la DG pour donner à la prestataire une occasion équitable de présenter sa preuve quant à la question de savoir si elle avait reçu des prestations parentales avant qu’elle essaie de modifier ou de clarifier son choix.

Pour rendre sa décision, la DG devait interpréter le sens de l’expression « moment où les prestations sont versées ». La loi précise que dès lors que des prestations sont versées, le choix devient irrévocable. La Commission a fait valoir que la prestataire a été payée lorsque le paiement a été traité ou émis. La prestataire prétend toutefois avoir été payée lorsqu’elle a reçu les prestations. La DG a conclu que la transaction de paiement des prestations d’AE n’est pas terminée tant que la prestataire n’a pas reçu les prestations. La prestataire a reçu des prestations parentales le 4 mai 2021. Lorsqu’elle a communiqué avec la Commission le 3 mai 2021 pour changer son option de prestations, son choix était donc toujours révocable selon la loi. De plus, la DG a conclu d’après la preuve que la prestataire avait l’intention de choisir les prestations parentales standards. Elle a décidé que la prestataire a fait une erreur lorsqu’elle a choisi l’option prolongée et qu’une erreur n’est pas un choix.

La DG a accueilli l’appel et a conclu que la prestataire peut modifier son choix d’option de prestations parentales. Par ailleurs, la DG a décidé que la prestataire avait choisi de recevoir les prestations parentales standards.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 581

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (423220) datée du 7 mai 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Wallocha
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er septembre 2021
Personnes participant à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 15 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1288

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire (D. T.) a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada pour changer le type de prestations parentales de l’assurance-emploi (AE) qu’elle avait choisi avant que ces prestations lui soient versées.

[2] La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards de l’AE.

Aperçu

[3] La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’AE. Dans sa demande, elle a sélectionné l’option des prestations parentales prolongées, pour recevoir des prestations pendant 61 semaines. Quand elle a reçu un courriel l’avisant qu’un changement avait été fait à sa demande d’AE et qu’elle s’est rendu compte que le montant de ses prestations allait diminuer, elle a tout de suite joint la Commission pour éviter que cela se produise.

[4] Par contre, la Commission a refusé de changer le type de prestations parentales qu’elle avait choisi. En effet, elle disait que des prestations parentales avaient déjà commencé à être versées à la prestataire.

[5] La prestataire a alors porté en appel cette décision de la Commission devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (TSS). La prestataire dit avoir fait une erreur en sélectionnant l’option prolongée. C’était son premier enfant, et la première fois qu’elle demandait des prestations d’AE. Elle ignorait qu’elle avait sélectionné les prestations prolongées et en quoi celles-ci consistaient. La division générale a accueilli son appel, après avoir conclu que la prestataire avait eu l’intention de choisir les prestations parentales standards.

[6] La Commission a alors porté cette décision en appel devant la division d’appel du TSS. La division d’appel a accueilli son appel, au motif que la division générale avait commis une erreur en concluant que la prestataire avait choisi les prestations parentales standards.

[7] Le dossier a donc été renvoyé à la division générale pour réexamen. Ce renvoi devait aussi permettre à la prestataire d’avoir une occasion réelle de présenter des preuves sur toutes les questions à régler. La division d’appel a précisé que la prestataire n’avait pas eu une réelle chance de présenter une preuve sur la question de savoir si des prestations parentales lui avaient été versées avant qu'elle essaye d’en changer le type ou de mettre au clair le type qu’elle avait choisi.

[8] La prestataire a présenté à la division d’appel une preuve montrant que les prestations parentales lui avaient été versées après qu'elle eût pris contact avec la Commission. Elle a donc fait valoir, auprès de la division d’appel, qu’elle aurait dû avoir le droit d’annuler son choix, comme elle avait appelé la Commission avant de recevoir son premier paiement de prestations parentales. La Commission, elle, a avancé que les prestations avaient été versées quand le paiement avait été émis, et non quand la prestataire avait reçu le paiement.

[9] Selon la division d’appel, il faut d'abord établir ce qu'on entend de prestations « versées » avant de pouvoir conclure que le choix de la prestataire était irrévocable. Si les prestations doivent être reçues pour être considérées comme versées, toute preuve qu'aurait la prestataire quant au moment où elle a été payée est déterminante pour la décision d’appel. Néanmoins, la division d’appel ne peut pas admettre de nouveaux éléments de preuve. Résultat : la prestataire n’a pas eu une occasion réelle de présenter une preuve.

[10] Lorsqu’un dossier revient à la division générale pour être jugé à nouveau, la division générale doit suivre les instructions fournies par la division d’appel. Ainsi, je devrai d’abord décider si les prestations ont en effet été versées et sont ainsi devenues irrévocables. Si le choix de la prestataire peut être changé, du fait que les prestations n’avaient pas encore été versées quand elle a voulu en changer le type, je devrai alors décider quel type de prestations parentales elle a vraisemblablement choisi.

[11] Pour rendre ma décision, j’ai tenu compte de toute l’information contenue que le dossier d’appel du premier membre de la division générale, de l’enregistrement de cette première audience à la division générale, de la nouvelle preuve soumise à la division d’appel, ainsi que de l’enregistrement de l’audience tenue par la division d’appel.

Ce que je dois décider

[12] Je dois me prononcer sur deux questions :

  1. Des prestations parentales de l’AE ont-elles été versées à la prestataire avant qu’elle demande de changer le type de prestations parentales qu’elle avait choisi?
  2. La prestataire a-t-elle choisi les prestations parentales prolongées de l’AE?

Motifs de ma décision

[13] Une personne qui demande des prestations parentales de l’AE doit faire un choix entre les deux types de prestations parentales suivantsNote de bas de page 1  :

  • Les prestations parentales standards : Avec cette option, la Commission verse pendant un maximum de 35 semaines des prestations parentales dont le montant représente 55 % de la rémunération hebdomadaire de la personne.
  • Les prestations parentales prolongées : Avec cette option, la Commission verse pendant un maximum de 61 semaines des prestations parentales dont le montant représente 33 % de la rémunération hebdomadaire de la personne.

[14] Dès qu’un type de prestations parentales est choisi, la loi parle d’un « choix ». Dès que les prestations parentales sont versées, ce choix ne peut plus être changé, car il devient irrévocable selon la loiNote de bas de page 2 .

[15] Comme l’a demandé la division d’appel, je vais commencer par établir quand les prestations parentales sont considérées comme « versées » à la prestataire avant de décider si son choix est irrévocable.

Quand faut-il considérer les prestations parentales comme « versées »?

[16] La prestataire a dit à la division d’appel qu’elle avait reçu un courriel automatisé le 2 mai 2021, à 22 h 43, expliquant que les informations relatives à sa nouvelle demande d’AE étaient disponiblesNote de bas de page 3 . Le matin, elle s’est rendue sur Mon dossier Service Canada pour lire ses messagesNote de bas de page 4 . Elle a immédiatement appelé la Commission pour demander une modification à ses prestations, le 3 mai 2021. Cette modification a toutefois été refuséeNote de bas de page 5 . La prestataire a fourni un relevé bancaire montrant qu’elle avait reçu son premier paiement de prestations parentales le 4 mai 2021Note de bas de page 6 .

[17] À l’audience devant la division d’appel, la Commission a affirmé que le paiement pour les prestations parentales de la prestataire avait été émis le 30 avril 2021. Même si la prestataire l’avait seulement reçu dans son compte de banque quelques jours plus tard à cause du délai de traitement, le paiement avait bel et bien été fait le 30 avril 2021.

[18] J’ai demandé à la Commission de présenter des observations pour appuyer son interprétation de « prestations [qui] sont versées », par rapport à l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission a soumis ce qui suit :

  • Les prestations parentales sont considérées comme versées en date du 2 mai 2021, conformément aux relevés des prestations de l’AE qui sont joints.
  • La période de prestations d’AE de la prestataire est passée aux prestations parentales prolongées en date du 25 avril 2021, et son taux de prestations a alors été réduit.
  • Cette transition explique le courriel envoyé à la prestataire par l’entremise de Mon dossier Service Canada.
  • L’argent a ensuite été déposé dans son compte bancaire le 4 mai 2021.

[19] La Commission a soumis deux relevés des prestations de l’AE, pour les semaines commençant le 18 avril 2021 et le 25 avril 2021. Voici ce que montrent les relevés :

  • Le taux de prestations de la prestataire est passé de 595 $ à 357 $ durant la semaine du 25 avril 2021.
  • Le dépôt direct pour ces deux semaines a été émis le 2 mai 2021.
  • Le dépôt devait être effectué le 4 mai 2021.
  • [traduction] « Si le paiement est fait par dépôt direct, le dépôt effectué dans votre compte bancaire fait foi de paiement. »

[20] La prestataire m’a dit qu’elle aurait voulu savoir comment la Commission définit des prestations « versées », mais que ses observations ne s’appliquaient qu’à son cas particulier. Elle estime qu’il devrait y avoir une définition qui s’applique à l’ensemble des prestataires de l’AE, comme pour le moment où les prestations sont considérées comme payées.

[21] Je suis d’accord avec la prestataire. Les observations de la Commission donnaient des détails supplémentaires sur le cas précis de la prestataire, sans expliquer pourquoi elle considérait ses prestations comme versées en date du 30 avril 2021 ou du 2 mai 2021. Je vais donc faire cette analyse moi-même.

[22] Voici ce spécifie l’article 23(1.2) de la Loi :

Le choix est irrévocable dès lors que des prestations sont versées au titre du présent article ou de l’article 152.05 relativement au même enfant ou aux mêmes enfants. 

[23] La formulation de l’article 152.05 de la Loi n’est pas plus utile. Ni l’un ni l’autre de ces articles ne définit le « paiement » ni le moment où les « prestations sont versées ».

[24] Par ailleurs, l’article 54(p) de la Loi explique que la Commission peut prendre des règlements prévoyant le moment et le mode de paiement des prestations. L’article 92 du Règlement sur l’assurance-emploi, lui, fournit des directives quant au dépôt direct des prestations.

[25] Voici plus précisément ce qu’on peut lire à l’article 92(4) du Règlement :

En l’absence de preuve du contraire, les documents suivants, lorsqu’ils sont réunis, constituent la preuve d’un transfert de fonds au compte du prestataire et du versement des prestations à celui-ci :

  1. (a) un document certifié par une personne agissant pour le compte de la Commission comme étant un extrait du document autorisant, à l’égard du prestataire, le mouvement de dépôt direct destiné à l’institution financière où se trouve le compte du prestataire;
  2. (b) un extrait certifié conforme des dossiers de l’institution financière indiquant que le montant du dépôt a été crédité au compte du prestataire.

[26] Voici la définition que le Larousse donne du verbe « verser » : « Remettre à quelqu’un, à un organisme une somme d’argent, en paiement ou en dépôt ». Le mot « paiement » y est à son tour défini comme l’« [action] de payer, de verser une somme d’argent qui est due ».

[27] Le dictionnaire Usito, lui, définit « verser » comme suit : « Remettre une somme d’argent à titre de paiement ou de dépôt. » Il définit le mot « paiement » ainsi : « Action de payer, de s’acquitter de ce qui est dû. »

[28] Je souligne que « versé(es) » est le participe passé du verbe « verser ».

[29] D’après les définitions qui précèdent, je comprends que des prestations étaient dues à la prestataire (parce qu’elle y était admissible), et que la Commission devait donc les lui verser. Pour faire ce paiement ou versement, il fallait donc lui remettre ce qui lui était dû : c’est alors que les prestations peuvent être considérées comme versées. Autrement dit, les prestations sont versées lorsque la prestataire reçoit le paiement de la Commission.

[30] Le RèglementNote de bas de page 7 donne le pouvoir à la Commission d’établir le moment et le mode de paiement des prestations. Il est dit qu’un document certifié autorisant le dépôt direct, accompagné d'un document certifié de l’institution financière indiquant que le montant du dépôt a été crédité au compte du prestataire, prouve que le paiement a été fait à la personne prestataire.

[31] Les relevés des prestations de l’AE fournis par la Commission montrent l’autorisation d’un paiement de 874 $ à la prestataire (soit les 952 $ auxquels la prestataire avait droit, moins 78 $ en impôts). Le dépôt direct a été émis le 2 mai 2021 puis déposé le 4 mai 2021. Je considère ces relevés comme des documents de la Commission autorisant le dépôt direct.

[32] La Commission n’a pas remis en cause la validité des relevés bancaires de la prestataire, qui montrent que le dépôt de 874 $ a été reçu le 4 mai 2021. J’accepte donc les relevés bancaires de la prestataire comme des documents de son institution financière indiquant le montant du dépôt crédité à son compte.

[33] Je juge que les relevés des prestations venant de la Commission et les relevés bancaires de la prestataire remplissent ensemble les critères prouvant le paiement de prestations. Les prestations ont donc été versées à la prestataire le 4 mai 2021.

[34] En référence au paiement des prestations, le Règlement parle du « mouvement » du dépôt direct au compte de la personne prestataire. Ce mouvement a donc lieu lorsque le paiement est reçu dans le compte. Une note figurant au bas des relevés des prestations le confirme d’ailleurs : [traduction] « Si le paiement est fait par dépôt direct, le dépôt effectué dans votre compte bancaire fait foi de paiement. » Ainsi, les prestations sont versées lorsqu'elles sont déposées dans le compte.

[35] La Commission soutient que les prestations sont considérées comme versées au moment où le paiement est traité ou émis. Mais qu’arrive-t-il si un prestataire ne reçoit jamais le paiement? La Commission considérerait-elle quand même que les prestations lui ont été versées? Dans la cause Roby c Canada (Procureur général), 2013 CAF 251, en Cour d’appel fédérale, la Commission avait déposé l’argent dans le mauvais compte bancaire, même si le prestataire l’avait informé d'un changement à son compte. Quand la Commission a pris connaissance de son erreur, elle a payé le prestataire de nouveau, puis a essayé de recouvrer l’argent versé au compte fautif. Ainsi, si la Commission verse des prestations d’AE dans un mauvais compte, elle est manifestement prête à les verser de nouveau si la personne prestataire prouve qu’elle ne les a jamais reçues. J’en conclus que le mouvement prouvant le paiement des prestations d’AE n’arrive qu’au moment où l’argent est reçu par la personne prestataire.

[36] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les prestations parentales d’AE ont été versées à la prestataire le 4 mai 2021. Pourtant, elle a communiqué avec la Commission le 3 mai 2021 pour changer le type de prestations parentales qu’elle avait choisi. En date du 3 mai 2021, les prestations ne lui avaient toujours pas été versées : son choix était donc encore révocable (pouvait être changé) conformément à l’article 23(1.2) de la Loi.

[37] Comme son choix de prestations parentales était toujours révocable quand elle a appelé la Commission, la prestataire avait le droit de changer son choix et de passer de l’option prolongée à l’option standard. Je n’ai donc pas besoin de décider si elle a choisi les prestations parentales prolongées. Je vais malgré tout même boucler la boucle, comme j’ai été saisie de cette question.

La prestataire a-t-elle choisi les prestations parentales prolongées de l’AE?

[38] Non. Je conclus que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 8 .

[39] Voici ce qu’a dit la Commission :

  • La demande de prestations d’AE informait la prestataire de la différence entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées.
  • La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées pendant 61 semaines.
  • Elle avait été informée que ce choix était irrévocable dès que des prestations parentales lui seraient versées.
  • Le premier paiement de prestations parentales a été traité en date du 30 avril 2021.
  • La prestataire a demandé de passer aux prestations parentales standards le 3 mai 2021.
  • Le choix de la prestataire est devenu irrévocable le 30 avril 2021.
  • La loi est claire et sans équivoque : quand le type de prestations a été choisi et que les prestations sont versées, le choix ne peut plus être changé.

[40] À la division d’appel, la Commission a fait valoir que l’intention de la prestataire ne doit pas être prise en compte pour établir le type de prestations parentales qu’elle avait choisi. La division d’appel n’était pas du même avis. Selon elle, la division générale ne peut pas appliquer la loi disant qu’un choix est irrévocable sans d’abord établir le choix fait par la prestataire. Et l’intention de la prestataire est un facteur à considérer.

[41] Dans une autre de ses décisionsNote de bas de page 9 , la division d’appel a expliqué que même si le législateur a qualifié d’irrévocable le choix qui est fait entre les prestations parentales standards et prolongées, il n’a ni défini le mot « choix » ni dit que la sélection indiquée dans le formulaire de demande était concluante à l’égard de ce choix.

[42] Selon la division d’appel, l’irrévocabilité du choix sert à empêcher les prestataires de changer d’avis quant au type de prestations qu’elles veulent si leur situation change et qu’elles jugent qu’un autre type de prestations leur est désormais plus bénéfique. Le but n’est pas de punir les prestataires « pour des erreurs prouvables ou des malentendus objectivement raisonnables » qui seraient survenus en remplissant la demande.

[43] Les décisions de la division d’appel ne sont pas contraignantes. Autrement dit, je ne suis pas obligée d’emprunter la même voie que la division d’appel. Toutefois, j’estime que cette avenue s’impose ici. La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’AE. Les choix faits dans sa demande montrent si elle avait l’intention d’être en congé pendant un an ou plus longtemps. Il est approprié de tenir compte de son intention au moment de faire ces choix pour savoir si elle a fait une erreur en choisissant une certaine option ou si elle a changé d’avis à cause d’un changement dans sa situation.

[44] D’après les conseils de la division d’appel, je dois tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve qui sont utiles pour savoir quel type de prestations parentales la prestataire a vraisemblablement choisi.

[45] La prestataire a demandé des prestations d’AE le 13 janvier 2021. Voici ce qu’elle a spécifié dans sa demande :

  • Elle a travaillé jusqu’au 11 janvier 2021 inclusivement.
  • Elle ignorait sa date de retour au travail.
  • Elle a accouché le 11 janvier 2021.
  • Elle voulait toucher des prestations parentales prolongées pendant 61 semaines.

Date de retour au travail

[46] La prestataire m’a dit qu’elle ignorait pourquoi elle n’avait indiqué aucune date de retour au travail. Elle a dit qu’elle savait qu’elle recommencerait à travailler le 12 janvier 2022. Elle a présenté sa demande de prestations d’AE deux jours après avoir accouché. Elle n’avait jamais demandé de prestations d’AE auparavant et avait dû demander à son conjoint de l’aider. Elle a dit qu’elle avait fait une erreur.

[47] D’après les informations contenues dans son relevé d’emploi daté du 21 janvier 2021, il était prévu que la prestataire retourne au travail le 12 janvier 2022. La prestataire m’a dit qu’elle avait convenu de cette date avec son employeur avant son départ. Elle lui avait dit qu’elle souhaitait revenir au travail après le premier anniversaire de son enfant. Son employeur lui aurait demandé si elle voulait prendre un congé prolongé. Elle lui avait dit qu’elle ne pouvait pas se le permettre. Elle voulait avoir un autre enfant et ne voulait donc pas s’absenter de façon prolongée.

[48] La prestataire m’a dit qu’elle avait été en congé de maladie le mois avant son accouchement. Cette information est confirmée par son relevé d’emploi, puisque la case 19 montre un congé payé par son employeur du 1er décembre 2020 au 11 janvier 2021. Elle a dit avoir informé son employeur de la naissance après avoir accouché, pour qu’il puisse connaître la date de son retour au travail.

[49] Il aurait été utile que la prestataire indique sa date de retour au travail dans sa demande. Néanmoins, son relevé d’emploi confirme ce que la prestataire avance : elle prévoyait de revenir au travail 52 semaines après son accouchement. Le relevé d’emploi a été émis seulement 10 jours après son accouchement. Il est donc révélateur de l’intention qu’elle avait quand elle a accouché et rempli sa demande d’AE. Le relevé révèle qu’elle avait l’intention de choisir les prestations parentales standards.

Choix de prestations parentales

[50] J’ai demandé à la prestataire si elle avait lu l’information contenue dans la demande sur les prestations parentales. Elle m’a dit que ces renseignements ont du sens lorsqu’elle les lit maintenant, mais qu’elle n’était pas dans le bon état d’esprit quand elle les avait lus à l’époque.

[51] La prestataire m’a dit qu’elle avait sélectionné les prestations parentales prolongées par erreur. Je lui ai demandé pourquoi elle avait sélectionné 61 semaines. Elle m’a dit qu’elle ignorait pourquoi elle avait choisi ce chiffre.

[52] J’ai demandé à la prestataire de m’expliquer pourquoi elle disait qu’elle n’était pas dans le bon état d’esprit quand elle avait demandé des prestations d’AE. Je lui ai rappelé qu'elle avait dit à la division d’appel, durant son audience, qu’elle pleurait et avait eu besoin de l’aide de son conjoint pour remplir la demande. Elle a dit qu’elle était triste et fatiguée et qu’elle ne savait pas du tout comment s’y prendre.

[53] La prestataire m’a dit que le travail menant à l’accouchement avait commencé le 8 janvier 2021, et que le tout avait duré très longtemps, comme son bébé était seulement né le 11 janvier 2021. Elle était épuisée par cet accouchement et en manque de sommeil. Elle avait très peu d’aide comme sa mère n’avait pas pu venir la visiter à cause de la pandémie et que son conjoint devait travailler. Elle avait dû continuer à s’occuper de sa belle-fille de neuf ans, notamment en faisant l’école à la maison. Elle a dit qu’elle était à fleur de peau, mais qu’elle avait dû présenter sa demande tout de suite comme elle aurait des factures à payer.

[54] La prestataire m’a dit qu’elle s’était rendue dans un centre Service Canada en novembre 2020. Elle avait voulu présenter sa demande d’avance en personne pour recevoir de l’aide et s’assurer de ne pas faire d’erreurs. On lui avait dit qu’elle ne pouvait pas présenter sa demande avant d’avoir accouché et de présenter sa demande en ligne. Elle m’a dit qu’on lui avait donné quelques explications, et qu’elle avait alors compris ce qu’était l’option prolongée. Elle n’avait jamais eu l’intention de s’absenter de façon prolongée et ne sait donc pas pourquoi elle a sélectionné cette option. Elle dit qu’elle avait essayé de ne faire aucune erreur.

[55] La prestataire m’a expliqué qu’elle avait communiqué avec la Commission au début de sa période de prestations, puisqu’elle ne recevait pas l’argent. Elle a parlé à un agent qui a cliqué sur quelque chose et lui a dit que tout était beau; elle n’avait pas à remplir de déclarations. Elle dit qu’elle avait alors vérifié Mon dossier Service Canada. Il était inscrit dans son profil que le 10 janvier 2022 était sa date de retour au travail, et que sa période de prestations prenait fin le 8 janvier 2022Note de bas de page 10 . Elle dit qu’elle avait essayé de corriger la date de son retour au travail avec un agent de Service Canada, puisqu’elle recommencerait seulement à travailler le 12 janvier 2022. On lui avait expliqué que le 10 janvier 2022 était inscrit puisqu’il s’agissait du dimanche de la semaine où elle retournerait au travail.

[56] La prestataire a dit que l’agent de Service Canada avait regardé son profil un certain temps, et qu’il n’y avait décelé aucune contradiction. Elle a dit qu’il y avait une contradiction dans son profil si la date où finissait sa période de prestations précédait de six mois la fin normale de prestations prolongées. S’il y avait été indiqué que sa période de prestations terminait en juin 2022, elle aurait su qu’elle avait fait une erreur. Elle a seulement été informée d’une erreur par courriel, mais il était déjà trop tard, selon la Commission.

[57] La prestataire a dit que, comme elle n’avait pas besoin de remplir des déclarations, elle n’était pas retournée sur Mon dossier Service Canada avant de recevoir le courriel l’avisant du changement à son taux de prestations. J’ai dit à la prestataire que son profil sur Mon dossier Service Canada montre qu’elle avait sélectionné les prestations parentales prolongées de 61 semaines. La prestataire a dit en être consciente. Par contre, elle l’avait seulement remarqué après avoir reçu l’avis par courriel. Elle dit qu’elle avait prêté attention aux dates marquant son retour au travail et la fin de sa période de prestations, et qu’elle n’y avait pas vu de problème.

[58] Je crois la prestataire quand elle dit qu’elle n’était pas dans le bon état d’esprit au moment de présenter sa demande de prestations d’AE, mais qu’elle avait senti l’urgence de le faire pour pouvoir payer ses factures. La preuve montre qu’elle avait présenté sa demande de prestations après un long accouchement. Elle a dit qu’elle était épuisée et à fleur de peau et qu’elle ne pouvait pas expliquer sa sélection. J’accepte son explication pour avoir sélectionné 61 semaines de prestations parentales prolongées.

[59] La version des faits de la prestataire a toujours été la même, que ce soit dans son premier appel à la division générale, son appel à la division d’appel, et celui que je dois maintenant juger. La prestataire a toujours dit ce qui suit :

  • Elle ne savait pas sur quoi elle avait cliqué.
  • Elle n’était pas dans le bon état d’esprit.
  • Elle n’avait jamais eu l’intention de prendre un congé de plus d’un an.
  • Elle ne pouvait pas se permettre d’être en congé aussi longtemps que le permet l’option prolongée.
  • Elle ne voulait pas être en congé pendant 18 mois, puisqu’elle a 34 ans et veut avoir d’autres enfants.
  • Elle a fait une erreur en sélectionnant les prestations parentales prolongées.

[60] Je n’ai aucune raison de douter des déclarations et du témoignage de la prestataire. Je la crois donc quand elle dit qu’elle a sélectionné l’option prolongée par erreur. Comme elle a vu que Mon dossier Service Canada indiquait une date de retour au travail un an après son accouchement, elle n’avait jamais pensé que quelque chose clochait avec sa demande d’AE.

[61] J’ai accordé beaucoup d’importance à la preuve de la prestataire montrant qu’elle avait reçu un avis par courriel le 2 mai 2021 à 22 h 43. Elle a joint la Commission le 3 mai 2021 à 10 h 18 pour demander de changer l’option de prestations parentales qu’elle avait initialement sélectionnée. Je juge qu’en appelant le matin même, la prestataire montre qu’elle a voulu corriger son erreur tout de suite après s’en être aperçue. Ce comportement confirme qu’elle avait eu l’intention de choisir les prestations parentales standards.

[62] Je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a choisi les prestations parentales standards. La preuve montre qu’elle a eu l’intention de choisir cette option. En sélectionnant l’option prolongée, elle a fait une erreur. Toutefois, une erreur n’est pas un choix.

Conclusion

[63] Comme le choix de la prestataire était encore révocable, elle peut changer de type de prestations parentales. En outre, je conclus que son choix avait été de recevoir des prestations parentales standards. Dans un cas comme dans l’autre, l’appel est accueilli.

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