Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 437

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. H.
Représentant : David Brown
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Les décisions faisant l’objet
d’un appel :
Décision de la Commission de l’assurance-emploi du
Canada rendue au terme de la demande de révision
(407124) datée du 29 septembre 2020 (rendue par Service
Canada) et décision de la Commission de l’assuranceemploi
du Canada rendue au terme de la demande de
révision (407487) datée du 6 juillet 2020 (rendue par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 26 mai 2021
Participants à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Avocat de l’appelant
Date de la décision : Le 16 juin 2021
Numéros des dossiers : GE 20-2180 et GE-21-277

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) n’a pas prouvé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire demeure admissible malgré sa suspension. De plus, la Commission n’a pas prouvé que le prestataire avait volontairement quitté son emploi. Le prestataire n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE)Note de bas page 1.

Aperçu

[2] Le prestataire s’est vu imposer par son employeur une suspension de deux semaines débutant le 26 février 2020. Selon l’employeur, le prestataire n’avait pas signalé qu’un feu avait été accidentellement allumé dans une pièce où il travaillaitNote de bas page 2.

[3] L’employeur affirme que le prestataire n’est jamais revenu au travail après sa suspension. Il a donc eu l’impression que le prestataire avait abandonné son emploi. L’employeur ajoute qu’il a tenté de joindre le prestataire, mais que ce dernier n’a jamais réponduNote de bas page 3.

[4] La Commission a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison de sa propre inconduite et l’a déclaré inadmissible aux prestations. La Commission a aussi conclu que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification en ne se présentant plus au travail après sa suspension. Par conséquent, elle l’a exclu du bénéfice des prestations.

[5] Le prestataire affirme qu’aucun feu n’a été allumé dans la pièce et qu’il a demandé la date de son retour au travail à son employeur à plusieurs reprises, mais que ce dernier ne la lui a jamais communiquée et ne voulait discuter avec lui d’aucune des questions non résolues.

Questions que je dois examiner en premier

Jonction d’appels

[6] À l’origine, il y avait deux dossiers d’appel distincts concernant le prestataire. L’un portait sur son inadmissibilité qui découlait de sa suspension pour inconduite, et l’autre sur son exclusion pour avoir volontairement quitté son emploi sans justification.

[7] J’ai choisi de joindre ces deux appelsNote de bas page 4, car ils se rapportent tous deux aux suites d’un seul incident et soulèvent par conséquent les mêmes questions de fait. J’ai en outre tenu une audience conjointe pour traiter des deux questions.

[8] À l’origine, l’employeur du prestataire était une partie à l’appel portant sur l’inadmissibilité qui découlait de la suspension pour inconduite. Quand la division d’appel a renvoyé ce dossier à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue, j’ai fait parvenir une lettre à l’employeur et à son représentant dans laquelle je leur demandais s’ils souhaitaient demeurer partie à l’appel. La lettre a été envoyée le 4 mars 2021, et ils avaient jusqu’au 15 mars 2021 pour répondre. Aucune réponse de leur part n’a été reçue dans ce délai.

[9] Le 9 avril 2021, j’ai fait parvenir une lettre à toutes les parties, y compris à l’employeur et à son représentant, par laquelle je les informais que j’envisageais de retirer l’employeur des parties à l’appel et que, si aucune partie ne présentait des observations avant la date limite du 16 avril 2021, je conclurais que toutes les parties consentent à ce retrait.

[10] Aucune observation des parties n’a été reçue. Ayant ainsi obtenu le consentement de toutes les parties, j’ai retiré l’employeur des parties à l’appel.

[11] En vue de l’audience, une conférence téléphonique préparatoire a eu lieu le 11 mai 2021, lors de laquelle le prestataire, son représentant et son avocat ont été informés des documents que je prendrais en considération et de ce que je ne prendrais pas en considération en vue de rendre ma décision. La Commission a choisi de ne pas participer à cette conférence téléphonique préparatoire. Le prestataire n’a formulé aucune objection à propos des éléments de preuve et des observations que je ne prendrais pas en considération.

[12] En raison du retrait de l’employeur des parties à l’appel portant sur le dossier de l’inconduite, les éléments de preuve que je prendrais en considération pour rendre ma décision ont changé. Je n’ai pas écouté l’enregistrement de l’audience précédente tenue devant la division générale et je n’ai pas lu la décision précédente rendue par la division générale. J’ai seulement pris en considération l’avis d’appel du prestataire nommé GD2 et GD2A, le dossier de révision nommé GD3, les observations de la Commission nommées GD4, et le document supplémentaire nommé RGD07 que le prestataire a transmis avant l’audience. J’ai aussi pris en considération l’ensemble des témoignages et des observations présentés à l’audience tenue devant moi le 26 mai 2021.

[13] Quant au dossier du départ volontaire sans justification, j’ai pris en considération tous les renseignements que comportait ce dossier, car aucune audience n’avait été tenue relativement à cette question et l’employeur n’était pas partie à cet appel.

Les questions en litige

[14] Le prestataire a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

[15] Le prestataire a-t-il volontairement quitté son emploi et, le cas échéant, avait-il une justification?

Analyse

[16] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois me prononcer sur deux aspects. D’abord, je dois déterminer le motif de la suspension du prestataire. Ensuite, je dois juger si ce motif constitue une inconduite au sens de la loi.

[17] Par la suite, je dois examiner la question de savoir si le prestataire a volontairement quitté son emploi. Si je conclus qu’il l’a quitté volontairement, je devrai trancher la question de savoir s’il avait une justification à le faire.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu?

[18] Je conclus que le prestataire a été suspendu parce que son employeur a jugé qu’il avait allumé un feu sur le lieu de travail et qu’il ne le lui avait pas signalé.

[19] La Commission affirme que le prestataire a été suspendu pour son défaut de signaler un incident survenu sur son lieu de travail et pour avoir nié que l’incident s’était produitNote de bas page 5.

[20] Le prestataire a déclaré qu’il ne savait pas pourquoi il avait été suspendu, car l’incident dans la pièce où il travaillait était si mineur qu’il n’y avait à son avis rien à signaler à son employeur. Le prestataire a ajouté que l’affirmation de son employeur était inexacte, car il n’y avait jamais eu de feu dans l’appartement où il travaillait : il avait accidentellement allumé la cuisinière en la heurtant, et quelques débris qui se trouvaient sur celle-ci avaient commencé à dégager de la fumée.

[21] Je constate que l’employeur, dans ses observations formulées de vive voix à la CommissionNote de bas page 6 et par écrit dans la lettre de suspensionNote de bas page 7 envoyée au prestataire, a affirmé que ce dernier avait été suspendu en raison non seulement du feu allumé dans la pièce où il travaillait, mais aussi de son défaut de l’avoir signalé.

[22] Le prestataire affirme qu’il n’a pas allumé de feu et qu’il n’a pas eu l’impression de devoir signaler ce qui s’était produit à son employeur, parce qu’il s’agissait d’un incident mineur. Ce faisant, il convient qu’un incident s’est produit dans la pièce et qu’il ne l’a pas signalé, ce qui concorde avec le motif pour lequel son employeur l’a suspendu.

[23] Ayant conclu que le prestataire a été suspendu parce que son employeur a jugé qu’il avait provoqué un feu dans l’appartement où il travaillait et qu’il ne l’avait pas signalé, je dois maintenant examiner la question de savoir s’il a eu la conduite qui a entraîné sa suspension et, le cas échéant, si cette conduite constitue une inconduite.

Le prestataire a-t-il adopté la conduite qui a entraîné sa suspension?

[24] Oui, le prestataire a bien adopté la conduite qui a entraîné sa suspension, puisqu’il a allumé un feu dans l’appartement où il travaillait et ne l’a pas signalé à son employeur.

[25] Je constate que le prestataire, son employeur et la Commission ne s’entendent pas sur ce qui s’est produit exactement dans l’appartement où travaillait le prestataire.

[26] Le prestataire affirme qu’en travaillant au-dessus de la cuisinière, il l’a allumé en la heurtant, et que des débris – de la nourriture ou de la poussière, ou les deux – qui se trouvaient sur la cuisinière ont ensuite commencé à dégager de la fumée. Il affirme qu’une odeur de fumée s’est alors propagée dans l’appartement et lui a fait prendre conscience que des particules brûlaient sur la cuisinière, mais il précise qu’il n’y a pas eu de feu.

[27] Le prestataire affirme qu’il a rapidement éteint la cuisinière et qu’une fois la surface de cuisson refroidie, il l’a essuyée avec un chiffon humide. Selon lui, rien n’a été endommagé dans l’appartement. Il ajoute qu’au total, l’incident n’a duré qu’environ 30 secondes.

[28] La Commission affirme que le prestataire admet qu’il y a eu une odeur de fumée causée par la combustion de débris sur la surface de cuisson après qu’il eut accidentellement allumé le brûleur. Elle ajoute que, si le prestataire a catégoriquement nié qu’il y avait eu un feu, un collègue du prestataire, qui était sur place au moment de l’incident, a quant à lui déclaré que du carton s’était consumé sur la surface de cuisson de la cuisinièreNote de bas page 8.

[29] Selon la Commission, ce collègue affirme que le prestataire lui a demandé de ne parler à personne de l’incident et de prétendre que de la nourriture, plutôt que du carton, avait brûlé sur la cuisinière.

[30] La Commission affirme qu’en plus de la déclaration de ce collègue, l’employeur a fourni des copies d’un courriel du gestionnaire de l’immeuble comportant une déclaration d’un membre du conseil qui avait senti de la fuméeNote de bas page 9.

[31] La Commission soutient que s’il y avait une odeur de fumée, quelque chose devait se consumer ou brûler. Bien que le prestataire puisse juger qu’il ne s’agit pas d’un feu quand quelque chose « se consume », cette combustion est considérée comme un type de feu de faible intensité, et ce, même s’il n’y a pas de flammesNote de bas page 10.

[32] À plusieurs occasions, l’employeur a déclaré à la Commission que le prestataire avait allumé un feu dans l’appartement où il travaillaitNote de bas page 11. De plus, il a déclaré à la Commission que le gestionnaire de l’immeuble lui avait signalé un feu de papier et avait ajouté qu’il pouvait le sentirNote de bas page 12. Le gestionnaire de l’immeuble a aussi fourni à la Commission deux courriels reçus du gestionnaire de l’immeuble. Dans un de ceux-ci, envoyé le 25 février 2020, le gestionnaire de l’immeuble s’enquiert de l’incendie qui a failli être déclenché dans l’appartement où travaillait le prestataireNote de bas page 13. Dans l’autre courriel, il affirme que d’autres personnes présentes dans l’immeuble lui ont dit qu’elles avaient pu sentir une odeur de feu de bois au cinquième étage et en attribuer la provenance à l’appartement où travaillait le prestataire, et qu’un feu de papier brûlait sur la cuisinièreNote de bas page 14.

[33] Selon la déclaration du collègue du prestataireNote de bas page 15, transmise à la Commission par l’employeur, le prestataire avait couvert la cuisinière de carton et était sorti avec son collègue dans le corridor. Ils ont alors perçu une odeur et sont revenus dans l’appartement, où le carton se consumait et dégageait de la fumée. Le collègue affirme que le prestataire s’en est occupé et lui a demandé de dire que de la nourriture avait brûlé plutôt que du carton. Il ajoute que le prestataire est passé à son domicile ce soir-là et lui a demandé ce qu’il avait dit à l’employeur concernant l’incident, et qu’il a répondu qu’il avait dit à l’employeur ce que le prestataire lui avait demandé de dire.

[34] Le prestataire affirme avoir dit à son collègue de ne pas parler à d’autres personnes de l’incident, parce qu’il voulait protéger la réputation de l’entreprise et éviter que son collègue, qui a une connaissance limitée de l’anglais, en parle en employant les mauvais termes.

[35] Le prestataire affirme que, s’il est passé au domicile de son collègue ce soir-là, c’est seulement parce qu’il avait reçu un appel acerbe de son employeur concernant l’incident et qu’il se demandait si son collègue y avait aussi eu droit. Il affirme n’avoir jamais demandé à son collègue de mentir à son employeur.

[36] Dans l’exposé des faits qu’il a transmis à son employeur, le prestataire a également déclaré avoir demandé à son collègue de ne pas parler à d’autres personnes de ce qui s’était passéNote de bas page 16.

[37] Je souligne qu’il semble y avoir un désaccord d’ordre sémantique entre le prestataire, l’employeur et la Commission. Le prestataire affirme qu’il y avait de la fumée, car des particules de poussière ou de nourriture, ou les deux, dégageaient de la fumée, mais qu’il n’y a pas eu de feu. La Commission affirme que s’il y avait de la fumée, quelque chose devait brûler ou se consumer et, dans ce dernier cas, il s’agit d’un type de feu de faible intensité, même s’il n’y a pas de flammes. L’employeur a déclaré à plusieurs reprises qu’il y avait eu un feu.

[38] Quelle que soit la formulation choisie, si une chose qui se trouvait sur la plaque de cuisson de la cuisinière a commencé à dégager de la fumée parce que, le brûleur ayant été allumé, elle était exposée à la chaleur, j’estime que cette chose brûlait, que des flammes aient été visibles ou non. J’estime que, comme une chose brûlait, on peut affirmer qu’elle avait pris feu et que, par conséquent, le prestataire a allumé un feu dans l’appartement où il travaillait. J’estime en outre que le feu a été allumé accidentellement, car aucune des parties ne le conteste, et je ne vois rien qui donne à penser qu’il en est autrement.

[39] De plus, je juge crédible le témoignage du prestataire selon lequel c’était des particules ou des débris de nourriture qui brûlaient sur la cuisinière, et non pas du carton, du papier ou autre chose. Je juge vraisemblable qu’il y ait eu des particules de nourriture ou de la poussière, ou les deux, sur la plaque de cuisson, car, comme il n’est pas indiqué que l’appartement était neuf, la cuisinière pouvait avoir servi et le prestataire retirait une partie du plafond directement au-dessus de celle-ci.

[40] De plus, je constate que le prestataire n’a pas signalé l’incident à son employeur, puisqu’il l’a lui-même affirmé dans son témoignage.

[41] Ayant conclu que le prestataire a adopté la conduite qui a entraîné sa suspension, je me prononcerai ensuite sur la question de savoir si ce geste constitue une inconduite.

Le motif de la suspension du prestataire constitue-t-il une inconduite au sens de la loi?

[42] Le motif de la suspension du prestataire ne constitue pas une inconduite au sens de la loi.

[43] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. C’est-à-dire qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 17. Il y a aussi inconduite si la conduite est si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 18. De plus, pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire savoir qu’il faisait quelque chose de mal)Note de bas page 19.

[44] Il y a eu inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas page 20.

[45] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu en raison d’inconduite, et ce, selon la prépondérance des probabilités. C’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire ait été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas page 21.

[46] Je conclus que le prestataire a allumé le feu de façon involontaire et accidentelle. Ce dernier a toujours soutenu que le geste était accidentel, la Commission n’a pas soutenu qu’il était délibéré, son employeur a même dit à la Commission qu’il serait insensé d’accuser le prestataire d’avoir délibérément allumé un feuNote de bas page 22 et j’estime que rien dans la preuve n’indique que le feu a été délibérément allumé.

[47] Je suis d’avis que, comme le prestataire n’a pas délibérément allumé le feu, son geste ne constitue pas en soi une inconduite, car il doit pour cela être intentionnelNote de bas page 23.

[48] Cependant, j’ai conclu qu’il avait été suspendu à la fois à cause du feu dans l’appartement et du défaut de le signaler et, si une partie de sa conduite était involontaire, il ne s’ensuit pas que l’ensemble de la conduite ayant entraîné sa suspension l’était. Par conséquent, je conclus que je dois analyser la question de savoir si le prestataire savait ou aurait dû savoir que ses gestes entraîneraient une suspension.

[49] J’estime que la décision du prestataire de ne pas signaler l’incident à son employeur, décision qu’il a prise d’après son témoignage, était intentionnelle, car il avait la possibilité de le faire.

[50] La Commission est d’avis que le prestataire aurait dû savoir qu’en ne signalant pas l’incident, quelle qu’en soit la gravité, puis en niant qu’il s’était produit, il brisait le lien de confiance qu’exige une relation entre employeur et employéNote de bas page 24.

[51] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite. Il fait valoir qu’il s’agit d’un incident mineur en milieu de travail auquel il a facilement remédié, qu’aucun dommage n’a été causé à la propriété et qu’il n’existait pas d’obligation de signaler un incident à ce point mineur. Le prestataire ajoute que son employeur a tort, car, contrairement à ce que ce dernier affirme sans cesse, il n’y a jamais eu de feu dans l’appartement.

[52] Le prestataire affirme en outre que la politique disciplinaireNote de bas page 25, qu’il avait signée et qu’il connaissait, prévoit qu’une faute grave commise dans le cadre du travail entraîne lors de la première infraction une sanction d’un niveau correspondant à un avertissement final par écrit, et que des gestes encore plus graves, comme la corruption, le harcèlement et la violence en milieu de travail, entraînent lors de la première infraction une sanction d’un niveau correspondant à une perte d’avantages, de sorte qu’il ne s’attendait pas à être suspendu pour l’incident.

[53] J’estime que la Commission n’a pas démontré l’existence d’une politique relative au signalement prévoyant expressément que le prestataire devait signaler ce qui s’était produit et qu’à défaut de le faire, il s’exposait à une suspension.

[54] L’employeur a déclaré à la Commission que, conformément à la politique, le prestataire devait signaler le feuNote de bas page 26 et il a affirmé à une autre occasion qu’il devait être question de directives relatives au signalement dans le guide de l’employéNote de bas page 27. J’estime qu’une telle politique relative au signalement n’a jamais été déposée en preuve.

[55] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale :

« Vu les conséquences sérieuses qui y sont associées, une conclusion d’inconduite doit être fondée sur des éléments de preuve clairs et non sur de simples conjectures et hypothèses. En outre, c’est à la Commission de convaincre le [Tribunal] […] de la présence de tels éléments de preuve, et ce, indépendamment de l’opinion de l’employeurNote de bas page 28. »

[56] J’estime qu’en l’absence d’une telle politique relative au signalement, le prestataire ne pouvait savoir qu’il devait signaler un tel incident ni qu’à défaut de le faire, il s’exposait à une suspension.

[57] De plus, j’estime que, même après avoir lu la politique disciplinaire, le prestataire ne pouvait savoir qu’il s’exposait à une suspension en ne signalant pas l’incident, car il n’est nulle part fait mention dans celle-ci des conséquences du défaut de signaler une faute commise dans le cadre du travail. Elle n’aborde les fautes commises dans le cadre du travail que de façon générale.

[58] J’estime en outre que la présence dans la politique d’énoncés portant sur les fautes graves commises dans le cadre du travail n’implique pas que le prestataire savait ni qu’il aurait dû savoir qu’il s’exposait à une suspension en ne signalant pas l’incident.

[59] Je constate que, selon la politique disciplinaire, une faute grave commise dans le cadre du travail entraîne lors de la première infraction une sanction du niveau cinq, lequel correspond à un dernier avertissement écrit. J’estime qu’à la lecture d’une telle politique disciplinaire, le prestataire devait s’attendre à recevoir un dernier avertissement écrit dans l’éventualité où il s’exposerait à une sanction pour une telle faute.

[60] La politique disciplinaire comporte une clause permettant de ne pas se limiter aux sanctions des niveaux indiqués. Cette clause prévoit que l’employeur a le droit d’apporter à la politique les modifications légales ou raisonnables qu’exige chaque cas. Je suis d’avis que cette clause ne pouvait avoir pour effet de changer ce à quoi devait s’attendre le prestataire en ne signalant pas l’incident.

[61] Le prestataire affirme qu’il n’a pas considéré le feu comme un incident majeur, car l’appartement n’avait subi aucun dommage. Je souscris à l’affirmation selon laquelle l’appartement n’a subi aucun dommage, car il n’y a pas de preuve suffisante à l’appui du contraire, et la Commission n’a d’ailleurs pas affirmé qu’il y avait eu des dommages. Je souligne que l’employeur ne l’a pas davantage affirmé.

[62] Selon la politique disciplinaire, les [traduction] « fautes graves commises dans le cadre du travail » exposent leur auteur lors de la première infraction à une sanction du niveau cinq, et le prestataire a déclaré qu’il s’agissait pour lui d’un incident mineur, car aucun dommage n’avait été causé. J’estime qu’après avoir lu cela, le prestataire ne pouvait toujours pas s’attendre à être exposé à une sanction en ne signalant pas l’incident, car, à son avis, il n’avait pas commis une faute grave dans le cadre du travail. Je suis en outre d’avis que, même si, à la lumière de ce que prévoit la politique au sujet des fautes graves commises dans le cadre du travail, il avait cru s’exposer à une sanction en ne signalant pas l’incident, il se serait attendu à s’exposer lors de la première infraction à une sanction du niveau cinq, tout au plus, et ce niveau ne correspond pas à une suspension.

[63] J’estime que de telles attentes seraient renforcées par la lecture de l’article suivant de la politique disciplinaire. Celui-ci porte que, même pour des gestes correspondant à de la violence en milieu de travail, à un détournement de fonds ou à du harcèlement, la sanction imposée lors de la première infraction est du niveau six, lequel ne correspond qu’à une perte d’avantages. J’estime que, si des gestes plus graves que ceux commis par le prestataire n’entraînaient pas lors de la première infraction une suspension, le prestataire ne pouvait pas savoir ni n’aurait dû savoir qu’il s’exposait à une suspension en ne signalant pas l’incident.

[64] Je conclus aussi, même en ne tenant pas compte de l’absence de politique relative au signalement ni de ce que prévoit la politique disciplinaire, que le prestataire ne pouvait pas savoir ni n’aurait dû savoir que le défaut de signaler un incident qui n’avait causé de dommages à aucune partie de l’appartement ni à aucun bien de son employeur et n’avait nécessité ni nettoyage ni réparations supplémentaires détériorait irrémédiablement la relation entre employeur et employé, et l’exposait à une suspension.

[65] Enfin, j’estime que les échanges entre le prestataire et son collègue ne témoignent pas d’une tentative de la part du prestataire de cacher ce qui s’est produit, comme s’il avait craint de s’attirer des ennuis.

[66] Le prestataire a déclaré qu’il avait demandé à son collègue de ne pas parler à d’autres personnes de l’incident, parce qu’il se préoccupait de la réputation de l’entreprise et du risque que son collègue, qui a une connaissance limitée de l’anglais, en parle en employant les mauvais termes. Il affirme n’avoir jamais demandé à son collègue de mentir à son employeur.

[67] Dans sa déclarationNote de bas page 29, le collègue affirme que le prestataire lui a demandé de ne rien dire de l’incident, s’en disant le responsable. Le collègue affirme que, ce soir-là, quand le prestataire et lui sont revenus au bureau, le gestionnaire de l’immeuble a envoyé un message texte au prestataire à propos de la possibilité que de la nourriture ait brûlé sur la cuisinière. Il affirme que le prestataire lui a dit qu’ils devaient se serrer les coudes et dire que de la nourriture avait brûlé. Il ajoute que, le lendemain, le prestataire lui a demandé de dire au gestionnaire que de la nourriture avait brûlé et qu’en soirée, le prestataire est passé à son domicile pour lui demander ce qu’il avait dit au gestionnaire.

[68] J’admets le témoignage du prestataire selon lequel son collègue ne maîtrise pas l’anglais. La rédaction de la déclaration du collègue, dans un anglais approximatif, concorde avec cette conclusion. Pour cette raison, je souscris au témoignage du prestataire, qui affirme avoir demandé à son collègue de ne parler à personne de l’incident sur les lieux, parce qu’il craignait que son collègue donne des renseignements inexacts, en raison de ses difficultés en anglais, à d’autres personnes dans l’immeuble. Je souligne que, dans sa déclaration, le collègue affirme lui-même qu’il a parlé de l’incident à des gens dans le couloir. Cette affirmation appuie la déclaration du prestataire selon laquelle il s’agit de ce qu’il tentait de prévenir, à savoir que son collègue donne des renseignements inexacts sur l’incident, quand il a demandé à ce dernier de n’en parler à personne sur les lieux.

[69] Je souligne que, dans sa déclaration, le collègue affirme que le prestataire l’a informé qu’il allait gérer l’incident et lui a demandé de dire que de la nourriture avait brûlé lorsqu’il parlerait au gestionnaire. J’estime que cela montre que le prestataire ne tentait pas de cacher l’incident à son employeur, car il aurait alors été insensé de demander à son collègue d’en parler au gestionnaire et de dire que de la nourriture avait brûlé. Si le prestataire avait voulu cacher l’incident, la chose sensée à faire aurait été de demander à son collègue de dire au gestionnaire que rien ne s’était produit.

[70] Par conséquent, je conclus que le prestataire ne tentait pas de cacher l’incident intégralement, car son comportement à l’égard de son collègue ne témoigne pas d’une tentative de cacher ce qui s’était produit, comme s’il avait craint de s’attirer des ennuis. J’estime que le comportement du prestataire à l’égard de son collègue témoigne plutôt de l’inquiétude que ce dernier donne des renseignements inexacts sur l’incident.

[71] En résumé, je conclus que la conduite du prestataire ne constitue pas une inconduite, car il ne savait pas ni n’aurait dû savoir qu’il s’exposait à une suspension en ne signalant pas l’incident qui s’était produit dans l’appartement où il travaillait.

Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[72] Non, le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi. Bien qu’il y ait eu du travail pour lui et qu’il ait voulu continuer de travailler, il a cru qu’il avait été congédié, car son employeur ne lui avait jamais communiqué la date de son retour au travail et, une fois la suspension terminée, ne lui avait donné aucune information concrète sur un éventuel retour au travail. Par conséquent, il n’est pas revenu au travail, puisqu’il pensait qu’aucun emploi ne l’attendait. Pour lui, la possibilité d’y retourner n’existait pas.

[73] Pour trancher la question de savoir si le prestataire a quitté son emploi volontairement, il faut se demander s’il avait le choix de le conserver ou de le quitterNote de bas page 30.

[74] La Commission affirme que les affirmations du prestataire selon lesquelles il ne savait pas à quel moment retourner au travail parce que l’employeur ne lui avait pas communiqué de date et d’heure de retour malgré ses nombreuses demandes défient toute logique.

[75] La Commission fait valoir que le prestataire a reçu une lettre de suspension et un relevé d’emploi (RE) l’informant tous deux que la suspension était d’une durée de deux semaines. Elle ajoute que chacun sait que deux semaines font 14 jours. Elle affirme qu’on peut donc logiquement conclure que la suspension était terminée 14 jours après la première journée de suspension du prestataire. Elle précise que la date de retour au travail du prestataire était donc le 12 mars 2020.

[76] La Commission affirme que la véritable raison pour laquelle le prestataire n’est pas retourné au travail, c’est que la suspension l’a contrarié et que l’employeur ne pouvait pas ou ne voulait pas le rencontrer en personne pour discuter des questions liées à la suspension. La preuve montre que l’employeur lui a proposé d’en discuter par téléphone, ce que le prestataire a refusé.

[77] Le prestataire affirme ne pas avoir volontairement quitté son emploi.

[78] Le prestataire affirme qu’il a envoyé plusieurs courriels à son employeur dans lesquels il lui demandait la date de son retour au travail, et qu’il les a même imprimés et remis à son employeur, mais qu’il n’a jamais reçu de réponse.

[79] Le prestataire affirme qu’il pensait avoir été congédié et que donc aucun emploi ne l’attendait. Il dit avoir eu cette impression parce que son employeur ne lui avait pas communiqué la date de son retour au travail, que la gestionnaire de bureau lui avait dit qu’il ne reviendrait pas lorsqu’il était passé prendre son RE, et que son RE ne comportait pas de date de retour au travail.

[80] Le témoin du prestataire a affirmé qu’il s’était rendu chez l’employeur le 6 mars 2020 avec le prestataire, qui devait y prendre divers documents. Il a affirmé que, lorsque la dame assise derrière le comptoir avait remis une enveloppe au prestataire, elle avait dit à ce dernier quelque chose qui signifiait qu’il ne reviendrait pas.

[81] Je souscris au témoignage du témoin du prestataire en ce qui concerne la portée générale de ce qui a été dit au prestataire le 6 mars 2020. J’y souscris, car le témoin, n’étant venu que pour fournir ce témoignage, n’était pas présent pendant toute la durée de l’audience et n’a ainsi pas pu être influencé par le témoignage ou les observations du prestataire. De plus, la déclaration écriteNote de bas page 31 qu’il a fournie, datée du 11 septembre 2020 et donc rédigée moins de temps après l’incident, comporte les mêmes renseignements, ce qui renforce la crédibilité de son témoignage.

[82] De plus, avec tout le respect que je dois à la Commission, je suis en désaccord ses observations selon lesquelles l’affirmation portant que le prestataire ignorait la date de son retour au travail défie toute logique, parce que ce dernier devait savoir qu’il retournerait au travail 14 jours après la première journée de sa suspension, puisqu’il s’agissait d’une suspension d’une durée de deux semaines. À mon avis, si la situation était à ce point simple, l’employeur pouvait certainement faire ce simple calcul et inscrire la date de retour au travail sur le RE du prestataireNote de bas page 32, dans la case de la date de rappel prévue. Or, elle n’y a jamais été inscrite, et il y est plutôt indiqué [traduction] « indéterminée ». Ce fait indique que, pour l’employeur, la question du retour au travail du prestataire n’était pas aussi simple que le soutient la Commission.

[83] Encore là, s’il s’agissait d’une question à ce point simple, pourquoi l’employeur n’a-t-il pas répondu aux courriels que le prestataire lui avait envoyés le 26 févrierNote de bas page 33, le 2 marsNote de bas page 34 et le 4 mars 2020Note de bas page 35, dans lesquels il demandait la date de son retour au travail? L’employeur reconnaît les avoir reçus, car il dit que le directeur général les a lusNote de bas page 36, mais rien dans la preuve n’indique qu’il y a répondu et qu’il a communiqué une date de retour au travail au prestataire.

[84] L’employeur a envoyé un message texte au prestataire le 9 mars 2020Note de bas page 37 pour lui demander s’il était disposé à travailler le lendemain; toutefois, le prestataire affirme que le message a été envoyé à son numéro de téléphone professionnel, téléphone qu’il avait retourné à son employeur au moment de sa suspension, de sorte qu’il n’a jamais reçu le message.

[85] Je souscris à l’affirmation selon laquelle le prestataire n’a jamais reçu le message texte du 9 mars 2020 dans lequel l’employeur lui demandait s’il était disposé à travailler. Le message texte indique que le destinataire était [traduction] « cell. P.H. Hcr Jan2019 ». Je souscris à l’affirmation selon laquelle il s’agit d’un téléphone appartenant à la société pour laquelle travaillait le prestataire, car « Hcr » est une abréviation du nom de l’employeur. De plus, un reçu signé par l’employeur atteste que ce dernier a accepté le retour du téléphone de la société le 27 février 2020Note de bas page 38. Bien que ce reçu ne soit pas imprimé sur du papier à en-tête de la société, le nom de la personne qui l’a signé figure dans un courriel de l’employeurNote de bas page 39. Cela montre que le prestataire a retourné son téléphone professionnel et que son employeur l’a reçu le 27 février 2020. De ce fait, le prestataire n’a pas pu recevoir le message texte envoyé le 9 mars 2020.

[86] Je constate que le prestataire a eu l’impression qu’aucun emploi auprès de l’employeur ne l’attendait après avoir considéré la situation dans son ensemble, à savoir qu’aucune réponse à ses multiples courriels visant à obtenir la date de son retour ne lui avait été fournie, que la date de son retour au travail ne figurait pas sur son RE, qu’une autre employée lui avait dit qu’il ne reviendrait pas et que son employeur n’avait jamais trouvé le temps de le rencontrer pour discuter de ses préoccupations. Je souligne que le prestataire a même mentionné qu’il était inquiet de ne plus avoir d’emploi dans un courriel envoyé à son employeur le 4 mars 2020Note de bas page 40, et que ce dernier n’a pas pris la peine de lui répondre pour le rassurer. Ce silence devait renforcer davantage la conviction du prestataire qu’il n’avait plus d’emploi.

[87] Je constate en outre que le prestataire a reçu un message texte de l’employeur le 12 mars 2020Note de bas page 41 dans lequel ce dernier lui demandait s’il revenait au travail, mais qu’aucune date de retour au travail n’était communiquée et que le prestataire n’a absolument pas refusé de retourner au travail. Ce dernier a dit qu’il avait besoin de rencontrer l’employeur pour régler des questions non résolues. Il a demandé qu’on lui confirme une date et une heure, et a ajouté qu’il tenterait d’être disponible. Le prestataire affirme que la rencontre n’a jamais eu lieu, et l’employeur a déclaré la même chose à la CommissionNote de bas page 42. J’estime que, bien que ce message texte puisse donner l’impression d’apaiser les craintes du prestataire au sujet de la question de savoir s’il avait encore un emploi auprès de l’employeur, l’absence de date de retour au travail, l’absence de date de rencontre et le fait que la rencontre n’a jamais lieu étaient de nature à raviver ses craintes et à lui donner le sentiment qu’elles sont fondées.

[88] J’estime qu’un malentendu entre le prestataire et l’employeur, à savoir que d’un côté, le prestataire croit qu’aucun emploi ne l’attend et que, de l’autre, l’employeur croit que le prestataire a quitté son emploi, n’implique pas qu’il s’agisse nécessairement d’un départ volontaire du prestataire, du seul fait que ce dernier a cru à tort qu’aucun emploi ne l’attendaitNote de bas page 43.

[89] J’estime que, comme il n’a pas refusé de retourner au travail, puisqu’il pensait qu’aucun emploi ne l’attendait, le prestataire n’a pas volontairement quitté son emploi. Il n’a pas fait le choix de quitter son emploi, car il ne pensait pas avoir la possibilité de retourner au travail. Il croyait que son employeur l’avait congédié.

[90] J’estime que, comme le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi, il m’est inutile d’examiner la question de savoir si ce départ volontaire était justifié.

Résumé

[91] En résumé, je conclus que le prestataire ne doit pas être déclaré inadmissible pour inconduite en raison de la suspension de deux semaines qui lui a été imposée. Je conclus que, s’il y a eu un feu dans l’appartement où il travaillait et qu’il ne l’a pas signalé, le prestataire l’a allumé accidentellement et ne savait pas ni n’aurait dû savoir qu’il s’exposait à une suspension en ne le signalant pas. De ce fait, sa conduite ne constitue pas une inconduite.

[92] Je conclus en outre que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi, car, pensant ne plus avoir d’emploi, il croyait ne pas avoir la possibilité de retourner au travail. Comme il n’a pas volontairement quitté son emploi, il ne peut être exclu pour ce motif.

Conclusion

[93] Il est fait droit à l’appel. La Commission n’a pas prouvé que le prestataire avait été suspendu pour inconduite ni qu’il avait volontairement quitté son emploi. Par conséquent, le prestataire n’est pas déclaré inadmissible aux prestations d’AE en raison de la suspension ni exclu du bénéfice des prestations pour départ volontaire.

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