Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 737

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (426894) datée
du 29 juin 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 17 août 2021
Personnes présentes à l’audience :
Date de la décision : Le 19 août 2021
Numéro de dossier : GE-21-1230

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec E. A., qui est le prestataire dans le présent appel.

[2] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, le prestataire n’a pas fourni d’explication acceptée par la loi. Par conséquent, les déclarations de l’assurance-emploi du prestataire doivent être traitées comme si elles ont été faites plus tôt.

Aperçu

[3] En général, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, une personne doit faire une demande pour chaque semaine où elle n’a pas travaillé et souhaite toucher des prestationsNote de bas page 1. Elle doit soumettre des déclarations de l’assurance-emploi à la Commission de l’assurance-emploi du Canada toutes les deux semaines. Habituellement, ces déclarations doivent être remplies en ligne dans un délai établiNote de bas page 2.

[4] Le prestataire n’a pas fait de déclarations après que sa demande de prestations d’assurance-emploi a été accueillie. Il veut soumettre ses déclarations après le délai établi et aimerait qu’elles soient traitées comme si elles ont été faites plus tôt. Les déclarations couvrent la période du 12 octobre 2020 au 9 avril 2021.

[5] Pour ce faire, le prestataire doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant le retard.

[6] La CommissionNote de bas page 3 a conclu que le prestataire n’avait pas de motif valable. Elle a donc rejeté sa demande. La Commission affirme que le prestataire n’a pas de motif valable parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait pour s’enquérir de ses droits et obligations concernant les prestations d’assurance-emploi.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il a déployé tous les efforts raisonnables pour communiquer avec Service Canada en réponse à sa demande, mais qu’il n’a reçu aucune aide. Il soutient que Service Canada n’a déployé aucun effort raisonnable pour communiquer avec lui. Le prestataire précise que l’année précédente a été difficile pour lui financièrement.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire n’était pas présent à l’audience

[8] Le prestataire n’était pas à l’audience. Une audience peut avoir lieu en l’absence du prestataire si celui-ci a reçu l’avis d’audienceNote de bas page 4. Je crois que le prestataire a reçu cet avis parce qu’il a fourni son adresse courriel au Tribunal comme moyen de communication. L’appel du prestataire a été traité et le dossier de révision, les observations de la Commission ainsi que l’avis d’audience ont été envoyés à l’adresse courriel fournie par le prestataire. Il n’y a eu aucun retour de courriels non distribuables. Le Tribunal a envoyé un courriel au prestataire pour lui rappeler la tenue de l’audience et les instructions pour participer à la téléconférence.

[9] Le jour de l’audience, j’ai tenu une téléconférence à l’heure prévue. Trente minutes après le début de l’audience, le prestataire ne s’était toujours pas présenté. J’ai donc quitté la téléconférence. En date de la présente décision, le prestataire n’a pas communiqué avec le Tribunal pour motiver son absence. L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans le prestataire.

Question en litige

[10] Le prestataire avait-il un motif valable pour la présentation tardive de sa demande de prestations d’assurance-emploi?

Analyse

[11] Le prestataire souhaite que ses déclarations de l’assurance‑emploi soient traitées même si elles ont été faites plus tôt, du 12 octobre 2020 au 9 avril 2021. C’est ce qu’on appelle l’antidatation de déclarations.

[12] Pour antidater une déclaration, le prestataire doit prouver qu’il avait un motif valable pour toute la durée de sa période de retardNote de bas page 5. Il doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[13] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas page 6. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi raisonnablement et prudemment comme une autre personne l’aurait fait dans une situation semblable.

[14] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a pris des mesures raisonnablement rapides pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations en vertu de la loiNote de bas page 7. Cela signifie que le prestataire doit démontrer qu’il a essayé de s’enquérir de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’il le pouvait. Si le prestataire n’a pas pris ces mesures, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas page 8.

[15] Le prestataire doit démontrer qu’il a agi ainsi pour toute la période du retardNote de bas page 9. Cette période s’étend de la date à laquelle il souhaite antidater chacune de ses déclarations jusqu’au jour où il a réellement présenté sa demande. Sa période de retard commence donc le 12 octobre 2020 avec la première déclaration, et prend fin le 9 avril 2021 lorsqu’il a demandé l’antidatation de ses déclarations.

[16] Lorsque le prestataire a demandé pour la première fois l’antidatation de ses déclarations, il a dit à Service Canada qu’il essayait d’appeler tout le temps, mais que personne ne répondait. Il a précisé que l’anglais n’était pas sa langue maternelle et qu’il ne comprenait pas le site Web. Il a aussi dit qu’il ne pensait pas être admissible.

[17] Le 9 juin 2021, le prestataire a été interrogé par Service Canada. Il a affirmé avoir reçu une lettre indiquant qu’il n’était pas admissible aux prestations d’assurance‑emploi. Puis, il a reçu une deuxième lettre disant qu’il était admissible. Le prestataire a dit qu’il a vérifié en ligne, qu’il avait de la difficulté à comprendre le site Web et qu’il a essayé à deux reprises d’appeler Service Canada, mais que personne ne lui a répondu.

[18] Le prestataire a joint une lettre à sa demande de révision. Dans sa lettre, il a précisé avoir déployé tous les efforts raisonnables pour communiquer avec Service Canada en réponse à sa demande de prestations d’assurance-emploi. Il a dit qu’il a appelé chaque semaine, du 12 octobre 2020 au 9 avril 2021, et qu’il restait en attente pendant deux à quatre heures. Il a dit que des problèmes sont survenus : son appel a été interrompu, la personne à l’autre bout du fil ne comprenait pas et n’arrivait pas à l’aider ou elle ne faisait pas tout en son pouvoir pour régler le problème. Le prestataire a écrit qu’il a demandé à plusieurs reprises que son dossier soit pris en main par une superviseure ou un superviseur ou qu’il soit transféré à une autre personne. Toutefois, rien de tout cela n’a été fait, bien qu’on lui ait dit qu’on le rappellerait sous peu. Le prestataire a écrit qu’il a passé plus de 100 coups de fil au cours de cette période.

[19] Le prestataire a confirmé que le système de messagerie vocale n’était pas compris dans son forfait de téléphone cellulaire et qu’il ne pouvait pas recevoir de messages de Service Canada. Le prestataire a aussi indiqué que Service Canada n’avait déployé aucun effort raisonnable pour régler son problème ou communiquer avec lui. Le prestataire a écrit qu’il n’avait reçu aucun appel de Service Canada. Il a ajouté que l’année précédente avait été difficile pour lui financièrement. Il a précisé que des membres de sa famille avaient connu de graves complications de santé en raison de la COVID‑19 et avaient vécu des épisodes de dépression.

[20] Service Canada a demandé au prestataire de lui envoyer le registre de ses tentatives d’appel. Il a d’abord dit qu’il le ferait, puis le même jour, il a précisé qu’il ne pouvait pas parce qu’il avait utilisé plusieurs téléphones prépayés et téléphones publics. Le prestataire a dit à Service Canada qu’il avait bien reçu et lu la lettre contenant le code d’accès et la marche à suivre pour soumettre ses déclarations. Le prestataire a dit qu’il n’était pas doué avec la technologie.

[21] Le prestataire a écrit dans son appel devant le Tribunal qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il avait tenté à de nombreuses reprises de communiquer avec Service Canada à propos de sa demande. Il a écrit qu’il restait en attente pendant des heures chaque fois et que personne ne lui répondait. Le prestataire a écrit qu’il n’a reçu aucun appel de la part de Service Canada. Il a précisé qu’il n’était pas juste que les informations qu’il avait fournies dans sa demande de révision soient intentionnellement ignorées. Il a écrit que ces informations appuyaient sa demande de prestations et qu’il ne les avait pas communiquées auparavant.

[22] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant la soumission tardive de ses déclarations parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait pour s’enquérir de ses droits et obligations. Elle affirme qu’il n’était pas injuste d’accorder plus de poids à la déclaration initiale du prestataire selon laquelle il a essayé à deux reprises de communiquer avec la Commission plutôt qu’à sa déclaration ultérieure selon laquelle il a appelé des centaines de fois, car en général, les déclarations initiales d’une partie prestataire reflètent plus fidèlement la situation que les déclarations ultérieures faites pour avantager la partie prestataire.

[23] La Commission a soutenu que le prestataire possédait assez de compétences pour utiliser un ordinateur, remplir la demande de prestations d’assurance-emploi et faire des recherches sur le site Web. Le prestataire aurait pu soumettre ses déclarations par téléphone. La Commission note aussi que le prestataire étudiait à l’université et qu’il n’est pas raisonnable de conclure qu’une personne fréquentant l’école ne pouvait pas effectuer des tâches administratives comme remplir des déclarations, malgré le stress financier que le prestataire éprouvait. La Commission a noté que même si le prestataire a soutenu que l’anglais n’est pas sa langue maternelle, sa maîtrise de la langue était suffisante pour lui permettre de poursuivre des études universitaires en anglais.

[24] J’estime que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations parce qu’il n’a pas déployé d’efforts raisonnablement rapides pour déterminer ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Les motifs de la présente décision sont décrits ci-dessous.

[25] En cas de contradiction dans les déclarations du prestataire, soient celles qu’il a faites au sujet de ses efforts pour se renseigner sur sa demande de prestations d’assurance-emploi, je dois décider quelles déclarations je préfère. Ce faisant, je dois expliquer pourquoi je donne préséance à certaines d’entre ellesNote de bas page 10.

[26] Je donne préséance aux déclarations antérieures du prestataire au sujet des efforts qu’il a déployés pour se renseigner sur ses prestations d’assurance-emploi. J’accorde plus de crédibilité à ses déclarations antérieures parce qu’il a fourni ces renseignements à Service Canada de manière plus franche que les déclarations écrites ultérieures qui ont été fournies dans l’intention d’infirmer une décision antérieure défavorableNote de bas page 11. Lorsqu’il a demandé l’antidatation de ses déclarations pour la première fois, le prestataire a dit qu’il avait beaucoup de difficulté à comprendre la situation. Il affirme qu’il a essayé de joindre Service Canada sans arrêt et qu’il ne pensait pas être admissible. Lorsque Service Canada a communiqué avec lui au sujet de sa demande d’antidatation, le prestataire a dit qu’il avait consulté le site Web à la suite de sa demande, mais qu’il avait du mal à le comprendre. Il a répété qu’après avoir consulté le site Web, il a appelé Service Canada environ deux fois pour obtenir de l’aide, mais que personne ne lui a répondu. Le prestataire a ajouté qu’il a communiqué avec Service Canada lorsqu’il a découvert en avril 2021 qu’il aurait pu toucher des prestations d’assurance-emploi pendant tout ce temps.

[27] Ce n’est qu’après s’être vu refuser l’antidatation de ses déclarations que le prestataire a dit qu’il avait appelé Service Canada 100 fois. Il a écrit qu’il avait téléphoné chaque semaine et qu’il avait passé plus de 100 coups de fil. Il y a 26 semaines entre le 12 octobre 2020 et le 9 avril 2021. Pour passer 100 coups de fil, le prestataire devait téléphoner en moyenne quatre fois par semaine. On lui a demandé de fournir le registre de ses appels téléphoniques et il a dit qu’il l’enverrait par courriel. Plus tard le même jour, il a déclaré qu’il n’avait tenu aucun registre parce qu’il avait utilisé des téléphones prépayés et des téléphones publics.

[28] Le fait que le prestataire soit incapable de confirmer ses actions, bien qu’il ait précisé qu’il le pouvait, m’indique que ses déclarations initiales sur les efforts qu’il a déployés pour communiquer avec Service Canada à propos de sa demande de prestations d’assurance-emploi sont plus fiables. Ces efforts, c’est-à-dire le fait d’avoir regardé en ligne après avoir présenté sa demande, d’avoir appelé deux fois après avoir fait sa demande et d’avoir décidé de communiquer avec Service Canada en avril 2021 après avoir découvert qu’il aurait dû toucher des prestations pendant tout ce temps, m’indiquent que le prestataire a fait des tentatives limitées pour s’enquérir de ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] Le prestataire a dit à Service Canada qu’il a reçu deux lettres à propos de ses demandes de prestations d’assurance-emploi. L’une d’entre elles précisait que sa demande de prestations d’assurance-emploi était rejetée. Le prestataire a dit que cette lettre portait sur une demande antérieure. La deuxième lettre indiquait que sa demande de prestations d’assurance-emploi était accueillie. Cette dernière portait sur la demande pour laquelle il souhaite l’antidatation de ses déclarations. Le prestataire a dit qu’il a reçu et lu la lettre contenant le code d’accès et la marche à suivre pour soumettre ses déclarations. Cela signifie que le prestataire savait qu’il était admissible aux prestations d’assurance-emploi. J’estime qu’il aurait été raisonnable que le prestataire fasse des efforts pour comprendre ce que signifiaient l’accueil de sa demande de prestations d’assurance-emploi, le code d’accès et la lettre indiquant la marche à suivre pour remplir ses déclarations en ce qui concerne son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Rien ne prouve que le prestataire ait tenté de communiquer avec la Commission après avoir reçu la deuxième lettre accueillant sa demande pour savoir ce qu’il en était de son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Rien ne prouve non plus que le prestataire ait essayé de communiquer avec la Commission après avoir reçu la lettre contenant le code d’accès et la marche à suivre pour soumettre ses déclarations. Il n’a rempli aucune déclaration, bien qu’il ait reçu la marche à suivre pour le faire. J’estime qu’une personne raisonnable aurait essayé de le faire après avoir reçu ces lettres pour s’enquérir de ses droits et obligations en matière d’assurance-emploi. Le prestataire aurait pu demander l’aide de ses amis, de sa famille ou de ses camarades de classe pour consulter le site Web s’il avait de la difficulté à le comprendre. Il aurait pu demander de l’aide pour remplir ses déclarations en ligne s’il avait du mal avec la technologie. Il aurait aussi pu demander de l’aide pour soumettre ses déclarations par téléphone. Il n’y a aucune preuve qu’il a fait cela. Par conséquent, j’estime que le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour s’enquérir de ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi.

[30] J’estime que le prestataire n’a fourni aucune preuve de circonstances exceptionnelles l’ayant empêché d’agir comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour s’enquérir de ses droits et responsabilités. Dans sa demande de révision, il a écrit qu’il avait des difficultés financières, mais il n’a pas expliqué comment ces circonstances financières l’ont empêché de s’enquérir de ses droits et responsabilités. Il n’y a aucune explication quant à la façon dont les problèmes de santé des membres de sa famille auraient empêché le prestataire d’agir comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour s’enquérir de ses droits et responsabilités. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a aucune circonstance exceptionnelle pouvant expliquer la soumission tardive des déclarations du prestataire.

Conclusion

[31] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable de retarder la soumission de ses déclarations de l’assurance-emploi pendant toute la période du retard. Par conséquent, les déclarations ne peuvent pas être traitées comme si elles ont été faites plus tôt.

[32] L’appel est rejeté.

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