Assurance-emploi (AE)

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Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 582

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. H.
Représentante ou représentant : S. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (425077) datée du 7 juin 2021 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 29 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : L’appelant
Le représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 17 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1023

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant effectue des semaines entières de travail depuis le 30 novembre 2020. Par conséquent, l’inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi qui lui a été imposée à compter du 30 novembre 2020, parce qu’il ne démontre pas qu’il est en chômage, est justifiéeNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] Du 18 février 2019 au 28 novembre 2020, l’appelant a travaillé comme menuisier pour l’employeur X, une entreprise œuvrant dans le domaine de la construction et la rénovation, dont il est président et actionnaireNote de bas de page 2.

[3] Le 7 décembre 2020, l’appelant présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 3. Une période de prestations a été établie à compter du 29 novembre 2020Note de bas de page 4.

[4] Le 27 avril 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) l’informe qu’elle ne peut lui verser de prestations d’assurance-emploi à partir du 30 novembre 2020 parce qu’il est un travailleur indépendant en tant que charpentier menuisier et entrepreneur, et qu’il considère son travail indépendant comme sa principale source de revenus. La Commission lui précise qu’il n’a fait aucune recherche d’emplois comme salarié depuis le début de sa demande de prestations. Elle lui indique qu’elle considère qu’il n’est pas en chômageNote de bas de page 5.

[5] Le 7 juin 2021, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe que la décision rendue à son endroit en date du 27 avril 2021 est maintenueNote de bas de page 6.

[6] La Commission fait valoir que l’appelant exploite une entreprise pour laquelle il travaille et que cela constitue son principal moyen de subsistance. Elle explique également que l’appelant souhaite continuer l’exploitation de son entreprise plutôt que de chercher un travail auprès d’un autre employeurNote de bas de page 7.

[7] L’appelant fait valoir qu’il ne doit pas être considéré comme un travailleur indépendant, car il est d’abord un employé de l’entreprise dont il est actionnaire. Il affirme que de la fin de novembre 2020 jusque vers la mi-février 2021, il a consacré en moyenne deux heures par semaine à son entreprise et que par la suite, il y a consacré 40 heures sur une base hebdomadaire. L’appelant affirme qu’il est disponible à travailler et qu’il a fait des recherches pour trouver du travail. Il indique être inscrit au bassin de main-d’œuvre de la Commission de la construction du Québec (CCQ) qui l’informe des emplois disponibles dans le domaine de la construction. L’appelant explique que de la fin de novembre 2020 jusqu’à la mi-février 2021, il était en attente de commencer un contrat pour un client de l’entreprise dont il est actionnaire et qu’il a repris le travail par la suite. Le 17 juin 2021, l’appelant conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet de son recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[8] Je dois déterminer si depuis le 30 novembre 2020, l’appelant effectue des semaines entières de travail et si l’inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi qui lui a été imposée à compter de cette date, parce qu’il ne démontre pas qu’il est en chômage, est justifiéeNote de bas de page 8.

[9] Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • L’appelant doit-il être considéré comme un travailleur indépendantNote de bas de page 9?
  • Si tel est le cas, est-ce que le travail indépendant de l’appelant s’effectue dans une mesure suffisamment limitée pour établir qu’il est en chômage ou qu’il n’effectue pas des semaines entières de travail?

Analyse

[10] Une personne qui participe à l’exploitation d’une entreprise peut ne pas avoir droit à des prestations d’assurance-emploi.

[11] La Loi prévoit qu’une personne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pour chaque semaine où elle est au chômageNote de bas de page 10. Une semaine de chômage signifie une semaine pendant laquelle une personne n’effectue pas une semaine entière de travailNote de bas de page 11.

[12] Il existe une présomption générale voulant que le prestataire soit considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise, soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé, ou lorsque durant cette même semaine, il exerce un autre emploi pour lequel il détermine lui-même ses heures de travailNote de bas de page 12.

[13] Cette présomption peut toutefois être renversée lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personneNote de bas de page 13. Dans un tel cas, le prestataire n’est pas considéré, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travailNote de bas de page 14.

[14] Six circonstances ou facteurs permettent de déterminer si l’exercice d’un emploi ou l’exploitation d’une entreprise s’effectue dans une « mesure si limitée » que le prestataire n’en ferait pas normalement son principal moyen de subsistance. Ces circonstances sont : a) le temps qu’il y consacre ; b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis ; c) la réussite ou l’échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise ; d) le maintien de l’emploi ou de l’entreprise ; e) la nature de l’emploi ou de l’entreprise ; f) l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploiNote de bas de page 15.

[15] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi l’importance de déterminer si la participation d’une personne dans son entreprise, pendant sa période de prestations, était telle qu’elle n’aurait pu constituer son principal moyen de subsistance ou de gagner sa vieNote de bas de page 16.

[16] Il revient au prestataire de prouver que sa participation à l’entreprise est si limitée que l’exception selon laquelle elle ne représentait pas son principal moyen de subsistance s’appliqueNote de bas de page 17. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il est plus probable qu’improbable que la participation du prestataire était limitée.

[17] La Cour nous indique que deux facteurs sont particulièrement importants : le temps consacré au travail et l’intention et la volonté d’un prestataire d’accepter sans tarder un autre emploiNote de bas de page 18.

Question no 1 : L’appelant doit-il être considéré comme un travailleur indépendant?

[18] J’estime que l’appelant doit être considéré comme un travailleur indépendant.

[19] Un « travailleur indépendant » est défini de la manière suivante : « a) […] tout particulier qui exploite ou exploitait une entreprise; b) […] tout employé qui n’exerce pas un emploi assurable par l’effet de l’alinéa 5(2)b) de la Loi. »Note de bas de page 19.

[20] L’appelant indique avoir constitué l’entreprise X, en 1994, avec deux autres associés, en l’occurrence son frère et sa sœur. L’entreprise a commencé ses activités en 1995. Il s’agit d’une entreprise familiale œuvrant dans le domaine de la construction et de la rénovation de maisons, mais surtout dans celui de la rénovationNote de bas de page 20. L’entreprise a été enregistrée ou inscrite au Registraire des entreprises du Québec.

[21] L’appelant a acquis 33⅓ % des actions de l’entrepriseNote de bas de page 21. Les deux autres actionnaires ont acquis chacun 33⅓ % des actions de cette entreprise. Le pourcentage des actions détenues par l’appelant dans l’entreprise est demeuré le même depuis sa création.

[22] L’appelant est le président de l’entreprise depuis sa fondation.

[23] Dans sa demande de prestations, l’appelant indique ne pas être un travailleur indépendantNote de bas de page 22.

[24] L’appelant déclare que l’entreprise lui appartient comme actionnaire, mais qu’il est un employé de celle-ci comme charpentier-menuisier, qu’il reçoit un salaire et que cela a toujours été le cas. Il indique qu’il gagne sa vie avec son entreprise depuis la fondation de celle-ci.

[25] L’appelant explique que les trois actionnaires travaillent ensemble pour rencontrer les clients, faire les estimés (soumissions), négocier les contrats ou faire la facturation. Il précise que les trois actionnaires sont impliqués pour maintenir l’entreprise fonctionnelle et travaillent ensemble à cet effet.

[26] Dans sa déclaration du 27 avril 2021 à la Commission, l’appelant indique qu’il souhaite continuer à maintenir l'exploitation de son entreprise et donner la priorité à ses activités de travailleur indépendant. Il précise ne pas souhaiter travailler comme salariéNote de bas de page 23.

[27] Le représentant fait valoir qu’un contrat de travail lie l’appelant à l’entreprise XNote de bas de page 24. Il explique que l’appelant accorde quelques heures par semaine pour la gestion administrative de son entreprise.

[28] Selon le représentant, la Commission ne tient pas compte du fait que l’appelant « porte deux chapeaux », soit celui d’actionnaire et celui de salariéNote de bas de page 25. Le représentant souligne que cette distinction doit être faite comme l’indique la Cour dans l’une de ses décisionsNote de bas de page 26. Il précise que dans cette décision la Cour indique ce qui suit :

[…] Je crois que le juge de première instance a aussi confondu le double rôle que remplissait madame Letendre Fafard au sein de l’entreprise : employé pour l’exécution de certaines tâches et actionnaire-administratrice pour d’autres […] N’eût été cette confusion, le juge aurait reconnu que madame Letendre Fafard, bien qu’actionnaire et administratrice de la défenderesse, « exerçait sous le contrôle du payeur des tâches qui étaient telles qu’il y avait en réalité lien de subordination » […]Note de bas de page 27.

[29] Le représentant fait valoir que pour déterminer si l’appelant est un travailleur indépendant, la Commission ne s’est pas assurée de savoir s’il avait un contrat de travail ou un contrat de service avec l’entreprise X. Il fait valoir que dans une de ses décisions, la Cour a précisé que c’est le Code civil du Québec (le Code civil) qui détermine les règles applicables à un contrat conclu au QuébecNote de bas de page 28. Le représentant précise que dans cette décision, la Cour indique ce qui suit :

[…] Bref, c’est le Code Civil du Québec qui détermine les règles applicables à un contrat conclu au Québec. Ces règles se retrouvent notamment dans ces dispositions du Code qui traitent du contrat en général (art. 1377 C.c.Q. et suiv.), et dans celles qui traitent du « contrat de travail » (art. 2085 à 2097 C.c.Q.) et du « contrat d'entreprise ou de service » (art. 2098 à 2129 C.c.Q.) […] L'expression « contrat de louage de services » que l’on retrouve dans la Loi sur l’assurance-emploi depuis ses origines et qui reprenait l’expression contenue à l’article 1667 du Code civil du Bas-Canada, est désuète. Le Code civil du Québec, en effet, utilise désormais l'expression « contrat de travail », à l'article 2085, qu’il distingue du « contrat d=entreprise (sic) ou de service », à l’article 2098. […]Note de bas de page 29

[30] Le représentant soutient que l’appelant n’a pas un contrat de service avec l’entreprise X, mais bien un contrat de travailNote de bas de page 30. Il souligne que selon la définition donnée par l’assurance-emploi sur son site web, un travailleur indépendant est une « personne qui travaille en vertu d’un contrat de service plutôt que d’un contrat de travail »Note de bas de page 31.

[31] Le représentant explique que dans une décision rendue à l’endroit de l’entreprise X, en date du 28 mars 2019, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a déterminé que l’appelant avait un contrat de travail et non un contrat de services avec cette entrepriseNote de bas de page 32.

[32] Le représentant mentionne que dans une lettre en date du 15 avril 2021, la Commission (Service Canada) a indiqué à l’appelant qu’elle avait présenté une nouvelle demande à l’ARC concernant l’assurabilité de son emploi avec l’entreprise dont il est actionnaire pour la période du 24 novembre 2019 au 28 novembre 2020Note de bas de page 33. Il indique que dans une lettre en date du 20 avril 2021, l’ARC a informé l’appelant qu’elle avait reçu une demande de désistement de la part de la Commission (Service Canada) concernant l’assurabilité de la relation de travail entre lui et l’entreprise dont il est actionnaire relativement à cette périodeNote de bas de page 34. Selon le représentant, après avoir réalisé qu’une décision avait été rendue par l’ARC dans le dossier de l’appelant et qu’elle était liée par cette décision, la Commission s’est désistée de ce dossierNote de bas de page 35.

[33] Le représentant fait valoir qu’à la demande de la Commission, l’ARC a référé à une relation de travail et non à une relation d’entreprise pour établir le statut de l’appelantNote de bas de page 36. Selon le représentant, lorsque la situation est analysée à partir du Code civil, l’appelant détient un contrat de travail et non un contrat d’entreprises avec l’entreprise X.Note de bas de page 37.

[34] Le représentant fait valoir que la Commission a refusé de tenir compte du fait que l’appelant était lié par un contrat de travail, comme l’ARC l’a déterminé, et a conclu qu’il était un travailleur indépendant sans référer au Code civilNote de bas de page 38.

[35] Le représentant soutient qu’à la lecture de la décision de la Cour dans l’affaire JeanNote de bas de page 39, que la Commission présente dans son argumentationNote de bas de page 40, cette décision ne s’oppose pas à la celle rendue par la Cour dans la cause Acier inoxydable Fafard inc.Note de bas de page 41 et qu’il faut plutôt y voir un complément de l’une avec l’autreNote de bas de page 42. Il émet également l’avis qu’une seule jurisprudence ne peut suppléer à un courant jurisprudentiel fort et constantNote de bas de page 43.

[36] Pour sa part, la Commission fait valoir que bien que le représentant considère que le dossier a été traité comme si l’appelant était le seul actionnaire de l’entreprise X, les faits démontrent que ce dernier n’est pas simplement un salarié dans cette entreprise. Elle explique que l’appelant participe à la gestion de l’entreprise, fait plusieurs tâches en lien avec l’exploitation de celle-ci, et ce, dans le but qu’elle génère un revenuNote de bas de page 44.

[37] La Commission soutient que les faits démontrent que l’appelant donne la priorité à l’exploitation de son entreprise, plutôt que de travailler comme salarié pour un autre employeurNote de bas de page 45. Elle indique que l’appelant possède une importante part dans l’entreprise familiale, qu’il occupe le rôle de président et qu’il y a investi d’importantes sommes d’argentNote de bas de page 46. La Commission souligne que l’appelant a déclaré qu’il souhaitait continuer l’exploitation de l’entreprise, qu’il ne souhaitait pas travailler comme salarié pour un autre employeur et qu’il n’accepterait pas un emploi qui entrerait en conflit avec l’exploitation de son entrepriseNote de bas de page 47. Elle mentionne aussi que l’appelant a reconnu ne jamais avoir travaillé pour d’autres employeurs à titre de salarié depuis la création de son entrepriseNote de bas de page 48.

[38] Selon la Commission, bien que le représentant soutienne qu’elle ne s’est jamais assurée de savoir si, dans le cas de l’appelant, il était question de contrat de travail ou d’un contrat de service, les faits démontrent que celui-ci est en attente de contrats pour l’entreprise et non de contrats comme salariéNote de bas de page 49.

[39] La Commission fait valoir que dans l’affaire JeanNote de bas de page 50, la Cour a indiqué ce qui suit :

[…] Selon lui [le demandeur ou le prestataire], « l’arrêt NCJ Educational Services Limited c Canada (Revenu national), 2009 CAF 131,

[2009] 4 C.T.C. 290 de notre Cour a consacré le caractère supplétif du droit civil. Il fait valoir qu’en vertu du droit civil, il ne peut être lié à la fois et simultanément par un contrat de travail et un contrat d’entreprise avec TDG. En somme, il affirme qu’il ne peut être considéré comme l’exploitant et l’employé de cette même compagnie.Note de bas de page 51.

[40] La Commission fait valoir que dans cette décision, la Cour a donné les précisions suivantes :

[…] Le demandeur ne répondant pas aux critères d’admissibilité du Règlement, il n’était pas nécessaire de distinguer le contrat de travail du contrat d’entreprise le liant à TDG. Le droit civil n’est pas applicable en l’espèce puisque le Règlement, plus particulièrement l’article 30, contient un code complet permettant de déterminer si un prestataire exploite une entreprise au sens de la Loi, auquel cas, il est réputé ne pas être en chômage.Note de bas de page 52.

[41] La Commission souligne que dans le présent dossier, le représentant cite lui-même la définition qu’elle donne d’un travailleur indépendantNote de bas de page 53.

[42] La Commission explique que dans le cas des gens de métier, ceux-ci n’ont généralement pas droit aux prestations tant qu’ils voient à l’exécution d’un contrat, mais qu’ils peuvent être considérés en chômage lorsqu’ils n’ont pas de contratNote de bas de page 54. Selon elle, ce n’est pas le cas d’une personne qui semble préoccupée davantage par l’exploitation de son entreprise versus simplement exercer son métierNote de bas de page 55. La Commission fait valoir que pour prouver sa disponibilité, les gens de métier doivent non seulement être à la recherche de contrats, mais ils doivent faire des recherches et être prêts à accepter aussi toute occasion d’emploi en vertu d’un contrat de louage de services, ce qui n’est pas le cas de l’appelantNote de bas de page 56.

[43] La Commission fait valoir que la Loi n’est pas conçue pour subventionner les travailleurs indépendants ou ceux qui participent aux activités d’une entreprise, mais bien de verser des prestations à ceux qui sont sans emploi et qui cherchent activement un autre emploiNote de bas de page 57.

[44] Elle soutient que l’appelant n’est pas simplement un salarié, mais un actionnaire important, ce qui fait la différence avec les causes citées par le représentantNote de bas de page 58.

[45] En ce qui concerne la décision rendue par l’ARC sur l’assurabilité de l’emploi de l’appelant et à laquelle le représentant réfère, la Commission soutient que cette décision n’a aucun impact sur la décision dont il est question dans le cas présent.

[46] La Commission fait valoir que la Cour a établi que l’assurabilité et l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi sont deux étapes distinctes qui s’évaluent à des périodes différentesNote de bas de page 59. Elle souligne que dans cette décision la Cour a indiqué ce qui suit :

Il s’ensuit que le prononcé de l’ARC sur l’assurabilité du demandeur aux termes de l’article 90 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, c 23 ne peut lier la Commission de l’assurance-emploi du Canada sur l’admissibilité aux prestations aux termes de l’article 30 du RèglementNote de bas de page 60.

[47] Dans le présent dossier, j’estime qu’en fonction des éléments de preuve présentés, l’appelant doit être considéré comme un travailleur indépendant au sein de l’entreprise dont il est un des actionnaires et le président. Il participe à l’exploitation de l’entreprise. L’appelant y effectue plusieurs tâches pour en assurer le fonctionnement. Il n’est pas seulement un employé dans cette entreprise.

[48] Bien que le représentant fasse valoir qu’une distinction doit être établie entre les fonctions d’employé de l’appelant et son rôle d’actionnaire dans l’entreprise, une telle distinction n’exclut pas le fait qu’il soit aussi un travailleur indépendant en raison de l’exploitation qu’il fait de cette entreprise et des tâches qu’il y accomplit. Le rôle de l’appelant dans son entreprise n’est pas d’être un simple employé ayant un lien de subordination avec celle-ci.

[49] Je ne retiens pas l’argument du représentant voulant que ce soit le Code civil qui doive s’appliquer pour déterminer si l’appelant est lié par un contrat de travail ou un contrat de service avec l’entreprise X, pour déterminer si celui-ci est un travailleur indépendant et que la Commission n’a pas tenu compte de cet élément.

[50] Je considère que le fait que l’appelant réalise un contrat de travail pour son entreprise et qu’il puisse occuper un emploi assurable au sens de la Loi ne change rien au fait qu’il est un travailleur indépendant.

[51] La Cour nous informe que lorsqu’un prestataire ne satisfait pas les critères d’admissibilité du Règlement, il n’est pas nécessaire de distinguer s’il réalise un contrat de travail ou contrat d’entrepriseNote de bas de page 61. La Cour précise que dans un tel cas, le droit civil n’est pas applicable puisque l’article 30 du Règlement contient un code complet permettant de déterminer si un prestataire exploite une entreprise au sens de la Loi, auquel cas, il est réputé ne pas être en chômageNote de bas de page 62.

[52] J’estime également que la décision rendue par l’ARC concernant l’assurabilité de l’emploi de l’appelant avec l’entreprise dont il est actionnaireNote de bas de page 63 ne démontre pas qu’il ne doit pas être considéré comme un travailleur indépendant et que, de ce fait, il serait admissible au bénéfice des prestations. Cette décision ne peut lier la Commission à la conclusion à laquelle celle-ci est arrivée en déterminant que l’appelant est un travailleur indépendant et qu’il n’est pas admissible au bénéfice des prestations.

[53] La Cour nous indique que l’assurabilité d’un emploi et l’admissibilité à des prestations constituent deux éléments qui doivent être évalués séparémentNote de bas de page 64. La question relative à l’assurabilité d’un emploi relève de l’ARC alors que celle concernant l’admissibilité au bénéfice des prestations relève de la CommissionNote de bas de page 65. La décision rendue sur l’assurabilité ne saurait donc lier la Commission que sur cette question, et non pour déterminer de l’admissibilité d’une personne à des prestationsNote de bas de page 66.

[54] Puisque j’ai déterminé que l’appelant est un travailleur indépendant, je dois maintenant évaluer si le travail qu’il fait à ce titre s’effectue dans une mesure suffisamment limitée pour établir qu’il est en chômage ou qu’il n’effectue pas des semaines entières de travail depuis le 30 novembre 2020.

Question no 2 : Est-ce que le travail indépendant de l’appelant s’effectue dans une mesure suffisamment limitée pour établir qu’il est en chômage ou qu’il n’effectue pas des semaines entières de travail?

[55] Je considère que le travail indépendant de celui-ci ne se fait pas dans une mesure suffisamment limitée pour conclure qu’il est en chômage ou qu’il n’effectue pas des semaines entières de travail depuis le 30 novembre 2020, soit depuis que la Commission lui a imposé une inadmissibilité au bénéfice des prestations.

[56] Afin de déterminer si l’appelant est bel et bien en état de chômage alors qu’il opère son entreprise, je dois effectuer l’analyse des six facteurs énoncés à l’article 30(3) du Règlement, tels qu’énoncés plus haut.

Le temps consacré

[57] Je considère que l’appelant se consacre assidûment aux activités de l’entreprise X, comme travailleur indépendant, dans le but d’en faire son principal moyen de subsistance.

[58] L’appelant explique que les actionnaires se partagent les tâches entre eux pour faire fonctionner l’entreprise qu’il décrit comme une entreprise familiale. Il indique que pour rencontrer les clients, faire les estimés (soumissions), négocier les contrats avec eux ou faire la facturation, les actionnaires travaillent tous ensemble. L’appelant souligne que les actionnaires s’organisent ensemble pour accomplir les tâches de l’entreprise et ajoute que pour le faire et la maintenir fonctionnelle, « on ne compte pas notre temps ». Il précise que lorsqu’on travaille pour une entreprise comme celle pour laquelle il est actionnaire, il faut mettre un peu de notre temps.

[59] L’appelant indique que l’entreprise est en activité tout au long de l’année et que celle-ci représente sa principale source de revenus depuis 1995Note de bas de page 67.

[60] L’appelant précise qu’il travaille normalement 40 heures par semaine, du lundi au vendredi de 8 h 00 à 17 h 00Note de bas de page 68. Il spécifie que sur cette période de 40 heures, il consacre deux heures par semaine à la facturation des clients.

[61] Il explique qu’à partir de la fin de novembre 2020, il n’avait plus de contrat et était en arrêt de travail. Il a repris le travail en effectuant des semaines complètes (40 heures par semaine) vers la mi-février 2021Note de bas de page 69. Il précise qu’à la fin du mois de février 2021, les activités de l’entreprise ont repris.

[62] L’appelant affirme qu’au cours de la période du 29 novembre 2020 au 20 février 2021 environ, il a ainsi consacré deux heures par semaine à l’exploitation de son entreprise, étant donné qu’il n’avait pas de travailNote de bas de page 70.

[63] Durant cette période, l’appelant indique avoir effectué des tâches administratives (ex. : remplir et transmettre des rapports au gouvernement ou à la CCQ) qui ne demandaient presque pas de temps.

[64] L’appelant indique aussi que durant cette période, lui et les autres actionnaires ont été à la recherche de clients. L’appelant a rencontré des gens et leur disait que s’ils avaient du travail à faire, c’était le temps, car c’était une période tranquille. Il souligne que c’était une période plus difficile dans le domaine de la construction, en raison de la pandémie de COVID-19 et parce que durant la période des fêtes il y a toujours un ralentissement des activités dans ce domaine.

[65] L’appelant explique qu’il était également en attente d’un contrat avec un client qui était lui-même en attente d’un permis pour entreprendre des travaux de rénovationNote de bas de page 71. Il indique qu’il n’aurait pas pu commencer la construction d’une maison durant cette période (fin de novembre 2020 à la mi-février 2021), étant donné qu’il était en attente de débuter le contrat avec le client en question.

[66] Dans le cas présent, je considère que depuis le 30 novembre 2020, l’appelant a continué de se consacrer aux activités de son entreprise, de manière à en faire son principal moyen de gagner sa vie.

[67] L’appelant explique consacrer normalement 40 heures par semaine à son entreprise et que celle-ci est active tout au long de l’annéeNote de bas de page 72. Il déclare que l’entreprise représente sa principale source de revenus depuis 1995Note de bas de page 73.

[68] Je ne trouve pas plausible l’affirmation de l’appelant selon laquelle il n’a consacré que deux heures par semaine à l’exploitation de son entreprise au cours de la période échelonnée de la fin de novembre 2020 à la mi-février 2021. Il demeure que durant cette période, l’appelant a continué d’être actionnaire de son entreprise et d’agir comme travailleur indépendant pour celle-ci.

[69] Je considère que même si l’appelant affirme qu’il n’avait pas de contrats à réaliser au cours de cette période spécifique ou qu’il était en attente pour en débuter un, il a continué d’exploiter son entreprise et à accomplir des semaines entières de travail.

[70] Je souligne que l’appelant indique avoir rencontré des clients potentiels durant cette période, comme l’ont aussi fait les autres actionnaires, et qu’il a effectué des tâches administratives. Il précise aussi que pour faire fonctionner une entreprise comme celle dont il est actionnaire, lui et les autres actionnaires ne comptent pas leur temps.

[71] J’estime que globalement, sa participation aux différentes tâches liées à l’exploitation de cette entreprise a une importance plus que significative et qu’il ne s’est pas restreint à accomplir deux heures de travail par semaine de la fin de novembre 2020 à la mi-février 2021.

[72] Je considère qu’objectivement, depuis le 30 novembre 2020, la participation de l’appelant aux différentes tâches liées à l’exploitation de l’entreprise X est très importante et le temps qu’il y consacre n’est à pas à ce point limité pour ne pas en faire son principal moyen de subsistance.

Le capital et les ressources investis

[73] En ce qui concerne « la nature et le montant du capital et des autres ressources investis » (ex. : sommes d’argent, propriété, biens et ressources), je prends en compte le fait que par le biais de l’entreprise dont il est un des actionnaires, l’appelant a effectué des investissements importants au bénéfice de celle-ci.

[74] L’appelant explique que les actionnaires ont fait des investissements représentant une somme totale de 21 000,00 $ pour le démarrage de l’entrepriseNote de bas de page 74. Il précise que de son côté, sa contribution s’est faite sous la forme de matériel et d’outillage de construction qu’il possédait déjà puisqu’il travaillait dans ce domaine. L’appelant indique avoir ainsi vendu ou donné le matériel et l’outillage qu’il possédait pour démarrer l’entreprise.

[75] L’appelant explique que l’entreprise investit au fur et à mesure que des revenus sont générés. Il précise que des investissements ont été faits pour l’acquisition de matériel roulant (ex. : achat ou location de camions, ceux-ci étant remplacés après une période de cinq ans) et de l’outillage. L’appelant mentionne que dernièrement l’entreprise a fait l’acquisition du matériel suivant : camion de transport, deux remorques (une remorque fermée et une remorque ouverte), un tracteur pour effectuer des travaux de déneigement sur les chantiers et un chariot télescopique (pour faire des structures de maison). Il précise que ces investissements ont été faits pour assurer le fonctionnement de l’entreprise.

[76] L’appelant estime la valeur de l’entreprise à environ 200 000,00 $, selon les rapports financiers produits. Il souligne que l’avoir de l’entreprise est constitué de matériel roulant, ce qui fait en sorte que cet équipement perd beaucoup de valeur. L’appelant indique que l’entreprise a un inventaire constitué de matériel de construction représentant une somme d’environ 2 000,00 $.

[77] L’appelant indique que l’entreprise détient une marge de crédit de 40 000,00 $Note de bas de page 75. Il précise être signataire de cette marge de crédit auprès de l’institution financière l’ayant autorisée.

[78] L’appelant explique que l’entreprise n’a pas bénéficié d’aide financière ni de subvention de la part du gouvernement pour son démarrage ou son fonctionnement. Il précise qu’aucune demande n’a été présentée à cet effet. L’appelant explique avoir toujours été autonome et s’est dit qu’il était capable de démarrer l’entreprise avec les autres actionnaires sans avoir besoin d’aide. Il souligne que le travail pour démarrer et faire fonctionner l’entreprise s’est fait sans compter les heures.

[79] Dans sa demande de prestations, l’appelant indique que l’adresse de son domicile est la même que celle de son employeur (X)Note de bas de page 76. L’adresse courriel et le numéro de téléphone de l’appelant apparaissant dans sa demande de prestations sont également les mêmes que ceux de l’entrepriseNote de bas de page 77.

[80] J’estime qu’objectivement, la nature et le montant du capital et des autres ressources investis par l’appelant au bénéfice de son entreprise sont très importants. Cet élément démontre un engagement important de l’appelant dans l’entreprise.

La réussite ou l’échec financier de l’emploi ou de l’entreprise

[81] Relativement à la question de la réussite ou de l’échec financier de l’emploi ou de l’entreprise, je considère que la preuve présentée démontre l’existence de circonstances permettant de conclure que la participation de l’appelant dans son entreprise n’est pas limitée et qu’elle représente son principal moyen de subsistance.

[82] L’appelant explique que pour l’année financière s’étant terminée en mai 2020, l’entreprise a généré des revenus bruts de 150 000,00 $Note de bas de page 78. Il spécifie qu’il ne s’agit pas de son revenu personnel pour l’année 2020, mais bien des revenus bruts de l’entreprise. L’appelant explique que de ce montant, il faut déduire les sommes versées en salaires et les frais d’entreprise (ex. : essence, permis, matériaux). Il précise qu’il ne reste « pas grand-chose » lorsque tout a été payé. L’appelant déclare ne pas connaître les revenus de l’entreprise pour l’année financière 2021.

[83] L’appelant explique gagner sa vie avec l’entreprise depuis sa fondation. Il indique que son salaire est d’environ 40,00 $ l’heureNote de bas de page 79. L’appelant précise recevoir un salaire, à la semaine, selon le taux établi par la CCQ comme cela est le cas pour les employés qu’il embauche.

[84] Le relevé d’emploi émis par l’entreprise, en date du 7 décembre 2020, indique que l’appelant a effectué 2 080 heures assurables au cours de sa période d’emploi du 18 février 2019 au 28 novembre 2020 et qu’il a reçu une rémunération de 51 942,32 $ pour cette période d’emploiNote de bas de page 80.

[85] Je suis d’avis qu’objectivement, l’engagement de l’appelant dans le fonctionnement de l’entreprise X démontre que l’exploitation qu’il en fait et l’emploi qu’il y occupe depuis 1995 est une réussite. Je considère que cette situation démontre que la participation de l’appelant dans son entreprise n’est pas suffisamment limitée pour ne pas en faire son principal moyen de gagner sa vie.

Le maintien de l’emploi ou de l’entreprise

[86] Sur la question relative au « maintien de l’emploi ou de l’entreprise », je prends en compte le fait que l’appelant contribue d’une manière soutenue au maintien de l’entreprise ou de l’emploi qu’il y occupe depuis le 30 novembre 2020 et que cette entreprise est toujours en activité depuis ce moment. J’estime que le travail indépendant de l’appelant pour son entreprise est destiné à être continu.

[87] L’appelant explique qu’il considère son entreprise comme sa principale source de revenusNote de bas de page 81 et qu’il gagne sa vie grâce à celle-ci depuis sa fondation. Il indique que l’entreprise est active tout au long de l’année, mais qu’il y avait eu une diminution de ses activités en raison de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 82.

[88] L’appelant explique qu’en plus du travail effectué par les trois actionnaires de l’entreprise, il a embauché un autre employé, vers la fin de juin 2021. Il indique que cela a aussi été le cas en 2020, alors qu’un autre employé a travaillé pour l’entreprise au cours de la période de juin à novembre 2020.

[89] L’appelant explique que l’entreprise n’a pas de site Internet, ne dépense pas pour faire de la publicité et que les clients sont trouvés grâce au « bouche à oreille »Note de bas de page 83.

[90] L’appelant dit souhaiter continuer l’exploitation de l’entreprise et réaliser ses activités au sein de celle-ci plutôt que de chercher du travail comme salarié chez un autre employeurNote de bas de page 84.

[91] Je considère que le fait que l’appelant travaille pour son entreprise depuis sa fondation, qu’il ait recours à des employés selon les besoins et que celle-ci soit toujours en activité, sont des éléments qui témoignent du maintien de l’emploi ou de cette entreprise.

[92] J’estime qu’objectivement, l’appelant fait des efforts soutenus pour faire fonctionner l’entreprise X et en faire son principal moyen de subsistance.

La nature de l’emploi ou de l’entreprise

[93] En regard de la question se rapportant à « la nature de l’emploi ou de l’entreprise », je suis d’avis que le type d’emploi exercé par l’appelant dans son entreprise intéresse de toute évidence ce dernier, puisqu’il s’agit d’un travail qu’il occupe depuis 1995 et qu’il veut faire de celle-ci sa principale source de revenus.

[94] L’appelant explique travailler pour l’entreprise dont il est actionnaire comme charpentier-menuisier, et ce, depuis la fondation de celle-ci. Il précise ne pas avoir travaillé pour un autre employeur depuis 1995Note de bas de page 85.

[95] Je considère qu’objectivement, la nature de l’entreprise de l’appelant ou de l’emploi qu’il y exerce depuis 1995 démontre qu’il veut faire de cet emploi ou de cette entreprise, son principal moyen de subsistance.

La volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi

[96] Au sujet de la question touchant « l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi », je suis d’avis que l’appelant ne démontre pas une telle intention ni une telle volonté depuis le 30 novembre 2020.

[97] L’appelant déclare ne pas avoir fait de démarches auprès d’autres employeurs potentiels œuvrant dans le domaine de la construction depuis le début de sa période de prestations en novembre 2020 pour travailler comme salariéNote de bas de page 86. Il indique qu’il attendait des contrats pour son entreprise et être demeuré prêt et disponible pour les accepterNote de bas de page 87. L’appelant dit souhaiter continuer d’exploiter son entreprise et donner la priorité à ses activités comme travailleur indépendantNote de bas de page 88.

[98] L’appelant explique ne pas être prêt à donner la priorité à la recherche ou à l'obtention d'un emploi à temps plein qui entrerait en conflit avec sa capacité de gérer son entreprise ou de s’occuper de ses activités de travail indépendantNote de bas de page 89. Il précise qu’il n’abandonnerait pas ses activités de travail indépendant s’il recevait une offre pour occuper un emploi convenable à temps pleinNote de bas de page 90. L’appelant indique ne pas souhaiter travailler comme salariéNote de bas de page 91.

[99] L’appelant explique être inscrit au bassin de main-d’œuvre de la CCQ à partir duquel il est informé des possibilités d’emploi et si des employeurs ont besoin de personnelNote de bas de page 92. Il indique ne pas avoir été informé par la CCQ qu’il pouvait y avoir du travail pour lui. L’appelant précise que s’il y des besoins, la CCQ va communiquer avec lui.

[100] L’appelant indique ne jamais avoir travaillé pour d'autres employeurs à titre de salarié depuis le début des activités de son entreprise en 1995Note de bas de page 93.

[101] Le représentant fait valoir que l’appelant était disponible à travailler à compter de la fin de novembre 2020Note de bas de page 94.

[102] Le représentant explique que l’appelant a été dans l’attente de réaliser un contrat pour un des clients de l’entreprise, en raison d’un retard dans l’obtention d’un permis pour ce client. Le représentant souligne qu’il s’agissait d’une situation hors du contrôle de l’appelant.

[103] Le représentant fait valoir que la disponibilité à travailler doit se vérifier par l’analyse des trois éléments suivants : 1) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable serait offert ; 2) l'expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable et 3) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 95.

[104] Le représentant soutient que l’appelant démontre sa disponibilité à travailler, car il est inscrit au bassin de main-d’œuvre de la CCQ. Il fait valoir que le Guide de la détermination de l’admissibilité indique que les prestataires qui sont membres d’un bureau d’embauche syndical (ex. : CCQ) ou qui passent par ce bureau pour trouver un emploi peuvent ainsi démontrer leur disponibilité à travaillerNote de bas de page 96.

[105] Le représentant fait valoir que l’appelant devrait pouvoir bénéficier d’un délai raisonnable avant d’accepter un emploi convenable au sens de la LoiNote de bas de page 97. Il souligne qu’en 2017, le législateur a déterminé qu’il était préférable que les dispositions précisant ce qui ne constitue pas un emploi convenable soient établies par la Loi de façon à ce qu’elles correspondent plus directement avec la jurisprudence qui avait été élaborée lorsque ce concept était inclus dans la LoiNote de bas de page 98.

[106] Le représentant fait valoir le contenu de plusieurs décisions rendues par la Cour et par des juges arbitres indiquant qu’un prestataire peut bénéficier d’un délai raisonnable ou avoir le droit d’attendre un rappel au travail pendant une certaine période avant de devoir démontrer qu’il cherche un emploi ailleurs pour prouver sa disponibilité à travailler, et ce, en tenant compte de sa situationNote de bas de page 99.

[107] Le représentant fait valoir que des décisions rendues par des juges-arbitres indiquent que la Loi n’impose pas automatiquement aux prestataires de prouver leur disponibilité à travailler à l’aide d’une recherche d’emploi et qu’il ne s’agit que d’une circonstance à apprécier parmi d’autresNote de bas de page 100.

[108] Le représentant fait aussi valoir le contenu de décisions rendues par des juges-arbitres indiquant qu’un prestataire doit être avisé par la Commission avant qu’une inadmissibilité ne lui soit imposée pour ne pas avoir démontré sa disponibilité à travaillerNote de bas de page 101.

[109] De son côté, la Commission fait valoir que l’état de chômage et la disponibilité sont deux exigences distinctesNote de bas de page 102.

[110] Elle fait valoir qu’avant de faire l’analyse des arguments relatifs à la disponibilité à travailler, un rappel prévu au travail, la recherche d’emploi et l’existence d’un délai raisonnable, l’appelant doit d’abord prouver qu’il est en chômageNote de bas de page 103. Elle précise que faire la preuve qu’une personne est en chômage, représente la première condition de base, afin qu’elle soit admissible aux prestations en vertu des articles 9 et 11 de la LoiNote de bas de page 104.

[111] La Commission soutient que le représentant cite des décisions rendues par la Cour et par des juges-arbitres qui sont davantage liées à l’application de l’article 18 de la Loi, alors que le litige en cause dans le cas de l’appelant porte sur l’état de chômageNote de bas de page 105.

[112] La Commission explique que bien qu’un prestataire puisse être disponible pour travailler, ce n’est pas le seul élément décisif, car il doit d’abord prouver qu’il est en chômage et qu’il n’effectue pas des semaines entières de travailNote de bas de page 106.

[113] La Commission soutient que puisque l’appelant n’a pas réussi à démontrer qu’il satisfaisait à la première condition qui est d’être en chômage, elle n’a donc pas à déterminer si un délai raisonnable devait lui être accordéNote de bas de page 107.

[114] Je considère que l’appelant ne démontre pas sa volonté de chercher et d’accepter rapidement ou sans tarder un autre emploi depuis le 30 novembre 2020. Il se consacre essentiellement aux activités de son entreprise comme travailleur indépendant.

[115] J’estime que son témoignage et ses déclarations à la Commission démontrent que son objectif premier est de travailler pour son entreprise.

[116] Je ne retiens pas les arguments du représentant selon lesquels l’appelant démontre sa disponibilité à travailler et qu’il doit bénéficier d’un délai raisonnable avant de chercher un emploi convenable, étant donné que son retour au travail était prévu dans son entreprise.

[117] Je considère que les arguments présentés sur ces aspects réfèrent à l’analyse de la disponibilité à travailler d’un prestataire, en application de l’article 18 de la Loi, alors que la question en litige consiste à déterminer si l’appelant démontre qu’il est en chômage au sens des articles 9 et 11 de la Loi et de l’article 30 du Règlement, et s’il effectue des semaines entières de travail.

[118] Je souligne que pour établir cette conclusion, je dois ainsi évaluer six facteurs spécifiquesNote de bas de page 108, dont celui permettant de déterminer si l’appelant démontre sa « volonté de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi »Note de bas de page 109, et non évaluer s’il est disponible à travailler au sens de la LoiNote de bas de page 110.

[119] Je précise qu’à titre de membre du Tribunal, je ne peux me prononcer sur une question dont je n’ai pas été saisi. Le Tribunal ne peut entendre que les appels des décisions de révision prises par la CommissionNote de bas de page 111. Dans le cas présent, la décision en révision prise par la Commission, en date du 7 juin 2021, porte sur la semaine de chômage ou l’état de chômageNote de bas de page 112. Je dois donc m’en tenir à rendre une décision sur cette question.

[120] Je considère que l’appelant ne démontre pas sa volonté de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi. 

[121] Je précise aussi que la Loi considère qu’un travailleur indépendant ou une personne qui participe à l’exploitation d’une entreprise effectue des semaines entières de travail et ne peut donc pas recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[122] J’estime qu’objectivement, depuis le 30 novembre 2020, l’intention première de l’appelant est de travailler pour l’entreprise X et de la faire fonctionner. Il a choisi de privilégier le travail au sein de cette entreprise. Je ne peux le considérer comme étant prêt à chercher et à accepter un emploi sans tarder.

Application des facteurs démontrant le niveau de participation de l’appelant dans l’entreprise

[123] J’ai examiné les six facteurs mentionnés ci-dessus. Je considère qu’en fonction de de l’analyse de ces facteurs associée à la situation de l’appelant et de l’application du test objectif prévu à l’article 30(2) du Règlement, tous ces facteurs nous dirigent vers la conclusion que son engagement dans l’entreprise ne l’est pas dans une mesure si limitée, car cet engagement démontre qu’il veut faire de celle-ci son principal moyen de subsistance.

[124] J’estime que depuis le 30 novembre 2020, l’appelant se consacre essentiellement au fonctionnement de son entreprise et fait des efforts soutenus pour la maintenir en marche. Je considère également que l’appelant donne la priorité à l’exploitation de son entreprise, au détriment de sa recherche d’un emploi à temps plein.

[125] Je considère que la preuve démontre que l’appelant ne réfute pas la présomption selon laquelle il effectue des semaines entières de travail depuis le 30 novembre 2020.

[126] La participation de l’appelant à son entreprise n’est pas à ce point limitée que l’exception selon laquelle celle-ci ne représente pas son moyen de subsistance s’applique.

Conclusion

[127] Je conclus que depuis le 30 novembre 2020, l’appelant effectue des semaines entières de travail. L’inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi qui lui a été imposée à compter de cette date, parce qu’il ne démontre pas qu’il est en chômage, est justifiée.

[128] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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