Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c LM, 2021 TSS 768

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Angele Fricker
Partie intimée : L. M.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 15 juin 2021
dans le dossier GE-21-808

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 octobre 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimé
Date de la décision : Le 16 décembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-233

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] L’intimé, L. M., est le prestataire dans la présente affaire. Il a été mis à pied en mars 2020 et a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. À l’époque, il avait un permis de travail valide qui a expiré en avril 2020. Il a demandé le renouvellement de son permis de travail en février 2020. L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que sa demande était recevable parce qu’il avait un statut implicite lui permettant de travailler au Canada après avoir demandé le renouvellement de son permis de travail.

[3] Le prestataire est retourné au travail en juillet 2020 et a de nouveau été mis à pied en février 2021 en raison de la pandémie de la COVID-19. Une nouvelle période de prestations a été établie à son profit. La Commission lui a demandé une copie de son permis de travail et celui-ci lui a répondu que son permis n’avait pas encore été renouvelé. La Commission a refusé la demande de prestations parce que le prestataire n’a pas fourni de permis de travail valide. Le prestataire a été jugé non disponible pour travailler au Canada à compter du 7 février 2021.

[4] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Son appel a été accueilli. La division générale a décidé que le prestataire pouvait travailler au Canada parce qu’il avait un statut implicite depuis qu’il avait demandé le renouvellement de son permis de travail en février 2020. Elle a conclu que le prestataire était disponible pour travailler.

[5] La Commission veut maintenant porter la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire et qu’elle a commis une erreur de droit.

[6] J’ai décidé que la division générale avait commis une erreur de droit en ignorant certains faits pertinents et éléments de preuve contradictoires. J’accueille l’appel et je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine si le prestataire a reçu un permis de travail valide ou qu’elle rende une autre décision en réponse à sa demande de renouvellement déposée en février 2020.

Questions en litige

[7] Je me suis concentrée sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le prestataire était autorisé à travailler au Canada parce qu’il avait un statut implicite à compter du 7 février 2021?
  2. b) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[8] Je peux seulement intervenir dans la présente affaire si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc me demander si la division généraleNote de bas de page 1 :

  • a agi de façon inéquitable;
  • n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire;
  • a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[9] Le prestataire a été mis à pied pour la première fois en mars 2020 et a demandé des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. Il a fourni un reçu daté du 18 février 2020 attestant le paiement de sa demande de renouvellement de son permis de travail. Son permis de travail a expiré en avril 2020Note de bas de page 3.

[10] La Commission admet que le prestataire était autorisé à travailler au Canada grâce à son statut implicite parce qu’il avait demandé le renouvellement de son permis de travail et lui a demandé de fournir une copie de son nouveau permis de travail lorsqu’il le recevraitNote de bas de page 4, ce qu’il n’a pas fait.

[11] Le prestataire est retourné travailler pour le même employeur en juillet 2020, mais il a été mis à pied de nouveau en raison de la pandémie de la COVID-19 en février 2021Note de bas de page 5. Une nouvelle demande de prestations a été établie à son profit. Le 22 mars 2021, on a demandé au prestataire de fournir une copie du permis de travail qu’il avait demandé de renouveler un an plus tôt, en février 2020.

[12] Le prestataire a fourni le même reçu daté du 18 février 2020. Au cours d’une conversation avec un agent de Service Canada le 24 mars 2021, on a de nouveau demandé au prestataire une copie de son nouveau permis de travail. Il a répondu qu’il n’avait pas encore été délivréNote de bas de page 6.

[13] Le prestataire a fourni à la Commission une copie d’une demande de renouvellement de son permis de travail datée du 18 décembre 2020. Il a également soumis des copies de courriels datant de 2011 qui traitent du statut implicite.

[14] Dans une lettre à Service Canada reçue le 29 mars 2021, le prestataire affirme qu’il fournit le reçu du permis de travail attendu depuis longtemps et le paiement approuvé. Il dit que le document lui-même arrivera dans quelques semaines selon le centre de traitement des demandes d’Edmonton d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC)Note de bas de page 7. Une copie d’un reçu de paiement daté du 29 mars 2021 est jointe à cette lettreNote de bas de page 8.

[15] La Commission a refusé la demande de prestations du prestataire parce qu’il n’avait pas de permis de travail valide et qu’on ne pouvait donc pas considérer qu’il était disponible pour travailler au Canada. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. La Commission a maintenu sa décision après révision.

[16] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Son appel a été accueilli.

Décision de la division générale

[17] La division générale a décidé que le prestataire était autorisé à travailler au Canada parce qu’il avait un statut implicite. Pour rendre cette décision, elle a tenu compte du fait que le prestataire avait demandé le renouvellement de son permis de travail en février 2020, avant son expiration en avril 2020Note de bas de page 9.

[18] La division générale a discuté de la demande de renouvellement de permis de travail présentée par le prestataire en février 2020 et a tenu compte des préoccupations de la Commission selon lesquelles le nom du prestataire ne figurait pas sur le reçu. Elle a admis le témoignage du prestataire selon lequel son avocat avait payé les frais et le nom de ce dernier figurait le reçuNote de bas de page 10.

[19] La division générale a également examiné le permis de travail du prestataire qui avait expiré en avril 2020 et les documents fournis par le prestataire qui décrivent son statut implicite. Elle a conclu que le prestataire avait demandé le renouvellement de son permis de travail en février 2020 avant son expiration et qu’il avait donc un statut implicite durant la période pendant laquelle la Commission lui avait refusé des prestations, à compter du 7 février 2021.

La division générale a ignoré des éléments de preuve pertinents

[20] La division générale a décidé que le prestataire était disponible pour travailler en février 2021 parce qu’il avait un statut implicite au moment demander le renouvellement de son permis de travail le 18 février 2020.

[21] La division générale a noté que le prestataire avait demandé le renouvellement de son permis de travail en février 2020 et a conclu qu’il n’avait pas reçu le nouveau permis en raison d’un changement de logement. Cette conclusion est incompatible avec les éléments de preuve pertinents dont la division générale n’a pas tenu compte.

[22] Le prestataire a fourni une copie d’une demande de renouvellement de son permis de travail datée du 18 décembre 2020. Cette demande fait partie du dossier dont la division générale était saisie et est la seule demande que le prestataire a fournie. Le formulaire demande aux prestataires d’indiquer leur adresse postale et comporte la mention suivante : [traduction] « Toute la correspondance sera envoyée à cette adresse à moins que vous n’indiquiez votre adresse électronique ci-dessous. En indiquant votre adresse électronique, vous autorisez IRCC à transmettre toute la correspondance, y compris des renseignements relatifs à votre dossier et des renseignements personnels à cette adresse électroniqueNote de bas de page 11. » Le prestataire n’a pas fourni d’adresse postale, mais il a fourni une adresse électronique. La division générale n’a pas demandé au prestataire à quelle adresse postale il s’attendait à recevoir le nouveau permis de travail, ni s’il s’attendait à le recevoir par courriel. Cet élément de preuve est pertinent à la question de savoir si le prestataire avait toujours un statut implicite en février 2021.

[23] La division générale n’a pas non plus tenu compte dans sa décision du reçu daté du 29 mars 2021 que le prestataire a présenté en lien avec sa demande à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Le prestataire a été interrogé au sujet du reçu, mais il n’a pas clairement expliqué pourquoi ces frais avaient été payés à cette date. Son témoignage laisse entendre que ce reçu était lié à quelque chose pour lequel il s’attendait à un remboursement en 2017Note de bas de page 12.

[24] Selon les notes concernant son appel téléphonique avec un agent de Service Canada, le prestataire a affirmé que ces frais avaient été payés pour renouveler son permis d’avril 2020 qui devait expirer en mars 2021Note de bas de page 13. Il s’agit probablement du permis qu’il n’a pas reçu. Toutefois, la preuve ne permet pas de déterminer clairement si le prestataire a présenté une autre demande de renouvellement de son permis de travail même s’il n’a pas reçu de réponse à sa demande précédente. La preuve ne permet pas non plus de déterminer clairement le motif du paiement du 29 mars 2021.

[25] La Commission avait également fait référence aux délais de traitement alors en vigueur dans ses observations écrites à la division générale. Au 29 mars 2021, soit à la date indiquée sur le deuxième reçu du prestataire, le délai de traitement d’une demande de renouvellement d’un permis de travail était de 50 joursNote de bas de page 14. La division générale n’a pas tenu compte de cet élément de preuve et n’a pas demandé au prestataire s’il avait fait un suivi à l’égard de sa demande.

[26] La Commission a admis que le prestataire avait un statut implicite pendant sa période de chômage de février 2020 à juillet 2020 sur la base du reçu daté du 18 février 2010 qu’il avait fourni. Ce reçu donnait à penser qu’il avait demandé le renouvellement de son permis de travail expirant en avril 2020. Lorsque le prestataire a été mis à pied de nouveau en février 2021, la Commission lui a demandé une copie de son permis de travail. Le prestataire a affirmé qu’il ne l’avait pas reçu et que c’était peut-être parce qu’il avait déménagé.

[27] La division générale n’a pas demandé au prestataire s’il s’était renseigné auprès d’IRCC dans l’année qui a suivi sa demande de renouvellement. Cette information est pertinente pour déterminer si la demande du prestataire était toujours en suspens et s’il avait donc toujours un statut implicite. Une personne ne conserve son statut implicite que jusqu’à ce qu’une décision ait été prise concernant sa demande.

[28] La preuve présentée à la division générale donne à penser que le prestataire n’a pas fourni d’adresse postale avec sa demande de renouvellement de son permis de travail, et que la correspondance ait pu être transmise par courriel. Cela va à l’encontre de la conclusion selon laquelle le prestataire n’a pas reçu son nouveau permis de travail en raison d’un changement de logement.

[29] En ne tenant pas compte de tous les faits pertinents et en ne résolvant pas les éléments de preuve contradictoires dont elle disposait, la division générale a commis une erreur de droitNote de bas de page 15.

[30] Ayant conclu que la division générale a commis une erreur, je n’ai pas à examiner les autres arguments de la Commission.

Réparation

[31] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. La division générale n’a pas demandé au prestataire s’il s’était renseigné sur l’état de sa demande de renouvellement de son permis de travail qui expirait en avril 2020. Elle ne l’a pas interrogé sur le fait que le seul formulaire de demande qu’il avait fourni laissait entendre qu’il avait pu recevoir son nouveau permis par courriel.

[32] Cette information est pertinente pour déterminer si le prestataire avait un permis de travail valide ou un statut implicite au 7 février 2021. Dans les circonstances, je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine si le prestataire était disponible pour travailler au Canada à compter du 7 février 2021. Le prestataire aura l’occasion de plaider pleinement sa cause et de présenter tout nouvel élément de preuve pertinent.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en ignorant certains éléments de preuve pertinents. Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.