Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 752

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. M
Représentante ou représentant : Nicole Fowlie
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (425812) datée du
8 juillet 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date d’audience : Le 12 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 27 août 2021
Numéro de dossier : GE-21-1295

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec A. M. (prestataire).

[2] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler à compter du 10 janvier 2021. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 10 janvier 2021.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 10 janvier 2021 parce qu’elle avait décidé d’aller à l’université et n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[5] Il existe une présomption légale selon laquelle les personnes qui sont aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. La Commission affirme que la prestataire n’a pas réussi à réfuter cette présomption. La Commission dit que la prestataire fréquentait l’école à temps plein de 9 h à 15 h chaque jour et qu’elle ne voulait pas accepter un emploi à temps plein qui entrait en conflit avec ses études. La Commission dit également que la prestataire n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler. La Commission soutient que la prestataire n’a pas exprimé son désir de retourner sur le marché du travail parce qu’on lui a demandé de soumettre un dossier de recherche d’emploi, mais qu’elle n’a pu décrire que deux demandes d’emploi à temps partiel. La Commission affirme que la prestataire a également imposé des limitations personnelles qui ont indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable était disponible parce qu’elle ne voulait pas accepter un travail à temps plein qui entrait en conflit avec ses études, même lorsque son semestre scolaire a pris fin. Elle s’est limitée à attendre que son employeur la rappelle afin qu’elle puisse reprendre son emploi à temps partiel existant.

[6] La prestataire n’est pas d’accord. Elle dit qu’elle avait travaillé de 30 à 34 heures par semaine tout en fréquentant l’université à temps plein. Elle a été mise à pied en janvier 2021 en raison de la pandémie. La prestataire affirme qu’elle est restée disponible pour travailler au même titre que pour l’emploi qu’elle occupait avant d’être mise à pied. Elle dit que ses cours étaient en ligne et qu’il n’y avait pas d’exigences d’assiduité. La prestataire affirme qu’elle n’a pas cherché d’autre travail, hormis deux emplois pour lesquels elle a postulé à temps partiel en mai 2021, car elle savait que son employeur actuel la rappellerait une fois le confinement terminé. Elle dit avoir effectivement repris son travail pour des périodes comprises entre le 10 janvier 2021 et le 10 juin 2021. La prestataire soutient que les circonstances de la pandémie doivent être prises en compte pour déterminer sa disponibilité.

Questions que je dois examiner en premier

Documents déposés après l’audience

[7] La représentante de la prestataire a demandé l’occasion de soumettre des documents montrant les heures de travail de la prestataire pendant la période d’inadmissibilité. J’ai autorisé cette demande. Les documents ont été soumis le 17 août 2021Note de bas page 1. J’ai accepté ces documents comme preuve puisqu’ils sont pertinents à la question de la disponibilité pour travailler de la prestataire. Les documents ont été fournis à la Commission avec la possibilité d’y répondre avant le 24 août 2021, mais aucune réponse n’a été reçue.

Question en litige

[8] La prestataire était-elle disponible pour travailler à compter du 10 janvier 2021?

Analyse

[9] Deux articles différents de la loi exigent que toute partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission affirme qu’elle a rendu la prestataire inadmissible au titre des deux articles.

[10] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 2. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas page 3 ».

[11] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 4. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 5. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[12] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une partie prestataire qui est aux études à temps plein est présumée ne pas être disponible pour travaillerNote de bas page 6. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que l’on considère que les personnes qui sont aux études ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[13] Je vais d’abord voir si je peux présumer que la prestataire n’était pas disponible pour travailler.  

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[14] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein. 

[15] La prestataire a témoigné qu’elle en était à sa deuxième année d’un diplôme en kinésiologie de quatre ans à l’Université Brock. L’université considère qu’il s’agit d’un programme à temps plein. La prestataire a déclaré que du 10 janvier 2021 au 24 avril 2024, elle suivait cinq cours. Après la fin du semestre, elle n’a pas eu de cours jusqu’à la reprise de l’école en septembre 2021. La prestataire estime qu’elle a consacré 30 heures par semaine au total à sa scolarité, ce qui comprend le visionnement des conférences, son temps d’étude et la réalisation de travaux. Elle a expliqué que tous ses cours étaient en ligne. Il n’y avait pas d’exigences en matière d’assiduité et elle pouvait effectuer le travail à son propre rythme.

[16] J’estime que la prestataire a étudié à temps plein jusqu’au 24 avril 2021. Pour prendre cette décision, j’ai tenu compte du fait que l’université considère qu’il s’agit d’un programme à temps plein. De plus, la prestataire avait une charge de cours complète de cinq cours. En outre, la prestataire consacrait un total de 30 heures par semaine à ses études, ce qui correspond à une semaine de travail complète qui serait normalement de 37,5 heures.   

[17] Puisque la prestataire étudiait à temps plein, la présomption s’applique jusqu’au 24 avril 2021, mais pas par la suite, car elle ne suivait pas de cours après le 24 avril 2021. Par contre, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est‑à‑dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas).  

[18] La prestataire peut réfuter cette présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a l’habitude de travailler à temps plein tout en étant aux étudesNote de bas page 7. Sinon, elle peut démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas page 8.

[19] La Commission affirme que la prestataire n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité parce que les exigences d’assiduité de son programme constituent une limitation importante concernant la capacité de la prestataire à chercher et à accepter un emploi convenable. La Commission soutient que la prestataire lui a dit qu’elle va à l’école de 9 h à 15 h tous les jours de la semaineNote de bas page 9. La Commission précise que la prestataire lui a également dit qu’elle ne cherchait qu’un emploi à temps partiel en attendant de reprendre son ancien emploiNote de bas page 10. La Commission dit également que la prestataire a déclaré qu’elle ne serait pas disposée à accepter un emploi à temps plein qui entrerait en conflit avec ses études.

[20] La prestataire a témoigné qu’elle avait travaillé de 30 à 34 heures toutes les deux semaines tout en fréquentant l’école à temps plein avant d’être mise à pied en janvier 2021. Elle a témoigné que dans l’environnement de vente au détail où elle travaillait, elle pouvait travailler aussi tôt que 7 h 30 avant l’ouverture du magasin ou travailler aussi tard que 22 h. La prestataire a déclaré qu’elle n’aurait pas quitté son programme pour travailler à temps plein, mais qu’elle aurait pu travailler à temps plein si les heures de travail étaient le matin ou le soir. Elle a déclaré que son horaire flexible lui permettait de travailler pour son employeur actuel. Elle faisait son travail scolaire quand elle ne travaillait pas. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas réduit ses heures de disponibilité au travail après avoir été mise à pied. Elle est restée disponible pour travailler de 30 à 34 heures toutes les deux semaines, comme elle le faisait avant d’être mise à pied. Elle affirme qu’il n’y a eu aucun jour où elle n’était pas disponible pour travailler, à l’exception de quelques heures pendant les quatre jours d’avril 2021 où elle avait des examens. La prestataire affirme qu’au cours de l’été, elle a dit à l’employeur qu’elle était disponible n’importe quel jour. Si on lui avait proposé un horaire à temps plein pendant l’été, elle l’aurait accepté. 

[21] La prestataire a confirmé dans son témoignage qu’elle n’avait pas combiné un travail à temps plein avec des études à temps plein.

[22] Puisque la prestataire n’a pas travaillé à temps plein tout en fréquentant l’école à temps plein, elle ne peut pas réfuter la présomption de cette façon. 

[23] Cependant, j’estime que la prestataire a démontré qu’il existait des circonstances exceptionnelles pour réfuter la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler tout en étant aux études à temps plein. J’accepte le témoignage sous serment de la prestataire selon lequel tous ses cours étaient en ligne, qu’il n’y avait pas d’exigence d’assiduité et qu’elle pouvait travailler sur ses cours à son propre rythme. Elle avait donc la possibilité de travailler. Bien que la prestataire n’ait pas combiné un travail à temps plein avec des études à temps plein, elle avait déjà combiné des études avec un travail à temps partiel pour un nombre suffisant d’heures assurables pour pouvoir établir une demande de prestations.

[24] Même si la prestataire a dit qu’elle aurait pu accepter un emploi à temps plein si les heures étaient le matin ou le soir, j’estime que ce n’était pas son intention. Elle a témoigné qu’elle est restée disponible après la mise à pied pour travailler 30 à 34 heures par semaine. Cela correspond aux renseignements qu’elle a fournis à l’agent de révision de la Commission, selon lesquels elle n’était pas disposée à se rendre disponible pour un travail à temps pleinNote de bas page 11

[25] Cependant, même si la prestataire n’était pas prête à accepter un travail à temps plein pendant qu’elle était aux études, j’estime qu’on ne peut pas présumer que la prestataire n’était pas disponible pour occuper un emploi convenable simplement parce qu’elle ne s’est pas rendue plus disponible pour travailler qu’elle ne l’était avant d’être mise à pied. La Loi sur l’assurance-emploi exige qu’une partie prestataire soit capable d’occuper un « emploi convenable » et disponible pour occuper un tel emploi, mais incapable d’en obtenir unNote de bas page 12. Il n’est dit nulle part qu’un emploi convenable doit être un emploi à temps plein.

[26] Un « emploi convenable » est défini comme celui pour lequel l’état de santé et les capacités physiques de la partie prestataire lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail, l’horaire de travail n’est pas incompatible avec les obligations familiales de la partie prestataire ou ses croyances religieuses, et la nature du travail n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses de la partie prestataireNote de bas page 13.

[27] Je suis convaincue que la prestataire a démontré qu’il existe des circonstances exceptionnelles pour réfuter la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible pour travailler. Ces circonstances comprennent un horaire scolaire flexible et des antécédents de travail à temps partiel tout en étant aux études à temps plein, avec un nombre d’heures assurables suffisant pour établir une demande de prestations. Elles comprennent également le fait que la prestataire n’a pas réduit les heures ou les jours où elle était disponible pour travailler après avoir été mise à pied. On ne peut donc pas présumer qu’elle n’est pas disponible pour travailler en raison de ses études à temps plein qui se sont poursuivies jusqu’au 24 avril 2021.

[28] J’estime que la prestataire a réfuté la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler du 10 janvier 2021 au 24 avril 2021. La présomption ne s’applique pas après cela, car elle n’allait plus à l’école à compter du 24 avril 2021.

[29] Le fait de réfuter la présomption signifie seulement que l’on ne présume pas que la prestataire n’est pas disponible. Je dois quand même décider si la prestataire a prouvé qu’elle était réellement disponible pour travailler à compter du 10 janvier 2021.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[30] La première section de la loi que je vais examiner prévoit que les parties prestataires doivent prouver que leurs démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 14.

[31] La loi énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 15. Les démarches d’une partie prestataire doivent être soutenues et orientées vers la recherche d’un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à essayer de trouver un emploi convenable.  

[32] Le Règlement sur l’assurance-emploi énumère neuf activités de recherche d’emploi qui sont considérées comme des démarches habituelles et raisonnables. En voici quelques exemples : la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation, l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois en ligne ou d’agences de placement, et la présentation de demandes d’emploiNote de bas page 16.

[33] Si une partie prestataire ne se conforme pas à une demande de prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables, elle peut être inadmissibleNote de bas page 17 au bénéfice de prestations jusqu’à ce qu’elle se conforme à une demande et fournisse les renseignements demandés. Pour qu’une partie prestataire soit inadmissible au titre de cet article, la Commission doit d’abord demander à la partie prestataire de fournir une preuve et préciser le type de preuve qui répondra à ses exigencesNote de bas page 18.

[34] La Commission dit qu’elle a rendu la prestataire inadmissible parce que cette dernière n’a pas prouvé qu’elle avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi.

[35] Je dois décider si la Commission a demandé une preuve à la prestataire et lui a dit quel type de preuve répondrait à ses exigences.

[36] La Commission affirme qu’on a demandé à la prestataire de fournir un dossier sur ses démarches de recherche d’emploi, mais qu’elle n’a pu fournir aucun document à l’appui. Elle a plutôt décrit ses demandes d’emploi à temps partiel dans un café et dans un chenil. La Commission indique que la prestataire a soutenu qu’elle a postulé auprès d’environ cinq employeurs par semaine, mais qu’elle n’a pas été en mesure de fournir des détails précis sur les employeurs pour lesquels elle a postulé ou sur le moment où elle l’a fait. La Commission dit que la prestataire n’a pas prouvé que ses démarches étaient soutenues ou qu’elle a fait des démarches suffisantes pour obtenir un emploi convenable.

[37] La prestataire n’est pas d’accord. Elle a déclaré que la Commission ne lui avait pas demandé de fournir des renseignements sur sa recherche d’emploi. Elle dit qu’elle n’a pas cherché d’autres postes de janvier 2021 à mai 2021, car elle savait qu’elle avait un emploi à temps partiel pour lequel elle serait rappelée dès que le confinement serait terminé. L’employeur lui a dit qu’elle serait rappelée lorsque les fermetures liées au confinement seraient terminées. Elle dit avoir été rappelée pour des périodes de travail après la première mise à pied. Elle a déclaré qu’après la dernière mise à pied, le 23 avril 2021, elle a été rappelée au travail le 10 juin 2021. La prestataire dit que ce confinement a été plus long que les autres. En mai 2021, elle a donc postulé pour deux emplois à temps partiel, l’un dans un café et l’autre dans un magasin d’aliments pour animaux. Elle dit aussi qu’elle recevait des alertes d’Indeed et d’un site du gouvernement du Canada. La prestataire a confirmé qu’elle n’a postulé que pour ces deux emplois depuis le 10 janvier 2021.

[38] J’estime que la Commission ne peut pas rendre la prestataire inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’a pas fourni la preuve qu’elle avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploiNote de bas page 19.

[39] J’accepte que l’agent de la Commission ait demandé à la prestataire de fournir une recherche d’emploi. Les notes de l’agent indiquent qu’on a demandé à la prestataire de fournir une [traduction] « liste de ses démarches de recherche d’emploiNote de bas page 20 ». Il est possible que la prestataire ne se souvienne pas de tous les détails de cette conversation. Je préfère la documentation écrite concernant les détails de la conversation.

[40] Les notes indiquent en outre que la prestataire a répondu à la demande de l’agent de révision en parlant des deux emplois pour lesquels elle avait postulé. Elle a également mentionné qu’elle avait postulé pour d’autres emplois par l’intermédiaire d’Indeed, mais qu’elle ne se souvenait pas de quels emplois il s’agissait. Cependant, la Commission n’a pas ensuite expliqué à la prestataire les activités de recherche d’emploi précises qui étaient requises ou ne lui a pas dit qu’elle devait fournir une preuve de ces activités. S’il est vrai que la recherche d’emploi est l’une des démarches requises, ce n’est pas la seule et aucune de ces autres démarches n’a été mentionnée à la prestataire ni abordée avec elle. Ainsi, je ne suis pas convaincue qu’on ait précisé à la prestataire quelle preuve était nécessaire pour démontrer qu’elle avait fait des démarches habituelles raisonnables ou qu’on lui ait demandé de fournir cette preuve. Le simple fait de demander que la prestataire fournisse des renseignements sur sa recherche d’emploi ne suffit pas.

[41] Étant donné que la Commission n’a pas précisé quel type de preuve répondrait à ses exigences et qu’elle a ensuite demandé à la prestataire de fournir cette preuve, la Commission ne peut pas rendre la prestataire inadmissible aux prestations pour avoir omis de fournir la preuve qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[42] Je dois également décider si la prestataire a prouvé qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 21. La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour trancher cette question. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas page 22 :

  1. a) montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est‑à‑dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[43] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas page 23.

Vouloir retourner travailler

[44] La prestataire a démontré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[45] Aucune preuve n’indique que l’emploi actuel de la prestataire n’était pas convenable pour elle, conformément à la définition de ce termeNote de bas page 24. Elle était admissible aux prestations d’assurance-emploi en fonction des heures qu’elle a effectuées dans le cadre de cet emploi. Je suis convaincue que son emploi actuel était un emploi convenable.

[46] La prestataire soutient qu’elle voulait travailler. Elle dit qu’elle voulait reprendre son emploi à temps partiel existant et qu’elle l’a fait chaque fois qu’elle a été rappelée. La prestataire a fourni des observations après l’audience avec des documents montrant les périodes au cours desquelles elle avait travaillé depuis le 10 janvier 2021. Elle dit avoir essayé de trouver un autre emploi à temps partiel lorsque la mise à pied de mai 2021 s’est prolongée pendant une période plus longue que les mises à pied précédentes.   

[47] La Commission dit que bien que la prestataire ait fait des déclarations selon lesquelles elle était prête à reprendre un emploi à temps plein lorsque son employeur la rappellerait, elle n’a pas exprimé ce désir, car elle n’a pu décrire que deux demandes d’emploi à temps partiel.

[48] Cependant, la Commission ne fait aucune mention de l’emploi existant de la prestataire ou du fait qu’elle est retournée au travail à plusieurs reprises au cours de la période d’inadmissibilité.

[49] Je suis convaincue que la prestataire voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Elle voulait retourner à son emploi actuel, qui, à mon avis, lui offrait la meilleure chance de trouver un emploi convenable étant donné les fermetures dans le secteur du commerce de détail à l’échelle de la province. Bien que la prestataire n’ait fait aucune démarche pour obtenir un autre emploi entre le 10 janvier 2021 et avril 2021 et qu’elle n’ait postulé que pour deux emplois à temps partiel à partir de mai 2021, la prestataire est restée disponible pour son emploi actuel. Les documents présentés par la prestataire après l’audience montrent qu’elle a accepté un emploi auprès de son employeur actuel après le 10 janvier 2021Note de bas page 25.

[50] Plus précisément, la documentation présentée après l’audience montre que la dernière période de paie de la prestataire avant qu’elle ne fasse une demande de prestations d’assurance-emploi a pris fin le 9 janvier 2021. Elle a ensuite travaillé pendant la période de paie du 7 février au 20 février 2021, au cours de laquelle il est noté qu’elle a travaillé 138,16 heures. La rémunération pour cette période est notée comme un salaire brut de 258,78 $Note de bas page 26. Cependant, je pense que la notation des heures est probablement incorrecte. Le taux de rémunération de la prestataire sur ses talons de paie est de 14,61 $ l’heure, alors il est probable que ces heures étaient beaucoup moins élevées pour cette période de paie à la quinzaine. Quelles que soient les heures travaillées, elle est retournée au travail.

[51] Il existe deux séries d’informations différentes pour la période du 21 février 2021 au 6 mars 2021. Un document indique que la prestataire n’a pas travaillé entre le 21 février 2021 et le 6 mars 2021Note de bas page 27. L’autre document indique que la prestataire a travaillé 36,18 heuresNote de bas page 28. Du 7 mars 2020 au 20 mars 2021, il est noté que la prestataire a travaillé 43,25 heuresNote de bas page 29. Pour la période du 21 mars 2021 au 3 avril 2021, il existe deux séries d’informations différentes. Un document indique que la prestataire a travaillé 27,18 heuresNote de bas page 30. L’autre document indiquait zéro heureNote de bas page 31. Pour la période du 4 avril 2021 au 17 avril 2021, il existe deux séries d’informations différentes. Un document indique qu’elle a travaillé 19,9 heuresNote de bas page 32 et l’autre document indique qu’elle a travaillé 5,5 heuresNote de bas page 33. Pour la période du 18 avril au 1er mai 2021, il est noté que la prestataire a travaillé zéro heureNote de bas page 34.

[52] Il est possible que les écarts dans le nombre d’heures notées représentent les heures travaillées au cours de chaque semaine de la période de deux semaines, mais je ne peux pas conclure que c’est bien le cas, étant donné qu’aucune explication n’a été fournie pour ces écarts et que les informations font référence aux heures travaillées au cours de périodes de deux semaines.

[53] Il n’y a pas d’autres documents après le 2 mai 2021, et ce, jusqu’à la période du 30 mai au 12 juin 2021 au cours de laquelle la prestataire a travaillé 17,36 heuresNote de bas page 35. Cependant, son talon de chèque de paie pour cette période indique zéro heure travaillée. Du 13 juin 2021 au 26 juin 2021, la prestataire a travaillé 59,45 heuresNote de bas page 36. Cela est conforme au talon de paie pour cette périodeNote de bas page 37. Du 27 juin 2021 au 10 juillet 2021, la prestataire a travaillé 52,42 heuresNote de bas page 38. Cela est conforme à son talon de paie pour cette périodeNote de bas page 39. Du 11 juillet 2021 au 24 juillet 2021, la prestataire a travaillé 44,29 heuresNote de bas page 40. Cela est également conforme au talon de paie pour cette périodeNote de bas page 41.

[54] Même si les documents de paie fournis par la prestataire contiennent des renseignements incohérents quant aux heures travaillées, dans l’ensemble, les talons de paie montrent que la prestataire a tendance à retourner au travail lorsque du travail lui est offert. J’estime que cela démontre le désir de la prestataire de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Elle a exprimé ce désir en demeurant disponible pour un rappel auprès de son employeur actuel et en retournant travailler pour celui-ci lorsqu’elle le pouvait.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[55] La prestataire a fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable.

[56] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné les activités de recherche d’emploi mentionnées ci‑dessus. Ces activités me servent seulement de points de repère pour rendre une décision sur cet élémentNote de bas page 42.

[57] Les démarches de la prestataire pour trouver un nouvel emploi ont consisté à attendre d’être rappelée par son employeur actuel et, à partir de mai 2021, à postuler pour deux emplois à temps partiel. 

[58] La Commission affirme que la prestataire n’a pas fait suffisamment de démarches pour essayer de trouver un emploi. La Commission indique que le fait de ne postuler que pour deux emplois à temps partiel ne suffit pas. Selon la Commission, des démarches raisonnables de recherche d’emploi comprennent de multiples efforts de recherche d’emploi qui augmentent les chances de trouver un emploi convenable.

[59] La question que je dois trancher est de savoir s’il était suffisant pour la prestataire d’attendre le rappel de son employeur lorsqu’elle était en période de mise à pied ou si elle aurait dû chercher un autre emploi convenable pendant les périodes de mise à pied ou les périodes d’heures réduites.

[60] La prestataire a témoigné qu’avant la période de mise à pied de janvier 2021, elle travaillait habituellement de 30 à 34 heures toutes les deux semaines. La prestataire a déclaré qu’après la mise à pied de janvier 2021, elle est retournée au travail la semaine du 14 février 2021. Elle dit avoir travaillé jusqu’au 26 mars 2021 jusqu’à la semaine du 23 avril 2021, date à laquelle elle a été de nouveau mise à pied jusqu’à la semaine du 10 juin 2021. Ainsi, la prestataire a eu une mise à pied complète d’un peu plus d’un mois à partir de la semaine du 9 janvier 2019 jusqu’à son retour au travail le 14 février 2021. Elle a ensuite eu une deuxième mise à pied complète d’environ un mois et demi du 23 avril 2021 au 10 juin 2021.

[61] La jurisprudence entourant les mises à pied temporaires prévoit que lorsqu’une partie prestataire a été mise à pied avec la promesse d’être rappelée à une date précise, elle peut, pendant une période raisonnable, considérer le rappel promis comme étant la meilleure possibilité ou la plus probable, et agir en conséquence. À cet égard, le Tribunal prend note de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c MacDonald (1994), Doc. No A 672-93, confirmant la décision du juge-arbitre de ne pas rendre inadmissible pour cause de non-disponibilité une personne qui n’était disposée qu’à accepter le travail d’un employeur auprès duquel elle avait été employée pendant un certain temps, mais dont l’emploi n’était qu’intermittent. Pour parvenir à cette conclusion, le juge-arbitre s’est appuyé sur le principe selon lequel, lorsqu’une partie prestataire a de bonnes raisons de croire qu’elle sera rappelée au travail par son ancien employeur, elle doit bénéficier d’un délai raisonnable avant de devenir inadmissible aux prestations.

[62] J’estime que la prestataire croyait raisonnablement qu’à chacune des périodes de mise à pied complète, elle serait rappelée par son employeur actuel. Bien qu’elle ne connaisse pas les dates précises, les périodes de mise à pied ont été assez brèves, la plus longue ayant duré environ un mois et demi. J’estime qu’il s’agissait d’une période raisonnable pour que la prestataire attende son rappel, compte tenu de la pandémie et des fermetures de nombreuses entreprises pendant les périodes de confinement. Bien que la prestataire n’ait fait que deux demandes d’emploi en mai 2021, ces démarches doivent être considérées à la lumière du fait que de nombreux points de vente au détail auraient été fermés ou auraient eu des effectifs réduits, comme c’est le cas de son employeur actuel.

[63] Je suis convaincue, étant donné les conditions dans lesquelles la prestataire a été mise à pied, que la voie la plus probable vers le retour à l’emploi de la prestataire était d’attendre de se faire rappeler.    

[64] Je suis également convaincue que même pendant les périodes où la prestataire travaillait mais avait des heures réduites, elle a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable en restant disponible pour son employeur pour les heures qui pouvaient lui être offertes. En effet, en juin 2021, les heures de travail de la prestataire ont dépassé les heures qu’elle avait avant la mise à pied de janvier 2021.

[65] J’estime que les démarches de la prestataire en attendant d’être rappelée et ses deux demandes d’emploi en mai 2021 étaient suffisantes pour prouver qu’elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable à partir du 10 janvier 2021.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[66] La prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[67] La Commission affirme que la prestataire lui a dit qu’elle va à l’école tous les jours de 9 h à 15 h. La Commission affirme que l’horaire scolaire de la prestataire est une limitation indue qui a grandement réduit les chances de la prestataire de retourner sur le marché du travail. La Commission affirme que le refus de la prestataire d’accepter un travail à temps plein qui entre en conflit avec son horaire scolaire est également une condition personnelle qui limite indûment ses chances de retourner travailler.  

[68] La prestataire affirme que son horaire scolaire était flexible. La présence aux cours n’était pas requise et elle pouvait suivre les cours en ligne selon ses disponibilités. La prestataire affirme qu’elle n’a pas imposé de limitations indues à son retour sur le marché du travail puisqu’elle avait déjà un emploi, qu’elle attendait d’être rappelée par cet employeur et qu’elle est effectivement retournée occuper cet emploi après les mises à pied.

[69] Je note que, bien que la prestataire ait dit à la Commission qu’elle va à l’école tous les jours de 9 h à 15 h, elle a également dit à la Commission que son horaire scolaire est également flexible, ce qui lui permet d’être disponible pour travailler. Elle a expliqué qu’en raison de la pandémie, ses cours sont en ligne et que, bien qu’elle ait choisi d’aller à l’école de 9 h à 15 h, elle pourrait modifier son horaire si nécessaireNote de bas page 43.

[70] Compte tenu de la flexibilité de l’horaire scolaire de la prestataire et du fait que le milieu de la vente au détail dans lequel la prestataire cherchait du travail ne fonctionne généralement pas uniquement selon un horaire de 9 h à 17 h, les études de la prestataire n’ont pas imposé une limitation indue à sa capacité de retourner sur le marché du travail.

[71] La prestataire a établi une limitation personnelle en ne cherchant pas d’emploi extérieur, à l’exception de deux demandes d’emploi. Elle a plutôt attendu d’être rappelée par son employeur actuel. Il est vrai que son emploi actuel n’était pas un emploi à temps plein. Toutefois, il s’agissait d’un emploi convenable, comme je l’ai déterminé ci-dessus. Comme mentionné ci-dessus, j’estime que le fait d’attendre d’être rappelée pour retourner exercer son emploi convenable actuel constituait la voie la plus probable vers le réemploi dans le cas de la prestataire. Le fait d’attendre de se faire rappeler ne constituait donc pas une limitation indue de la capacité de la prestataire à retourner sur le marché du travail. Cela est particulièrement vrai dans le cadre d’une pandémie au cours de laquelle il est probable que de nombreux organismes de vente au détail auraient été dans la même situation que l’employeur de la prestataire.

[72] Je conclus que la prestataire n’a pas imposé de limitations personnelles qui ont indûment limité son retour sur le marché du travail.

Alors, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[73] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable à compter du 10 janvier 2021.

Conclusion

[74] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter 10 janvier 2021.

[75] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.