Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

assurance-emploi – prestations de maternité et prestations parentales – choix des prestations standards ou prolongées – division d’appel – erreur de droit – mauvaise interprétation de la décision Karval rendue par la Cour fédérale

La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans son formulaire de demande, elle devait choisir entre deux options de prestations parentales : standards et prolongées. L’option standard offre jusqu’à 35 semaines de prestations à un taux supérieur; l’option prolongée offre jusqu’à 61 semaines de prestations à un taux inférieur. Combinée aux 15 semaines de prestations de maternité, l’option standard permet d’obtenir des prestations d’assurance-emploi pendant environ un an, tandis que l’option prolongée permet d’en recevoir pendant environ 18 mois. La loi prévoit que le choix est irrévocable dès que des prestations sont versées, ce qui signifie que le choix ne peut plus être modifié. Après avoir reçu son premier versement de prestations, la prestataire a demandé à la Commission de passer à l’option standard. La Commission a rejeté sa demande au motif qu’il était trop tard pour que la prestataire puisse changer d’option parce qu’elle avait déjà reçu des prestations parentales. La Commission a maintenu sa décision après révision.

La prestataire a fait appel de la décision devant la division générale (DG). La DG a accueilli l’appel et a conclu que la prestataire avait choisi les prestations standards. Elle a jugé que la prestataire croyait, lorsqu’elle a choisi 55 semaines, qu’elle choisissait la durée totale de ses prestations, incluant les prestations de maternité et les prestations parentales. La DG a aussi jugé que le formulaire de demande n’était pas clair en ce qui concerne l’interaction entre les prestations de maternité et les prestations parentales. La Commission a fait appel de la décision devant la division d’appel (AD). Cette dernière a accueilli l’appel.

La DA a conclu que la DG avait interprété la jurisprudence de façon beaucoup trop large (Karval, 2021 CF 395) lorsqu’elle a accordé une réparation à la prestataire parce que le formulaire de demande aurait pu être plus clair. La DA a estimé que la jurisprudence permet une réparation seulement lorsqu’une personne est induite en erreur. Cette mauvaise interprétation de la part de la DG était une erreur de droit. La DA a jugé que la DG avait commis une erreur lorsqu’elle a estimé que le formulaire de demande ne précisait pas que les prestations de maternité étaient un type de prestations totalement distinct. La DA a également jugé que la DG a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait qu’il existe deux caractéristiques définissant les différents types de prestations parentales et en se concentrant sur une seule d’entre elles pour déterminer le caractère raisonnable du choix de la prestataire. La DA a conclu que la prestataire a commis une erreur de bonne foi lorsqu’elle a choisi les prestations prolongées. Cependant, la DA a constaté que la Commission ne l’avait pas induite en erreur dans son choix. Par conséquent, la DA a décidé que le choix était irrévocable parce que la prestataire avait reçu son premier versement.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c AK, 2021 TSS 757

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Anick Dumoulin
Partie intimée : A. K.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 22 juillet 2021
(GE-21-1052)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 octobre 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 13 décembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-252

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le choix de prestations parentales fait par la prestataire, c’est-à-dire les prestations prolongées, est irrévocable (il ne peut plus être changé) pour les motifs que j’explique plus bas.

Aperçu

[2] L’appel a été déposé par l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, pour contester la décision de la division générale. Celle-ci a conclu que l’intimée, A. K. (prestataire), avait choisi de recevoir les prestations parentales standards de l’assurance-emploi. Dans son formulaire de demande, la prestataire avait cependant choisi les prestations parentales prolongées et sélectionné 55 semaines de prestationsNote de bas de page 1 .

[3] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en permettant à la prestataire de modifier son choix pour obtenir les prestations parentales standards. La Commission fait valoir que, même si la prestataire croyait à tort qu’elle devait choisir l’option prolongée pour recevoir des prestations pendant un an, cela ne suffit pas à invalider ou à annuler son choix. La [Commission] soutient donc que la prestataire ne pouvait pas modifier son choix après avoir reçu des prestations parentales.

[4] La Commission demande à la division d’appel d’accueillir l’appel et de rendre la décision que, selon elle, la division générale aurait dû rendre. La Commission fait valoir que la division générale aurait dû décider que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales prolongées et que son choix était irrévocable.

[5] La prestataire demande à la division d’appel de rejeter l’appel. Elle affirme avoir fait une erreur parce que le formulaire de demande n’était pas clair. Elle fait valoir qu’elle a agi rapidement lorsqu’elle a appris que ses prestations hebdomadaires étaient réduites. Elle ajoute que la Commission ne subira aucun préjudice. Elle demande le droit de modifier son choix pour obtenir les prestations parentales standards au lieu des prestations parentales prolongées.

Questions en litige

[6] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en permettant à la prestataire de modifier son choix de prestations parentales et d’obtenir les prestations standards au lieu des prestations prolongées parce que les options disponibles lui étaient peu familières et qu’elle ne comprenait pas bien le choix qu’elle faisait?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en permettant effectivement à la prestataire de modifier son choix de prestations parentales et d’obtenir les prestations standards au lieu des prestations prolongées après que des prestations parentales lui avaient déjà été versées?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en tentant de faire correspondre les intentions de la prestataire à son choix de prestations parentales?

[7] Je vais me concentrer sur la première question mentionnée ci-dessus.

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 2 .

Contexte

[9] La prestataire a demandé des prestations de maladie, des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Lorsqu’elle a rempli le formulaire de demande, elle a écrit qu’elle voulait recevoir les prestations parentales immédiatement après les prestations de maternitéNote de bas de page 3 .

[10] Il y a deux types de prestations parentales :

  • Les prestations parentales standards – le taux des prestations s’élève à 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable des prestataires, jusqu’à concurrence d’un montant maximal, et un parent peut toucher des prestations pendant un maximum de 35 semaines.
  • Les prestations parentales prolongées – le taux des prestations s’élève à 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable des prestataires, jusqu’à concurrence d’un montant maximal, et un parent peut toucher des prestations pendant un maximum de 61 semaines.

[11] La prestataire a choisi l’option prolongée, et non l’option standardNote de bas de page 4 .

[12] Le formulaire posait la question suivante : « Combien de semaines de prestations désirez-vous recevoir? ». En réponse à cette question, la prestataire a choisi le chiffre 55 dans le menu déroulantNote de bas de page 5 .

[13] La prestataire a également précisé dans le formulaire de demande que son dernier jour de travail était le 7 janvier 2021. Elle ne connaissait pas la date exacte de son retour au travailNote de bas de page 6 . Son employeur a déclaré dans le relevé d’emploi qu’il ne savait pas quand elle retournerait au travailNote de bas de page 7 .

[14] Après avoir reçu son premier versement de prestations parentales, la prestataire a téléphoné à la Commission. Elle voulait faire changer l’option de ses prestations parentales. L’agente lui a dit qu’elle ne pouvait plus changer d’option parce que des prestations parentales avaient déjà été verséesNote de bas de page 8 .

Étape de la révision

[15] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle voulait faire remplacer les prestations parentales prolongées par les prestations standards. Elle a écrit qu’elle ne s’est [traduction] « pas rendu compte [qu’elle avait] demandé des prestations parentales prolongées avant de recevoir […] un paiement le 18 mai 2021Note de bas de page 9 . » Elle a expliqué qu’au moment de remplir sa demande, elle [traduction] « avait du mal à démêler le congé de maladie, le congé de maternité et le congé parental et en remplissant [sa] demande [elle a] dû demander un congé prolongé par erreurNote de bas de page 10  ».

[16] La prestataire a écrit qu’elle voulait demander un congé standard. Elle avance que si la Commission avait confirmé ce qu’elle avait choisi, elle aurait immédiatement corrigé son choix et sélectionné les prestations standards au lieu des prestations prolongées, et ce, avant de recevoir le versement de prestations parentales.

[17] La prestataire a également expliqué pourquoi elle avait demandé 55 semaines de prestations. Elle pensait que le formulaire de demande lui demandait d’inclure toutes les semaines du congé de maladie, du congé de maternité et du congé parental. Elle ne s’est pas rendu compte que la question « Combien de semaines de prestations désirez-vous recevoir? » visait uniquement les prestations parentales.

Preuve présentée par la prestataire à la division générale

[18] À l’audience de la division générale, la prestataire a déclaré qu’elle avait toujours eu l’intention de s’absenter du travail pendant un an. Elle a donc demandé les prestations parentales prolongées parce qu’elle pensait qu’elle recevrait des prestations pendant seulement 35 semaines si elle choisissait l’option standard. Elle voulait des prestations de maladie, des prestations de maternité et des prestations parentales, alors elle a pensé qu’elle devait choisir l’option prolongée. Elle a déclaré qu’elle avait demandé 55 semaines, parce qu’elle pensait que cela comprenait ses 3 semaines de congé de maladieNote de bas de page 11 .

[19] Le 18 mai 2021, la prestataire a remarqué une grande différence dans ses versements. Dans son témoignage, elle a dit que la baisse importante du versement l’a avertie que quelque chose clochait, alors elle a ouvert une session dans Mon dossier Service Canada. Elle a vu que ses prestations de maternité avaient pris fin. Elle recevait maintenant les prestations parentales prolongées.

[20] La prestataire a communiqué avec Service Canada. L’agente lui a dit que, comme des prestations parentales lui avaient déjà été versées, elle ne pouvait pas passer des prestations parentales prolongées aux prestations standardsNote de bas de page 12 .

[21] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. La prestataire a écrit qu’elle ignorait avoir demandé l’option prolongée jusqu’à ce qu’elle reçoive son premier versement de prestations parentales le 18 mai 2021Note de bas de page 13 . La division générale a interrogé la prestataire à propos de cette déclaration. Elle a expliqué qu’elle ne s’était pas rendu compte [traduction] « qu’on allait lui en enlever autant à la fin du congé maternitéNote de bas de page 14  ».

[22] La prestataire a ajouté que le processus de demande l’avait laissée perplexe. Elle a déclaré qu’en rétrospective, elle aurait dû téléphoner pour avoir de l’aide, mais qu’elle n’avait pas le temps de le faire à ce moment-là et qu’elle avait [traduction] « tellement de choses à organiser » avec la pandémie et la naissance imminente de son enfantNote de bas de page 15 .

Décision de la division générale

[23] La division générale était d’accord avec la Commission sur un point : une fois que des prestations parentales sont versées, les prestataires ne peuvent pas modifier leur choix de prestations parentales. Cependant, la division générale a rejeté les arguments de la Commission selon lesquels ce que les prestataires cochent dans leur formulaire de demande est la seule information pertinente pour déterminer leur choix.

[24] La division générale a établi qu’elle devait tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents au sujet du type de prestations parentales que la personne avait probablement choisi. Il s’agissait notamment de tenir compte de la période pendant laquelle la personne avait l’intention de s’absenter du travail ainsi que de son degré de compréhension des prestations de maternité et des prestations parentales.

[25] La division générale a accepté l’explication de la prestataire voulant qu’elle avait demandé 55 semaines de prestations parce que, selon ce qu’elle avait compris, ce nombre incluait les prestations de maladie, les prestations de maternité et les prestations parentales. La division générale a également accepté l’explication de la prestataire voulant qu’elle avait demandé des prestations prolongées parce qu’elle avait compris à tort que, si elle choisissait l’option standard, elle obtiendrait seulement 35 semaines de prestations au total.

[26] La division générale a conclu que le formulaire de demande n’était pas clair, surtout pour la personne moyenne. Elle a trouvé le formulaire de demande tellement ambigu que les prestataires ne sauraient pas quoi choisir. En effet, la division générale a jugé que la prestataire ne comprenait pas que les prestations parentales et les prestations de maternité étaient versées sur des périodes distinctes.

[27] Comme la division générale a conclu que le formulaire de demande n’était pas clair, elle a jugé que le degré de compréhension de la prestataire en ce qui concerne les prestations de maternité et les prestations parentales était raisonnable.

[28] La division générale a conclu que la prestataire avait choisi de recevoir des prestations standards parce qu’elle croyait demander des prestations pendant un an. La division générale a conclu que la croyance de la prestataire correspondait au fait de demander des prestations parentales standards.

[29] La division générale a jugé qu’il aurait été illogique que la prestataire choisisse des prestations prolongées si elle voulait s’absenter du travail pendant un an, car un tel choix reviendrait à ne pas prendre toutes les prestations qui lui sont offertes.

[30] La division générale a reconnu qu’un choix est irrévocable (ne peut plus être changé) une fois que des prestations parentales ont été versées, mais elle a conclu que la prestataire avait choisi les prestations standards, de sorte qu’il n’y avait rien à révoquerNote de bas de page 16 .

Appel de la Commission à la division d’appel

[31] Selon la Commission, la division générale a commis les erreurs juridiques suivantes :

  • elle a essayé de faire correspondre les croyances ou les intentions de la prestataire à son choix de prestations parentales;
  • elle a laissé la prestataire modifier son choix parce que cette dernière avait fait une erreur et comprenait mal le programme d’assurance-emploi;
  • elle a laissé la prestataire modifier son choix après le premier versement de prestations parentales.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

[32] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en laissant la prestataire modifier son choix parce que les options qui s’offraient à cette dernière ne lui étaient pas familières et qu’elle ne comprenait pas bien le choix qu’elle faisait. La Commission affirme que la connaissance limitée ou la méconnaissance du régime d’assurance-emploi ne donne pas droit à la modification du choix de prestations parentales.

[33] La Commission fait valoir ceci :

[traduction]
Même si la prestataire croyait vraiment qu’elle devait choisir l’option prolongée pour obtenir des prestations pendant un an, une erreur, à elle seule, est généralement insuffisante pour invalider ou annuler un choix.

En général, une erreur ne suffit pas, à moins que le formulaire de demande ait contribué d’une quelconque façon à l’erreur des prestataires ou en ait été en partie responsableNote de bas de page 17 .

[34] La Commission reconnaît que certaines circonstances peuvent entraîner l’invalidation ou l’annulation du choix de prestations parentales. Mais elle fait valoir que les telles circonstances sont très limitées.

[35] Selon la Commission, la seule occasion où un choix est invalidé est lorsque le formulaire de demande contribue à l’erreur des prestataires ou en est la cause. Mais lorsque l’erreur découle du défaut de lire attentivement et de tenter de comprendre les options qui sont offertes aux prestataires, la Commission souligne qu’aucun recours judiciaire n’est possibleNote de bas de page 18 .

[36] La Commission prétend que le formulaire de demande contenait tous les renseignements nécessaires pour que la prestataire puisse décider du type de prestations parentales approprié :

  • Sous la rubrique « Type de prestations », plusieurs types de prestations sont énumérés. Dans la liste se trouvent les prestations régulières, les prestations de pêcheur, les prestations de maladie, les prestations de maternité, les prestations parentales, les prestations de compassion et les prestations pour proches aidants. Chaque type de prestation est décrit. La description permet aux prestataires de savoir pourquoi la prestation est offerte. Par exemple, les prestations de maternité sont offertes aux personnes enceintes ou qui ont récemment accouché. Les prestations parentales sont offertes aux personnes qui prennent soin d’un nouveau-né ou d’un enfant nouvellement adopté.

    La Commission fait remarquer que l’option des prestations de maladie permet de recevoir des prestations de maladie avant les prestations de maternité. Et l’option des prestations de maternité permet de recevoir d’abord des prestations de maternité et ensuite des prestations parentales.

    La Commission soutient que la liste montre clairement que les prestations de maladie, les prestations de maternité et les prestations parentales sont différentes les unes des autresNote de bas de page 19 .
  • Sous la rubrique « Renseignements sur la maternité », le formulaire demande aux prestataires « Désirez-vous recevoir des prestations parentales immédiatement après vos prestations de maternitéNote de bas de page 20 ? ». La Commission fait valoir que cette question montre clairement que les prestations de maternité et les prestations parentales sont deux types de prestations différents.

    La Commission souligne que, sous la même rubrique, il est également clair que les prestataires peuvent recevoir des prestations de maternité pendant un maximum de 15 semaines. L’option pour les prestations de maternité est rédigée ainsi : « Non, je veux seulement recevoir jusqu’à 15 semaines de prestations de maternité. »
  • Sous la rubrique « Information parentale », il y a des renseignements sur les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées. Chaque option précise le taux des prestations et le nombre de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées. La Commission fait remarquer que les prestations de maladie et les prestations de maternité ne sont mentionnées nulle part sous cette rubriqueNote de bas de page 21 .

[37] La Commission soutient que si la prestataire avait examiné le formulaire de demande dans son intégralité, elle se serait rendu compte que les prestations de maladie et les prestations de maternité sont différentes des prestations parentales. La Commission fait valoir que le formulaire de demande n’était pas ambigu ou trompeur au point de pouvoir amener la prestataire à croire à tort que les prestations de maladie, les prestations de maternité et les prestations parentales étaient la même chose ou que les 35 semaines de prestations parentales standards et les 61 semaines de prestations parentales prolongées incluaient les prestations de maladie et les prestations de maternité ou revenaient au même.

[38] La Commission soutient également que, si la prestataire avait consulté son compte Mon dossier Service Canada plus tôt, elle aurait remarqué qu’il y avait une différence entre chaque prestation.

[39] Durant son témoignage, la prestataire a dit à la division générale qu’elle avait ouvert une session dans son compte. Elle a ouvert la session après avoir reçu le premier versement de prestations parentalesNote de bas de page 22 .

[40] La prestataire a alors constaté que les prestations de maternité avaient pris fin et qu’elle recevait maintenant des prestations parentales. Toutefois, cet élément ne corrobore pas les arguments de la Commission selon lesquels la prestataire aurait nécessairement vu qu’il y avait une différence entre chaque prestation. Aucun élément de preuve n’a été présenté à la division générale pour montrer ce que la prestataire aurait vu dans son compte Mon dossier Service Canada si elle l’avait consulté plus tôt et non après avoir reçu le premier versement de prestations parentales.

[41] La prestataire soutient que le formulaire de demande était ambigu et trompeur, de sorte qu’elle n’aurait jamais pu savoir que les prestations de maternité et les prestations parentales étaient différentes. Elle fait remarquer le fait que la membre de la division générale a souligné que, depuis le début de l’année 2021, elle a traité plus de 25 dossiers semblables à celui de la prestataire. La membre a écrit que, si le formulaire de demande de prestations de maternité et de prestations parentales était clair et sans ambiguïté, elle n’aurait pas à traiter autant de dossiers dont les faits révèlent des scénarios semblables.

[42] Toutefois, les observations de la membre de la division générale ne font pas partie de la preuve. De plus, la membre de la division générale n’a pas donné à la Commission la possibilité de répondre à ses observations.

[43] Même si elle a dit que le formulaire de demande était ambigu et trompeur, la prestataire a déclaré durant son témoignage à la division générale qu’en remplissant le formulaire de demande, elle s’est rendu compte que les prestations de maladie, les prestations de maternité et les prestations parentales sont des prestations différentesNote de bas de page 23 . Elle a également déclaré qu’elle ne s’était pas rendu compte [traduction] « qu’on allait lui en enlever autant à la fin du congé maternitéNote de bas de page 24  ». Ces éléments de preuve donnent à penser que la prestataire savait qu’il y a une différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales.

[44] Je reconnais toutefois que la prestataire a aussi dit qu’elle comprenait les différences [traduction] « jusqu’à un certain pointNote de bas de page 25  ».

[45] Lorsque la prestataire a constaté que l’option standard permettait d’avoir 35 semaines de prestations, elle a été déroutée parce qu’elle croyait avoir besoin de plus de 35 semaines pour l’ensemble des prestations de maladie, des prestations de maternité et des prestations parentales. Pour cette raison, elle a cru que sa seule option était les prestations parentales prolongées, car elle a compris que cette option permettrait d’avoir des prestations de maladie, des prestations de maternité et des prestations parentales pendant un maximum de 61 semaines. En demandant 55 semaines, la prestataire pensait qu’elle incluait aussi les prestations pour son congé de maladieNote de bas de page 26 .

Conclusions de la division générale

[46] La membre de la division générale a mentionné l’affaire KarvalNote de bas de page 27 . Elle a conclu que les faits du présent dossier distinguaient les deux affaires.

[47] La membre a souligné les commentaires de la Cour fédérale. Au paragraphe 14, la Cour a écrit :

Il est certain que bon nombre de programmes de prestations gouvernementales sont complexes et assortis de conditions d’admissibilité strictes. Il est presque toujours possible, après coup, de conclure qu’il aurait fallu donner plus d’information, recourir à un langage plus clair et fournir de meilleures explications. Si un prestataire est réellement induit en erreur parce qu’il s’est fié à des renseignements officiels et erronés, la doctrine des attentes raisonnables lui offre certains recours juridiques. Cependant, lorsqu’une prestataire comme Mme Karval n’est pas induite en erreur, mais qu’elle ne possède tout simplement pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguës, il n’y a aucun recours possible en droit. Il incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre puis, si des doutes subsistent, de poser des questions.

[48] La division générale a conclu que ces commentaires ne s’appliquaient pas à la situation de la prestataire. La division générale a écrit qu’elle reconnaissait que la Cour a conclu que les questions figurant dans la section du formulaire de demande qui traite des prestations parentales ne prêtaient pas objectivement à confusion. Toutefois, la division générale a jugé que la Cour n’avait pas [traduction] « abordé l’interaction entre [la] section [sur les prestations parentales] et la section sur les prestations de maternitéNote de bas de page 28  ».

[49] Plus précisément, la division générale a jugé qu’à la question sur le nombre de semaines pendant lesquelles les prestataires désirent recevoir des prestations, le formulaire de demande ne précisait pas clairement que les semaines de prestations parentales sont distinctes des semaines de prestations de maternité. La membre a conclu que le formulaire de demande ne précisait pas que les prestations de maternité sont un type de prestation complètement différent et qu’elles sont exclues de la section sur les prestations parentales.

[50] La membre a écrit :

Même si la section sur la maternité mentionne les 15 semaines de prestations de maternité dans l’option « Non », je juge qu’il n’est peut-être pas évident pour les prestataires qu’il s’agit d’une prestation indépendante de la section sur les prestations parentales. Si une personne choisit l’option « Oui » en répondant à la question ci-dessus, il se peut qu’elle ne sache pas qu’elle demande alors des prestations de maternité pendant un maximum de 15 semaines, car le formulaire ne précise pas qu’elle obtiendra jusqu’à 15 semaines de prestations en plus des prestations parentales.

De plus, même si la question « Désirez-vous recevoir des prestations parentales immédiatement après vos prestations de maternité? » semble indiquer qu’il y a une certaine différence entre les types de prestations, je juge que ce n’est pas si clair et évident pour la personne moyenne, qui ne s’occupe pas de prestations d’assurance-emploi tous les jours. La question peut laisser croire à une distinction entre les prestations, mais elle ne définit pas la différence d’une façon assez claire pour que les prestataires comprennent clairement leur choix de prestations.

[51] La division générale a jugé qu’il ne s’agissait pas d’une affaire où la prestataire ne possédait pas les connaissances nécessaires pour répondre à des questions qui ne sont pas ambiguës. Elle a tiré cette conclusion parce qu’elle a jugé que la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales ainsi que la relation entre les deux types de prestations étaient ambiguës.

Erreur de la division générale

Interprétation de la décision Karval

[52] La division générale a mal interprété la décision Karval. Elle a interprété de façon trop large la conclusion que la Cour y a tirée quant aux circonstances dans lesquelles un recours est possible pour les prestataires.

[53] La Cour a précisé qu’un recours est possible lorsqu’une personne qui demande des prestations est réellement induite en erreur parce qu’elle s’est fiée à des renseignements officiels et erronés.

[54] Toutefois, la division générale n’a relevé aucun renseignement inexact dans le formulaire de demande. En effet, la division générale a jugé qu’il « n’est de toute évidence pas clair que les prestations de maternité sont versées sur une période distincteNote de bas de page 29  ». Elle a également jugé que le « formulaire de demande ne précise pas que les prestations de maternité sont un type de prestation complètement différent et qu’elles sont exclues du choix de prestations parentalesNote de bas de page 30  ». La division générale a ajouté que ce n’était « pas si clair et évident pour la personne moyenneNote de bas de page 31  » qu’il y a une différence entre les types de prestations.

[55] La description que fait la division générale des lacunes du formulaire de demande tombe directement dans la catégorie pour laquelle la Cour a écarté toute forme de réparation. La Cour a écarté la possibilité d’un recours dans les cas où il pourrait manquer des renseignements ou quand le langage aurait pu être plus clair et que de meilleures explications auraient pu être fournies.

[56] Le formulaire de demande aurait certainement pu être plus clair. Il aurait pu fournir plus d’information et de meilleures explications. Cependant, à moins que le formulaire de demande ne soit en effet inexact et trompeur, la prestataire ne peut pas invoquer ses lacunes pour faire invalider ou modifier son choix.

Différents types de prestations

[57] La division générale a également commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le formulaire de demande ne précisait pas que les prestations de maternité constituent un type de prestation complètement différent et qu’elles sont exclues du choix des prestations parentales. Une telle constatation ne tient pas compte de la section qui se trouve sous la rubrique « Type de prestationsNote de bas de page 32  ».

[58] La section dresse la liste des différents types de prestations. Il n’y a aucun lien ou similarité entre la plupart des prestations. Par exemple, les prestations de pêcheur sont versées aux personnes qui travaillent à leur compte dans le domaine de la pêche. Ce type de prestations n’a aucun lien avec les prestations pour proches aidants, par exemple, qui sont versées aux personnes qui fournissent des soins ou du soutien à une ou un membre de leur famille qui est gravement malade.

[59] Même s’il peut sembler y avoir une certaine similitude entre les prestations de maternité et les prestations parentales, elles apparaissent comme deux éléments séparés dans la liste. Chaque élément comporte une description qui diffère de l’autre. Par conséquent, la division générale a commis une erreur en concluant que le formulaire de demande ne précise pas que les prestations de maternité sont un type de prestation complètement différent.

Taux hebdomadaire de prestations

[60] Enfin, l’analyse de la division générale n’a pas tenu compte du fait que les différents types de prestations parentales comportent deux caractéristiques déterminantes. Les deux caractéristiques qui distinguent les prestations prolongées des prestations standards sont 1) le nombre maximal de semaines offertes et 2) le taux hebdomadaire de prestations.

[61] La prestataire a déclaré que la baisse importante du versement lui a signalé que quelque chose clochait. Le taux hebdomadaire de ses prestations est passé de 55 % pour les prestations de maternité à 33 % pour les prestations parentales prolongées. À ce moment-là, il est clair que la prestataire se préoccupait du taux des prestations qu’elle recevait plutôt que de la durée pendant laquelle elle recevrait des prestations.

[62] Pourtant, la division générale n’a pas analysé ni mentionné les raisons pour lesquelles il aurait été raisonnable que la prestataire s’attende à recevoir 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable alors qu’elle avait choisi l’option prolongée. Après tout, le formulaire de demande indique clairement que l’option prolongée permet d’obtenir des prestations au taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable des prestataires, jusqu’à concurrence d’un montant maximal.

[63] La division générale s’est concentrée sur le nombre de semaines pendant lesquelles la prestataire s’attendait à recevoir des prestations, sans se pencher sur le taux de prestations que la prestataire s’attendait à toucher.

[64] Si la prestataire s’attendait vraiment à recevoir des prestations au taux hebdomadaire de 55 %, cela n’aurait pas pu expliquer pourquoi elle a sélectionné les prestations parentales prolongées.

[65] Une personne qui demande des prestations peut s’attendre à en recevoir pendant le nombre de semaines demandé, mais elle devrait également s’attendre à recevoir des prestations au taux qui correspond à l’option qu’elle a choisie. Le formulaire de demande indique clairement que les prestations parentales standards sont versées à un taux hebdomadaire plus élevé que les prestations parentales prolongées. La division générale n’a cependant pas examiné cette question lorsqu’elle a évalué les intentions ou les croyances de la prestataire au moment de remplir le formulaire de demande.

[66] La division générale a conclu que la prestataire croyait que l’option prolongée était le seul type de prestations parentales qui lui donnerait droit à des prestations pour un an. Toutefois, l’option prolongée prévoyait aussi le versement des prestations au taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable. La preuve ne permet pas de savoir si la prestataire a fait peu de cas de cette partie de la description ou si, au moment de faire son choix, elle était prête à accepter le taux hebdomadaire de 33 % pour les prestations parentales prolongées.

[67] En sélectionnant l’option prolongée, la prestataire devait savoir ou aurait dû savoir qu’elle choisissait aussi de recevoir des prestations à un taux hebdomadaire moins élevé.

[68] Comme j’ai constaté que la division générale a commis une erreur, je n’ai pas à examiner les autres arguments de la Commission.

Réparation

[69] Comment puis-je réparer l’erreur de la division générale? Deux options s’offrent à moiNote de bas de page 33 . Je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen. Si je choisis la première option, je peux tirer des conclusions de faitNote de bas de page 34 .

Arguments des parties

[70] La Commission me recommande fortement de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Selon la Commission, la division générale aurait dû conclure que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales prolongées et que son choix est irrévocable.

[71] Selon la prestataire, même si la division générale a commis une erreur de fait, cela ne devrait pas modifier l’issue de l’appel. Elle affirme qu’il est clair que le formulaire de demande était trompeur. Ou, au mieux, le formulaire de demande ne donnait pas assez de renseignements pour lui permettre de le remplir correctement. Elle dit qu’elle a toujours voulu prendre seulement un an de congé. Elle a juste commis une erreur de bonne foi en remplissant le formulaire et en demandant des prestations prolongées.

[72] La prestataire fait valoir que les dispositions relatives à l’interdiction de modifier le choix des prestations ne devraient pas s’appliquer parce qu’elle a reçu un seul versement de prestations parentales avant d’appeler la Commission.

Responsabilités de la prestataire

[73] Comme la division générale et moi-même l’avons fait remarquer, la Cour a confirmé ceci dans la décision Karval : « Il incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre puis, si des doutes subsistent, de poser des questionsNote de bas de page 35 . »

[74] Ainsi, essentiellement, il appartient aux prestataires non seulement de lire attentivement et d’essayer de comprendre les options qui leur sont offertes, mais aussi de remplir avec soin et exactitude le formulaire de demande. (Cela suppose, bien sûr, que les renseignements qui décrivent les options d’admissibilité ne soient aucunement ambigus ni trompeurs.)

[75] Les faits de la présente affaire ne présentent aucun fondement juridique qui permettrait de dégager la prestataire de ces responsabilités fondamentales. Rien ne montre que les renseignements figurant dans le formulaire de demande étaient inexacts et trompeurs. Comme je l’ai expliqué plus haut, à moins que le formulaire de demande ne contienne des renseignements inexacts et qu’il ait effectivement induit la prestataire en erreur, aucun recours n’est possible, même si elle a commis une erreur de bonne foi et a reçu juste un paiement avant d’essayer de modifier son choix.

Conclusion

[76] L’appel est accueilli. Le choix de la prestataire, c’est-à-dire les prestations parentales prolongées, est irrévocable pour les motifs que j’ai expliqués ci-dessus.

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