Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 822

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. T.
Représentante ou représentant : Timothy Young
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada découlant d’une révision (424423) datée du 29 juin 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 25 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Personne représentant la partie appelante
Date de la décision : Le 3 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1275

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur du prestataire a dit qu’il avait été congédié parce qu’il avait enfreint la politique sur la consommation d’alcool et de drogues en obtenant un résultat positif à un test de dépistage de drogues. L’employeur a affirmé que le prestataire avait fourni deux explications différentes de la façon dont la substance s’était introduite dans son corps, ce qui l’a rendu indigne de confiance. Il a dit que le prestataire occupait un poste essentiel pour la sécurité et qu’il y avait une politique de tolérance zéro pour les violations de la politique sur la consommation d’alcool et de drogues.

[4] Le requérant convient qu’une substance a été trouvée dans son corps. Cependant, il dit ne pas avoir ingéré sciemment cette substance. Le test de dépistage de la substance a été effectué pendant qu’il était absent du travail et il n’était pas censé retourner au travail avant deux semaines après le test. Il a essayé de découvrir comment la substance s’était introduite dans son corps et a donné deux explications à l’entreprise. Il n’occupe pas non plus un poste essentiel pour la sécurité lorsqu’il travaille.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’il devait donc être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’a pas été mis en cause dans l’appel

[6] Le Tribunal envoie parfois une lettre à l’employeur pour lui demander s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans cette affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. L’employeur n’a pas répondu à la lettre. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre en cause l’employeur dans l’appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision imposerait des obligations juridiques à l’employeur.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Premièrement, je dois savoir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Je juge que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a échoué à un test de dépistage de drogues. Le prestataire devait subir un examen médical annuel pour être certifié pour exercer ses fonctions. Son urine a été analysée pour y vérifier la présence d’un certain nombre de substances interdites et on a constaté qu’elle contenait des concentrations de THC supérieures aux limites acceptablesNote de bas page 2.

[10] Le représentant de l’entreprise a informé la Commission que le prestataire avait été congédié « avec motif » pour un résultat de test de drogue positif. Il a été établi que le prestataire avait une quantité positive d’une substance identifiable dans son corps. Comme on a constaté qu’il n’avait aucune dépendance aux drogues et qu’il n’y avait pas de trouble médical, la personne représentant l’employeur a dit qu’ils n’avaient pas d’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Le représentant de l’employeur a déclaré que le prestataire savait que l’échec du test entraînerait son licenciement. Il a dit que le prestataire n’avait pas expliqué de façon claire pourquoi il avait du THC dans son corps et qu’il avait donné une explication différente lorsqu’il a été interrogé. Par conséquent, l’employeur a jugé que le prestataire n’était pas digne de confiance.

[11] Je conclus que la conduite qui a mené au congédiement du prestataire était la présence de THC dans son corps en quantité supérieure aux limites acceptables, ce qui contrevient à la politique de l’employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[12] Non, la raison pour laquelle le prestataire a été congédié n’est pas une inconduite au sens de la loi.

[13] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4. Il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire de conclure qu’elle voulait faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 5.

[14] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas page 6.

[15] Il faut que la Commission prouve que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 7.

[16] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire était au courant de la politique de l’entreprise sur la consommation de drogues en matière de drogues et de son obligation de produire un échantillon d’urine négatif. Elle dit aussi que le prestataire n’a pas fourni d’information pertinente à l’enquête de l’employeur de façon franche, et qu’il n’a pas démontré que sa consommation de cannabis avait été accidentelle. L’explication du prestataire concernant sa consommation de la substance interdite était incohérente et elle n’était pas appuyée par les faits au dossier. La Commission affirme que les actions du prestataire à la suite des tests ne concordaient pas avec son explication, en particulier son refus de fournir à l’employeur les chiffres de son test de dépistage de drogue, qui auraient, s’il les avait fournis, démontré qu’il avait à peine dépassé la limite permise. Elle a déclaré que ce n’est pas l’acte de consommer de la drogue qui est la cause du congédiement, mais les effets de la consommation de drogues sur la capacité à remplir les conditions d’emploi, qui sont la raison du congédiement et de la conclusion d’inconduite.

[17] Le représentant du prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la seule preuve de la façon dont le prestataire a consommé de la marijuana a été lorsqu’il a découvert qu’il y avait des biscuits contenant cette substance à une fête à laquelle il a assisté. Le prestataire était raisonnablement convaincu qu’il avait mangé un des biscuits et que c’est ainsi que la substance s’est retrouvée dans son corps.

[18] Le représentant du prestataire a fait valoir que la Commission a l’obligation de démontrer que le prestataire a consommé volontairement le THC et que la Commission n’a pas déclaré que le prestataire avait l’intention de consommer le ou les biscuits. Le représentant du prestataire a soutenu que la politique sur la consommation d’alcool et de drogues de l’entreprise ne précise les limites acceptables pour aucune substance. L’entreprise a fourni des renseignements sur les limites acceptables à la Commission en juin 2021. Les limites sont un addenda à la politique sur la consommation d’alcool et de drogues que le prestataire a vu pour la première fois dans le dossier de révision (voir la page GD3 du dossier d’appel). Pour cette raison, le prestataire ne pouvait pas connaître les limites acceptables.

[19] Le représentant du prestataire a déclaré que la Commission n’avait pas tenu compte de la définition de l’aptitude au travail et de l’interprétation de ce terme par l’employeur. L’entreprise a déclaré que le test positif signifiait que le prestataire était inapte au travail. Toutefois, le représentant du prestataire soutient que le test a été fait pendant que le prestataire était en congé. Il a été en congé du 10 au 31 décembre 2020. Il croit avoir mangé les biscuits le 12 décembre 2020. Il a échoué au test de dépistage de drogues le 17 décembre 2020. Comme le prestataire n’était pas censé retourner au travail pendant encore 16 jours, son représentant soutient que son test de dépistage de drogues positif du 17 décembre 2021 ne signifiait pas qu’il était inapte au travail.

[20] Le prestataire a déclaré qu’il est un travailleur en rotation qui travaille 21 jours et qui a ensuite 21 jours de congé. Il devait se rendre à son lieu de travail par avion le 31 décembre 2020 et reprendre le travail le 1er janvier 2021.

[21] Le prestataire a expliqué les circonstances qui, selon lui, l’ont amené à obtenir un résultat positif au test de dépistage du THC. Le prestataire a déclaré que le 12 décembre 2020, il est allé à une fête chez quelqu’un où les invités apportaient de la nourriture et où tout le monde pouvait se servir. Il y avait une trentaine ou une quarantaine de personnes à la fête, et il ne connaissait pas beaucoup de gens parce que les hôtes étaient des amis de sa petite amie. Il a bu de la bière à la maison avant d’aller à la fête, et il en a aussi bu à la fête. Il a dit que des gens fumaient de la marijuana dans une dépendance sur la propriété, et qu’il se trouvait dans une porte ouverte pendant qu’ils fumaient. Le prestataire a dit qu’il avait mangé la nourriture qui avait été apportée à la fête et la nourriture qui était dans la cuisine. À 23 h, après avoir mangé un peu, il a commencé à se sentir malade, alors lui et sa copine sont retournés à la maison.

[22] Le prestataire savait, avant de terminer sa rotation de travail, qu’il subirait un examen médical annuel le 17 décembre 2020. L’examen médical a eu lieu pendant ses jours de congé prévus. Il est nécessaire pour renouveler la certification du prestataire et il comprend un examen physique, une analyse sanguine, un examen de la vue et une analyse d’urine. Le prestataire a été informé que du THC avait été détecté dans son urine lors du test de dépistage du 23 décembre 2020. Il a été suspendu sans solde en attendant une enquête le 23 décembre 2020.

[23] Le prestataire a affirmé qu’il ne prend pas de drogue. Il a dit qu’il n’avait aucune idée de la façon il s’était retrouvé avec du THC dans son urine. Il pensait que c’était peut-être parce qu’il avait respiré la fumée secondaire des gens qui fumaient de la marijuana à la fête à laquelle il a assisté le 12 décembre 2020. Le prestataire a appris par la suite qu’il y avait des biscuits contenant de la marijuana à la fête. Les biscuits n’avaient rien d’écrit dessus. Ils avaient été gardés dans une armoire, et on les avait sortis et placés sur le comptoir. Il avait bu de la bière et pensait qu’il avait peut-être mangé de ces biscuits, et que c’était peut-être de cette façon que le THC s’était retrouvé dans son urine. Le prestataire a donné ces deux explications à l’entreprise.

[24] Le prestataire a expliqué qu’il avait reçu une copie de la politique de l’employeur sur la consommation d’alcool et de drogues par courriel lorsqu’il a commencé à travailler. Le représentant du prestataire a fait remarquer que la politique fournie par l’employeur à la Commission avait changé depuis l’embauche du prestataire. Cependant, le prestataire a dit avoir signé un formulaire d’attestation semblable à celui qui est joint à la politique actuelle. Le formulaire d’attestation précise que la personne qui le signe convient, entre autres choses, qu’elle a lu et compris la politique, que le respect de celle-ci est une condition d’emploi, qu’elle respectera la politique et, que si elle ne la respecte pas, elle pourrait faire l’objet de mesures correctives pouvant aller jusqu’au congédiement.

[25] Le prestataire a déclaré avoir signé un consentement à l’examen médical à la clinique où les examens ont lieu. Il a été examiné par un médecin. La clinique lui a téléphoné pour lui dire que ses niveaux étaient trop élevés. Deux tests ont été faits sur le même échantillon d’urine et les deux ont montré qu’il dépassait la limite permise. Le prestataire a déclaré qu’il n’avait vu aucun des rapports des résultats de l’analyse d’urine. Il ne voulait pas communiquer les résultats de l’examen médical à son employeur parce qu’il s’agissait d’un examen médical complet et qu’il considère qu’il s’agit de renseignements personnels.

[26] Après que le prestataire a obtenu un résultat positif au test de dépistage, il a été dirigé vers un autre médecin pour une évaluation de la dépendance aux drogues. Il a consenti à l’évaluation. Le prestataire a présenté une copie de l’évaluation avec son appel. L’évaluation a été entreprise le 14 janvier 2021 et a compris une discussion sur le fait que le prestataire avait obtenu un résultat positif au test de dépistage du métabolite de la marijuana le 17 décembre 2020. Le médecin a noté que la question de la source du métabolite de la marijuana demeurait sans réponse. Le médecin n’était pas convaincu que la fumée secondaire de marijuana entraînerait le niveau de métabolite de la marijuana dans le test du prestataire. Le médecin a écrit [traduction] « il est plus probable qu’improbable que le test positif soit dû à de la marijuana comestible qui, encore une fois, n’a pu être prouvé ».

[27] Le médecin qui a fait l’évaluation a conclu en partie ce qui suit :

[traduction]
À mon avis, [nom du prestataire] ne répond pas aux critères de trouble lié à la consommation de substances pour la marijuana ou l’alcool. Je n’ai pas pu vérifier la source du métabolite de marijuana dans son test d’urine (et lui non plus), mais il serait justifié de faire des tests aléatoires au cours des six prochains mois. J’ai jugé, après l’évaluation, que son retour au travail ne posait aucun problème pour la sécurité.

[28] Le prestataire a expliqué que le médecin qui l’avait examiné à la clinique en décembre 2020 était celui qui avait pris les dispositions pour qu’il voie le deuxième médecin pour l’évaluation. Le rapport du deuxième médecin était adressé au médecin de la clinique. Le 20 janvier 2021, le prestataire a été vu à la clinique par le même médecin qu’il avait vu en décembre 2020. Ce médecin a envoyé une « note de service à l’employeur » indiquant que le prestataire était apte à retourner au travail immédiatement. Le prestataire a accepté que la note de service soit remise à l’entreprise.

[29] Le prestataire a été congédié de son emploi le 23 février 2021.

[30] Le représentant de l’employeur a dit à la Commission qu’il ne savait pas quels niveaux de THC avaient été trouvés dans l’échantillon d’urine du prestataire. Il a expliqué que deux tests avaient été effectués sur le même échantillon. Le premier était un test de dépistage qui détecte la présence. Si le dépistage n’est pas négatif, l’échantillon est envoyé à un laboratoire pour une analyse plus détaillée. L’analyse a confirmé que les lectures étaient supérieures à la limite acceptable.

[31] Le représentant de l’employeur a dit à la Commission que le prestataire n’avait pas été coopératif durant l’enquête. Il a dit que le prestataire leur avait parlé de la fumée secondaire le 23 décembre 2020. Puis, le 5 janvier 2021, le prestataire a fourni l’information au sujet des biscuits. Le représentant de l’employeur a dit que le prestataire lui avait dit qu’il dépassait à peine la limite, mais qu’il avait refusé de signer une décharge pour que le médecin communique ce résultat à l’employeur. Le représentant de l’employeur a dit à la Commission qu’il ne comprenait pas pourquoi le prestataire avait refusé de signer la décharge étant donné que cela aurait pu aider sa cause. Il a aussi dit qu’il avait demandé au prestataire s’il consommait du THC sous forme de vaporisateur, de produits comestibles ou de cigarette. Il a dit à la Commission que le prestataire avait refusé de répondre et qu’il avait dit au représentant de l’employeur de communiquer avec son avocat.

[32] Le représentant de l’employeur a dit à la Commission qu’ils avaient donné au prestataire [traduction] « amplement d’occasions de dire la vérité ». Il a dit que [traduction] « si quelqu’un avait avoué l’avoir fait et ne pas avoir réalisé qu’il en avait tant consommé, ils auraient pu faire quelque chose ». Le représentant de l’employeur a affirmé qu’il se questionnait sur la crédibilité du prestataire. L’entreprise a fait affaire avec un avocat qui a dit qu’il était acceptable d’inclure cela dans la lettre de cessation d’emploi.

[33] Le représentant de l’employeur a dit à la Commission que le prestataire occupe un poste essentiel sur le plan des risques et non un poste essentiel à la sécurité. Le représentant de l’employeur a dit que le médecin n’avait pas rédigé de rapport. Le représentant de l’employeur a dit que son interprétation de ce que le médecin a dit (selon les mots du représentant de l’employeur) était que les chiffres étaient trop élevés pour qu’il s’agisse d’une situation ponctuelle et qu’il [le prestataire] devait se livrer à cette activité. Le représentant de l’employeur a dit à la Commission que la définition de l’aptitude au travail de l’entreprise était différente de celle du fournisseur de services médicaux. Il a dit [traduction] « il [c.-à-d., le fournisseur de services médicaux] croyait que, puisque le prestataire n’avait pas de dépendance, il était apte au travail. Toutefois, il n’était pas apte au travail selon les résultats des tests. »

[34] J’estime que la Commission n’a pas prouvé qu’il y avait eu inconduite, parce qu’elle n’a pas établi que le prestataire avait enfreint la politique de l’entreprise sur la consommation d’alcool et de drogues. Je conclus également qu’il n’y a aucune preuve que la consommation de marijuana par le prestataire était délibérée ou insouciante au point d’être délibérée.

Le prestataire n’a pas enfreint la politique sur la consommation d’alcool et de drogues

[35] L’employeur a fourni à la Commission un exemplaire de sa politique sur la consommation d’alcool et de drogues ainsi que l’addenda à la politique contenant les limites acceptables de diverses substances.

[36] La politique sur la consommation d’alcool et de drogues précise notamment ce qui suit :

[traduction]
La présente politique s’applique à tous les employés […] qui effectuent des travaux au nom de l’entreprise […]. En plus des obligations énoncées dans la présente politique, tous les employés et toutes les personnes qui exercent les activités de l’Entreprise ou qui visitent les locaux de l’Entreprise doivent se conformer à toute autre exigence relative à un client, à un site, à une convention collective ou à un contrat.

[37] La politique sur la consommation d’alcool et de drogues définit aussi les termes suivants :

[traduction]
Drogue
désigne toute substance ou tout agent chimique, légal ou illégal, y compris les médicaments sur ordonnance et en vente libre, dont la consommation agit principalement sur le système nerveux central et peut modifier temporairement ou négativement la façon dont une personne pense, se sent ou agit, et cause une déficience cognitive ou psychomotrice.

Aptitude au travail signifie la capacité d’une personne d’exécuter de façon sécuritaire et acceptable les tâches qui lui sont assignées sans aucune limite en raison de la consommation, des effets secondaires ou des effets résiduels de l’alcool, du cannabis, de drogues, de substances non médicinales, de médicaments, ou d’une autre substance ou d’un médicament ayant un effet sur l’humeur.

Métabolites désigne les produits intermédiaires issus de réactions métaboliques lorsque l’organisme assimile un médicament particulier.

Un motif raisonnable comprend, sans toutefois s’y limiter, les événements uniques suivants ou les modèles de comportement observés à une seule occasion :

  1. i. Observation visuelle directe ou renseignements crédibles d’un ou de plusieurs témoins oculaires au sujet de la possession ou de la consommation apparente d’alcool, de cannabis, de drogues […] par une ou des personnes identifiables, dans des circonstances qui semblent contrevenir à la présente politique;
  2. ii. Découverte d’alcool […] médicaments non prescrits […] pendant qu’un employé exerce des activités au nom de l’Entreprise ou qu’il est dans les locaux de celle-ci;
  3. iii. Observation visuelle directe ou renseignements crédibles d’un ou de plusieurs témoins oculaires au sujet de l’un ou l’autre des signes physiques ou comportementaux lorsqu’une personne exerce des activités au nom de l’Entreprise ou qu’elle est dans les locaux de celle-ci : [la liste de six éléments suit].

L’expression sous l’influence est utilisée pour décrire un état d’intoxication lié à la consommation d’alcool ou de drogues.

[38] La politique sur la consommation d’alcool et de drogues précise ce qui suit : [traduction] « Par conséquent, il est interdit d’être sous l’influence de l’alcool, du cannabis, de drogues, de substances non médicinales, de médicaments, ou de toute autre substance affaiblissant les facultés ou modifiant l’humeur qui nuit à la sécurité et au bon rendement d’un employé dans le cadre de son travail ».

[39] La politique sur la consommation d’alcool et de drogues ajoute ceci : [traduction] « Le non-respect de cette politique pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ».

[40] Sous la rubrique [traduction] « Exigences et interdictions », la politique sur la consommation d’alcool et de drogues dit ce qui suit : [traduction] « Afin de réduire au minimum le risque de diminution du rendement en raison de la consommation ou de l’abus de substances, il est strictement interdit à tout le personnel qui exerce des activités au nom de l’Entreprise ou qui se trouve dans les locaux de celle-ci de faire ce qui suit […] ». Une liste de neuf éléments est ensuite fournie et comprend entre autres [traduction] se présenter au travail, travailler ou se présenter à des tests de dépistage avec un taux d’alcool ou un taux de drogues dans le sang supérieur aux politiques, procédures et exigences de l’Entreprise, d’un client, d’un lieu de travail ou d’un contrat ». La liste interdit également la consommation de cannabis, la présence dans le corps de substances non médicinales ou de leurs métabolites, le fait de se présenter au travail ou d’être au travail sans être apte au travail en raison de la consommation, des effets secondaires ou des effets résiduels de la consommation de cannabis pendant les heures de travail, y compris pendant les repas ou les pausesNote de bas page 8.

[41] La politique sur la consommation d’alcool et de drogues précise que les employés doivent se conformer à une liste de dix exigences. Ils doivent entre autres se présenter au travail et demeurer aptes au travail, se présenter aux tests de dépistage et y participer lorsqu’il y a lieu, demeurer aptes au travail lorsqu’ils sont « sur appel », lorsqu’on leur demande de fournir leur consentement au moyen du formulaire d’attestation pour les tests de dépistage de drogues et d’alcool, et participer pleinement à toute enquête menée au titre de la politique, sur demandeNote de bas page 9.

[42] La politique sur la consommation d’alcool et de drogues précise que le défaut ou le refus de se soumettre à un test comme l’exige la politique constitue un motif de mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiement. La politique prévoit une procédure d’enquête dans les cas de situations d’inaptitude au travail et de présence présumée de drogues dans les locaux de l’Entreprise.

[43] Sous la rubrique [traduction] « Conséquences d’une violation de la politique », la politique sur la consommation d’alcool et de drogues précise que, dans toutes les situations, une enquête sera menée pour vérifier qu’il y a eu violation de la politique, qu’après tout test positif de dépistage de drogue confirmé, un employé peut être renvoyé pour une évaluation de la toxicomanie, que le défaut de participer à cette évaluation constitue une violation de la politique, et que si l’entreprise décide que l’emploi sera maintenu après une violation de la politique, l’employé sera tenu de conclure une entente de retour au travail régissant son emploi continu.

[44] Sous la rubrique [traduction] « Responsabilités », la politique sur la consommation d’alcool et de drogues précise, en partie, que les employés doivent effectuer leur travail en toute sécurité, se conformer à la politique, se présenter au travail en étant apte au travail et le demeurer pendant qu’ils sont dans les locaux ou sur les lieux de travail de l’Entreprise. Ils doivent également veiller à ce que leur comportement et leur rendement au travail ne soient pas affectés par la drogue lorsqu’ils participent aux activités de l’Entreprise, et collaborer, au besoin, aux enquêtes, y compris toute demande de participation à des tests.

[45] La lettre de cessation d’emploi précise que les résultats de l’examen médical périodique du prestataire du 17 décembre 2020 indiquent des niveaux de THC supérieurs à la limite acceptable, ce qui le rend inapte au travail et, par conséquent, en violation des politiques de l’employeur et du client. La lettre dit que tout au long de l’enquête, le prestataire n’a pas fourni d’information de façon franche concernant le test échoué. Elle affirme que l’explication du prestataire pour le résultat du test était différente à au moins deux reprises, et qu’il a continué de nier qu’il consomme du THC, de la marijuana, ses métabolites ou toute autre substance pertinente semblable. La lettre poursuit en mentionnant le fait que le rôle du prestataire est un rôle essentiel pour la sécurité et que l’entreprise a une tolérance zéro à l’égard des infractions à la politique sur la consommation d’alcool et de drogues et à l’égard du personnel jugé inapte au travail. La lettre précise qu’en raison des conclusions de l’enquête, y compris, sans toutefois s’y limiter, les renseignements fournis dans la lettre, le prestataire a été congédié pour un motif valable.

[46] Je remarque que même si la lettre précise que le prestataire a enfreint la politique sur la consommation d’alcool et de drogues de l’entreprise et celle du client de l’entreprise, il n’y a aucune preuve au dossier de la politique du client. Par conséquent, il n’y a aucune preuve de la façon dont la politique du client a été enfreinte.

[47] La lettre précise que les niveaux de THC supérieurs aux limites acceptables ont fait en sorte que le prestataire a été jugé inapte au travail et qu’il a donc enfreint la politique sur la consommation d’alcool et de drogues.

[48] Je remarque que la politique sur la consommation d’alcool et de drogues définit l’aptitude au travail comme la capacité à exécuter de façon sécuritaire et acceptable les tâches assignées sans aucune limite causée par la consommation, les effets secondaires ou les effets résiduels de l’alcool, du cannabis, de drogues, de substances non médicinales ou de médicaments, ou d’une autre substance ou d’un médicament ayant un effet sur l’humeur (mis en évidence par la soussignée). Le prestataire croit avoir consommé du THC à une fête le 12 décembre 2020. Il a été testé le 17 décembre 2020. Il devait reprendre ses fonctions le 1er janvier 2021. Rien n’indique que le prestataire ait été incapable d’exécuter les tâches qui lui avaient été assignées en toute sécurité et de façon acceptable à cette date.

[49] La politique sur la consommation d’alcool et de drogues comporte un certain nombre [traduction] « d’exigences et d’interdictions » qui sont énumérées dans un préambule qui précise : [traduction] « Afin de réduire au minimum le risque de baisse du rendement attribuable à la consommation ou à l’abus de substances, il est strictement interdit de faire ce qui suit pendant l’exercice des activités de l’Entreprise ou dans les locaux de l’entreprise ». Une des exigences ou interdictions consiste à [traduction] « se présenter au travail, travailler ou se présenter à des tests de dépistage avec un taux d’alcool ou de drogues dans le sang supérieur aux politiques, procédures et exigences de l’Entreprise, d’un client, d’un lieu de travail ou d’un contrat ».

[50] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il y avait du THC dans l’échantillon d’urine qu’il a fourni à la clinique. Aucun élément de preuve ne porte à croire que le taux de THC dans l’échantillon était inférieur aux limites acceptables. Toutefois, je ne crois pas que la présence de THC dans l’urine du prestataire, bien qu’elle soit supérieure aux limites acceptables, constitue une violation de cette partie de la politique. L’exigence ou l’interdiction est l’une des neuf qui sont en place [traduction] « pour réduire au minimum le risque de diminution du rendement attribuable à l’abus d’alcool ou d’autres drogues […] lors de l’exercice d’activités au nom de l’Entreprise ou dans les locaux de celle-ci ». Au moment du test, le prestataire était en congé et n’effectuait aucun travail pour son employeur. Il a affirmé qu’il n’était pas sur appel pendant ses jours de congé. On s’attendait seulement à ce qu’il retourne au travail deux semaines plus tard environ. Rien n’indique que la présence de THC dans un échantillon prélevé alors que le prestataire était en congé et qu’il ne devait pas retourner au travail avant deux semaines aurait pu nuire à son rendement.

[51] La lettre de cessation d’emploi dit que le prestataire n’a pas fourni d’information de façon franche concernant l’échec du test de dépistage de drogues, qu’il a fourni une deux explications différentes concernant la raison pour laquelle il avait échoué le test, et qu’il a continué de nier avoir consommé du THC, de la marijuana, ses métabolites ou des substances similaires pertinentes. Le représentant de l’employeur a dit que le prestataire avait d’abord dit que le THC avait pu provenir de la fumée secondaire, et plus tard qu’il avait pu provenir de biscuits contenant de la marijuana.

[52] La politique sur la consommation d’alcool et de drogues précise qu’un employé doit collaborer, au besoin, à toute enquête, y compris toute demande de participation à un test. Je pense que le prestataire a coopéré et qu’il a été franc dans le cadre de l’enquête. L’enquête a commencé dès qu’un résultat positif au test a été reçu. L’employeur n’a pas demandé d’autres tests. À mon avis, l’incapacité du prestataire à confirmer comment le THC s’est retrouvé dans son urine ne signifie pas qu’il n’a pas fait preuve de franchise. Cela ne constitue pas non plus une violation de la politique de l’entreprise.

[53] Le prestataire a déclaré qu’il ne prend pas de drogue et qu’il ne savait pas que la drogue s’était introduite dans son corps. Il croyait que c’était peut-être à cause de la fumée secondaire ou des biscuits qu’il avait mangés et il a fourni ces deux explications à l’employeur. J’accepte ce témoignage parce qu’il m’a été donné directement sous affirmation solennelle et qu’il est conforme aux renseignements fournis par le prestataire à son employeur, à la Commission et dans le cadre de son appel au Tribunal. Le médecin qui a fait l’évaluation médicale indépendante n’a pas pu confirmer la source de la marijuana ou des métabolites, mais il affirmé qu’elle provenait probablement de produits comestibles. Le prestataire a été en mesure de confirmer qu’il y avait des biscuits à la marijuana sur lesquels il n’y avait rien d’écrit à la fête à laquelle il est allé. Il a dit qu’il avait mangé la nourriture à la fête et qu’il avait peut-être mangé ces biscuits. Le représentant de l’employeur a dit qu’il avait donné au prestataire [traduction] « amplement d’occasions de dire la vérité ». Il a dit : [traduction] « si quelqu’un avait avoué l’avoir fait et ne pas avoir réalisé qu’il en avait tant consommé, ils auraient pu faire quelque chose ». Ces déclarations démontrent que l’employeur était prédisposé à croire que le prestataire avait volontairement ou sciemment ingéré de la marijuana et qu’il refusait d’admettre qu’il l’avait fait. Toutefois, à mon avis, le prestataire a dit la vérité en disant à l’employeur comment, selon lui, les drogues s’étaient introduites dans son corps. Le fait que l’employeur n’ait pas considéré ces explications comme plausibles ne constitue pas une violation de la politique.

[54] La lettre de cessation d’emploi précisait que le prestataire occupait un poste essentiel à la sécurité. Le représentant de l’employeur a par la suite dit à la Commission que ce n’était pas le cas et que le prestataire occupait un poste essentiel sur le plan des risques. Le prestataire a déclaré qu’il n’occupait pas un poste essentiel à la sécurité et qu’il n’avait jamais entendu ou vu l’expression « essentiel sur le plan des risques » utilisée pour décrire son poste. Il n’y a aucune preuve de ce que comporte un poste essentiel sur le plan des risques et si un employé qui occupe ce type de poste a une plus grande obligation de diligence dans l’exercice de ses fonctions.

[55] Enfin, la lettre de cessation d’emploi précise que l’employeur a une [traduction] « politique de tolérance zéro pour les violations de la politique sur la consommation d’alcool et de drogues et pour le personnel jugé inapte au travail ». Une « politique de tolérance zéro » signifie qu’une mesure disciplinaire est établie pour chaque violation et qu’il n’y a aucun pouvoir discrétionnaire lié à l’application de ces mesures. À mon avis, la politique sur la consommation d’alcool et de drogues n’appuie pas cet énoncé et, de plus, il n’y a aucune preuve de la politique de l’employeur concernant les personnes jugées inaptes au travail. Selon la politique sur la consommation d’alcool et de drogues, le non-respect de la politique pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. Le défaut ou le refus de se soumettre à un test comme l’exige la politique constitue un motif de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. L’entreprise peut également déterminer qu’un employé pourrait retourner au travail après avoir enfreint la politique, à condition qu’il ait conclu une entente de retour au travail. Ces déclarations signifient que l’employeur avait un certain pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à décider de congédier ou non le prestataire. En tirant cette conclusion, je suis consciente qu’il ne m’appartient pas de déterminer si le fait de mettre fin à l’emploi du prestataire était la réponse appropriée. Je constate plutôt que les déclarations de l’employeur au sujet de la tolérance zéro ne sont pas corroborées par les éléments de preuve dans le dossier.

La conduite du prestataire ne constituait pas une inconduite

[56] Comme il a été mentionné précédemment, pour qu’il y ait inconduite au titre de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 10. Une inconduite est aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 11. Il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire de conclure qu’elle voulait faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 12.

[57] Je conclus que la conduite du prestataire n’était pas consciente, délibérée ou intentionnelle, et qu’elle n’était pas non plus insouciante au point d’être délibérée.

[58] Le prestataire connaissait la politique de l’employeur sur la consommation d’alcool et de drogues. Il savait qu’il pourrait être congédié si on trouvait de la drogue dans son urine. J’ai accepté le témoignage du prestataire selon lequel il ne sait pas comment il a ingéré le THC qui a été trouvé dans son corps. Le médecin qui a effectué l’évaluation de toxicomanie a déclaré qu’il était plus probable qu’improbable que le test positif était attribuable à des produits de marijuana comestibles. À mon avis, manger des biscuits à une fête sur lesquels il n’est pas indiqué qu’ils contiennent de la marijuana signifie que le prestataire n’a pas sciemment ingéré de la marijuana. Par conséquent, je conclus que l’ingestion de marijuana par le prestataire n’était pas consciente, délibérée ou intentionnelle. Cela signifie que la conduite du prestataire ne satisfait pas aux exigences pour être considérée comme une inconduite conformément à la Loi sur l’assurance-emploi et à la jurisprudence susmentionnée.

[59] De plus, le dictionnaire Oxford Languages définit le terme « insouciant » comme un adjectif qui décrit une personne qui agit sans penser aux conséquences d’une action ou sans s’en soucierNote de bas page 13. Quant à lui, le Black’s Law Dictionary définit l’insouciance comme un terme qui signifie être négligent et indifférent au bien-être des autresNote de bas page 14. Pour être insouciant, le prestataire doit être conscient, dans une certaine mesure, de ce qu’il fait. Cela signifie qu’il faudrait que le prestataire sache que les biscuits qu’il mangeait contenaient de la marijuana. Toutefois, il ne le savait pas. Par conséquent, je conclus que le fait que le prestataire ait mangé des biscuits sur lesquels il n’était pas écrit qu’ils contenaient de la marijuana n’est pas insouciant et n’est pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence susmentionnée.

Alors, le prestataire a-t-il été perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[60] Selon mes conclusions précédentes, j’estime que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[61] La Commission n’a pas su prouver que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Voilà pourquoi le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[62] Cela signifie que l’appel est accueilli.

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