Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – disponibilité pour travailler tout en étant aux études ou en suivant une formation – question de savoir si la Commission avait le pouvoir de réexaminer rétroactivement l’admissibilité du prestataire aux prestations – division d’appel – réparation

Le prestataire était un étudiant qui avait un permis d’études. Il a touché des prestations d’assurance-emploi pendant plusieurs mois. Plus tard, la Commission a réexaminé rétroactivement son admissibilité aux prestations. La Commission a conclu que le prestataire n’était pas disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 26 février 2021 parce qu’il était aux études à temps plein et parce que son permis d’études ne lui permettait pas de travailler plus de 20 heures par semaine. La Commission a demandé au prestataire de rembourser les prestations qu’il avait reçues. Elle a maintenu sa décision après révision.

Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale (DG). Cette dernière a conclu que le prestataire avait fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi. Cependant, le permis d’études du prestataire établissait une condition personnelle qui avait une incidence indue sur ses chances de retourner sur le marché du travail. Par conséquent, il n’était pas disponible pour travailler avant le 1er mars 2021.

Le prestataire a fait appeal de la décision de la DG à la division d’appel (DA). Celle-ci a conclu que la compétence de la DG exigeait qu’elle examine si la Commission avait le pouvoir de déclarer le prestataire inadmissible de façon rétroactive. Dans l’affirmative, la DA devait également décider si la Commission devait agir de façon judiciaire et si elle l’avait fait en décidant de réexaminer la demande. La DG ne l’a pas fait. La DA a accueilli l’appel et a renvoyé l’affaire à la DG pour que celle-ci tranche cette question.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : GP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 791

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : G. P.
Représentante ou représentant : Isaac Won
Parties intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Josée Lachance

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 30 juin 2021 (GE-21-857)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 30 novembre 2021
Personnes participant à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Intimée
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 29 décembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-263

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le dossier est renvoyé à la division générale. Elle devra décider si la Commission de l’assurance-emploi avait le pouvoir de juger l’appelant (prestataire) inadmissible aux prestations de façon rétroactive. Si elle a effectivement ce pouvoir, la division générale devra aussi décider si la Commission doit agir et a agi de façon judiciaire en décidant de réexaminer la demande de prestations du prestataire.

Aperçu

[2] Le prestataire étudiait grâce à un permis d’études. Après en avoir fait la demande, il a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi pendant plusieurs mois. La Commission a plus tard réexaminé son admissibilité aux prestations. Elle a alors décidé qu’il n’avait pas été disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 26 février 2021, puisqu’il étudiait à temps plein et que son permis d’études ne lui permettait pas de travailler plus de 20 heures par semaine. La Commission a donc demandé au prestataire de rembourser des prestations. Ce dernier a fait appel de la décision de révision à la division générale.

[3] La division générale a conclu que le prestataire voulait travailler et qu’il avait fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi. Elle a toutefois conclu que son permis d’études était une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retravailler. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas été disponible pour travailler avant le 1er mars 2021.

[4] La division d’appel a ensuite donné au prestataire la permission de faire appel de cette décision de la division générale. Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher : elle aurait dû chercher à savoir si la Commission avait effectivement le pouvoir de réexaminer sa demande de prestations et, si oui, si elle a agi de façon judiciaire, conformément à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), en modifiant de façon rétroactive sa décision initiale qui lui donnait droit aux prestations.

[5] Je dois décider si la division générale a commis une erreur en ne tranchant pas une question qu’elle aurait dû trancher.

[6] J’accueille l’appel du prestataire et je renvoie le dossier à la division générale. Elle devra décider si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive et, si oui, si la Commission doit agir et a agi de façon judiciaire en décidant de réexaminer la demande de prestations.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas décidé si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive et, si oui, si la Commission doit agir et a agi de façon judiciaire en décidant de réexaminer la demande de prestations?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a établi que le mandat de la division d’appel se limite à celui que lui donnent les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, lorsqu’elle juge des appels en vertu de l’article 58(1) de cette loiNote de bas page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel par rapport aux décisions rendues par la division générale. Elle ne peut pas exercer un pouvoir de surveillance, un peu comme le ferait un tribunal supérieurNote de bas page 2.

[10] Par conséquent, à moins que la division générale ait manqué à un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas décidé si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive et, si oui, si la Commission doit agir et a agi de façon judiciaire en décidant de réexaminer la demande de prestations?

[11] La division générale a conclu que le prestataire voulait travailler et qu’il avait fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi. Elle a toutefois conclu que son permis d’études nuisait indûment à son retour sur le marché du travail. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas été disponible pour travailler avant le 1er mars 2021.

[12] En appel, le prestataire ne conteste pas la décision de la division générale sur sa disponibilité pour travailler. Il avance plutôt que la division générale ne s’est pas penchée sur la question de savoir si la Commission avait bel et bien le pouvoir de lui retirer son admissibilité de façon rétroactive et, si tel est le cas, si elle a agi de façon judiciaire, conformément à l’article 52 de la Loi sur l’AE, en changeant sa décision initiale qui lui accordait des prestations.

[13] Le prestataire fait valoir que la Commission a accepté sa demande de prestations sur la base des informations véridiques et complètes qu’il avait fournies, et que rien n'avait changé durant la période visée. Selon lui, la Commission ne peut pas changer une telle décision, à moins de disposer de faits nouveaux.

[14] Pour soutenir sa position, le prestataire invoque différentes décisions du juge-arbitre. On y concluait que la Commission ne peut pas réexaminer des faits pour modifier ou annuler d’anciennes décisions, comme cette pratique a des répercussions sur les droits acquis des prestatairesNote de bas page 3.

[15] Le prestataire soutient que la Commission connaissait tous les faits depuis le début. Elle ne pouvait donc pas revenir sur sa détermination de son admissibilité. Selon le prestataire, la Commission adopte une position boiteuse en défendant qu’elle avait utilisé le pouvoir que lui donne l’article 153.161 de la Loi sur l’AE pour [traduction] « vérifier » s’il était capable de travailler et disponible pour le faire : en réalité, la Commission avait obtenu des informations dont elle disposait déjà.

[16] La Commission, elle, estime que la division générale n’a pas commis d’erreur même si elle n’a pas examiné la question de savoir si elle avait agi de façon judiciaire conformément à l’article 52 de la Loi sur l’AE. Selon la Commission, comme la période de prestations débutait le 4 octobre 2020, elle avait jugé le prestataire inadmissible en vertu des articles 153.161 et 18 de la Loi sur l’AE durant la période où les ordonnances provisoires étaient en vigueur.

[17] Je note que le prestataire n’a pas soulevé ces questions précises durant son audience à la division générale. Il a toutefois exprimé maintes fois sa frustration par rapport à la Commission qui, même en ayant tous les faits depuis le début, avait fini par changer d’avis sur son admissibilité après avoir décidé de lui verser des prestations pendant six mois.

[18] La division générale a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de remédier à la situation du prestataire. Elle a pressé la Commission de respecter sa politique de révision, et de modifier sa décision qui rendait le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactiveNote de bas page 4.

[19] Je conclus que la compétence de la division générale l’obligeait à décider si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive et, si oui, si la Commission doit agir et a agi de façon judiciaire en décidant de réexaminer la demande de prestations. La division générale n’a pas examiné ces questions.

[20] Par conséquent, mon intervention est justifiée.

Réparation

[21] Je suis d’avis que la division générale a refusé d’exercer sa compétence. En effet, elle n’a pas traité des questions de savoir si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive et, si oui, si la Commission doit agir et a agi de façon judiciaire en décidant de réexaminer la demande de prestations. La division générale n’a pas non plus laissé les parties débattre de ces questions. Je ne peux donc pas rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas page 5.

[22] Je n’ai d’autre choix que de renvoyer ce dossier à la division générale pour que celle-ci examine les questions faisant partie de sa compétence.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli et le dossier est renvoyé à la division générale. Elle devra décider si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive et, si oui, si la Commission doit agir et a agi de façon judiciaire en décidant de réexaminer la demande de prestations.

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