Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : HE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 820

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : H. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (429533) datée du 26 juillet 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 17 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1384

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable pour son retard à demander des prestations d’assurance‑emploi. Autrement dit, la prestataire a fourni une explication acceptable selon la loi. Cela signifie que ses déclarations peuvent être traitées comme si elle les avait présentées plus tôt.

Aperçu

[3] En général, pour recevoir des prestations d’assurance‑emploi, il faut présenter une demande pour chaque semaine durant laquelle on n’a pas travaillé et pour laquelle on souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 1 . Pour ce faire, il faut présenter des déclarations à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada toutes les deux semaines. Les déclarations sont habituellement faites en ligne et il y a des délais à respecterNote de bas de page 2 .

[4] La prestataire a présenté ses déclarations après le délai. Elle veut que ses déclarations soient traitées comme si elles avaient été produites plus tôt, à compter du 28 octobre 2020.

[5] Pour que ce soit possible, la prestataire doit démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[6] La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas de motif valable et elle a rejeté la demande. La Commission affirme que la prestataire n’a pas de motif valable parce qu’elle a tardé à communiquer avec Commission pour s’enquérir de son admissibilité aux prestations.

[7] La prestataire n’est pas d’accord et dit qu’elle ne savait pas que la Commission avait ouvert une demande pour elle après avoir reçu un courriel l’informant qu’elle n’était plus admissible aux prestations. Elle n’avait aucun besoin de communiquer avec la Commission une fois qu’elle a reçu ce courriel. Elle a seulement appris qu’elle avait une demande d’assurance-emploi active lorsqu’elle a demandé la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE).

Question en litige

[8] La prestataire avait‑elle un motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance‑emploi?

Analyse

[9] La prestataire veut que ses déclarations relatives à ses prestations d’assurance-emploi soient traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt, à compter du 28 octobre 2020. C’est ce qu’on appelle « antidater » les déclarations.

[10] Pour faire antidater une déclaration, la prestataire doit démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écouléeNote de bas de page 3 . Elle doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) qu’il y avait un motif valable justifiant son retard.

[11] De plus, pour démontrer qu’elle avait un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 4 . Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle s’est comportée de façon prudente et raisonnable, tout comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait dans une situation semblable.

[12] La prestataire doit aussi démontrer qu’elle a entrepris assez rapidement des démarches pour comprendre son droit aux prestations et ses obligations légalesNote de bas de page 5 .  Autrement dit, la prestataire doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si la prestataire n’a pas fait de telles démarches, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi elle ne l’a pas faitNote de bas de page 6 .

[13] La prestataire doit démontrer qu’elle a agi ainsi pendant toute la période du retardNote de bas de page 7 .  Cette période s’étend de la date à laquelle elle veut faire antidater ses déclarations à la date où elle a présenté sa demande. Pour la prestataire, la période du retard s’étend donc du 28 octobre 2020 au 7 mai 2021.

[14] La prestataire affirme qu’elle avait un motif valable pour le retard parce qu’elle ne savait pas que la Commission l’avait inscrite automatiquement aux prestations régulières d’assurance-emploi à la fin de la Prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU). Elle avait reçu un courriel l’informant qu’elle n’était plus admissible aux prestations et se fiait à ce courriel.

[15] La prestataire a déclaré avoir cessé de travailler lorsqu’elle a été mise à pied en mars 2020. Elle a fait une demande d’assurance-emploi avec l’aide d’un membre de sa famille. Elle a commencé à recevoir la PAEU à compter du 29 mars 2020.

[16] Le 15 septembre 2020, la prestataire a quitté le Canada pour aller s’occuper d’un de ses parents qui était hospitalisé. Pendant qu’elle était à l’étranger, la prestataire a soumis une déclaration pour la PAEU avant la fin de septembre 2020 indiquant qu’elle était à l’étranger et qu’elle n’était pas disponible pour travailler. La prestataire a affirmé qu’elle avait reçu un courriel disant qu’elle n’était plus admissible aux prestations. Elle a accepté le contenu du courriel comme étant vrai. Elle est revenue au Canada le 28 octobre 2020.

[17] La prestataire a effectué du travail occasionnel après son retour au Canada. Elle a dit avoir vérifié en ligne quels services étaient offerts, mais que la plupart s’appliquaient aux travailleuses et travailleurs autonomes. Elle a dit qu’en mai 2021, elle disait à une amie à quel point c’était difficile pour elle avec si peu de travail et si peu de revenus. Elle a dit avoir lu quelque chose au sujet de la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE). Son amie recevait la PCRE et lui a suggéré de s’informer à ce sujet. La prestataire a affirmé qu’elle avait appelé l’Agence du revenu du Canada (ARC) et qu’on lui avait dit qu’elle avait une demande d’assurance-emploi ouverte. Le lendemain, la prestataire a téléphoné à la Commission au sujet de sa demande et a rempli ses déclarations au téléphone, mais elle s’est ensuite fait dire qu’elle ne pouvait pas faire antidater ses déclarations.

[18] La prestataire a dit que, lorsqu’elle a communiqué avec l’ARC, c’était la première fois qu’elle entendait qu’elle avait une demande d’assurance-emploi. Elle savait qu’il y avait un maximum et, comme elle avait reçu près de 13 000 $ au moment où on lui a dit qu’elle n’était plus admissible aux prestations, elle pensait que le maximum lui avait été versé. La prestataire a expliqué qu’elle n’avait aucune raison d’appeler la Commission pour s’informer au sujet des prestations d’assurance-emploi lorsqu’on lui a dit qu’elle n’était plus admissible aux prestations. Elle n’a pas reçu d’avis de Service Canada ou de la Commission indiquant qu’une nouvelle demande pour des prestations régulières d’assurance-emploi avait été ouverte pour elle à compter du 4 octobre 2020.

[19] La Commission reconnaît que la prestataire n’était pas au courant qu’une demande avait été générée après la période de PAEU, mais elle fait remarquer que le même principe de motif valable s’appliquerait si la prestataire avait présenté une demande initiale en mai [2021] et demandé une antidatation pour la même période. La Commission a déclaré qu’elle considérait que la prestataire n’avait pas d’expérience du système d’assurance-emploi et qu’elle n’avait peut-être pas compris qu’elle était admissible aux prestations pendant la période du retard. La Commission a reconnu que certains aspects des prestations régulières d’assurance-emploi diffèrent de la PAEU.

[20] La Commission affirme que les déclarations tardives peuvent être acceptées dans les cas où la partie prestataire communique avec la Commission dans un délai raisonnablement court à partir de la date de la demande initiale. Toutefois, dans la présente affaire, il y a eu un retard important de 25 semaines et, afin d’établir un motif valable pour le retard, la prestataire doit démontrer qu’elle a fait certaines démarches pour tenter de régler la question qui a causé le retard. La Commission affirme que la prestataire n’a fait aucun effort pour communiquer avec elle pendant la période de 25 semaines pour s’informer de son admissibilité aux prestations, et que rien ne l’a empêchée de le faire. Elle dit que, sans preuve que la prestataire a fait des démarches raisonnables pour s’informer de ses droits et de ses responsabilités pendant la période du retard, il n’y a pas de motif valable.

[21] J’estime que la prestataire a prouvé qu’elle avait un motif valable pour son retard à présenter sa demande de prestations parce qu’elle a démontré que des circonstances exceptionnelles étaient à l’origine du retard. Les circonstances exceptionnelles sont le courriel qu’elle a reçu précisant qu’elle n’était plus admissible aux prestations et le défaut de la Commission de l’aviser qu’elle avait établi une nouvelle demande pour elle à compter du 4 octobre 2020.

[22] J’accepte la preuve de la prestataire selon laquelle elle a soumis une déclaration pour la PAEU vers la fin de septembre 2020. Elle a précisé dans la déclaration qu’elle était à l’extérieur du Canada et qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Elle a ensuite reçu un courriel l’informant qu’elle n’était pas admissible aux prestations. La prestataire n’avait pas été informée que la Commission l’avait automatiquement inscrite aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 4 octobre 2020.

[23] Je crois qu’il est raisonnable qu’après avoir lu le courriel, la prestataire pensait qu’elle n’était plus admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle n’avait aucune raison de faire des démarches pour régler la question du retard parce qu’elle ne savait pas qu’il y en avait un. Il était raisonnable pour elle de ne pas se renseigner davantage sur les prestations parce qu’on lui a dit qu’elle n’y était plus admissible. Le fait qu’elle se soit appuyée sur ce courriel est corroboré par son témoignage selon lequel elle ne savait pas qu’elle avait une demande de prestations d’assurance-emploi ouverte et par le fait que la Commission a reconnu que la prestataire ne savait pas que cela avait généré une demande de prestations régulières d’assurance-emploi pour elle après l’expiration de la PAEU.

[24] Je juge qu’une fois que la prestataire a eu l’appréciation subjective qu’elle n’était plus admissible aux prestations, elle a agi comme toute personne raisonnable dans sa situation l’aurait fait. Elle a discuté de la PCRE avec une amie et a communiqué avec l’ARC pour vérifier si elle était admissible. Lorsqu’elle a appris de l’ARC qu’une demande d’assurance-emploi était ouverte à son nom, la prestataire a communiqué avec la Commission le lendemain. À mon avis, cela signifie que la prestataire a agi raisonnablement rapidement pour s’informer de ses droits et ses obligations. Par conséquent, j’estime que la prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable pour avoir tardé de produire ses déclarations pour ses prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[25] La prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à produire ses déclarations pour recevoir des prestations pendant toute la période de retard. Cela signifie que ses déclarations peuvent être traitées comme si elle avait été présentées plus tôt.

[26] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.