Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 821

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (427537) datée du 12 juillet 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 septembre 2021
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 24 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1380

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La prestataire a démontré que sa situation correspond à une exception la rendant admissible à des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger

Aperçu

[3] La prestataire vivait aux États-Unis (É.-U.) et travaillait pour une entreprise canadienne quand elle a été congédiée de son emploi. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission a dit qu’elle acceptait la raison pour laquelle elle avait cessé de travailler. Elle a cependant affirmé que la prestataire n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle était à l’étranger.

[4] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle vit dans un État des É.-U. qui est contigu au Canada, qu’elle est disponible pour travailler dans les deux pays et qu’elle peut se présenter à un bureau de la Commission dans l’heure suivante si on lui en fait la demande.

Questions que je dois examiner en premier

J’accepte des documents envoyés après l’audience

[5] À l’audience, la prestataire a expliqué qu’elle avait fait une demande de résidence permanente aux É.-U. Après l’audience, elle a présenté la preuve de son visa des É.-U. et de sa résidence permanente. La résidence permanente de la prestataire aux É.-U. montre qu’elle est devenue une résidente le 24 avril 2021Note de bas page 1. La prestataire a également présenté un visa des É.-U., qui est un visa d’immigrant lui permettant d’entrer aux É.-U. et de vivre avec son époux. Le visa des É.-U. n’est plus valide depuis le 5 octobre 2021, mais il est remplacé par la carte de résident permanent.

[6] J’ai accepté la carte de résident permanent, le visa des É.-U. et l’explication de la prestataire sur ces deux documents à titre de preuve. Je l’ai fait parce qu’il s’agit de renseignements pertinents à la question de savoir si la prestataire est admissible à des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger.

[7] La Commission a reçu une copie de l’observation de la prestataire et on lui a donné l’occasion de répondre avant le 25 septembre 2021. À la date de rédaction de la présente décision, la Commission n’a fourni aucune observation sur ces documents.

Question en litige

[8] La prestataire est-elle admissible à des prestations pendant qu’elle est à l’étranger?

Analyse

[9] Une partie prestataire n’est pas admissible aux prestations pour toute période pendant laquelle elle est à l’étrangerNote de bas page 2.

[10] Il existe un certain nombre d’exceptions à cette règle. Une partie prestataire pourrait recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle est à l’étranger parce qu’elle ou un proche parent qu’elle accompagne subit un traitement médical qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où elle réside au Canada. Une partie prestataire peut également recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle assiste aux funérailles d’un proche parent ou si elle visite un proche parent qui est gravement malade. De plus, une partie prestataire peut recevoir des prestations si elle assiste à une véritable entrevue d’emploi ou si elle fait une recherche d’emploi sérieuseNote de bas page 3.

[11] Une autre exception prévoit qu’une personne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle réside à titre temporaire ou permanent dans un État des É.-U. qui est contigu au Canada si elle remplit certaines conditions. Une partie prestataire peut également recevoir des prestations s’il y a un accord entre le gouvernement de l’État des É.-U. où elle travaille et le gouvernement du Canada concernant le versement de prestations d’assurance-emploi.

[12] Il incombe aux parties prestataires de démontrer que leur situation correspond à l’une des exceptions prévues par la Loi sur l’assurance-emploi, y compris les exigences relatives à la disponibilitéNote de bas page 4.

[13] La prestataire est une citoyenne canadienne qui travaillait pour une entreprise ayant des bureaux au Canada. Elle a dit à la Commission qu’elle travaillait au Canada pendant la journée et rentrait aux É.-U. chaque soir et les fins de semaine.

[14] La prestataire a déclaré qu’avant la pandémie de la COVID-19, son employeur lui permettait de travailler à domicile un jour par semaine. Au début de la pandémie en mars 2020, elle travaillait de la maison à temps plein et vivait au Canada. Elle était fiancée à un citoyen américain. Ils se sont mariés et sont tous deux retournés aux É.-U. après des vacances en septembre 2020.

[15] La prestataire a déclaré qu’elle vit avec son époux dans une ville des É.-U. qui est contiguë au Canada. Il lui faut 20 minutes en voiture pour se rendre de sa résidence aux É.-U. jusqu’à la frontière canado-américaine. Elle a travaillé à distance à partir de sa résidence aux É.-U. d’août 2020 jusqu’au 7 mai 2021. La prestataire a affirmé que son employeur savait qu’elle travaillait à distance à partir d’un endroit situé aux É.-U. Il a décidé qu’il voulait que le personnel se rende au bureau une fois par semaine pour vérifier le courrier. La prestataire s’est organisée pour que des collègues la remplacent dans cette fonction pendant qu’elle était aux É.-U.

[16] La prestataire affirme qu’à la fermeture de la frontière en mars 2020, elle pouvait seulement se rendre des É.-U. au Canada en voiture pour travailler si elle avait une lettre de son employeur précisant qu’elle était une employée essentielle. Son employeur a refusé de lui remettre cette lettre. En mai 2021, l’employeur a congédié la prestataire parce qu’elle ne travaillait pas au Canada; il était préoccupé par les conséquences fiscales et par les répercussions sur l’assurance-maladie provinciale de la prestataire.

[17] La prestataire dit qu’elle devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a cotisé au régime d’assurance-emploi pendant qu’elle travaillait. Son employeur savait qu’elle travaillait à distance à partir des É.-U. Elle a cherché du travail à la fois au Canada et aux É.-U. Elle est autorisée à travailler au Canada parce qu’elle est une citoyenne canadienne et elle a le droit de travailler aux É.-U. parce qu’elle est résidente permanente de ce pays.

[18] La Commission affirme que la prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger parce que sa situation ne correspond à aucune des exceptions permettant le versement de prestations. La Commission dit que la prestataire est une citoyenne canadienne qui réside à titre temporaire aux É.-U. avec son époux et elle n’a fait aucune démarche pour demander une autorisation lui permettant de travailler légalement aux É.-U. À ce titre, elle n’est pas considérée comme étant disponible aux É.-U. La Commission affirme que la prestataire n’est pas une travailleuse qui fait régulièrement la navette en franchissant la frontière canado-américaine et que, n’ayant pas fourni son adresse de résidence aux É.-U., elle n’a pas prouvé qu’elle réside dans un État contigu.

[19] La prestataire a déclaré qu’elle ne répondait à aucune des conditions que j’ai énumérées au paragraphe 10 ci-dessus.

[20] La loi prévoit qu’une partie prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du seul fait qu’elle réside à l’étranger si, selon le cas :

  1. (a) elle réside à titre temporaire ou permanent dans un État des É.-U. qui est contigu au Canada;
  2. (b) elle est disponible pour travailler au Canada;
  3. (c) elle peut se présenter en personne à un bureau de la Commission et elle s’y présente à la demande de la CommissionNote de bas page 5.

[21] La Cour d’appel fédérale a affirmé que pour être « contigu » au Canada, un État doit être limitrophe du Canada. La Cour a expressément rejeté un argument selon lequel le mot « contigu » ne s’entendait pas d’un État limitrophe, mais d’un État voisin en concluant que la Floride n’était pas un État « contigu » au CanadaNote de bas page 6. Je suis liée par l’interprétation de la Cour d’appel fédérale selon laquelle un État « contigu » au Canada doit être limitrophe du Canada.

[22] La demande de prestations d’assurance-emploi de la prestataire indique une adresse dans une ville canadienne qui est contiguë aux É.-U. Elle a dit dans sa demande qu’elle avait quitté le Canada le 24 avril 2021. La carte de résident permanent de la prestataire indique qu’elle est résidente depuis le 24 avril 2021. La prestataire a déclaré qu’elle habite au Michigan. Les documents fournis après l’audience montrent que la carte de résident permanent des É.-U. de la prestataire a été envoyée à une adresse au Michigan.

[23] Elle a affirmé que la frontière canado-américaine est à 20 minutes en voiture de sa résidence aux É.-U., et qu’il lui fallait dix minutes de plus pour se rendre de la frontière jusqu’à son ancien lieu de travail au Canada. La prestataire a déclaré qu’elle pouvait se présenter en personne à un bureau de Service Canada dans l’heure suivante si on lui en fait la demande.

[24] L’État du Michigan n’a pas de frontière terrestre commune avec le Canada. Il est cependant relié au Canada par un certain nombre de ponts. Étant donné le témoignage de la prestataire selon lequel elle peut atteindre la frontière dans un délai de 20 minutes à partir de sa résidence aux É.-U. et son statut de résidente permanente des É.-U., j’estime que la prestataire réside à titre permanent dans un État qui est contigu au Canada.

[25] La prestataire a déclaré qu’elle pouvait se présenter en personne à un bureau de Service Canada dans l’heure suivante si on lui en fait la demande. Par conséquent, même si on ne lui a pas encore demandé de le faire, j’estime que la prestataire peut se présenter en personne à un bureau de la Commission à la demande de celle-ci.

[26] Le fait qu’une personne ait pu ou non être disponible pour travailler pendant qu’elle était à l’étranger n’a aucune importance, sauf si la situation de la prestataire correspond à l’une des exceptions de l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi pendant toute son absence ou une partie de cette période. Si une partie prestataire a montré que sa situation correspond à une exception de l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi, alors elle doit également prouver qu’elle était disponible pour travailler pendant cette période.

[27] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas page 7 :

  1. (a) Montrer qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. (b) Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. (c) Elle a évité d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[28] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas page 8.

Vouloir retourner travailler

[29] La prestataire a montré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[30] La prestataire a travaillé pour son ancien employeur un peu moins de deux ans et demi. Elle a besoin de travailler pour payer ses dépenses. Son époux travaille de nuit et elle aime travailler pendant la journée. Elle est prête à travailler à partir de son domicile ou à l’extérieur de chez elle. Elle a présenté des demandes d’emploi au Canada et aux É.-U. Ces éléments de preuve me disent que la prestataire a montré qu’elle a le désir de retourner travailler.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[31] La prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[32] Un autre article de la loi prévoit une liste d’activités de recherche d’emploi à examiner quand je dois trancher la question de la disponibilitéNote de bas page 9. Cet autre article ne s’applique pas dans le cadre de l’appel de la prestataire. Je choisis cependant d’examiner cette liste à titre indicatif pour m’aider à vérifier si la prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi convenableNote de bas page 10.

[33] La liste compte neuf activités de recherche d’emploi : évaluer les possibilités d’emploi; rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation; s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement; participer à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi; faire du réseautage; communiquer avec des employeurs éventuels; présenter des demandes d’emploi; participer à des entrevues et participer à des évaluations des compétencesNote de bas page 11.

[34] La prestataire a déclaré qu’elle travaillait à distance à partir de sa résidence lorsqu’on l’a congédiée. Elle a cherché du travail à l’extérieur de chez elle et peut aussi travailler à domicile parce qu’elle a un bureau à la maison. La prestataire a un curriculum vitae, qu’elle a affiché publiquement. Elle recherche régulièrement des emplois sur des sites Web professionnels comme Indeed et Workoplis. Elle s’est inscrite au Guichet emplois pour recevoir des alertes-emplois. La prestataire a déclaré qu’elle a présenté des demandes d’emploi au Canada et aux É.-U. La prestataire a passé des entretiens d’embauche et est actuellement en plein processus de recrutement et de sélection pour un emploi dans une entreprise des É.-U. À mon avis, les démarches de recherche d’emploi de la prestataire démontrent qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[35] La prestataire n’a établi aucune condition personnelle qui aurait pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[36] La prestataire a une carte de résident permanent qui l’autorise à travailler aux É.-U. En tant que citoyenne canadienne, elle est également autorisée à travailler au Canada. La prestataire a déclaré avoir accès à un moyen de transport pour se rendre au travail et elle a un permis de conduire. Elle a cherché et est toujours à la recherche de travail correspondant à ses compétences dans le domaine de son ancien employeur et en service à la clientèle dans les deux pays. Elle a également postulé des emplois qui sont extérieurs à son ancien emploi. Elle est prête à accepter un emploi qui pourrait exiger de la formation en milieu de travail. Il n’y a pas d’emplois que la prestataire ne pourrait pas occuper en raison de ses convictions morales ou de ses croyances religieuses. Elle est prête à se rendre au Canada si un emploi exigeait qu’elle soit présente physiquement. Ces éléments de preuve me disent que la prestataire n’a établi aucune condition personnelle qui limiterait indûment ses chances de retourner travailler.

[37] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle est disponible pour travailler au Canada.

Conclusion

[38] La prestataire a démontré que sa situation correspond à une exception la rendant admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger. Elle réside à titre permanent dans un État qui est contigu au Canada, elle est disponible pour travailler au Canada, et elle peut se présenter en personne à un bureau de la Commission et elle s’y présente à la demande de la Commission.

[39] L’appel est accueilli.

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