Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 809

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (423723) datée du
22 juin 2021 (transmise par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 27 août 2021
Numéro de dossier : GE-21-1187

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. La somme versée à la prestataire par le programme de protection des salariés est une rémunération. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada n’a toutefois pas réparti (affecté) cette rémunération sur les semaines appropriées.

[2] Cela signifie que les prestations d’assurance‑emploi que la prestataire doit rembourser parce qu’elle n’y était pas admissible s’élèvent à 1 738 $.

Aperçu

[3] La prestataire a été licenciée le 21 décembre 2018, lorsque son employeur a cessé ses activités. Elle a reçu 4 218 $ du programme de protection des salariés le 10 avril 2019 comme indemnité de départ et salaire tenant lieu de préavis. La Commission a décidé que cette somme était une [traduction] « rémunération » selon la loi parce qu’il s’agissait d’une indemnité de départ et de salaire tenant lieu de préavis.

[4] La loi prévoit que toute rémunération doit être répartie sur certaines semaines. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie dépendent de la raison pour laquelle une personne a reçu la rémunérationNote de bas page 1.

[5] La Commission a réparti une partie de la rémunération sur la semaine du 23 décembre 2018 et le reste de la rémunération à compter de la semaine du 30 décembre 2018, au taux de 930 $ par semaine. La Commission a dit que la prestataire avait reçu la rémunération parce qu’elle avait perdu son emploi. Cette décision a donné lieu à un trop-payé de 2 290 $ en prestations d’assurance‑emploi.

[6] La prestataire est en désaccord avec la Commission. La prestataire dit qu’elle ne devrait pas être tenue de rembourser quelque prestation d’assurance-emploi que ce soit. Elle était admissible à l’argent pour lequel elle avait travaillé. Elle a peu recours à l’assurance-emploi et n’en abuse pas. Elle a reçu l’argent après la fin de ses versements d’assurance‑emploi. La prestataire affirme que la déduction de l’indemnité de départ a été supprimée pendant la pandémie de COVID‑19, et que la loi devrait s’appliquer à sa situation.

Questions en litige

[7] Je dois trancher les deux questions suivantes :

  1. La somme que la prestataire a reçue constitue-t-elle une rémunération?
  2. Si tel est le cas, la Commission a-t-elle réparti la rémunération correctement?

Analyse

La somme que la prestataire a reçue constitue-t-elle une rémunération?

[8] Oui. La somme de 4 128 $ que la prestataire a touchée est une rémunération. Voici les motifs pour lesquels j’en ai décidé ainsi.

[9] La loi prévoit que la rémunération est le revenu intégral d’une personne provenant de tout emploiNote de bas page 2. La loi définit les termes « revenu » et « emploi ».

[10] Le revenu peut être tout ce qu’une personne a reçu ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne. Ce n’est pas nécessairement une somme d’argent, mais c’est souvent le casNote de bas page 3. Selon la jurisprudence, l’indemnité de départ est une rémunérationNote de bas page 4.

[11] L’emploi est tout travail qu’une personne a fait ou fera dans le cadre d’un contrat de travail ou de servicesNote de bas page 5.

[12] L’ancien employeur de la prestataire a mis fin à ses activités et a déclaré faillite. La prestataire n’a pas reçu d’indemnité de départ ni de salaire tenant lieu de préavis de son employeur. Elle a affirmé que grâce à l’aide d’une députée ou d’un député, des collègues et elle‑même ont demandé une somme au titre du programme de protection des salariés.

[13] La prestataire a reçu 4 189 $ du programme de protection des salariés le 10 avril 2019. Ce versement comprenait l’indemnité de départ de 2 282 $ et le salaire tenant lieu de préavis de 1 846 $. La Commission a décidé que cette somme était une indemnité de départ et un salaire tenant lieu de préavis qui avaient été versés à la cessation d’emploi. Elle a dit que cet argent était donc une rémunération selon la loi.

[14] La prestataire est d’accord pour dire qu’elle a reçu 4 128 $ du programme de protection des salariés. Elle a demandé et reçu cette somme parce que les activités de son employeur avaient pris fin. Aucun élément de preuve ne contredit cela.

[15] J’estime que la somme de 4 128 $ qui a été versée par le programme de protection des salariés à la prestataire le 10 avril 2019 est une rémunération, cette somme ayant été versée lorsque son emploi a pris fin à la suite de la cessation des activités de son ancien employeur. Cela signifie que la somme découlait de son ancien emploi et, par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’une rémunération aux fins de la Loi de l’assurance‑emploi et du Règlement sur l’assurance‑emploi.

La Commission a-t-elle réparti la rémunération correctement?

[16] La loi prévoit que toute rémunération doit être répartie sur certaines semaines. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie dépendent de la raison pour laquelle une personne a reçu la rémunérationNote de bas page 6.

[17] La rémunération de la prestataire consiste en une indemnité de départ et un salaire tenant lieu de préavis. Le programme de protection des salariés a remis cette rémunération à la prestataire parce qu’elle a été licenciée lorsque l’entreprise où elle travaillait a mis fin à ses activités.

[18] La loi prévoit que les sommes que touche une personne à la suite d’une cessation d’emploi doivent être réparties à compter de la semaine de la cessation d’emploi. Le moment où la personne touche cette rémunération ou le fait que cette rémunération soit versée par une personne autre que son employeur n’a pas d’importanceNote de bas page 7. La rémunération qu’une personne reçoit en raison d’un licenciement doit être répartie à partir de la semaine au cours de laquelle elle a été licenciée, même si elle n’a pas reçu cette rémunération à ce moment‑làNote de bas page 8.

[19] La prestataire affirme qu’elle a reçu la rémunération seulement après la fin de ses prestations d’assurance‑emploi. Elle a perdu 10 ans d’emploi, et elle était admissible à une indemnité de départ. Elle dit que l’argent que reçoivent les personnes qui perdent leur emploi maintenant et qui touchent une indemnité de départ n’est pas déduit de leur assurance‑emploi. Elle veut bénéficier du même traitement. La prestataire affirme avoir eu peu recours à l’assurance-emploi et qu’elle n’a pas abusé du système. Elle n’est pas d’accord avec la loi. Il n’est pas approprié que la loi stipule que la paie de vacances et l’indemnité de départ soient prises en compte pour l’assurance‑emploi. Elle a fait remarquer que les gens continuent de recevoir de l’assurance‑emploi même si, là où elle vit, les restrictions concernant la COVID‑19 sont levées et que les gens peuvent retourner au travail. Elle dit que le système est défaillant. Elle dit qu’elle connaît des personnes qui ont pu conserver leur indemnité de départ alors qu’elles touchaient des prestations d’assurance-emploi, et qu’elle est pénalisée seulement en raison du moment de sa cessation d’emploi.

[20] La Commission affirme que la prestataire a reçu cette somme en raison de sa cessation d’emploi. Elle soutient que la loi exige qu’une somme reçue en raison d’une cessation d’emploi doit être répartie à partir de la dernière journée de travail de la prestataire. La Commission affirme qu’elle a réparti la somme au taux de sa rémunération hebdomadaire normale de 931 $ du 30 décembre 2018 au 2 février 2019, et que la somme de 79 $ a été répartie sur la semaine du 28 décembre 2018, car cette somme était considérée comme une rémunération pendant la période d’attente et a été déduite de la semaine du 27 janvier 2019. Elle a souligné que ce n’est pas la date à laquelle la somme est versée qui détermine la date à partir de laquelle la répartition doit être faite, mais bien la raison du paiement. Dans l’affaire qui nous occupe, le versement a été fait en raison de la cessation d’emploi, et il fallait le répartir à compter de la date de la cessation d’emploi.

[21] La Commission affirme qu’elle ne peut pas parler des mesures prises à l’égard des demandes d’autres personnes relativement aux prestations d’assurance‑emploi. Elle a noté que la prestataire a reçu le paiement du programme de protection des salariés le 19 avril 2019, c’est‑à‑dire un an avant la pandémie de COVID‑19.

[22] Je note que la loi prévoit que toute rémunération payée ou payable en raison d’une cessation d’emploi constitue un « revenu provenant d’un emploi ». Un paiement est fait « en raison de » la cessation d’emploi lorsqu’il devient dû et exigible au moment où survient la fin de l’emploi, lorsqu’il est, pour ainsi dire, « déclenché » par la fin de l’emploiNote de bas page 9.

[23] Aux fins de la Loi sur l’assurance‑emploi, on entend par semaine une période de sept jours consécutifs commençant le dimancheNote de bas page 10. La prestataire a été licenciée le vendredi 21 décembre 2018. Sa toute dernière période de paie a pris fin le samedi 22 décembre 2018. Cela signifie que sa cessation d’emploi a commencé le dimanche 23 décembre 2018. J’estime donc que la somme de 4 128 $ qu’a reçue la prestataire doit être répartie à compter de cette semaine.

[24] La prestataire est d’accord pour dire que sa rémunération hebdomadaire normale était de 931 $ par semaine. Aucun élément de preuve ne contredit cette information. Cela signifie que le montant de 931 $ qui a été utilisé pour la répartition hebdomadaire de la rémunération de 4 128 $ était correct.

[25] La Commission a fourni un tableau montrant la répartition qui commençait dans la semaine du 23 décembre 2018 avec la somme de 79 $, suivie de la répartition, pendant quatre semaines, de 512 $ à compter du 30 décembre 2018, puis d’une somme de 325 $ dans la semaine du 27 janvier 2019. Cette répartition est incorrecte.

[26] La loi dit que la rémunération payée ou payable à une personne en raison d’une cessation d’emploi doit être répartie sur un certain nombre de semaines à compter de la semaine de la cessation d’emploiNote de bas page 11.

[27] Comme mentionné ci-dessus, la cessation d’emploi de la prestataire a commencé la semaine du 23 décembre 2018. La répartition de la rémunération de 4 128 $ au taux de 931 $ par semaine aurait dû commencer au cours de cette semaine‑là. Cela signifie que la répartition aurait dû s’étendre du 23 décembre 2018 au 26 janvier 2019 au taux de 931 $ par semaine, et que le solde de 404 $ aurait dû être réparti sur la semaine du 20 au 26 janvier 2019.

[28] La rémunération que reçoit une personne pendant qu’elle touche de l’assurance‑emploi est répartie au taux de 0,50 $ pour chaque dollar gagné jusqu’à concurrence de 90 % de la rémunération assurable hebdomadaire de cette personne. Les sommes qui excèdent 90 % de la rémunération assurable hebdomadaire sont réparties dollar pour dollar.

[29] La rémunération hebdomadaire de la prestataire est de 931 $; 90 % de cette somme équivaut à 838 $. Cela signifie que la première tranche de 838 $ est déduite au taux de 0,50 $ et que la somme qui excède 838 $ est déduite dollar pour dollar. Dans le cas de la prestataire, la rémunération de 931 $ donne lieu à une déduction de 512 $ de ses prestations hebdomadaires d’assurance‑emploi pour les semaines du 23 décembre 2018 au 19 janvier 2019Note de bas page 12. La répartition de la somme de 404 $ sur la semaine du 20 janvier 2019 donne lieu à une déduction de 202 $ des prestations de cette semaine‑là (404 $ x 50 % = 202 $).

[30] La Commission aurait dû déduire 512 $ pour la semaine commençant le 23 décembre 2018 et les trois semaines suivantes, puis déduire 202 $ de la semaine commençant le 20 janvier 2019. La prestataire recevait des prestations d’assurance‑emploi de 512 $ par semaine à compter de la semaine du 30 décembre 2018. Cela signifie que la prestataire doit rembourser les 512 $ de prestations d’assurance‑emploi qu’elle a reçues au cours de chacune de ces trois semaines et les 202 $ de prestations d’assurance‑emploi qu’elle a reçues dans la semaine du 20 janvier 2019. Cela signifie que le trop‑payé s’établit à 1 738 $Note de bas page 13.

Autres affaires

[31] La prestataire fait valoir que le trop‑payé était seulement de quelque 300 $. Elle dit que la Commission a trouvé des prestations d’assurance‑emploi auxquelles elle était admissible, mais qu’elle n’avait pas encore reçues, et les a utilisées pour réduire le trop‑payé. Elle a demandé que je rende une décision seulement au sujet des quelque 300 $ qu’elle doit.

[32] Je ne suis pas d’accord avec cela. La question en litige ne concerne pas le solde du trop‑payé que doit la prestataire. La question en litige est celle de savoir si la totalité de la somme qu’elle a reçue du programme de protection des salariés est une rémunération aux fins de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi. La Commission a décidé que le trop-payé de prestations d’assurance-emploi était de 2 290 $Note de bas page 14. Le fait que la Commission a décidé que la prestataire n’avait pas reçu des prestations d’assurance-emploi auxquelles elle était admissible et qu’elle les a utilisées pour réduire le trop-payé à 294 $ ne permet pas de trancher la question dont je suis saisieNote de bas page 15.

[33] Je ne suis pas d’accord avec l’argument de la prestataire selon lequel elle ne devrait pas être tenue de rembourser les prestations d’assurance‑emploi sous prétexte qu’elle a payé des primes d’assurance-emploi. Même si la prestataire verse des cotisations au programme de l’assurance‑emploi, cela ne la rend pas automatiquement admissible au bénéfice des prestations pendant une période de chômage. Une personne doit satisfaire à toutes les exigences de la Loi sur l’assurance‑emploi pour être admissible aux prestationsNote de bas page 16.

[34] En ce qui concerne l’argument de la prestataire selon lequel la loi empêche actuellement de répartir l’indemnité de départ, je note que les changements à la loi ont été apportés en réponse à la pandémie de COVID‑19. La cessation d’emploi de la prestataire s’est produite en décembre 2018. Sa perte d’emploi n’était pas attribuable à la pandémie de COVID‑19. Elle a reçu la somme du programme de protection des salariés en avril 2019. La loi qui exclut l’indemnité de départ de la répartition précise qu’elle s’applique seulement aux périodes de prestations qui ont commencé le 27 septembre 2020 ou après cette date. La période de prestations de la prestataire a commencé le 23 décembre 2018. Elle ne satisfait donc pas aux exigences de cette disposition, et la somme provenant du programme de protection des salariés doit être répartie à ses prestations d’assurance‑emploi.

Conclusion

[35] L’appel est accueilli en partie.

[36] La prestataire a reçu la somme de 4 128 $ en prestations. Cette rémunération doit être répartie à compter de la semaine du 23 décembre 2018 au taux de 931 $ par semaine jusqu’au 19 janvier 2019, et le solde doit être réparti à la semaine du 20 janvier 2019.

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