Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 839

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (425563) datée du
9 juin 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Candace R. Salmon
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date d’audience : Le 29 juin 2021
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 16 juillet 2021
Numéro de dossier : GE-21-969

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées parce qu’elle croyait ainsi recevoir des prestations pendant un total d’un an. En fait, les prestations parentales prolongées sont versées à un plus petit taux de prestations pour une période maximale de 61 semaines et viennent s’ajouter aux 15 semaines de prestations de maternité. La prestataire s’est rendu compte qu’elle avait fait une erreur lorsqu’elle a remarqué que le montant des prestations parentales était beaucoup moins élevé que celui des prestations de maternité.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme que le choix de la durée des prestations parentales de la prestataire ne peut pas être modifié après le premier versement de prestations parentales. La Commission fait valoir que la prestataire a choisi les prestations prolongées parce qu’elle a sélectionné cette option dans le formulaire de demande. La prestataire affirme plutôt avoir choisi par erreur les prestations prolongées dans le formulaire. La prestataire porte la décision de la Commission en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[4] Quel type de prestations parentales la prestataire a-t-elle choisi de recevoir?

Analyse

[5] Le but des prestations parentales est d’aider les parents qui s’absentent du travail pour prendre soin de leur nouveau-né.Note de bas de page 1 Les prestataires doivent choisir le nombre maximal de semaines, soit 35 ou 61, pendant lesquelles des prestations parentales pourront leur être verséesNote de bas de page 2 . Le choix de la durée des prestations parentales ne peut pas être modifié une fois que des prestations parentales sont verséesNote de bas de page 3 .

[6] Pour les motifs ci-dessous, j’estime que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards.

[7] La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales le 22 janvier 2021. Une période de prestations a été établie à son profit le 3 janvier 2021. Elle a mentionné que son dernier jour de travail était le 31 décembre 2020 et qu’elle ne connaissait pas la date de son retour au travail.

[8] À l’audience, la prestataire a soutenu qu’au moment de remplir la demande de prestations d’assurance-emploi, elle n’était pas certaine de prendre une année entière de congé ou de retourner au travail plus tôt. Elle a soutenu qu’elle ne voulait pas indiquer une date de retour et que celle-ci ne corresponde pas au moment de son retour au travail. Elle a expliqué qu’elle en avait parlé à son employeur avant de prendre un congé de maternité, et celui-ci a accepté de lui donner congé pour la période qu’elle désirait. Elle a ajouté que son employeur était [traduction] « assez conscient » qu’elle prévoyait de prendre congé pendant un an.

[9] Malgré son intention de prendre seulement un an de congé de maternité et de congé parental, la prestataire a sélectionné les prestations parentales prolongées dans la section du formulaire de demande où se trouvent les renseignements sur les parents. Elle a déclaré qu’elle devait avoir choisi cette option dans le formulaire, mais a fait valoir que ce n’était pas ce qu’elle avait l’intention de choisir. Le formulaire demande également pendant combien de semaines elle désire recevoir des prestations. Elle a sélectionné 52 semaines dans le menu déroulant.

[10] La prestataire a déclaré qu’elle pensait qu’elle choisissait au total un an de prestations lorsqu’elle a sélectionné 52 semaines de prestations parentales. Elle a soutenu qu’elle avait lu le formulaire de demande, mais qu’elle ignorait avoir fait une erreur jusqu’au versement des prestations parentales.

[11] La preuve montre que le premier versement de prestations parentales a été déposé dans le compte de la prestataire le 7 mai 2021. À l’audience, elle a déclaré l’avoir reçu le 11 mai 2021. Le 12 mai 2021, la prestataire a communiqué avec la Commission pour en savoir plus sur la baisse du taux de prestations. À l’époque, on lui a dit qu’elle avait sélectionné les prestations parentales prolongées. Elle a déclaré qu’elle ne se rappelait pas avoir sélectionné ce type de prestation. Elle a ajouté qu’elle et son époux ont parlé des prestations d’assurance-emploi avant qu’elle présente sa demande et elle prévoyait seulement de prendre jusqu’à un an de congé au total.

[12] La Commission a avisé la prestataire qu’il était impossible de modifier son choix de prestations parentales parce qu’elle avait déjà reçu un versement de prestations. Elle a demandé une révision le 31 mai 2021, indiquant qu’elle avait choisi 52 semaines de prestations parentales parce qu’elle croyait que cela incluait un congé de maternité. Elle a de nouveau déclaré qu’elle voulait seulement un an de congé. La Commission a maintenu sa décision, jugeant que la prestataire ne pouvait pas modifier son choix de prestations parentales et passer de l’option prolongée à l’option standard.

[13] À l’audience, la prestataire a affirmé de nouveau que son intention avait toujours été de prendre seulement une année de congé du travail, ce que confirment les 52 semaines de prestations parentales qu’elle a sélectionnées dans le formulaire de demande. Elle a affirmé qu’elle pensait qu’elle demandait un nombre total, en congé de maternité et parental, et qu’elle ne s’est pas rendu compte qu’elle demandait 52 semaines en plus de la période de congé de maternité.

[14] La Commission fait valoir que la prestataire a reçu le premier versement de prestations parentales le 7 mai 2021. La prestataire a confirmé ce renseignement, affirmant qu’elle avait reçu le versement le 11 mai 2021. La Commission soutient que son choix était irrévocable à compter du 7 mai 2021; elle ne peut donc pas modifier le type de prestations parentales. J’estime que la prestataire a reçu des prestations parentales le 7 mai 2021, car rien de prouve le contraire.  

[15] La Commission ajoute que, bien que la prestataire puisse avoir choisi par erreur les prestations parentales prolongées, la loi est claire et sans ambiguïté : une fois que le choix est fait et que des prestations parentales sont versées, le choix ne peut être modifié. Comme la prestataire a reçu des prestations parentales le 7 mai 2021, la Commission soutient que son choix était irrévocable à compter de cette date.

[16] Je suis d’accord avec la Commission sur un point : la loi précise clairement que dès que des prestations sont versées, le choix de prestations parentales ne peut pas être modifié. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec sa décision voulant que le fait de sélectionner une certaine option dans un formulaire de demande soit le seul renseignement pertinent pour décider quel choix la prestataire a vraiment fait.

[17] Cette question dépend de ce qu’on entend par choisir une période de prestations. Est-ce seulement le choix que l’on fait dans un formulaire de demande? Une décision de la division d’appel du Tribunal confirme que je dois tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents concernant le type de prestations parentales que la prestataire a probablement choisi de recevoirNote de bas de page 4 .

[18] Je dois également tenir compte de la jurisprudence récente de la Cour fédérale. Dans l’affaire KarvalNote de bas de page 5 , la Cour s’est penchée sur la situation d’une prestataire qui contestait une situation semblable, mais non identique à celle de la prestataire. Mme Karval a présenté une demande de prestations parentales prolongées et a voulu passer aux prestations standards. La Commission a refusé de modifier le choix de prestations. La division générale et la division d’appel du Tribunal ont toutes deux rejeté son appel. Dans cette affaire, la preuve concernant le type de prestations parentales que la prestataire avait choisi était ambiguë. Comme la prestataire dans la présente affaire, Mme Karval n’avait donné aucune date de retour au travail dans sa demande de prestations d’assurance-emploi et le relevé d’emploi indiquait que la date de rappel était inconnue.

[19] Cependant, Mme Karval avait choisi de recevoir des prestations prolongées pendant 61 semaines. La membre du Tribunal a souligné qu’il n’y avait aucune contradiction dans le formulaire de demande, car la prestataire avait dit qu’elle ne savait pas quand elle allait retourner au travail et elle avait demandé le nombre maximal de semaines de prestations offertes. Mme Karval a aussi déclaré qu’elle ne comprenait pas la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales et qu’elle voulait l’option qui lui donnerait un an de congé au total. Dans la présente affaire, la prestataire a déclaré la même chose, mais elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées pendant seulement 52 semaines, et non le maximum de 61 semaines. Le choix de 52 semaines correspond à un an, ce qui distingue la situation de la prestataire de celle de Mme Karval.

[20] De plus, dans l’affaire Karval, le taux de prestations que touchait la prestataire est passé de 55 % à 33 % de sa rémunération hebdomadaire au cours de la semaine du 1er septembre 2019. Elle a perçu le plus petit taux de prestations parentales pendant près de six mois avant de communiquer avec la Commission. La prestataire a communiqué avec la Commission le jour suivant la réception de son premier versement de prestations parentales prolongées.

[21] Ce qui précède compare la situation décrite dans l’affaire Karval à celle de la prestataire. Dans l’affaire Karval, la Cour a également fait des commentaires pertinents que je veux aborder. La Cour affirme que les questions dans le formulaire de demande de prestations d’assurance-emploi ne sont pas objectivement nébuleuses. Elle résume ensuite le programme de prestations parentalesNote de bas de page 6 . Elle reproduit également dans sa décision la section Information parentale du formulaire de demande avant de souligner que Mme Karval a choisi « l’option prolongée de 61 semaines [et] a reçu des prestations conformément à ce choix pendant six (6) mois avant de tenter de passer à l’option standardNote de bas de page 7  ».

[22] La Cour a conclu que « lorsqu’une prestataire […] n’est pas induite en erreur, mais qu’elle ne possède tout simplement pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguës, il n’y a aucun recours possible en droit. Il incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre puis, si des doutes subsistent, de poser des questions. » La Cour a décidé que Mme Karval avait délibérément choisi l’option prolongée et qu’elle n’avait pas bien lu le formulaire de demande.

[23] La Cour fait aussi remarquer qu’il n’y a rien « de très confus dans la demande » de prestations parentales et affirme que si le formulaire « la rendait perplexe, Mme Karval aurait pu appeler la Commission au lieu de donner des réponses qui ne reflètent plus maintenant, selon elle, ses intentions véritablesNote de bas de page 8  ».

[24] Je comprends les commentaires de la Cour, mais j’estime qu’ils s’appliquent différemment dans la présente affaire. Je reconnais que la Cour a conclu que les questions figurant dans la section du formulaire de demande qui traite des prestations parentales ne prêtaient pas objectivement à confusion. Toutefois, la Cour n’a pas abordé l’interaction entre cette section du formulaire et la section sur les prestations de maternité. Même s’il est peut-être clair qu’il existe deux types de prestations parentales, soit les prestations standards et les prestations prolongées, lorsqu’on détermine le nombre de semaines de prestations parentales qu’on désire recevoir, il n’est de toute évidence pas clair que les prestations de maternité sont versées sur une période distincte. Dans le formulaire de demande de prestations d’assurance-emploi, on peut lire ceci :

  1. *Désirez-vous recevoir des prestations parentales immédiatement après vos prestations de maternité?
    • Oui, je désire recevoir des prestations parentales immédiatement après mes prestations de maternité.
    • Non, je veux seulement recevoir jusqu’à 15 semaines de prestations de maternitéNote de bas de page 9 .

Le formulaire de demande ne précise pas que les prestations de maternité sont un type de prestation complètement différent et qu’elles sont exclues du choix de prestations parentales.

[25] Même si la section sur la maternité mentionne les 15 semaines de prestations de maternité dans l’option « Non », j’estime qu’il n’est peut-être pas évident pour les prestataires qu’il s’agit d’une prestation indépendante de la section sur les prestations parentales. Si une personne choisit l’option « Oui » en répondant à la question ci-dessus, il se peut qu’elle ne sache pas qu’elle demande alors des prestations de maternité pendant un maximum de 15 semaines, car le formulaire ne précise pas qu’elle obtiendra jusqu’à 15 semaines de prestations en plus des prestations parentales.

[26] De plus, même si la question « Désirez-vous recevoir des prestations parentales immédiatement après vos prestations de maternité? » semble indiquer qu’il y a une certaine différence entre les types de prestations, j’estime que ce n’est pas si clair et évident pour la personne moyenne, qui ne s’occupe pas de prestations d’assurance-emploi tous les jours. La question peut laisser croire à une distinction entre les prestations, mais elle ne définit pas la différence d’une façon assez claire pour que les prestataires comprennent clairement leur choix de prestations.

[27] La Cour a également mentionné la responsabilité des prestataires de comprendre les options possibles et de poser des questions en cas de difficulté à comprendre. Dans la présente affaire, la prestataire pensait avoir bien compris. Elle ne savait pas que demander des prestations parentales pendant 52 semaines, c’était différent de prendre un an de congé parental. J’estime qu’elle ne pouvait pas savoir qu’elle avait fait une erreur avant de recevoir le premier versement de prestations, car elle n’avait pas accès à sa demande de prestations après l’avoir présentée.

[28] De plus, la prestataire ne comprenait pas que les prestations parentales et les prestations de maternité étaient versées pendant des périodes distinctes, de sorte que lorsqu’elle a commencé à toucher des prestations de maternité au taux de 55 %, elle ne savait pas qu’elle devait communiquer avec la Commission et poser des questions parce qu’elle pensait que sa période de prestations était établie correctement et qu’elle continuerait de recevoir la même somme d’argent. Je juge qu’il ne s’agit pas d’une affaire où la prestataire ne possède pas les connaissances nécessaires pour répondre à des questions qui ne sont pas ambiguës, parce que la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales ainsi que la relation entre les deux types de prestations sont ambiguës.

[29] Il ne fait aucun doute que la situation de la prestataire diffère de celle décrite dans la décision Karval. La prestataire a demandé seulement 52 semaines de prestations prolongées, et non le maximum de 61. Elle a également communiqué avec la Commission immédiatement après avoir reçu les prestations parentales pour savoir pourquoi le taux de prestations avait baissé et pour demander de passer aux prestations parentales standards. Dans l’affaire Karval, la prestataire a touché des prestations pendant des mois avant de demander la modification de ses prestations. La Cour a conclu que si elle ne comprenait pas les choses, elle aurait pu téléphoner à la Commission. Dans la présente affaire, c’est exactement ce que la prestataire a fait. Elle a communiqué avec la Commission immédiatement après avoir reçu son premier versement de prestations parentales et s’être rendu compte qu’il était beaucoup plus bas que ce qu’elle s’attendait à recevoir. Pour toutes ces raisons, j’estime que la situation de la prestataire est différente de celle décrite dans la décision Karval.

[30] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire avait l’intention de choisir au total un an de congé de maternité et parental. En effet, l’explication qu’elle a donnée à l’audience était crédible et j’accepte son témoignage selon lequel avant de partir en congé de maternité, elle a convenu avec son employeur de prendre seulement un an de congé, et elle avait la possibilité de revenir au travail plus tôt.

[31] J’estime également que la prestataire croyait qu’elle demandait au total 52 semaines de prestations de maternité et de prestations parentales lorsqu’elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. J’estime que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards. En effet, je préfère son témoignage selon lequel au moment de choisir la durée de ses prestations parentales, elle croyait choisir de recevoir un total de 52 semaines de prestations d’assurance-emploi.

[32] La loi interdit aux prestataires de modifier leur choix après le premier versement de prestations parentalesNote de bas de page 10 . Cependant, comme j’estime que la prestataire n’a pas choisi les prestations parentales prolongées, il n’y a rien à annuler. La prestataire devrait retrouver une situation qui concorde avec son choix de recevoir des prestations parentales standards.

Commentaires supplémentaires

[33] Je souligne que lorsque la prestataire a parlé à une agente de la Commission le 9 juin 2021, elle a affirmé qu’elle aurait réglé ce problème plus tôt si elle avait reçu un avis lui disant quand les prestations parentales allaient commencer, ainsi que le taux de prestations qu’elle recevrait. Elle a affirmé qu’ainsi, les gens auraient la possibilité de comprendre qu’elles ont fait une erreur et de la rectifier avant le versement de prestations parentales. L’agente de la Commission était d’accord avec la prestataire.

[34] Même si chaque affaire est indépendante et tranchée selon les faits qui lui sont propres — et il en va de même pour cette affaire-ci, je dois ajouter qu’en 2021, je me suis penchée sur plus de 25 causes de la même nature que celle-ci, sans oublier le nombre de membres du Tribunal qui ont examiné cette même question. Si le formulaire de demande de prestations de maternité et de prestations parentales de l’assurance-emploi était clair et sans ambiguïté, il n’y aurait pas autant de dossiers dont les faits témoignent de scénarios semblables.

[35] Je ne peux pas ordonner à la Commission de prendre des mesures particulières, mais je l’encourage à examiner l’ensemble des affaires semblables et à envisager des options qui permettront de clarifier cette situation récurrente.

Conclusion

[36] L’appel est accueilli. Je conclus que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards.

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