Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – prestations de maternité et prestations parentales – choix entre les prestations parentales standards et prolongées – division d’appel – permission de faire appel – cause défendable

Le prestataire a demandé et reçu des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans sa demande, il devait choisir entre deux options de prestations parentales : standards et prolongées. Le formulaire de demande explique que l’option standard offre un taux de prestations plus élevé, versé pendant un maximum de 35 semaines. Quant à l’option prolongée, elle offre un taux de prestations plus faible, versé pendant un maximum de 61 semaines. L’épouse du prestataire n’avait pas demandé de prestations de maternité ni de prestations parentales. Il voulait 16 semaines de prestations parentales, alors il a choisi l’option standard. Toutefois, la Commission a cessé de lui verser des prestations après trois semaines seulement. Elle a dit que selon l’option standard, elle ne pouvait pas verser de prestations au prestataire après le premier anniversaire de son enfant. Le prestataire a donc demandé de passer à l’option prolongée. La Commission a refusé la demande du prestataire parce qu’il était trop tard modifier son choix puisqu’il avait commencé à recevoir des prestations parentales.

Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale (DG). La DG a accueilli l’appel et a conclu que le choix du prestataire était invalide parce que le formulaire de demande de la Commission l’avait amené à faire le mauvais choix. La Commission a fait appel de cette décision à la division d’appel (DA).

Comme question préliminaire, la DA a refusé de tenir compte des nouveaux éléments de preuve fournis par la Commission, car aucune des exceptions permettant à la DA de le faire ne s’appliquait dans cette affaire.

Sur le fond de l’affaire, la Commission a soutenu que la DG avait commis une erreur de droit ou qu’elle avait excédé sa compétence en examinant la validité du choix du prestataire et en permettant à celui-ci de modifier son choix après avoir commencé à recevoir des prestations parentales. La DA a affirmé que la DG a le pouvoir de trancher toute question de droit ou de fait requise pour résoudre un appel. Cela comprend la capacité d’examiner l’ensemble de la preuve pour établir si le prestataire avait fait un choix clair et valide. La DG a aussi reconnu qu’une personne ne peut pas modifier son choix une fois qu’elle commence à recevoir des prestations parentales. Toutefois, dans cette affaire, la DG a décidé de suivre une série de décisions de la DA qui disaient que dans certaines situations, le choix d’une personne est invalide dès le départ. Autrement dit, le prestataire n’a jamais fait de choix valide entre l’option standard et l’option prolongée. Ce n’est pas la même chose que de permettre au prestataire de modifier son choix. La DG n’était pas tenue de suivre ces décisions, mais elle n’a trouvé aucune raison de s’en écarter. La DA a conclu que l’appel de la Commission n’avait aucune chance raisonnable de succès et elle a refusé d’accorder la permission de faire appel.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c FV, 2022 TSS 35

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie défenderesse : F. V.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 décembre 2021 (GE-21-2341)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Date de la décision : Le 1er février 2022
Numéro de dossier : AD-22-22

Sur cette page

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel s’arrête ici.

Aperçu

[2] F. V. est le prestataire dans cette affaire. Il a demandé et reçu des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans sa demande, il a dû faire un choix entre deux options : les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongéesNote de bas de page 1 .

[3] Le formulaire de demande expliquait que l’option standard permet de recevoir des prestations à un taux plus élevé, pendant une durée maximale de 35 semaines. Avec l’option prolongée, les prestations peuvent être versées sur 61 semaines, mais sont d’un taux inférieur.

[4] L’épouse du prestataire n’a demandé aucunes prestations, ni parentales ni de maternité. Le prestataire, lui, voulait recevoir des prestations parentales pendant 16 semaines. Il a donc choisi l’option standard.

[5] Néanmoins, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a cessé de lui verser des prestations après seulement trois semainesNote de bas de page 2 . La Commission a expliqué que l’option standard ne permettait pas de verser au prestataire des prestations après le premier anniversaire de son enfant. La division générale a parlé de ce délai comme de la « période de versement des prestations parentales ».

[6] Le prestataire a alors demandé de passer à l’option prolongée. La Commission a toutefois refusé sa demande, en disant qu’il était tard pour changer d’option comme il avait déjà commencé à recevoir ses prestations parentales.

[7] Le prestataire a donc fait appel de la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal, et il a obtenu gain de cause. La division générale a conclu qu’il avait fait un choix invalide puisque le formulaire de demande de la Commission l’avait induit en erreur par rapport à son choix.

[8] La Commission veut maintenant faire appel de cette décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. La Commission doit par contre obtenir la permission d’en appeler avant de passer à un appel en bonne et due forme.

[9] La Commission soutient que la décision de la division générale contient des erreurs de droit. Elle avance aussi que la division générale a excédé ses pouvoirs.

[10] L’appel de la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès. Je n’ai donc d’autre choix que de lui refuser la permission d’en appeler.

Question préliminaire : je n’examine pas la nouvelle preuve de la Commission

[11] Une nouvelle preuve est une preuve que les parties n’auraient pas soumise à la division générale avant que celle-ci rende sa décision. Dans sa demande à la division d’appel, la Commission résume d’autres informations disponibles sur son site Web, et fournit notamment un hyperlien pour trouver ces informationsNote de bas de page 3 . Il s’agit d’une nouvelle preuve.

[12] Je ne peux pas examiner cette nouvelle preuve compte tenu des pouvoirs limités que la loi donne à la division d’appelNote de bas de page 4 . Mon but ici est de savoir si la division générale a commis une erreur pertinente. Je ne peux pas reprocher à la division générale de ne pas avoir considéré une preuve qu’aucune des parties ne lui avait soumise.

[13] Dans le même ordre d’idées, mes pouvoirs me permettent seulement de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 5 . Je ne peux pas revisiter le dossier et tirer mes propres conclusions d’après des preuves qui sont nouvelles ou mises à jour.

[14] Il existe des exceptions à la règle interdisant d’examiner une nouvelle preuveNote de bas de page 6 . Par exemple, je peux tenir compte d’un nouvel élément si l’information qu’il donne est strictement d’ordre général, s’il met en lumière des conclusions que la division générale aurait tirées sans preuve à l’appui, ou s’il révèle comment la division générale a agi de façon inéquitable.

[15] Par contre, aucune de ces exceptions ne s’applique ici. Avec sa nouvelle preuve, la Commission essaie plutôt d’étayer son argument concernant ce que le prestataire savait ou aurait dû savoir en remplissant sa demande de prestations.

[16] Par conséquent, je n’ai pas examiné la nouvelle preuve de la Commission.

Questions en litige

[17] Ma décision porte sur les deux questions suivantes :

  1. a) La division générale aurait-elle commis une erreur de droit en décidant que le formulaire de demande de la Commission avait induit en erreur le prestataire?
  2. b) La division générale aurait-elle commis une erreur de droit ou excédé ses pouvoirs en examinant la validité du choix du prestataire et en lui permettant de changer son choix une fois le versement de ses prestations commencé?

Analyse

[18] À la division d’appel, la plupart des dossiers suivent un processus en deux étapes. Ici, l’appel est à la première étape : celle de la permission d’en appeler.

[19] À cette première étape, la Commission doit remplir un critère juridique peu rigoureux : un motif défendable lui donne-t-il le potentiel de gagner son appelNote de bas de page 7 ? Si son appel n’a aucune chance raisonnable de succès, je dois lui refuser la permission d’en appelerNote de bas de page 8 .

[20] Pour décider de cette question, je dois chercher à savoir si une erreur de droit ou de compétence pourrait avoir été commise par la division générale. Ces erreurs font partie de celles qu’il m’est permis d’examiner Note de bas de page 9 .

Il n’est pas défendable que la division générale ait commis une erreur de droit en décidant que le formulaire de demande de la Commission a induit en erreur le prestataire

[21] La division générale a conclu que le prestataire avait choisi les prestations parentales standards. Toutefois, elle a décidé que son choix était invalide.

[22] La division générale est arrivée à cette conclusion après avoir conclu que des informations essentielles ne figuraient pas dans le formulaire de demande de la Commission. Le prestataire avait ainsi été induit en erreur et avait fait le mauvais choix.

[23] Le formulaire de demande de la Commission offrait deux choix au prestataire. Il pouvait recevoir des prestations parentales standards pendant une durée maximale de 35 semaines, à un taux plus élevé. Sinon, il pouvait recevoir des prestations parentales prolongées, qui sont d’un taux moindre, mais peuvent être versées pendant 61 semaines. Comme le prestataire voulait 16 semaines de prestations, il a évidemment choisi l’option standard.

[24] Le formulaire de demande de la Commission ne spécifiait aucunement qu’il existait une période de versement pour les prestations parentales. Il n’a jamais été expliqué au prestataire que le versement de ses prestations parentales cesserait après le premier anniversaire de son enfantNote de bas de page 10 .

[25] Pourtant, cette information était essentielle, comme le prestataire avait soumis sa demande peu après le premier anniversaire de son enfant. S’il avait choisi l’option prolongée, il aurait reçu des prestations pendant 16 semaines, comme il le voulait (bien que leur taux aurait été inférieur).

[26] La division générale a donc conclu que l’absence de cette information essentielle avait induit en erreur le prestataire et l’avait mené à faire le mauvais choix.

[27] Indépendamment du problème dans son formulaire de demande, la Commission fait valoir que la division générale n’a pas appliqué les principes juridiques qui imposent davantage de responsabilité aux personnes demandant des prestations parentales. Selon la Commission, si la division générale avait appliqué ces principes, il lui aurait été impossible de conclure qu’elle avait induit en erreur le prestataire.

[28] D’abord, la Commission maintient que le prestataire se devait de lire attentivement les explications sur ses options, d’essayer de les comprendre, et de poser les questions nécessairesNote de bas de page 11 . Ensuite, elle dit que la division générale n’a pas appliqué le principe selon lequel l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. Selon elle, la division générale aurait dû considérer que le prestataire savait que le versement de ses prestations cesserait au premier anniversaire de son enfant, puisque la loi est ainsi faiteNote de bas de page 12 .

[29] Les arguments de la Commission n’ont aucune chance raisonnable de succès.

[30] La division générale n’a jamais conclu que le prestataire avait ignoré la loi et ne l’en a pas excusé. Dans le même ordre d’idées, la présente cause ne concerne pas un non-respect d’exigences légales qui serait attribuable à son ignorance.

[31] La présente cause porte plutôt sur la validité du choix qui a été fait par le prestataire. Plus précisément, lorsque des prestataires sont appelés à faire un choix entre deux options, la Commission devrait éviter de les induire en erreur, sans quoi leur choix pourrait être invalideNote de bas de page 13 .

[32] En effet, la décision Karval, qui a pourtant été invoquée par la Commission, fait très bien la distinction entre les personnes qui ne possèdent pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions claires, et celles qui sont induites en erreur par des informations incomplètesNote de bas de page 14 .

[33] De plus, les faits dans Karval sont différents. Dans cette affaire, il ne faisait absolument aucun doute que la prestataire avait choisi l’option prolongée. Par conséquent, rien n’avait pu laisser croire à la Commission qu’elle était embrouilléeNote de bas de page 15 . Ici cependant, le prestataire a demandé 16 semaines de prestations parentales standards, alors que la loi ne le permettait pas.

[34] Autrement dit, en présentant une demande que la Commission était incapable d’honorer, le prestataire mettait au jour une contradiction qui permet de douter de son choix entre l’option standard et prolongéeNote de bas de page 16 . Néanmoins, la Commission n’a jamais cherché à clarifier son choix.

[35] Il n’est pas défendable que la division générale n’ait pas appliqué certains principes juridiques, comme le lui reproche la Commission. Ces principes ne s’appliquent pas dans ce dossier.

Il n’est pas défendable que la division générale ait commis une erreur en examinant la validité du choix du prestataire et en lui permettant de changer son choix une fois le versement de ses prestations commencé

[36] La Commission avance aussi que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle aurait excédé ses pouvoirs en :

  • examinant la validité du choix du prestataire;
  • permettant au prestataire de changer l’option qu’il avait choisie alors qu’il avait commencé à recevoir des prestationsNote de bas de page 17 .

[37] Ces arguments n’ont aucune chance raisonnable de succès.

[38] La division générale a le pouvoir de trancher toute question de droit ou de fait nécessaire à régler un appelNote de bas de page 18 . Elle peut donc notamment examiner l’ensemble de la preuve pour décider si le choix du prestataire était clair et valide.

[39] La division générale a reconnu qu’une personne ne peut pas changer l’option de ses prestations parentales une fois qu’elle a commencé à en recevoirNote de bas de page 19 .

[40] Cela étant dit, la division générale a décidé de suivre une série de décisions de la division d’appel, d’après lesquelles le choix d’un prestataire peut parfois être invalide dès le départNote de bas de page 20 . Autrement dit, un choix valide n’a jamais été fait entre l’option standard et l’option prolongée. Dans une telle situation, ce n’est pas comme si l’on autorisait un changement d’option.

[41] Même si la division générale n’était pas obligée de suivre ces décisions, elle n’a trouvé aucune raison d’y déroger.

[42] Compte tenu des circonstances, il n’est pas défendable que la division générale ait commis une erreur de droit ou excédé ses pouvoirs.

[43] En plus des arguments de la Commission, j’ai aussi examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas de page 21 .

[44] La preuve appuie la décision rendue par la division générale. Je n’ai trouvé aucun élément de preuve qu’elle aurait ignoré ou mal interprété. Enfin, la Commission n’a pas soutenu que la division générale aurait agi de façon inéquitable d’une quelconque manière.

Conclusion

[45] J’ai décidé que l’appel de la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès. Je n’ai donc d’autre choix que de lui refuser la permission d’en appeler. L’appel prend fin ici.

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