Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 874

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (430189) rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada le 6 août 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 septembre 2021
Personne présente à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 29 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1397

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire, S. M.

[2] La prestataire était incapable de travailler du 13 juin 2021 au 2 juillet 2021 en raison de sa maladie avant son accouchement. Je conclus qu’elle aurait été disponible pour travailler pendant cette période si elle n’avait pas été malade. Sa maladie était la seule chose qui l’empêchait d’être disponible pour travailler.

[3] Cela signifie que la prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations de maladie de l’assurance-emploi du 20 juin 2021 au 2 juillet 2021. Il est donc possible qu’elle ait droit aux prestations.

Aperçu

[4] La prestataire était enceinte et son médecin l’a mise en congé de maladie. Elle a utilisé ses congés de maladie payés par son employeur jusqu’à ce qu’ils soient épuisés, puis a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Elle a reçu une semaine de prestations de maladie avant que la Commission de l’assurance-emploi du Canada ne commence à lui verser des prestations de maternité même si elle n’a accouché que deux semaines plus tard.

[5] Pour pouvoir recevoir des prestations de maladie de l’assurance‑emploi, la prestataire doit être « sans cela disponible pour travaillerNote de bas page 1 ». En d’autres mots, la maladie de la prestataire doit être la seule raison pour laquelle elle n’était pas disponible pour travailler.

[6] La Commission affirme que la prestataire n’aurait pas été disponible pour travailler parce que les parties prestataires ne sont considérées comme étant sans cela disponibles pour travailler que jusqu’à la semaine précédant la date prévue de leur accouchement. La Commission dit que cela est vrai même si la naissance a lieu plus tard que prévu.

[7] La prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’elle devrait pouvoir recevoir des prestations de maladie au cours des semaines précédant la naissance de son enfant. La décision de la Commission signifie qu’elle recevra moins de prestations parentales qu’une prestataire qui se porte assez bien pour travailler jusqu’à la semaine de son accouchement.

Question en litige

[8] La prestataire était incapable de travailler en raison de sa maladie, mais était-elle sans cela disponible pour travailler?

Analyse

[9] Il est évident qu’une personne malade ou blessée n’est pas disponible pour travailler. La loi liée aux prestations de maladie de l’assurance-emploi en tient compte. Toutefois, la loi exige que les personnes qui demandent des prestations de maladie soient sans cela disponibles pour travailler. Autrement dit, la prestataire doit démontrer que sa maladie est la seule raison pour laquelle elle n’était pas disponible pour travaillerNote de bas page 2.

[10] La prestataire doit établir sa preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle aurait été disponible pour travailler si elle n’avait pas été malade.

Disponible pour travailler

[11] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si une personne est disponible pour travailler. La personne doit prouver les trois choses suivantesNote de bas page 3 :

  1. a) qu’elle voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable était offert;
  2. b) qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est‑à‑dire trop) ses chances de retourner au travail.

[12] La prestataire n’a pas à démontrer qu’elle était vraiment disponible. Elle doit montrer qu’elle aurait été en mesure de satisfaire aux exigences de ces trois éléments si elle n’avait pas été malade. Autrement dit, la prestataire doit démontrer que sa maladie est la seule chose qui l’a empêchée de satisfaire aux exigences de chacun de ces éléments.

Désir de retourner au travail

[13] La prestataire a démontré qu’elle aurait voulu retourner au travail dès qu’un emploi convenable était offert si elle n’avait pas été malade.

[14] La prestataire a déclaré qu’elle travaille pour avoir de l’argent. Elle a prévu de prendre un an de congé, le congé le plus long qu’elle peut prendre. Elle fait des heures supplémentaires autant qu’elle le peut pour augmenter ses revenus. Elle ne voulait pas s’absenter de son travail avant d’accoucher. Son médecin l’a mise en arrêt de travail jusqu’à la date prévue de son accouchement. Il a prolongé son congé jusqu’à ce qu’elle accouche 12 jours plus tard. La prestataire retournera au travail à la fin de son congé de maternité le 2 juillet 2022, soit un an après la naissance de son enfant. Cet élément de preuve m’indique que la prestataire voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était offert.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[15] La prestataire a démontré qu’elle aurait fait suffisamment d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[16] La prestataire a dit que lorsqu’elle était employée, elle appelait au bureau de dotation de l’employeur pour voir s’il y avait des heures supplémentaires disponibles en plus de ses heures normales de travail. Elle a soutenu qu’elle avait appelé le bureau de dotation avant partir en congé et qu’on lui avait dit qu’il n’y avait pas d’heures supplémentaires disponibles parce qu’à cette période de l’année, c’est-à-dire en juin, il y avait des étudiants disponibles pour travailler. La prestataire a affirmé que si elle avait pu travailler, elle aurait continué à le faire et aurait également cherché à faire des heures supplémentaires. Après la naissance de son enfant, la prestataire a communiqué avec le bureau des ressources humaines de son employeur pour organiser son congé de maternité. Celui-ci se terminera le 2 juillet 2022. Cet élément de preuve m’indique que la prestataire aurait fait des efforts pour faire des heures supplémentaires.

Cette section est laissée vide intentionnellement.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[17] La prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner au travail.

[18] La prestataire affirme qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles parce que sa maladie l’a empêchée de travailler avant son accouchement. Elle a affirmé que son médecin l’a mise en arrêt de travail lorsqu’elle était enceinte de 36 semaines en raison de complications liées à sa grossesse. Elle a pu utiliser ses congés de maladie payés par son employeur jusqu’à ce qu’ils soient épuisés. Son dernier jour de travail a été le 14 juin 2021. Elle est demeurée en congé après cette date. Elle a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi le 16 juin 2021.

[19] Le médecin de la prestataire l’a mise en arrêt de travail à la 36e semaine de sa grossesse en raison d’une maladie liée à sa grossesse. Elle a utilisé ses congés de maladie payés par son employeur jusqu’à ce qu’ils soient épuisés le 14 juin 2021. L’état de santé de la prestataire n’a pas changé après cette date et sa maladie s’est poursuivie au-delà de la date prévue de son accouchement jusqu’à ce qu’elle accouche le X. Elle s’est arrangée pour que son congé de maternité commence après son accouchement. À mon avis, la maladie de la prestataire avant son accouchement n’est pas une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner au travail. Par conséquent, je conclus que la prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner au travail.

La prestataire aurait-elle donc été disponible pour travailler?

[20] Oui, d’après mes conclusions sur les trois éléments, je juge que la prestataire a démontré qu’elle était sans cela disponible pour travailler. Elle aurait satisfait aux exigences des trois éléments si elle n’avait pas été malade.

[21] La prestataire a présenté à la Commission un formulaire intitulé « Certificat médical, prestations de maladie de l’assurance-emploi ». Ce formulaire indique que la date prévue de son accouchement était le 22 juin 2021, qu’elle est devenue incapable de travailler en raison de son état de santé le 14 juin 2021 et qu’elle était incapable de travailler jusqu’au 22 juin 2021. Il est signé par un médecin et daté du 16 juin 2021.

[22] La prestataire n’a pas accouché le 22 juin 2021. Elle a vu son médecin le 23 juin 2021. Elle a dit que celui-ci avait ajouté des renseignements manuscrits sur le formulaire original.

[23] Le formulaire modifié comporte la mention [traduction] « ou la date de l’accouchement » à côté de la date jusqu’à laquelle il était indiqué à l’origine que la prestataire était incapable de travailler. On trouve aussi la note manuscrite suivante dans la section des commentaires auparavant vide : [traduction] « Cette dame est enceinte. Elle est incapable de travailler pendant le reste de sa grossesse. »

[24] La prestataire a dit qu’elle a envoyé le formulaire modifié par courriel à Service Canada en tant que pièce jointe, mais qu’un agent lui a dit qu’il ne pouvait pas être ouvert. La prestataire a joint le formulaire modifié à sa demande de révision.

[25] La prestataire a affirmé avoir accouché le X. Elle a communiqué avec son employeur après son accouchement pour lui faire savoir qu’elle voulait commencer son congé de maternité. Le service des ressources humaines de l’employeur l’a informé par courriel le 19 juillet 2021 que son congé de maternité prendrait fin le 2 juillet 2022.

[26] La Commission dit qu’elle a approuvé le versement de prestations de maladie à la prestataire du 14 juin 2021 au 19 juin 2021. Après cela, elle lui verserait 15 semaines de prestations de maternité suivies de 35 semaines de prestations parentales standards.

[27] La Commission affirme que la prestataire a demandé des prestations de maladie du 13 juin au 2 juillet 2021, car elle était en arrêt de travail pour des raisons médicales, et que ses prestations de maternité débutent le X, le jour de la naissance de son enfant. La Commission affirme lui avoir dit qu’elle ne pouvait pas demander de prestations de maladie pour les semaines commençant le 20 juin 2021 et le 27 juin 2021 parce que la semaine de la date prévue de son accouchement est celle où le versement des prestations de maternité doit commencer. La Commission a également mentionné à la prestataire qu’être disponible pour travailler était une condition pour recevoir des prestations et que comme elle aurait été en congé de maternité à partir de la semaine du 20 juin 2021, elle ne remplissait pas cette condition.

[28] La Commission a fait valoir qu’il est fréquent que des prestataires demandent des prestations de maladie immédiatement avant le début de leurs prestations de maternité. Dans ces circonstances, les prestataires doivent remplir les mêmes conditions que les autres personnes recevant des prestations de maladie et démontrer qu’elles sont sans cela disponible pour travailler. La Commission dit que dans ces circonstances, les prestataires sont considérées comme étant sans cela disponibles pour travailler jusqu’à la semaine précédant la date prévue de leur accouchement. Elle précise que cela est vrai même si la naissance a lieu plus tard que prévu.

[29] La Commission affirme que la date prévue de l’accouchement de la prestataire était le 22 juin 2021. Par conséquent, elle affirme que la prestataire était sans cela disponible pour travailler jusqu’à la semaine commençant le 13 juin 2021. La Commission soutient que la prestataire ne satisfait pas à cette exigence à compter du 20 juin 2021 parce que c’était la date prévue du début de son congé de maternité et qu’elle ne travaillerait pas.

[30] Je ne suis pas d’accord avec la Commission pour deux raisons.

[31] Premièrement, il n’y a aucune preuve à l’appui du fait que la prestataire prévoyait de commencer son congé de maternité dans la semaine débutant le 20 juin 2021. La prestataire a soumis un formulaire indiquant qu’elle était incapable de travailler à partir du 14 juin 2021 et que la date prévue de son accouchement était le 22 juin 2021. Ce formulaire ne précise toutefois pas qu’elle allait commencer son congé de maternité à compter de cette date. Le témoignage de la prestataire est clair : elle avait l’intention de travailler jusqu’à la naissance de son enfant. Son médecin l’a mise en arrêt de travail à sa 36e semaine de sa grossesse. Elle a pu prendre un congé de maladie payé jusqu’au 14 juin 2021. Elle est demeurée en congé après cette date. Elle a ensuite demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Elle n’a organisé son congé de maternité avec son employeur qu’après la naissance de son enfant.

[32] Deuxièmement, la décision de la Commission de ne pas verser de prestations de maladie à la prestataire parce que sa période de maladie s’étend au-delà de la date prévue de son accouchement et que celui-ci est survenu plus tard que prévu n’est pas soutenue par la loi.

[33] La loi prévoit que des prestations de maternité peuvent être versées à une prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui commence douze semaines avant la semaine de la date prévue de son accouchement, ou, si elle est antérieure, la semaine de son accouchementNote de bas page 4. La période pendant laquelle des prestations de maternité peuvent être versées à une prestataire se termine 17 semaines après la semaine de la date prévue de son accouchement ou, si elle est postérieure, la semaine de son accouchementNote de bas page 5.

[34] Cet article de la loi définit la période pendant laquelle des prestations de maternité peuvent être versées. Une femme peut commencer à recevoir des prestations de maternité au plus tôt à n’importe quel moment au cours de la période de 12 semaines précédant la date prévue de son accouchement ou, si celui-ci a lieu avant, la semaine de son accouchement. La loi ne dit pas que le versement des prestations de maternité doit commencer la semaine où la prestataire accoucheNote de bas page 6. Elle ne dit pas non plus qu’une prestataire est considérée comme étant sans cela disponible pour travailler jusqu’à la semaine précédant la date prévue de son accouchement.

[35] La loi dit qu’aux fins de l’application du délai de carence, les dispositions de l’article 18 qui portent sur la disponibilité ne s’appliquent pas à la semaine qui précède le début de la période pendant laquelle des prestations de maternité peuvent être verséesNote de bas page 7. Cette partie de la loi porte traite de la disponibilité pour travailler d’une partie prestataire n’importe quel jour ouvrable du délai de carence précédant la période pendant laquelle des prestations de maternité peuvent être verséesNote de bas page 8. Elle ne dit pas qu’une prestataire n’est pas disponible si sa maladie survient dans les semaines qui suivent la date prévue de son accouchement et qu’elle accouche plus tard que prévu.

[36] Une grossesse n’est pas une maladie. Cependant, l’une n’exclut pas l’autreNote de bas page 9. Dans certaines circonstances, une prestataire enceinte peut avoir droit à des prestations de maladie.

[37] Une partie prestataire est admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pour tout jour ouvrable pour lequel elle peut prouver qu’elle était incapable de travailler en raison d’une maladie prévue par règlement et qu’elle aurait été sans cela disponible pour travaillerNote de bas page 10. Selon la loi, les maladies sont celles qui rendent une partie prestataire incapable d’exercer les fonctions de son emploi régulier ou habituel ou d’un autre emploi convenableNote de bas page 11.

[38] La prestataire a démontré qu’elle aurait été sans cela disponible pour travailler au sens de la loi si elle n’avait pas été malade. Pour cette raison, je conclus que la prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations de maladie de l’assurance-emploi du 20 juin 2021 au 2 juillet 2021. Il est donc possible qu’elle ait droit aux prestations.

Conclusion

[39] L’appel est accueilli.

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