Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 61

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (436637) rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada le 7 octobre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Questions et réponses
Date de la décision : Le 31 janvier 2022
Numéro de dossier : GE-21-2148

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Décision

[1] J’accueille l’appel en partie.

[2] L’appelant, A. H., a démontré qu’il résidait temporairement en Pennsylvanie, aux États-Unis, du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018. Il est donc exempté de l’inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était à l’étranger.

[3] L’appelant a démontré qu’il répond aux exigences de disponibilité du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018. Ainsi, il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations pendant cette période.

[4] La Commission a agi de manière judiciaire (comme il se doit) lorsqu’elle a infligé une pénalité non financière sous la forme d’un avertissement. Par conséquent, je ne peux pas annuler la pénalité.

Aperçu

[5] L’appelant réside normalement à Calgary, en Alberta, mais il travaille dans les régions éloignées du Canada. Lorsqu’il a été mis à pied en novembre 2017, il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Dans le formulaire de demande, il a inscrit son adresse à Calgary. La Commission a établi que sa période de prestations débutait le 19 novembre 2017.

[6] Le 29 décembre 2017, durant sa période de prestations, l’appelant a quitté le Canada. Il est resté temporairement chez sa mère en Pennsylvanie, aux États-Unis, jusqu’à son retour au Canada le 25 janvier 2018. Il rendait visite à sa mère, qui était gravement malade et suivait un traitement médical, pour lui donner un coup de main. L’appelant n’a pas mentionné qu’il se trouvait à l’étranger dans les déclarations qu’il remplissait toutes les deux semaines.

[7] La Commission a reçu des renseignements de l’Agence des services frontaliers du Canada. La Commission a réexaminé le dossier de l’appelant. Elle a d’abord conclu que l’appelant n’avait pas droit aux prestations pendant toute la période où il se trouvait à l’étranger, soit du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018.

[8] La Commission a déclaré l’appelant inadmissible de façon rétroactive pour deux motifs. La première inadmissibilité était attribuable au fait que l’appelant se trouvait à l’étranger. La deuxième inadmissibilité était attribuable au fait que la Commission a décidé que l’appelant ne remplissait pas les exigences de disponibilité.

[9] La Commission a aussi décidé que l’appelant avait sciemment (en toute connaissance de cause) fait une fausse déclaration parce qu’il n’avait pas écrit qu’il se trouvait à l’étranger dans les déclarations qu’il remplissait toutes les deux semaines. Elle lui a imposé une pénalité non financière sous forme d’avertissement.

[10] Après avoir fait une révision, la Commission a modifié la période d’inadmissibilité. Elle a conclu que l’appelant pouvait bénéficier d’une exception de sept jours. Elle a donc annulé l’inadmissibilité pour les sept premiers jours où il se trouvait à l’étranger, sans compter la date où il a quitté le Canada. La Commission a décidé que l’exception s’appliquait du 30 décembre 2017 au 5 janvier 2018. Elle a maintenu l’inadmissibilité pour la période du 6 janvier 2018 au 25 janvier 2018 parce que l’appelant était à l’étranger.

[11] La Commission a maintenu la deuxième inadmissibilité du 1er janvier 2018 au 24 janvier 2018 parce qu’elle a conclu que l’appelant ne remplissait pas les exigences de disponibilité.

[12] La Commission n’a pas changé sa décision concernant les fausses déclarations. Elle a maintenu la pénalité non financière, c’est-à-dire l’avertissement.

[13] L’appelant conteste les décisions de la Commission. Il fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. Dans ses documents d’appel, il écrit qu’il était prêt et disposé à revenir au Canada et capable de le faire dans les 48 heures, alors il croyait qu’il respectait les règles de l’assurance-emploi. Il ajoute que s’il avait su que la période maximale qu’on pouvait passer à l’étranger pour aider un parent malade était de seulement sept jours, il aurait pris d’autres dispositions. Il soutient qu’il n’a pas été en mesure de résoudre ces problèmes parce que l’Agence du revenu du Canada a mal consigné sa date de naissance.

Questions que je dois examiner en premier

Compétence

[14] Le Tribunal de la sécurité sociale est un tribunal administratif indépendant. En d’autres mots, le Tribunal et ses membres fonctionnent séparément de la Commission de l’assurance-emploi du Canada et de l’Agence du revenu du Canada.

[15] Le pouvoir de trancher les questions en litige est accordé au Tribunal par l’article 113 de la Loi sur l’assurance-emploi. La Loi prévoit aussi que si une partie se croit lésée par la décision de révision de la Commission, elle peut porter la décision en appel au TribunalNote de bas de page 1 .

[16] Une ou un membre du Tribunal tranche alors les questions en litige selon la prépondérance des probabilités et rend une décision conformément à la loiNote de bas de page 2 .

[17] Dans la présente affaire, la Commission a révisé ses décisions d’imposer une pénalité non financière et de déclarer l’appelant inadmissible aux prestations pour la période où il était à l’étranger et où il ne remplissait pas les exigences de disponibilité. Dans ses documents d’appel, l’appelant déclare, entre autres choses, qu’il aimerait porter la décision de la Commission en appel pour les raisons suivantes :

  • la date de naissance inscrite à son dossier de l’Agence du revenu du Canada est erronée, ce qui l’empêche de faire des paiements et d’accéder aux renseignements dans ses comptes;
  • les sommes à rembourser n’ont pas été mises à jour par l’AgenceNote de bas de page 3 .

[18] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les questions que je dois trancher ont trait aux décisions de révision de la Commission. Celles-ci portent sur la pénalité et l’inadmissibilité. Je n’ai pas la compétence nécessaire pour trancher les questions en litige entre l’appelant et l’Agence du revenu du Canada, et ce, même si l’appelant peut faire valoir que de telles décisions doivent être renduesNote de bas de page 4 . Si l’appelant a des questions à régler avec l’Agence, il peut communiquer directement avec elle.

[19] Je dois examiner les éléments de preuve pertinents pour trancher les questions dont je suis saisie et rendre une décision conformément à la loi. Dans la présente affaire, l’appelant doit démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’il répond aux critères d’admissibilité pour recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant son séjour à l’étrangerNote de bas de page 5 . Il revient à la Commission de prouver que l’appelant a fait une déclaration fausse ou trompeuse en toute connaissance de cause.

[20] Je vais maintenant déterminer le bien-fondé de l’appel. J’ai tenu compte de toutes les observations pertinentes et de tous les éléments de preuve pertinents pour rendre ma décision, même s’il se peut que je ne les mentionne pas tous.

Questions en litige

[21] L’appelant a-t-il démontré que l’exception relative à l’inadmissibilité s’applique à son séjour à l’étranger?

[22] L’appelant répond-il aux exigences de disponibilité pour recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant son séjour à l’étranger?

[23] La Commission a-t-elle réexaminé la demande de prestations dans les délais prescrits?

[24] La Commission a-t-elle démontré que l’appelant a fourni des renseignements qu’il savait être faux ou trompeurs dans ses déclarations de prestataire? 

[25] Si oui, a-t-elle imposé la pénalité non financière de façon judiciaire?

Analyse

Séjour à l’étranger

[26] En règle générale, on ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi si l’on est à l’étrangerNote de bas de page 6 . La loi prévoit cependant des exceptions. Par exemple, on peut obtenir des prestations pendant un maximum de sept jours si l’on va à l’étranger pour rendre visite à un proche parent qui est gravement malade ou blesséNote de bas de page 7 .

[27] On peut aussi bénéficier d’une exception à l’inadmissibilité si l’on réside temporairement dans un État des États-Unis qui est contigu au Canada. Plus précisément, il faut être disponible pour travailler au Canada, pouvoir se présenter en personne à un bureau de la Commission et s’y présenter sur demande ainsi que résider dans un État des États-Unis qui est contigu au CanadaNote de bas de page 8 .

[28] Les parties conviennent que l’appelant a quitté le Canada le 29 décembre 2017. Il s’est rendu en Pennsylvanie, aux États-Unis, et il est resté chez sa mère, qui était gravement malade et subissait un traitement médical. Il est revenu au Canada le 25 janvier 2018.

[29] La Commission a conclu que l’appelant pouvait bénéficier de l’exception à l’inadmissibilité pendant sept jours, soit du 30 décembre 2017 au 5 janvier 2018. En effet, elle a admis que l’appelant se trouvait à l’étranger pour rendre visite à sa mère, qui était gravement malade et suivait un traitement médicalNote de bas de page 9 .

[30] La Commission affirme que l’appelant demeure inadmissible du 6 janvier 2018 au 25 janvier 2018. Elle a décidé qu’il ne remplissait les conditions d’aucune autre exception pendant cette partie de son séjour à l’étranger.

[31] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’une exception s’applique pour toute la période pendant laquelle il était à l’étranger, à savoir du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018. Il dit qu’il résidait temporairement en Pennsylvanie, aux États-Unis, un État contigu au Canada, qu’il était disponible pour travailler au Canada et qu’il pouvait, sur demande, se présenter à un bureau de la Commission situé au Canada. Pendant qu’il résidait temporairement aux États-Unis, il cherchait du travail et rendait visite à sa mère, qui était gravement malade et suivait un traitement médical.

[32] Je reconnais que la raison invoquée par l’appelant pour justifier son absence du Canada a changé récemment. Je juge que son explication du changement est crédible, car elle est franche et plausible. Plus précisément, lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi ses raisons avaient changé, l’appelant a répondu qu’il avait modifié la formulation de son explication pour refléter son [traduction] « examen récent de la législation et l’utilisation du bon jargon pour décrire sa situation ».

[33] Je reconnais également que rien n’indique que la Commission a discuté avec l’appelant de l’article 55(6) du Règlement sur l’assurance-emploi. Il en a donc pris connaissance seulement après avoir examiné les observations écrites de la CommissionNote de bas de page 10 .

[34] Je juge que les faits dans la présente affaire appuient la conclusion selon laquelle l’exception à l’inadmissibilité s’applique à l’appelant parce qu’il était à l’étranger du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018. Voici pourquoi :

  • il n’est pas travailleur indépendant;
  • il résidait temporairement à l’étranger, c’est-à-dire en Pennsylvanie, aux États-Unis, un État qui est contigu au Canada;
  • il pouvait se présenter sur demande à un bureau de la Commission situé au Canada dans un délai de 24 à 48 heures;
  • il était disponible pour travailler au Canada (j’explique plus en détail mes conclusions sur la disponibilité de l’appelant plus bas).

[35] La Cour d’appel fédérale a expressément abordé le sens du mot « contiguNote de bas de page 11  ». Compte tenu de ce sens, j’admets que la Pennsylvanie, aux États-Unis, est contiguë au Canada en raison de leur frontière commune.

[36] Il semble qu’aucune décision de la Cour d’appel fédérale ne définit la résidence temporaire ou permanente, telle qu’elle est mentionnée à l’article 55(6)(a) du Règlement. Une décision du Tribunal fait référence à la définition de « résident ». Dans cette décision, le Tribunal a tenu compte de la façon dont la Cour suprême du Canada a défini « résider habituellement » aux fins de l’impôtNote de bas de page 12 . Après avoir examiné cette définition, l’appelant admet qu’il ne lui serait pas possible de dire qu’il réside habituellement aux États-Unis. Mais cela ne change rien au fait qu’il résidait temporairement dans un État contigu au Canada.

[37] Je suis d’accord avec l’appelant : la décision du Tribunal dans l’affaire JLL c Commission de l’assurance-emploi du Canada décrit des faits semblables à sa situationNote de bas de page 13 . Plus précisément, J. L. L. avait résidé temporairement avec des amis dans un État contigu au Canada pendant à peine trois semaines, et le Tribunal a conclu que l’exception à l’inadmissibilité s’appliquaitNote de bas de page 14 .

[38] J’ai également pris en compte des décisions du juge-arbitre du Canada sur les prestations qui décrivaient des circonstances semblablesNote de bas de page 15 . Dans ces affaires, les juges-arbitres ont décidé que, pour que l’exception s’applique, les prestataires devaient remplir le critère de disponibilité aux États-Unis et détenir un permis de travail valide. Ces décisions sont peut-être convaincantes, mais elles se rapportent à des versions plus anciennes de la loi et ne créent aucun précédent. Je ne suis donc pas obligée de suivre leurs principes.

[39] Après avoir examiné la version actuelle de la loi et les décisions pertinentes ayant trait à l’application de l’article 55(6)(a) du Règlement, je conclus que l’exception à l’inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi s’applique à l’appelant pendant qu’il résidait temporairement à l’étranger, et ce, du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018.

[40] Pour rendre cette décision, j’ai tenu compte du fait que le Règlement actuel exige seulement que l’appelant réside à titre temporaire ou permanent dans un État des États-Unis qui partage une frontière avec le Canada, qu’il puisse se présenter sur demande à un bureau de la Commission situé au Canada dans les 48 heures et qu’il remplisse les exigences de disponibilité pour travailler au Canada. Pour que l’exception s’applique selon la version actuelle de la loi, il n’est pas nécessaire de répondre à un critère de disponibilité pour travailler aux États-Unis ni d’avoir un permis de travail valide.  

[41] Je vais maintenant voir si, pendant son séjour temporaire à l’étranger, l’appelant répondait aux exigences de disponibilité pour travailler au Canada.

Exigences de disponibilité pour recevoir des prestations d’assurance-emploi

[42] Il y a deux articles de loi selon lesquels les prestataires doivent prouver leur disponibilité pour le travail. Le premier exige qu’une personne prouve qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 16 . Le deuxième prévoit la possibilité que la Commission exige la preuve que la personne fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenableNote de bas de page 17 .

[43] Je ne tire aucune conclusion au sujet de l’article 50(8) de la Loi parce qu’il n’y a aucune preuve que la Commission a pris une décision au titre de cet articleNote de bas de page 18 . Je vais maintenant vérifier si l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 19 .

Capable de travailler, disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable

[44] Je dois décider si l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable pendant qu’il résidait temporairement à l’étranger du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018Note de bas de page 20 . L’appelant doit prouver trois choses pour montrer qu’il était disponible aux termes de cet article de loi :

  1. a) il avait le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert;
  2. b) il a exprimé ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter à tort ses chances de retourner sur le marché du travail.

[45] Pour trancher la question de la disponibilitéNote de bas de page 21 , je dois examiner chacun de ces éléments en tenant compte de l’attitude et de la conduite de l’appelantNote de bas de page 22 .

Le prestataire avait-il le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert?

[46] Oui. L’appelant a démontré qu’il désirait retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait disponible.

[47] L’appelant a toujours dit qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il se trouvait à l’étranger. Il a pris des dispositions pour que les employeuses et employeurs communiquent avec lui par téléphone ou par courriel et il pouvait revenir au Canada dans les 24 heures pour toute possibilité d’emploi.

[48] L’appelant affirme qu’il cherchait un emploi et qu’il était prêt et disposé à travailler et capable de travailler pendant qu’il était à l’étranger. Il a déposé une capture d’écran montrant une liste de courriels envoyés du 8 décembre 2017 au 30 janvier 2018. Ce document montre qu’il communiquait avec de possibles employeuses et employeurs et qu’il posait sa candidature à des postesNote de bas de page 23 .

[49] Après avoir tenu compte de ce qui précède, je conclus que l’appelant a démontré que, pendant son séjour à l’étranger, du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018, il voulait retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable était disponible.

L’appelant a-t-il fait des efforts pour trouver un emploi convenable?

[50] Oui. L’appelant faisait des efforts pour trouver un emploi convenable. Je le crois lorsqu’il dit qu’il a continué de chercher du travail pendant qu’il se trouvait à l’étranger, comme en témoignent les courriels qui énumèrent ses activités de recherche d’emploi.

[51] Même si je ne suis pas obligée de le faire, j’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi décrite ci-dessous pour guider ma décision au sujet de ce deuxième élément.

[52] Le Règlement présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 24  :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitæ;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, à des banques d’emploi en ligne ou auprès d’agences de placement;
  • présenter des demandes d’emploi.

[53] L’appelant affirme que, même si son travail est de nature saisonnière, il a continué de chercher des emplois partout dans le monde. Ses courriels confirment qu’il a rédigé des lettres de présentation et un curriculum vitæ. Il utilisait des outils de recherche d’emploi et posait sa candidature pour des postes de pilotes.

[54] Je juge que les efforts de l’appelant suffisent à satisfaire les exigences pour ce deuxième élément. En effet, il cherchait activement un emploi convenable même quand il se trouvait à l’étranger.

L’appelant a-t-il établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter à tort ses chances de retourner sur le marché du travail?

[55] Non. Je juge que l’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018.

[56] Selon la Commission, l’appelant ne peut pas prouver sa disponibilité pour le travail pendant qu’il vivait à l’étranger dans le but de s’occuper de sa mère.

[57] Je ne suis pas d’accord avec la Commission parce que l’appelant a démontré que, pendant qu’il résidait temporairement à l’étranger, il cherchait activement un emploi convenable et était disponible pour accepter un tel emploi.

[58] Je reconnais que l’appelant rendait visite à sa mère, qui était gravement malade et suivait un traitement médical, et qu’il prenait soin d’elle. Cela dit, l’appelant a présenté des éléments de preuve crédibles montrant qu’il était capable de revenir au Canada dans les 24 à 48 heures pour accepter un emploi.

L’appelant était-il capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable?

[59] Oui. Après avoir examiné mes conclusions sur chacun des trois éléments, je conclus que l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable pendant qu’il résidait temporairement à l’étranger du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018Note de bas de page 25 . Par conséquent, il remplit les exigences de disponibilité et n’est donc pas inadmissible aux prestations.

La Commission a-t-elle effectué sa révision dans les délais prescrits?

[60] Oui. La loi précise que la Commission dispose de 36 mois après avoir versé des prestations d’assurance-emploi pour réexaminer une demande de prestationsNote de bas de page 26 . Ce délai peut atteindre 72 mois quand la Commission est d’avis qu’une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 27 .

[61] La loi reconnaît que la Commission ne peut pas examiner les changements apportés aux demandes de prestations au moment précis où ils se produisent. C’est précisément pour cette raison que la Loi donne à la Commission le temps d’annuler ou de modifier toute décision prise à l’égard d’une demande de prestations d’assurance-emploi. La Loi prévoit des délais importants, soit de 36 à 72 mois, pour permettre à la Commission de revenir sur le dossier et de faire des ajustements de façon rétroactiveNote de bas de page 28

[62] Dans la présente affaire, la Commission a réexaminé les déclarations de l’appelant après que l’Agence des services frontaliers du Canada l’a informée que l’appelant était parti à l’étranger. Le 15 mai 2019, la Commission a commencé à réexaminer les déclarations faites jusqu’à 16 mois plus tôt (du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018). La Commission a rendu une décision initiale : elle a déclaré l’appelant inadmissible de façon rétroactive, modifié la somme des prestations payables et infligé une pénalité non financière le 29 juillet 2021. C’est 42 mois après la période pour laquelle les prestations ont été versées.

[63] Selon la Commission, l’appelant ne lui a pas signalé son absence. Elle a donc décidé qu’il avait fait des déclarations fausses ou trompeuses lorsqu’il a répondu « Non » à la question « Étiez-vous à l’extérieur du Canada entre le lundi et le vendredi pendant la période visée par cette déclaration? ».

[64] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Commission a effectué son réexamen dans le délai prescrit de 72 mois. En effet, la Commission était d’avis que l’appelant avait fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse à l’égard de sa demande de prestations, comme je l’explique ci-dessous.  

L’appelant a-t-il fourni des renseignements qu’il savait être faux ou trompeurs?

[65] Oui. Je juge que la Commission a prouvé que l’appelant a fourni des renseignements qu’il savait être faux ou trompeurs.

[66] Une pénalité peut être financière ou non financière, soit sous forme d’avertissement. Pour infliger une pénalité, la Commission doit prouver que l’appelant a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeursNote de bas de page 29 . La Commission doit également démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a fourni les renseignements en sachant qu’ils étaient faux ou trompeursNote de bas de page 30

[67] Si la preuve montre clairement que les questions étaient simples et que l’appelant a fourni des réponses incorrectes, je peux déduire que l’appelant savait que les renseignements étaient faux ou trompeurs. Il doit alors expliquer pourquoi il a donné des réponses erronées et démontrer qu’il ne l’a pas fait sciemmentNote de bas de page 31 (en toute connaissance de cause).

[68] La Commission peut infliger une pénalité pour chaque déclaration fausse ou trompeuse faite en toute connaissance de cause par l’appelant. Je n’ai pas à décider si ce dernier avait l’intention de frauder ou de tromper la Commission quand je décide s’il est passible d’une pénalitéNote de bas de page 32 .

[69] L’appelant a la responsabilité de s’assurer que ses déclarations sont vraies. Ce principe est confirmé par cet extrait de l’attestation qui figure dans les déclarations de prestataire : « (…), qu’en communiquant de faux renseignements sur moi-même ou un autre individu, je commets une fraude. Je suis aussi conscient que des pénalités pourront m’être imposées si je fais sciemment de fausses déclarations. »

[70] La Commission fait valoir que l’appelant a fait de fausses déclarations lorsqu’il a répondu « Non » à la question concernant un séjour à l’étranger dans les déclarations qu’il a remplies pour la période du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018Note de bas de page 33 .

[71] La Commission a fourni des copies des déclarations faites par l’appelant pour la période du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018Note de bas de page 34 . Dans chaque document, l’appelant a répondu « Non » à la question « Étiez-vous à l’extérieur du Canada entre le lundi et le vendredi pendant la période visée par cette déclaration? ».

[72] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il a répondu « Non » à cette question pendant son séjour à l’étranger. Il dit plutôt qu’il a répondu ainsi parce que le système ne lui permettait pas de répondre autrement ni d’expliquer son absence.

[73] Je juge que la preuve montre clairement que l’appelant a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs dans les déclarations qu’il remplissait toutes les deux semaines. J’ai préféré la preuve documentaire de la Commission à la déclaration de l’appelant voulant que le système ne lui permettait pas de fournir une réponse différente. Même si le système l’empêchait de fournir une explication, il lui permettrait de répondre « Oui » à la question « Étiez-vous à l’extérieur du Canada entre le lundi et le vendredi pendant la période visée par cette déclaration? », ce qui était vrai parce qu’il se trouvait bel et bien à l’étranger pendant les périodes visées par les déclarations.

[74] La question n’est pas ambiguë et ne nécessite pas d’explication. Soit l’appelant était à l’étranger, soit il ne l’était pas. Par conséquent, je conclus que la Commission a prouvé que l’appelant a fourni des renseignements qu’il savait être faux ou trompeurs dans ses déclarations visant la période en question. Ainsi, la Commission peut infliger une pénalité.

La Commission a-t-elle déterminé la pénalité comme il se doit?

[75] Oui. Je juge que la Commission a déterminé la pénalité de façon appropriée.

[76] La décision de donner un avertissement est discrétionnaireNote de bas de page 35 . Autrement dit, la Commission est libre d’imposer une pénalité financière ou une pénalité non financière sous forme d’avertissement.

[77] Je dois regarder comment la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire. Je peux modifier la pénalité seulement si je décide d’abord que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire comme il se doit lorsqu’elle en a déterminé le montantNote de bas de page 36 .

[78] La Commission a pris en compte la situation de l’appelant lorsqu’elle a décidé d’imposer un avertissement. Plus précisément, elle a tenu compte des éléments suivants :

  • c’était sa première fausse déclaration;
  • c’était la première fois qu’il demandait des prestations d’assurance-emploi;
  • il était à l’étranger pour rendre visite à sa mère, qui était gravement malade et suivait un traitement médical;
  • il a affirmé avoir essayé différentes façons de remplir ses déclarations, mais ne pas avoir pu répondre aux questions qui correspondaient vraiment à sa situation.

[79] La Commission a aussi tenu compte du fait que la déclaration remplie toutes les deux semaines pendant cette période d’absence demandait directement à l’appelant s’il était à l’extérieur du Canada pendant la période visée par la déclaration. Comme l’appelant a répondu « Non » à cette question, la Commission a établi qu’il lui avait fourni de faux renseignements en toute connaissance de cause. De plus, l’appelant n’a pas répondu à un questionnaire que la Commission lui a fait parvenir en avril 2019.

[80] L’appelant n’a présenté aucune preuve laissant croire que la Commission avait un motif inapproprié ou discriminatoire ou qu’elle a agi de mauvaise foi lorsqu’elle a infligé la pénalité sous la forme d’un avertissement. Il n’a relevé aucun élément non pertinent sur lequel la Commission aurait fondé sa décision ni aucun élément pertinent qui lui aurait été présenté mais qu’elle n’aurait ignoré au moment d’imposer la pénalité. Par conséquent, je ne peux pas modifier la décision de la Commission de donner un avertissement.

Conclusion

[81] L’appel est accueilli en partie.

[82] L’appelant a prouvé que l’exception à l’inadmissibilité s’applique à la période où il résidait temporairement à l’étranger, soit du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018.

[83] L’appelant répondait aux exigences de disponibilité pendant son séjour à l’étranger, soit du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018. Il n’est donc pas inadmissible au bénéfice des prestations.

[84] La pénalité infligée le 29 juillet 2021, sous forme d’avertissement, demeure en vigueur.

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