Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 37

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : H. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (429571) rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada le 19 novembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sylvie Charron
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : 17 décembre 2021
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 5 janvier 2022
Numéro de dossier : GE-21-2381

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est‑à‑dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) lorsqu’elle l’a fait. L’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas. Cela signifie qu’elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi pour prendre un congé le 25 octobre 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons pour lesquelles l’appelante a quitté son emploi. Elle a conclu que cette dernière a quitté volontairement (ou a choisi de quitter temporairement) son emploi sans justification, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser des prestations.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que l’appelante aurait pu accepter de recevoir deux doses d’un vaccin contre la COVID-19 ou de subir des tests hebdomadaires.

[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle ne veut pas se faire vacciner, car elle a déjà mal réagi à des vaccins dans le passé. Elle soutient également que se faire vacciner ou subir des tests hebdomadaires va à l’encontre de ses croyances.

Question que je dois examiner en premier

J’accepte les documents déposés après l’audience

[7] À l’audience, l’appelante a dit qu’elle transmettrait au Tribunal une copie officielle de la politique de vaccination de son employeur. Ce document a été reçu comme promis et été numéroté GD7. Il est pris en considération dans la présente décision.

Question en litige

[8] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[10] J’estime que l’appelante a volontairement quitté son emploi parce qu’il n’y a aucune preuve du contraire. L’appelante a démissionné ou a été mise en congé sans solde parce qu’elle ne voulait pas suivre la politique de l’employeur en matière de vaccination et de dépistage de la COVID-19. Elle savait que son refus de se conformer à la politique entraînerait sa mise en congé sans solde.

[11] L’appelante affirme que lorsque l’employeur a annoncé sa politique de vaccination contre la COVID-19 le 7 septembre 2021, elle a d’abord utilisé ses congés payés, puis s’est vu offrir un congé sans solde de deux semaines supplémentaires. Enfin, l’employeur lui a accordé un congé sans solde de trois mois, avec la possibilité de revoir la situation après cette période. Je ne vois aucun élément de preuve contredisant que l’appelante soit en congé sans solde.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter son emploi

[12] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[13] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1 . Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire.

[14] La loi explique ce qu’on entend par « une personne est fondée à » faire quelque chose. Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle précise qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2 .

[15] L’appelante est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 3 . Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la seule solution raisonnable dans son cas était de démissionner ou de prendre un congé sans solde. Pour décider si l’appelante avait une justification, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsque l’appelante est partie en congé sans solde.

[16] L’appelante affirme qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle ne pouvait pas se faire vacciner et qu’elle refusait de subir des tests de dépistage hebdomadaires de la COVID-19 puisque cela allait à l’encontre de ses croyances. Selon elle, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas à ce moment‑là.

[17] La Commission affirme que l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables que de quitter de son emploi s’offraient à elle lorsqu’elle l’a fait. Plus précisément, la Commission dit que l’appelante aurait pu obtenir une preuve médicale démontrant qu’elle ne pouvait pas être vaccinée. Cela aurait obligé l’employeur à envisager une exemption médicale à la vaccination.

[18] Je conclus que l’appelante a été mise en congé sans solde parce qu’elle a refusé de respecter la politique de vaccination de son employeur.

[19] L’employeur a instauré sa politique de vaccination en septembre 2021, puis l’a modifiée le 1er novembre 2021Note de bas de page 4 .

[20] L’employeur a affirmé qu’il avait mis en place sa politique de vaccination en réponse à la fois à la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’Ontario et à la directive no 6 émise par le gouvernement de l’Ontario en vertu de la Loi sur les services de soins à domicile et les services communautaires. La Loi sur la santé et la sécurité au travail oblige les employeurs à assurer la santé et la sécurité de leurs employés sur le lieu de travail. La Loi sur les services de soins à domicile et les services communautaires impose une obligation de vaccination pour les employés qui fournissent des services de soins à domicile.

[21] Les principaux points de la politique de vaccination de l’employeur sont les suivants :

  • La politique s’applique à tous les employés, contractants, bénévoles et étudiants, sauf s’ils disposent d’une exemption médicale valide.
  • Tous doivent présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 15 décembre 2021.
  • En l’absence de preuve de vaccination, une personne doit fournir un document écrit d’un médecin ou d’une infirmière praticienne confirmant qu’elle a obtenu une exemption pour une raison médicale valable. Ce document doit indiquer que la personne ne peut pas être vaccinée et la durée effective de l’exemption médicale (permanente ou limitée dans le temps).
  • Une personne ayant une exemption médicale doit subir des tests quotidiens et obtenir un résultat négatif à ceux-ci avant d’entrer dans l’un des espaces de bureau partagés de l’employeur, d’offrir des services communautaires ou de soins à domicile ou d’assister à des réunions ou à des événements.
  • Les employés qui décident de ne pas être entièrement vaccinés peuvent démissionner ou choisir d’être mis en congé sans solde pour raisons personnelles au plus tard le 15 décembre 2021.
  • Après trois mois de congé sans solde, les employés qui refusent toujours de se faire vacciner sans exemption médicale valide seront congédiés pour avoir enfreint la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19.
  • La politique de vaccination obligatoire deviendra une condition d’emploi pour tous les employés à compter du 1er novembre 2021Note de bas de page 5 .

[22] Au cours de discussions avec la Commission et à l’audience, l’appelante a clairement dit que se faire vacciner contre la COVID-19 allait contre ses « croyances ». Elle croit fermement que le fait de dévoiler ses antécédents médicaux ou de subir un test de dépistage constitue une atteinte à ses droitsNote de bas de page 6 . Elle affirme que sa décision de ne pas se faire vacciner est fondée sur son droit à l’intégrité physique.

[23] L’appelante a confirmé à la Commission que bien que la vaccination va contre ses « croyances », elle ne fait pas partie d’un groupe religieux organisé qui s’oppose aux vaccinsNote de bas de page 7 .

[24] J’estime que les objections de l’appelante fondées sur le Code des droits de la personne de l’Ontario (discrimination fondée sur la croyance), sur la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’Ontario ou sur la Loi sur la non-discrimination génétique seraient mieux traitées par d’autres tribunaux, avec dépôt d’éléments de preuve pertinents.

[25] Dans la présence instance, la décision d’accorder ou de refuser des prestations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi repose sur deux questions, à savoir, premièrement, si l’appelante a volontairement pris un congé sans solde et, deuxièmement, si elle était fondée à le faire.

[26] Je remarque que l’appelante a déposé des éléments de preuve médicaleNote de bas de page 8 . Il s’agit d’un rapport d’un moniteur Holter du 12 mars 2018 qui indique [traduction] « quelques extrasystoles ventriculaires bénignes qui sont souvent symptomatiques ». Un électrocardiogramme effectué vers cette date conclut que l’appelante présente des [traduction] « CVP (contractions ventriculaires prématurées) sur l’axe vertical »; l’évaluation initiale au triage est également incluse. J’estime que bien que ces renseignements indiquent que l’appelante pourrait avoir certains symptômes de maladies cardiaques, il n’y a aucune preuve d’examens plus poussés ou de renseignements plus récents qui pourraient appuyer une demande d’accommodement pour ne pas se faire vacciner. Il n’y a absolument aucune preuve que le vaccin contre la COVID-19 serait dangereux pour l’appelante compte tenu des renseignements médicaux très limités et désuets qu’elle a déposés.

[27] Je remarque également que bien que l’appelante ait soutenu qu’elle avait demandé à son employeur de travailler à domicile, il n’y a aucune preuve d’une demande officielle ou d’un refus officiel au dossier.

[28] Essentiellement, l’appelante a refusé de se faire vacciner conformément à la politique de l’employeur. Lorsqu’on lui a dit qu’elle devrait subir des tests quotidiens si elle n’était pas vaccinée, l’appelante a également refusé. Elle n’a présenté aucune preuve médicale qui justifierait une exemption à l’obligation de se faire vacciner.

[29] Je conclus que l’appelante a été informée de la politique de vaccination de son employeur et qu’elle a néanmoins décidé de ne pas se faire vacciner ou tester. L’appelante savait que cela entraînerait sa mise en congé sans solde, alors elle a volontairement choisi de prendre ce congé. D’autres solutions s’offraient à elle : elle aurait pu se faire vacciner, accepter de subir des tests de dépistage ou fournir des documents médicaux pour justifier une exemption. Elle n’a fait aucune de ces choses.

[30] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, j’estime que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à prendre volontairement un congé lorsqu’elle l’a fait.

Conclusion

[31] Je conclus que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations.

[32] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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