Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 876

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décisions portées en appel : Décision de révision de la Commission de l’assuranceemploi du Canada (435454) datée du 4 octobre 2021 (communiquée par Service Canada)
Décision de révision de la Commission de l’assuranceemploi du Canada (436041) datée du 4 octobre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 octobre 2021
Personne participant à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 5 novembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1873
GE-21-1885

Sur cette page

Décision

[1] Le prestataire, E. M., porte en appel deux décisions de la Commission de l’assurance-emploi du Canada. J’ai jugé ces deux appels dans la présente décision.

[2] J’accueille l’appel du prestataire sur le sujet du départ volontaireNote de bas de page 1 . Je suis d’accord avec lui.

[3] Le prestataire a démontré qu’il avait été fondé à quitter son emploi, c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable pour le faire selon la loi. Le prestataire était fondé à quitter son emploi parce que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] J’accueille aussi l’appel du prestataire sur la question de savoir s’il était un travailleur indépendant ou au chômageNote de bas de page 2 . Je suis d’accord avec lui.

[5] À partir du 28 juin 2021, le prestataire ne faisait pas des semaines entières de travail en vendant des assurances à la commission seulement. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[6] Le prestataire a été mis à pied à cause d’un manque de travail et a cessé de travailler le 28 mars 2020. Il a ensuite démissionné le 9 mai 2021. La Commission a examiné les raisons de son départ. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de partir) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[7] Je dois décider si le prestataire a prouvé que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[8] Selon la Commission le prestataire aurait pu obtenir un autre emploi à temps plein avant de quitter le sien. Son départ n’était pas urgent. Le prestataire aurait pu continuer à travailler pour son employeur jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi.

[9] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit que son départ était fondé. Son employeur n’allait pas lui redonner son ancien poste. Les postes qu’on lui avait offerts payaient un salaire largement inférieur ou étaient bien trop loin de chez lui.

[10] Pendant qu’il ne travaillait pas, le prestataire a suivi un cours pour obtenir un permis de vendeur d’assurances. Il a réussi ses examens et obtenu son permis le 28 juin 2021. Il a commencé à vendre des assurances, à la commission seulement.

[11] La Commission a décidé que le prestataire avait fait des semaines entières de travail à partir de cette date. Elle a donc décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[12] Le prestataire n’est pas d’accord et dit qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il dit qu’il était toujours au chômage même s’il vendait des assurances, puisqu’il faisait seulement ce travail les soirs et les fins de semaine. Il était disponible pour occuper un emploi à temps plein et cherchait un autre emploi.

Questions que je dois examiner en premier

Les deux appels du prestataire ont été joints

[13] La Commission a rendu deux décisions concernant les prestations demandées par le prestataire, et a envoyé une lettre distincte pour chacune de ces décisions. L’appel du prestataire a donc été divisé en deux dossiers : un sur la question du départ volontaire (GE-21-1885), et un autre sur la question de savoir s’il était travailleur indépendant ou au chômage (GE-21-1873).

[14] Je peux juger deux appels ou plus en même temps s’ils soulèvent des questions communes de droit ou de fait. Cela dit, cette mesure ne doit pas risquer de causer une injustice aux partiesNote de bas de page 3 .

[15] J’ai décidé de juger les deux questions dans un même appel. En effet, les questions de fait qui sont en jeu sont semblables, et j’ai cru qu’il serait plus rapide, et aussi plus informel, de traiter ainsi les deux appelsNote de bas de page 4 . J’ai également estimé que cette façon de faire ne serait pas injuste pour les parties, c’est-à-dire pour le prestataire et la Commission.

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[16] Le Tribunal envoie parfois à l’employeur une lettre pour savoir s’il souhaite être mis en cause, c’est-à-dire être ajouté comme partie à l'appel. Cette lettre a été envoyée, mais l’employeur n’a pas demandé d’être mis en cause.

[17] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. Ici, j’ai décidé de ne pas le mettre en cause puisque le dossier ne laisse pas croire que ma décision lui imposerait des obligations légales quelconques.

La Commission a commis une erreur

[18] La Commission a affirmé qu’elle avait commis une erreur en imposant au prestataire une exclusion pour départ volontaire. La Commission dit que l’exclusion ayant débuté le 22 mars 2020 aurait en fait dû débuter le 9 mai 2021.

[19] La Commission a dit s’engager à annuler l’exclusion imposée le 22 mars 2020 et à la reporter au 8 mai 2021, une fois qu’elle recevra ma décision.

[20] Si une erreur ne risque pas de porter préjudice ou de nuire, elle n’est pas fatale à la décision portée en appel. Comme cette erreur de la Commission n’a pas empêché le prestataire de demander une révision de sa décision initiale et d’ensuite faire appel de la décision de révision, je juge que l’erreur ne porte pas préjudice au prestataire et ne lui nuit pas dans sa capacité de faire appel au Tribunal.

Question en litige ~ Départ volontaire

[21] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[22] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord pour dire que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[23] J’accepte le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le prestataire reconnaît avoir démissionné le 9 mai 2020. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord pour dire que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[24] Les parties, à savoir le prestataire et la Commission, ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

[25] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 5 . Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que le départ était fondé.

[26] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 6

[27] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est probable à plus de 50 % que son départ était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 7 .

[28] Pour décider si le départ était fondé, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment de son départ. La loi énumère certaines circonstances à prendre en considérationNote de bas de page 8 .

[29] Une fois que j’aurai établi les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci devra démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 9 .

Les circonstances présentes au départ du prestataire

[30] Le prestataire a affirmé qu’il avait travaillé comme gestionnaire pour une compagnie qui louait des locaux à bureau meublés, au jour et à la semaine. La compagnie avait des locaux et des suites bureaucratiques dans un certain nombre d’immeubles. Le prestataire travaillait au centre-ville, dans un immeuble où les bureaux prenaient plus de deux étages. Son travail ressemblait à celui d’un concierge ou d’un directeur du service de la réception d’un hôtel. Il accueillait les clients, s’assurait que les locaux leur convenaient et veillait à leurs besoins. Avec ce poste, il arrivait à travailler régulièrement et à être payé pour des heures supplémentaires. Il supervisait aussi deux autres employés.

[31] Le prestataire travaillait dans un immeuble du centre-ville avec deux étages de bureaux à louer. La COVID-19 a mené sa compagnie à mettre fin à ses activités, et le prestataire a été mis à pied le 23 mars 2020. On lui a dit qu’il pourrait revenir travailler quelques mois plus tard.

[32] À l’automne 2020, les ressources humaines (RH) de l’employeur ont téléphoné au prestataire pour lui offrir de travailler dans un autre immeuble. Ce nouveau lieu de travail était à 3,5 heures de distance de l’ancien. Le prestataire a été froissé par cette offre pour deux raisons. D’une part, il savait que son ancien poste au centre-ville avait été offert à quelqu’un d’autre. D’autre part, il lui serait impossible de se rendre à ce nouvel immeuble. Le prestataire s’est renseigné sur son a On lui a dit que cet immeuble n’avait pas encore rouvert. Le prestataire a décliné l’offre.ncien lieu de travail.

[33] À la fin de février 2021, les RH de l’employeur ont de nouveau joint le prestataire. Cette fois, on lui a offert un poste de réceptionniste. Il a demandé si le directeur des RH savait qu’on lui offrait ce poste. On lui a dit oui. Le prestataire a décliné l'offre pour ce poste qui le rétrograderait. Il travaillerait moins d’heures et ferait un salaire moindre qu’auparavant.

[34] Le prestataire n’avait jamais été informé d’un problème avec son travail de gestionnaire. Il ne comprenait pas pourquoi on le rétrogradait. Le prestataire a parlé de cette offre d’emploi au directeur des RH. Ce dernier lui a dit qu’ils appelaient un peu tout le monde pour essayer de pourvoir le poste.

[35] En mai 2021, le directeur de RH a communiqué avec le prestataire. Il lui a offert un poste de gestionnaire dans un immeuble près de l'ancien. Il avait déjà fait de la formation à cet endroit et savait qu’il comptait moins de locaux à louer. Les bureaux de cet immeuble étaient tous sur un même étage. Il travaillerait seul et devrait attendre qu’un autre employé arrive pour aller dîner. Le prestataire savait que son ancien immeuble avait rouvert et que son ancien poste était occupé par quelqu’un d’autre. Ce nouveau poste lui donnerait trois heures de travail en moins par jour.

[36] Aux yeux du prestataire, le poste dans l'immeuble plus petit était une rétrogradation. Il n'allait plus superviser de personnel, et estimait qu’il aurait moins souvent l’occasion de faire des heures supplémentaires, comme il s’occuperait de moins de bureaux. Il a refusé l’offre pour cette raison, et aussi parce qu’il s’apprêtait à obtenir son permis de vendeur d’assurances. Il pensait alors qu’il pourrait gagner sa vie en vendant des assurances.

[37] La loi explique qu’un départ volontaire peut être fondé s'il y a « modification importante des fonctionsNote de bas de page 10  ».

[38] J’estime que le prestataire a montré qu’il y a eu une modification importante de ses fonctions, en ce qui a trait au poste de réceptionniste et au poste dans le plus petit immeuble qui lui ont été offerts. Le prestataire avait été gestionnaire. Il avait encadré les activités pour deux étages de bureaux et supervisé deux employés. Le poste de réceptionniste lui procurerait un salaire largement inférieur et n’inclurait aucune tâche de direction de son ancien poste. Quant au poste dans un immeuble de moindre taille, il aurait à travailler seul, et ne superviserait pas d’employés comme avant. Cette preuve me dit que l’employeur voulait apporter des modifications importantes aux fonctions du prestataire, s’il acceptait l’un ou l’autre de ces postes.

[39] La loi explique qu’un départ volontaire peut être fondé s’il y a « incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploiNote de bas de page 11  ».

[40] Le prestataire a affirmé qu’on lui avait montré, lors de son embauche, les bureaux dont il s’occuperait. La personne qui l’avait engagé lui avait dit que ces locaux lui convenaient bien. Il dit qu’il n’avait jamais eu de problème en travaillant pour la compagnie. On ne l'avait jamais rétrogradé et ne lui avait pas imposé de mesures disciplinaires. Son employeur avait affecté quelqu’un d’autre à son poste et lui avait offert les trois postes discutés précédemment.

[41] Selon moi, en donnant son ancien poste de direction à un autre employé et en lui offrant des postes qui étaient inadéquats parce qu'ils étaient trop loin ou de niveau inférieur, l’employeur a incité indument le prestataire à quitter son emploi. Le fait qu’on l’y a subtilement incité n’est pas déterminant ici. Il est suffisant que les gestes de l’employeur aient incité le prestataire à quitter son emploi.

[42] Je reconnais que le prestataire étudiait pour obtenir son permis de vendeur d’assurances au moment où il a décidé de quitter son emploi. Toutefois, l’obtention de ce permis d’exercice n’était pas la principale raison de son départ. Il avait fallu au prestataire une troisième offre, après avoir reçu deux offres d’emploi inadéquates et appris que son ancien poste avait été confié à quelqu’un d’autre, pour le convaincre qu’il ne pouvait plus travailler pour cet employeur. Je conclus donc que le prestataire a démontré que son employeur l’avait incité indument à quitter son emploi.

Le départ était la seule solution raisonnable du prestataire

[43] Il ne suffit pas au prestataire de démontrer que certaines des circonstances prévues par la loi étaient présentes dans son cas. Pour savoir s’il était fondé à quitter son emploi, je dois chercher à savoir si son départ était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 12 .

[44] Selon la Commission, il aurait été raisonnable que le prestataire obtienne un autre emploi à temps plein avant de démissionner.

[45] Si le prestataire est obligé de chercher un autre emploi avant de décider unilatéralement de quitter le sienNote de bas de page 13 , il n’est pas obligé d’en obtenir un.

[46] Le prestataire a affirmé qu’il avait commencé à chercher du travail dès qu’il avait été mis à pied. Il consultait chaque jour des sites de recherche d’emploi comme Indeed, LinkedIn et Google. Il s’était abonné à des alertes d’emploi sur Indeed et LinkedIn. Il avait mis son CV sur Indeed. Il avait postulé à de nombreux postes et modifiait sa lettre de présentation pour mettre en valeur l’expérience de travail et les compétences qui cadraient avec le poste demandé. Il avait posé sa candidature dans des hôtels, des entreprises de gestion immobilières, des entreprises de technologie de l’information et la vente au détail. Le prestataire a dit qu’il s’était renseigné sur des occasions d’emplois auprès de parents et d’amis. Il voulait un emploi qui lui verserait un salaire ou un traitement. Il a dit qu’il n’avait jamais cessé de chercher un emploi après sa mise à pied, même après avoir obtenu son permis de vendeur d’assurance. Il avait fini par décrocher un emploi deux semaines avant l’audience. La preuve révèle que le prestataire avait cherché du travail auprès d’un autre employeur avant de quitter son emploi. Je constate donc qu’il avait eu recours à cette solution raisonnable avant de quitter son emploi. Par conséquent, je conclus que son départ avait été la seule solution raisonnable dans son cas.

[47] Compte tenu des circonstances qui existaient quand le prestataire a quitté son emploi, je conclus, pour les raisons qui précèdent, que le départ du prestataire avait été la seule solution raisonnable dans son cas.

[48] Le prestataire était donc fondé à quitter son emploi.

Question en litige ~ Travailleur indépendant ou au chômage

[49] Le travail indépendant du prestataire était-il si limité qu'il ne faisait pas réellement des semaines entières de travail?

Analyse

[50] Une personne qui exploite une entreprise ou fait du travail indépendant n’est pas nécessairement admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[51] Selon la loi, des prestations peuvent être versées pour chaque semaine de chômageNote de bas de page 14 . Une semaine de chômage est une semaine pendant laquelle le prestataire n’effectue pas une semaine entière de travailNote de bas de page 15 .

[52] La loi présume qu’un travailleur indépendant fait des semaines entières de travailNote de bas de page 16 . Et une personne qui fait des semaines entières de travail n’est pas au chômage. Dans un tel cas, aucune prestation ne peut donc être verséeNote de bas de page 17 .

Exception pour du travail indépendant dans une mesure limitée

[53] Il existe une exception à cette règle quand le travail est fait dans une mesure limitéeNote de bas de page 18 .

[54] Cette exception intervient quand le travail indépendant est limité au point où il ne pourrait pas normalement être le principal moyen de subsistance d’une personneNote de bas de page 19 .

[55] Il revient au prestataire de prouver que son travail était si limité que cette exception s’appliqueNote de bas de page 20 . Le prestataire doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit prouver qu’il est probable à plus de 50 % que son travail indépendant était limité.

Six facteurs pour déterminer la mesure du travail indépendant

[56] Pour décider si l’exception s’applique, je dois considérer les six facteurs suivantsNote de bas de page 21  :

  1. a) Combien de temps le prestataire consacrait-il à son emploi comme travailleur indépendant?
  2. b) De quelle ampleur et de quelle nature (capital, immobilier, biens ou ressources) est l’investissement du prestataire dans son travail indépendant?
  3. c) Du point de vue financier, le travail indépendant effectué par le prestataire est-il une réussite ou un échec?
  4. d) Le prestataire prévoyait-il de maintenir ses activités comme travailleur indépendant?
  5. e) Quelle était la nature de l’emploi exercé par le prestataire comme travailleur indépendant?
  6. f) Le prestataire a-t-il l’intention et la volonté de trouver rapidement un autre emploi?

Temps consacré

[57] Dans son travail indépendant, le prestataire vendait des assurances pour des maisons, des autos et d’autres propriétés. Il avait été engagé le 28 juin 2021 comme agent à la commission seulement. Il avait passé quelques jours au bureau pour se familiariser avec le système informatique. Par la suite, son travail avait consisté à faire des appels à froid pour trouver des clients, en semaine après 18 h 30 et les week-ends.

[58] Selon moi, le temps qu’il consacrait à ce travail montre qu’il l’exerçait dans une mesure limitée. En effet, il n’y consacrait que les week-ends et trois à quatre heures les soirs de semaines. Il ne faisait donc pas ce travail à temps plein.

Investissement

[59] Le prestataire a affirmé que son cours, son examen et son permis d’assureur lui avaient coûté 860 $. Il avait aussi dépensé 1500 $ pour se procurer un ordinateur et une imprimante, qu’il utilisait pour son travail d’assureur, mais aussi à des fins personnelles. Il a aussi une voiture qui sert principalement à son usage personnel, mais qu’il utilise parfois pour aller rencontrer sa clientèle.

[60] À mes yeux, la nature et l’ampleur de l’investissement du prestataire (capital, immobilier, biens, ressources, etc.) montrent qu’il effectuait son travail indépendant dans une mesure limitée. Effectivement, le démarrage de ses activités avait nécessité moins de 3000 $. Il s’agit d’un investissement minimal pour un travailleur indépendant pour qui ce travail avait été son unique source de revenus entre le 28 juin 2021 et le 17 octobre 2021.

Réussite ou échec financier

[61] Le prestataire a affirmé que les polices d’assurance qu’il avait vendues entre le 28 juin 2021 et le 17 octobre 2021 représentaient 35 000 $ en primes d’assurance. Elles lui avaient permis de toucher une commission de 2000 $. Pour l’instant, il avait seulement reçu 1000 $ de commission, comme il existe un délai d’attente durant lequel les nouvelles assurances peuvent être annulées. Ainsi, après avoir investi environ 2500 $ pour obtenir son permis et du matériel informatique, le prestataire avait gagné 2000 $, et ce en plus ou moins trois mois et demi.

[62] Je suis d’avis que l’aspect financier de son emploi montre que le prestataire effectuait son travail indépendant dans une mesure limitée. Son travail n'avait pas été profitable durant cette période.

Maintien du travail indépendant

[63] Le prestataire a affirmé qu’il avait commencé un nouvel emploi le 18 octobre 2021, dans une société de courtage en assurance. Il était salarié et touchait aussi une commission. Son travail consistait à trouver le bon produit d’assurance pour chaque client. Il ne devait plus se limiter aux assurances offertes par une seule compagnie, comme auparavant.

[64] Le prestataire a dit qu’il peut continuer à vendre des assurances à temps partiel en dehors des heures où il travaille pour la société de courtage. Il a toujours le permis qui lui permet de vendre des assurances, que ce soit au sein d’une société de courtage ou à titre d’agent exclusif. Il avait dit qu’il voulait un poste où il toucherait un salaire en plus de la commission, et il a pu trouver un tel poste en moins de trois mois et demi après avoir commencé à vendre des assurances.

[65] Selon moi, comme il a cherché et décroché un emploi salarié de vendeur d’assurances, le prestataire montre qu’il effectuait son travail indépendant dans une mesure limitée.

Nature du travail indépendant

[66] À titre de travailleur indépendant, le prestataire vendait des assurances à la commission. Avant cela, il travaillait comme gestionnaire dans la location de bureaux et de suites bureaucratiques meublées. C’est un ami qui l’avait convaincu qu’il pourrait bien gagner sa vie en vendant des assurances et trouver facilement un poste de salarié après avoir obtenu son permis. Il avait dû suivre un cours et faire un examen pour obtenir son permis.

[67] Selon moi, l’expérience et les compétences que le prestataire avait acquises précédemment montrent qu’il exerçait son travail indépendant dans une mesure limitée. En effet, les compétences et les connaissances nécessaires à la vente d’assurances n’avaient rien à voir avec ses compétences en gestion et n’avaient pas été acquises dans son dernier emploi.

Intention et volonté de trouver rapidement un autre emploi

[68] Le prestataire a affirmé qu’il avait commencé à chercher un emploi après sa mise à pied, en mars 2020. Il consultait des sites d’emplois chaque matin. Il avait postulé pour des emplois dans les secteurs de l’hôtellerie, de l’immobilier, de la vente au détail et des technologies de l’information. Il a dit qu’il avait sur son ordinateur un dossier comptant 396 pages de courriels sur ses demandes d’emploi. Il avait d’ailleurs poursuivi sa recherche d’emploi après avoir obtenu son permis de vendeur d’assurances et après avoir commencé à en vendre. Il passait ses matinées à chercher un emploi et faisait des appels à froid les soirs et les week-ends. Son principal objectif a toujours été de trouver un emploi.

[69] Le prestataire a expliqué qu’il n’avait pas besoin d’arrêter de vendre des assurances pour travailler à temps plein. Il a dit qu’il pourrait accepter un emploi à temps plein et travailler jusqu’à 40 heures par semaine tout en continuant de vendre des assurances. En effet, son permis ne l’obligeait pas à vendre des assurances à temps plein, et il faisait ses ventes les soirs et les fins de semaine par l’entremise d’appels à froid.

[70] Le prestataire a réussi à trouver un poste chez un courtier d’assurance où il gagnait un salaire et une commission. Il ne voulait pas travailler strictement à la commission comme un tel emploi ne lui permettait pas d’avoir un revenu fiable pour subvenir à ses besoins.

[71] J’estime que les recherches d’emploi du prestataire montrent qu’il effectuait son travail indépendant dans une mesure limitée. Il a effectivement continué à chercher un emploi après avoir commencé à vendre des assurances. Dès qu’il a compris qu’il ne pourrait pas gagner sa vie en faisant strictement un travail à la commission, il a cherché et obtenu un poste chez un courtier en assurances, qui lui permet à la fois de toucher un salaire et une commission.

Bref, le prestataire exerçait-il son travail indépendant dans une mesure suffisamment limitée?

[72] Je conclus que le travail du prestataire était si limité que l’exception s’applique. Ce travail indépendant ne pourrait pas normalement être le principal moyen de subsistance sur lequel une personne peut compter.

[73] J’ai pris en considération les six facteurs mentionnés plus haut. Vu le temps consacré par le prestataire après les heures normales de travail, son investissement minime et l’absence de réussite financière, en plus de la poursuite de sa recherche d’emploi et de sa volonté à accepter un autre emploi, tout porte à croire que le prestataire faisait son travail indépendant dans une mesure si limitée qu’elle était négligeable.

[74] Deux de ces facteurs sont particulièrement importants. En effet, d’après la jurisprudence, le temps qu’une personne consacre à son travail et son intention et sa volonté de trouver rapidement un autre emploi sont des facteurs d’importance à considérerNote de bas de page 22 .

[75] Compte tenu de tout ce qui précède, je juge que l’exception s’applique au travail indépendant du prestataire.

[76] Le prestataire ne faisait pas des semaines entières de travail. Il est donc possible qu'il puisse recevoir des prestations parce qu’il était au chômage pendant un certain nombre de semaines.

Autres questions

[77] La décision initiale et la décision de révision de la Commission, statuant que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il était travailleur indépendant, ont été rendues avant que le prestataire décroche son nouvel emploi.

[78] Ma décision porte uniquement sur la période où le prestataire vendait des assurances à la commission à titre de travailleur indépendant, avant qu’il obtienne un poste salarié avec commission dans une société de courtage en assurance, le 18 octobre 2021. Dans son nouvel emploi, il peut vendre des produits d’assurance de n’importe quelle compagnie, selon les besoins de ses clients. Il fait des ventes à l’interne pour le courtier jusqu’à 17 h chaque jour. Après sa journée normale de travail, il peut aussi continuer de vendre des assurances comme agent indépendant.

[79] Comme il a désormais un emploi à temps plein et touche à la fois un salaire et une commission, le prestataire devra faire état de ce changement de situation dans ses déclarations suivant le 28 octobre 2021, si sa période de prestations n’a pas encore pris fin. Ces déclarations devront être examinées par la Commission. Elle pourra alors décider de son admissibilité aux prestations à l’égard de sa nouvelle situation.

Conclusion

[80] Je conclus que le prestataire a prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi. Il n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

[81] Je conclus aussi que son emploi à titre de travailleur indépendant était exercé dans une mesure si limitée que le prestataire peut se prévaloir de l’exception. Il était effectivement au chômage lorsqu’il vendait des assurances à la commission, puisqu’il ne faisait pas des semaines entières de travail.

[82] Les appels sont donc accueillis.

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