Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – prestations de maternité et prestations parentales – choix des prestations parentales standards ou prolongées – division d’appel – erreur de droit – jurisprudence non appliquée – réparation – trancher l’appel

La prestataire a demandé et reçu des prestations de maladie, des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi (AE). Dans son formulaire de demande, elle devait choisir entre deux options de prestations parentales : standard ou prolongée. L’option standard offre un taux de prestations plus élevé pendant un maximum de 35 semaines, tandis que l’option prolongée offre un taux de prestations moins élevé pendant un maximum de 61 semaines. Combinée aux 15 semaines de prestations de maternité, l’option standard permet d’obtenir des prestations d’AE pendant environ un an, alors que l’option prolongée permet de recevoir des prestations pendant environ 18 mois. Dans son formulaire de demande, la prestataire a précisé qu’elle souhaitait recevoir 61 semaines de prestations parentales et a choisi l’option prolongée. Lorsqu’elle a reçu son premier versement de prestations parentales, elle a remarqué que les prestations prolongées étaient versées à un taux plus bas. Elle a alors rapidement communiqué avec la Commission et a demandé de passer à l’option standard. La Commission a refusé sa demande, car il était trop tard pour changer d’option étant donné qu’elle avait déjà reçu des prestations.

La prestataire a fait appel de la décision devant la division générale (DG). Celle-ci a accueilli l’appel et a conclu que la prestataire avait choisi les prestations standards même si elle avait sélectionné l’option prolongée dans son formulaire de demande. La DG a conclu que l’option standard correspondait mieux au plan de la prestataire de prendre un congé d’un an. La Commission a fait appel de la décision de la DG devant la division d’appel (DA). Elle a soutenu que la DG avait outrepassé sa compétence, commis une erreur de droit et fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La DA a accueilli l’appel. Elle a conclu que la DG avait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la décision Karval c Canada (Procureur général), 2021 CF 395, rendue par la Cour fédérale. La DA a conclu que les faits dont la DG a été saisie ressemblaient à ceux de la décision Karval. La DA a constaté que dans les deux cas, les prestataires avaient choisi l’option prolongée dans leur formulaire de demande, puis avaient demandé de passer à l’option standard. La Commission ne les avait pas induites en erreur, et rien dans leur formulaire de demande ne contredisait leur choix de l’option prolongée. La DA a donc décidé de rendre la décision que la DG aurait dû rendre. La DA a conclu que la prestataire avait choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Quand la prestataire a communiqué avec la Commission pour changer d’option, il était déjà trop tard.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c HF, 2022 TSS 87

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : A. Fricker
Partie intimée : H. F.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 15 novembre 2021 (GE-21-2004)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 9 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 14 février 2022
Numéro de dossier : AD-21-403

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées de l’assurance-emploi et elle a raté la date limite pour passer à l’option standard.

Aperçu

[2] Dans la présente affaire, H. F. est la prestataire. Une période de prestations a été établie à son profit pour des prestations de maladie, des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans son formulaire de demande, elle devait choisir entre deux options de prestations parentales : standard ou prolongéeNote de bas de page 1.

[3] L’option standard offre un taux de prestations parentales plus élevé pendant un maximum de 35 semaines. L’option prolongée propose un taux moins élevé pendant un maximum de 61 semaines. Combinée aux 15 semaines de prestations de maternité, l’option standard permet d’obtenir des prestations d’assurance-emploi pendant environ 1 an, tandis que l’option prolongée permet d’en recevoir pendant environ 18 mois.

[4] La prestataire prévoyait prendre un congé d’un an après la naissance de son enfant. Pour des raisons médicales, elle a toutefois commencé son congé environ un mois avant la date prévue de son accouchement. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, la prestataire a déclaré qu’elle désirait recevoir des prestations prolongées pendant 61 semaines.

[5] Après la fin des prestations de maternité, la Commission a versé à la prestataire des prestations parentales au taux de l’option prolongée, c’est-à-dire le taux le plus bas. Lorsque la prestataire a remarqué le changement dans son compte bancaire, elle a rapidement communiqué avec la Commission et a été de nouveau informée de la différence entre les options standard et prolongée.

[6] La prestataire a alors demandé de passer à l’option standard. La Commission a refusé. Elle a expliqué à la prestataire qu’il était trop tard pour modifier son choix parce qu’elle avait déjà reçu des prestations parentales.

[7] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Son appel a été accueilli. Même si la prestataire avait sélectionné l’option prolongée dans son formulaire de demande, la division générale a conclu qu’il s’agissait d’une erreur. La division générale a conclu que la prestataire avait plutôt choisi l’option standard parce que ce choix correspondait mieux à son projet de prendre un congé d’un an.

[8] La Commission porte maintenant la décision de la division générale en appel à la division d’appel du TribunalNote de bas de page 2. Elle soutient que la division générale a outrepassé ses pouvoirs, que sa décision contient des erreurs de droit et qu’elle a fondé sa décision sur une erreur importante au sujet des faits de l’affaire.

[9] J’accueille l’appel de la Commission. La décision de la division générale contient une erreur de droit. De plus, je rends la décision que la division générale aurait dû rendre. La prestataire a fait un choix valable dans son formulaire en sélectionnant l’option prolongée. Quand elle a communiqué avec la Commission pour changer d’option, il était déjà trop tard.

Questions en litige

[10] Ma décision porte sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ignorant la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire KarvalNote de bas de page 3 c Canada (Procureur général)?
  2. b) Si oui, quelle est la meilleure façon de corriger l’erreur de la division générale?
  3. c) La prestataire a-t-elle droit à l’option standard?

Analyse

[11] Je peux modifier l’issue de la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinenteNote de bas de page 4. Dans ma décision, je me suis penché plus particulièrement sur la question de savoir si la décision de la division générale contient une erreur de droit.

La division générale a commis une erreur de droit en ignorant la décision Karval

[12] Le Tribunal doit tenir compte des décisions de la Cour fédérale qui ressemblent à l’affaire qu’il doit juger.

[13] Dans la présente affaire, la Commission soutient que la division générale aurait dû tenir compte de la décision que la Cour fédérale a rendu dans l’affaire Karval. La Commission affirme que bon nombre des faits importants dans la présente affaire sont semblables à ceux décrits dans l’affaire Karval.

[14] Je suis d’accord.

[15] Comme dans la présente affaire, Mme Karval avait choisi l’option prolongée dans son formulaire de demande avant de demander de passer à l’option standard. Cependant, la Commission, le Tribunal et la Cour fédérale ont décidé qu’il était trop tard pour que Mme Karval change d’option.

[16] En plus du moment où Mme Karval a présenté sa demande, la décision de la Cour fédérale relève au moins deux éléments importants qui ont empêché Mme Karval d’obtenir réparationNote de bas de page 5 :

  • la Commission n’a pas induit Mme Karval en erreur;
  • rien dans le formulaire de demande rempli par Mme Karval ne contredisait le fait qu’elle avait choisi l’option prolongée.

[17] De façon semblable, dans la présente affaire, la division générale n’a pas conclu que la Commission avait induit la prestataire en erreur. La division générale a plutôt affirmé que le choix de la prestataire était une erreur. À ce sujet, la division générale a fait plusieurs allusions à la situation personnelle de la prestataire au moment où elle a rempli sa demande de prestations parentales. Par exemple, la division générale a noté ce qui suit :

  • Comme la prestataire devait souvent aller à l’hôpital, elle « n’avait pas pris le temps de lire attentivement le formulaire de demandeNote de bas de page 6 ».
  • Étant donné la situation de la prestataire, il était raisonnable « qu’elle se soit dépêchée de demander des prestations sans porter attention aux détailsNote de bas de page 7 ».
  • La prestataire a reconnu qu’elle avait fait l’erreur de choisir la mauvaise option de prestations parentales parce qu’elle « avait sans doute dû se dépêcher pour remplir le formulaire à tempsNote de bas de page 8 ».

[18] De plus, le formulaire de demande ne contient aucune contradiction qui aurait pu alerter la Commission au sujet de l’état de confusion de la prestataire. Par exemple, la prestataire n’a pas fourni à la Commission une date prévue de retour au travail qui était incompatible avec le nombre total de semaines de prestations qu’elle voulait recevoirNote de bas de page 9.

[19] Compte tenu de ces grandes similitudes, je conviens que la division générale a commis une erreur de droit en ignorant la décision Karval.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[20] À l’audience, les deux parties ont fait valoir que, si la division générale avait fait une erreur, je devais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 10.

[21] Je suis d’accord. Les parties ne font pas valoir que la division générale les a empêchées de présenter tous leurs arguments. En réalité, la plupart des faits importants ne sont pas contestés.

[22] Par conséquent, je peux décider si la prestataire a le droit de toucher des prestations parentales standards.

La prestataire n’a pas droit aux prestations parentales standards

[23] J’adopte une approche en deux étapes pour trancher les affaires comme celle-ci :

  1. a) Quelle option la prestataire a-t-elle choisie dans son formulaire de demande? Le choix doit être clairNote de bas de page 11.
  2. b) Le choix de la prestataire était-il valide? Dans plusieurs affaires, le Tribunal a jugé que le choix des prestataires était invalide parce qu’il reposait sur des renseignements trompeurs fournis par la CommissionNote de bas de page 12. Dans de telles circonstances, les prestataires doivent refaire un choix.

[24] Dans la présente affaire, la prestataire a clairement choisi l’option prolongée. Son formulaire de demande ne comporte aucune contradiction flagrante. Toutes les réponses qu’elle a données à la Commission concordent avec l’option prolongée.

[25] De plus, il n’y a aucune raison d’invalider le choix de la prestataire.

[26] La membre de la division générale a demandé à la prestataire pourquoi elle avait choisi « 61 » en réponse à la question « Combien de semaines de prestations désirez-vous recevoirNote de bas de page 13? ». La prestataire a expliqué qu’elle avait compris que la question faisait référence au nombre total de semaines de prestations qu’elle voulait obtenir, c’est-à-dire les prestations de maladie, les prestations de maternité et les prestations parentales.

[27] La prestataire n’a toutefois souligné aucun renseignement qui proviendrait de la Commission et qui l’aurait amenée à faire une telle erreur.

[28] En fait, la prestataire a plutôt assumé à maintes reprises la responsabilité d’avoir rempli le formulaire trop vite sans l’avoir lu d’assez près.

[29] Par ailleurs, la Commission a écrit à la prestataire le 23 avril 2021 pour lui indiquer clairement qu’elle lui verserait des prestations parentales à un taux inférieurNote de bas de page 14. À ce moment-là, la prestataire avait encore plusieurs mois pour modifier son choix.

[30] La prestataire dit qu’elle n’a pas reçu la lettre. Elle affirme qu’elle a été envoyée à son ancienne adresse et qu’elle avait déménagé quelques mois plus tôt, en février.

[31] Toutefois, la Commission a envoyé la lettre à l’adresse que la prestataire avait fournie dans le formulaire de demande qu’elle a présenté à la fin de mars 2021. La prestataire avait la responsabilité de fournir à la Commission son adresse actuelle et de la modifier si nécessaire.

[32] Je suis sensible à la situation difficile de la prestataire. Cependant, je dois suivre la décision Karval, selon laquelle je dois respecter le choix qu’elle a fait dans son formulaire de demande. La prestataire a clairement choisi l’option prolongée dans son formulaire et son choix ne découle pas du fait que la Commission l’a induite en erreur.

[33] La Commission a versé à la prestataire ses premières prestations parentales le 30 juillet 2021Note de bas de page 15. La prestataire a demandé un changement d’option le 4 août 2021, après avoir reçu le premier versement de prestations parentalesNote de bas de page 16. Dans les circonstances, il était trop tard pour changer d’option.

Conclusion

[34] L’appel est accueilli. La décision de la division générale contient une erreur de droit qui me permet de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Dans la présente affaire, la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Quand elle a communiqué avec la Commission pour changer d’option, il était déjà trop tard.

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