Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 898

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assuranceemploi du Canada (430700) datée du 10 août 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 9 septembre 2021
Personne participant à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 20 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1443

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La demande initiale de prestations parentales de l’assurance-emploi de la prestataire montre qu’elle a choisi l’option standard.

[3] La prestataire affirme cependant qu’elle a fait une erreur et qu’elle voulait véritablement des prestations prolongées. En effet, elle a démontré qu’elle avait eu l’intention de choisir cette option.

Aperçu

[4] Une demande de prestations parentales de l’assurance-emploi nécessite de choisir entre deux options : « standard » et « prolongée »Note de bas de page 1.

[5] L’option standard permet de recevoir un maximum de 35 semaines de prestations au taux normal. L’option prolongée permet de recevoir la même somme totale de prestations, mais à un taux moins élevé et pendant un maximum de 61 semaines. La somme totale est donc la même, mais répartie sur un nombre de semaines différent.

[6] Une fois que les paiements commencent, l’option choisie ne peut plus être changéeNote de bas de page 2.

[7] Dans sa demande initiale, la prestataire a choisi les prestations parentales standards. Elle a commencé à recevoir des prestations au taux normal la semaine du 25 octobre 2020. Toutefois, elle voulait plutôt recevoir des prestations prolongées.

[8] La prestataire affirme qu’elle a toujours voulu recevoir des prestations prolongées durant tout son congé, mais qu’elle a choisi la mauvaise option par erreur dans sa demande.

[9] La Commission de l’assurance-emploi du Canada dit que la prestataire a fait son choix et qu’il est trop tard pour changer d’option. En effet, la prestataire a déjà commencé à recevoir des prestations parentales.

[10] La prestataire n’est pas d’accord et défend qu’elle a fait une erreur. C’est la première fois qu’elle demande de prestations parentales. Dans sa demande, elle a spécifié qu’elle reprendrait le travail après 18 mois. Elle souhaitait recevoir des prestations pendant la totalité de son congé. Elle aurait reçu plus de prestations si elle avait choisi l’option prolongée.

Question en litige

[11] Quel type de prestations parentales la prestataire voulait-elle vraiment recevoir lorsqu’elle a fait son choix dans sa demande initiale?

Analyse

[12] Les personnes qui demandent des prestations parentales de l’assurance-emploi doivent choisir entre l’option standard et l’option prolongéeNote de bas de page 3. La loi dit qu’à partir du moment où la Commission commence à verser des prestations parentales, les prestataires ne peuvent plus changer d’optionNote de bas de page 4.

[13] Pour savoir quel type de prestations parentales la prestataire voulait vraiment choisir dans sa demande initiale, il faut examiner les éléments de preuve liés à ce choix. Autrement dit, l’option que la prestataire a choisie dans sa demande est importante, mais ce n’est pas la seule chose dont il faut tenir compte pour décider quel choix a été fait. Par exemple, il peut aussi être nécessaire de tenir compte du nombre de semaines de prestations que la prestataire voulait recevoir ou de la longueur du congé qu’elle prévoyait de prendre.

[14] Le Tribunal a rendu plusieurs décisions où il a jugé que tous les éléments de preuve concernant le choix d’une personne sont importants pour décider du choix qu’elle a véritablement fait en remplissant sa demande initialeNote de bas de page 5. Je ne suis pas liée par ces décisions. Autrement dit, je n’ai pas l’obligation de m’en servir pour baser ma décision. Cependant, je les trouve convaincantes et je vais les suivre.

Le choix de la prestataire dans sa demande initiale

[15] Ce qui est important, c’est l’intention qu’avait la prestataire en remplissant sa demande initiale. À ce moment-là, avait-elle l’intention de choisir l’option standard ou l’option prolongée?

[16] La loi dit clairement que l’option choisie ne peut pas être modifiée une fois que des prestations sont versées. Les décisions du Tribunal sur cette question respectent ce principe. Le Tribunal ne modifie pas le choix. Il évalue plutôt ce que la partie prestataire avait l’intention de choisir au moment où elle a rempli sa demande initiale.

[17] La prestataire a affirmé qu’elle avait pris les dispositions nécessaires, en janvier 2020, pour prendre un congé de maternité de 18 mois à compter de juillet 2020. Elle prévoyait de recevoir des prestations pendant toute la durée de son congé. Elle avait eu un accouchement difficile et certains problèmes de santé mentale après la naissance. C’était son premier enfant. Il était né le 7 juillet 2020 et elle avait demandé des prestations de maternité et des prestations parentales le 22 juillet 2020. Elle ne se souvient pas avoir rempli la demande, mais a dit qu’elle l’avait remplie seule chez elle, sans l’aide de personne. Elle ne peut pas dire pourquoi elle a choisi 35 semaines. Elle a dit qu’elle avait été étonnée de voir ce chiffre dans le formulaire, comme 35 semaines ne correspondent même pas à une année complète.

[18] La requérante a dit que son employeur lui offre une prestation supplémentaire de chômage. Elle avait donc reçu un supplément de salaire pendant un an. Elle savait que les six derniers mois de son congé seraient difficiles du point de vue financier, vu la baisse des prestations. Elle a présumé qu’elle verrait le montant de ses prestations baisser après les 35 semaines de prestations parentales. Elle dit qu’elle avait vu que ses prestations parentales étaient terminées en ouvrant une session sur son compte Service Canada. Elle pensait que le système la [traduction] « ferait passer aux prestations prolongées » un an après la naissance de son enfant. Elle pensait que ce changement se ferait en quelques jours. En voyant que le changement ne s’effectuait pas, la prestataire a appelé Service Canada pour se renseigner.

[19] Durant cet appel téléphonique avec Service Canada, la prestataire a été informée de son erreur. On lui a alors expliqué que les prestations parentales standards versaient 573 $ par semaine pendant 35 semaines, pour un total de 20 055 $, et que les prestations prolongées versaient 344 $ par semaine pendant 61 semaines, pour un total de 20 984 $, soit 929 $ de plus. La prestataire a dit que cette somme de 929 $ lui serait utile pour payer ses factures, comme elle n’avait aucun revenu à l’heure actuelle.

[20] La prestataire a dit qu’il s’agissait de sa première demande de prestations de maternité et de prestations de l’assurance-emploi. Elle avait elle-même imaginé comment les prestations parentales fonctionnaient, soit 35 semaines à un taux plus élevé suivies de prestations à un taux plus bas pendant les 6 derniers mois de son congé.

Les arguments des parties

[21] Les parties, à savoir la prestataire et la Commission, ne s’entendent pas pour dire que la prestataire a choisi les prestations parentales prolongées.

[22] La Commission affirme que l’option que la prestataire a sélectionnée dans sa demande nous indique l’option qu’elle voulait. Elle dit qu’il est maintenant trop tard pour changer d’option. La Commission affirme que les prestations parentales standards choisies par la prestataire ne peuvent plus être changées comme elle a déjà reçu des prestations parentales. La Commission ne met pas en doute sa sincérité et note que la prestataire avait précisé dans sa demande qu’elle retournerait au travail le 3 janvier 2020.

[23] La prestataire dit qu’elle reconnaît la loi. Elle dit qu’elle a fait une erreur de bonne foi. Elle a été surprise de voir qu’elle avait sélectionné l’option standard. Elle avait prévu d’être en congé pendant 18 mois et pensait qu’elle recevrait des prestations pendant tout son congé. Elle pensait que le montant de ses prestations diminuerait une fois les 12 premiers mois écoulés.

Alors, quelle option la prestataire voulait-elle vraiment choisir en présentant sa demande?

[24] Je conclus que la prestataire a prouvé qu’elle avait l’intention de choisir les prestations parentales prolongées quand elle a présenté sa demande initiale.

[25] La question est alors de savoir ce qu’est un choix : se limite-t-il au choix inscrit dans le formulaire de demande?

[26] Je note que les articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi ont pour effet d’empêcher les prestataires de passer d’une option à l’autre, entre les prestations parentales standards et prolongées. Je ne m’y interpose pas.

[27] La division d’appel a confirmé dans des décisions récentes que je dois examiner l’ensemble des éléments de preuve se rapportant au type de prestations parentales ayant vraisemblablement été choisi par la prestataireNote de bas de page 6. Dans ces décisions, on a jugé les prestataires capables de défendre que la Commission avait mal interprété leur choix avant même que des prestations parentales leur soient versées. Plus précisément, il arrive que les prestataires donnent des réponses contradictoires dans le formulaire de demande. Dans une telle situation, la Commission devrait envisager de clarifier leur intention le plus tôt possible. Enfin, si la question leur est posée, les membres du Tribunal ont bel et bien le pouvoir d’examiner toutes les circonstances pertinentes afin de décider si une personne a effectivement choisi l’option standard ou prolongéeNote de bas de page 7.

[28] La prestataire a présenté sa demande initiale de prestations le 22 juillet 2020, après avoir travaillé jusqu’au 3 juillet 2020 inclusivement. Elle a précisé qu’elle recommencerait à travailler le 3 janvier 2022, soit environ 18 mois plus tard. Elle a déclaré que son employeur lui verserait un supplément de salaire pendant les 12 premiers mois de son congé. Selon son témoignage, elle croyait qu’elle recevrait des prestations pendant la totalité des 18 mois, et que leur montant diminuerait après la première année. Elle a reçu des prestations de somme égale du 4 juillet 2020 au 26 juin 2021. C’est seulement en parlant avec Service Canada, une fois ses prestations terminées, qu’elle a appris que les prestations parentales pouvaient être versées à deux taux différents, sur deux durées différentes.

[29] Je remarque que la demande de prestations contient des informations contradictoires. À la question [traduction] « Retournerez-vous travailler pour cet employeur? », la prestataire a répondu « Oui » et inscrit « 03/01/2022 » comme date de retour au travail. Sur une page intitulée [traduction] « Informations relatives aux prestations de maternité », elle a inscrit « 07/07/2020 » comme date de naissance exacte. Le formulaire demande aussi si elle veut recevoir des prestations parentales tout de suite après ses prestations de maternité. La prestataire a répondu par l’affirmative. Dans la section suivante, intitulée [traduction] « Informations relatives aux prestations parentales », la prestataire a inscrit qu’elle voulait l’option standard. Il lui était ensuite demandé le nombre de semaines qu’elle voulait demander. La prestataire a sélectionné 35 dans un menu déroulant. Je constate que les 35 semaines de prestations parentales sélectionnées dans la demande du 22 juillet 2020 ne cadrent pas avec un retour au travail prévu le 3 janvier 2022.

[30] Je note que la section intitulée [traduction] « Informations relatives aux prestations parentales » ne fait aucunement référence aux prestations de maternité (grossesse). Le formulaire précise que [traduction] « les prestations parentales de l’assurance-emploi sont seulement payables aux parents biologiques, adoptifs ou légalement reconnus qui s’occupent d’un nouveau-né ou d’un enfant nouvellement adopté. » La situation personnelle de la prestataire est utile pour connaître le type de prestations parentales qu’elle a choisi. La prestataire a dit qu’il s’agissait de son premier enfant. Elle a présenté sa demande après un accouchement difficile, alors qu’elle composait avec d’autres problèmes de santé. Elle avait rempli sa demande sans l’aide de personne. Elle a dit qu’elle pensait qu’elle recevrait des prestations pendant la totalité des 18 mois. Son employeur lui versait un supplément de salaire pour les 12 premiers mois. Elle pensait que le montant de ses prestations diminuerait après les 12 premiers mois, mais que ses prestations passeraient automatiquement au montant inférieur. Elle a ainsi expliqué avoir compris les prestations, soit en fonction de la durée du congé qu’elle avait demandé à son employeur et du supplément qu’il lui donnerait.

[31] Le formulaire de demande de prestations demande de préciser le nombre de semaines de prestations souhaitées. Ces questions ne précisent aucunement que les prestations parentales viennent s’ajouter aux 15 semaines de prestations de maternité. La Commission a fourni un formulaire de demande. Nulle part, parmi toutes ses pages, on ne demande le nombre de semaines total souhaité pour les prestations de maternité et les prestations parentales. Vu les circonstances et la confusion entraînée par les questions du formulaire, je juge crédible que la prestataire ait commis une erreur dans sa demande.

[32] La preuve me montre que la Commission a mal interprété le choix qu’a fait la prestataire avant de commencer à recevoir ses prestations parentales. Plus précisément, les réponses contradictoires qu’elle a fournies dans son formulaire de demande prêtaient à confusion. Tout en ayant précisé qu’elle reprendrait le travail le 3 janvier 2022, la prestataire a choisi 35 semaines de prestations. La preuve révèle ainsi qu’elle était embrouillée par rapport au choix à faire. Par ailleurs, son intention a toujours été d’être en congé pendant 18 mois et de toucher des prestations pendant ces 18 mois.

[33] La prestataire a affirmé qu’elle s’attendait à recevoir des prestations d’un montant moindre après un an. Son dernier chèque de prestation a été émis le 2 juillet 2021. Elle a alors communiqué avec le Commission le 14 juillet 2021, disant qu’elle avait prévu d’être en congé pendant 18 moins et qu’elle était certaine d’avoir choisi l’option prolongée. La preuve révèle que la prestataire avait l’intention de recevoir des prestations pendant les 18 mois de son congé.

[34] Je note que la Loi sur l’assurance-emploi dit que les personnes demandant des prestations parentales doivent faire un choix. Toutefois, on n’y précise aucunement la façon dont ce choix doit fait ni ce que la Commission doit faire si un choix est nébuleuxNote de bas de page 8.

[35] Ici, la façon dont le prestataire comprenait son choix, la confusion suscitée par les questions et l’information du formulaire de demande, et le fait que la prestataire y a indiqué un retour au travail après un congé de 18 mois prouvent qu’elle voulait des prestations parentales prolongées de l’assurance-emploi. L’option prolongée cadre avec le plan de retour au travail dont elle avait parlé avec son employeur. Ainsi, je conclus que la prestataire ne voulait pas demander des prestations parentales standards, contrairement à ce qu’avance la Commission, et qu’il est davantage probable qu’elle avait choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Par conséquent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales de l’assurance-emploi selon les modalités de l’option prolongée.

Conclusion

[36] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a choisi les prestations parentales prolongées.

[37] En conséquence, l’appel est accueilli.

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