Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – rejet en raison d’une inconduite – COVID-19 – politique de vaccination de l’employeur – division d’appel – permission d’en appeler – cause défendable

La division générale (DG) a conclu que la prestataire avait été mise en congé en raison d’une inconduite. La prestataire travaillait pour un hôpital public qui avait mis en place une politique de vaccination. La DG a jugé que la prestataire avait été informée des exigences de la politique de vaccination de son employeur ainsi que des conséquences qu’elle encourait si elle ne s’y conformait pas. La DG a également conclu que la prestataire avait volontairement refusé de se conformer aux exigences de vaccination de son employeur. La prestataire a fait appel de la décision de la DG devant la division d’appel (DA).

La DA a conclu que le fait que la prestataire n’avait pas de médecin de famille n’était pas pertinent par rapport à l’exigence de l’employeur selon laquelle elle devait avoir une preuve de vaccination complète contre la COVID-19, ou obtenir une exemption médicale ou une autre exemption autorisée. À aucun moment l’employeur n’a laissé entendre qu’il exempterait une ou un employé de sa politique de vaccination parce qu’elle ou il n’avait pas de médecin de famille, de spécialiste ou d’infirmière ou d’infirmier praticien. Le fait que la prestataire n’avait pas de médecin de famille ne la dispensait de se conformer aux exigences de son employeur.

La prestataire a fait valoir que la DG n’avait pas tenu compte du fait que son employeur avait agi contrairement à la loi. Elle a affirmé que celui-ci n’avait pas de fondement juridique pour mettre en œuvre une politique de vaccination et que, par conséquent, elle n’avait pas à s’y conformer. Pour cette raison, elle a nié avoir commis une quelconque inconduite. La DA a jugé que l’employeur avait établi et mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID 19 qui était conforme aux termes de la directive émise par le médecin hygiéniste en chef en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé. La prestataire pouvait exercer son droit de ne pas se faire vacciner, mais la vaccination (ou l’obtention d’une exemption) était devenueune condition essentielle pour conserver son emploi. La loi exigeait que l’employeur assure le respect de la directive.

La DA n’était pas convaincue que l’on pouvait soutenir que la DA avait omis d’examiner si la politique de vaccination de l’employeur était contraire à la loi, car la question ne semblait pas lui avoir été soumise. La DA n’était pas convaincue non plus que l’on pouvait soutenir que la politique de vaccination de l’employeur était illégale. La permission d’en appeler a été refusée.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 121

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : S. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 février 2022 (GE-21-2587)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 4 mars 2022
Numéro de dossier : AD-22-101

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, S. C. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire avait été mise en congé par son employeur en raison de son inconduite.

[3] La prestataire travaillait pour un hôpital public qui avait mis en place une politique de vaccination. La division générale a conclu que la prestataire était au courant des exigences de la politique de vaccination de son employeur. La division générale a conclu que la prestataire était consciente des conséquences qu’elle encourait si elle ne se conformait pas à la politique. La division générale a également conclu que la prestataire avait volontairement omis de se conformer aux exigences de son employeur en matière de vaccination.

[4] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait.

[5] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 1. Avoir une chance raisonnable de succès équivaut à avoir une cause défendableNote de bas page 2. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaire.

[6] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Peut-on soutenir que la division générale n’a pas accordé de poids au fait que la prestataire n’avait pas de médecin de famille?
  2. Peut-on soutenir que l’employeur de la prestataire n’a pas fourni de conseils ou ne l’a pas dirigée vers les ressources disponibles?
  3. Peut-on soutenir que la division générale a omis d’examiner si l’employeur de la prestataire a agi contrairement à la loi?

Analyse

[8] La division d’appel doit accorder la permission d’en appeler sauf si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès existe s’il est possible que la division générale ait commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas page 3.

[9] Une fois que la prestataire a obtenu la permission de la division d’appel, elle passe alors à l’appel en tant que tel. À cette étape, la division d’appel décide si la division générale a commis une erreur. Si elle décide que la division générale a commis une erreur, elle décide alors comment réparer cette erreur.

Peut-on soutenir que la division générale n’a pas accordé de poids au fait que la prestataire n’avait pas de médecin de famille?

[10] La prestataire fait valoir que la division générale n’a pas accordé de poids au fait qu’elle n’a pas de médecin de famille. La prestataire dit que, parce qu’elle n’avait pas de médecin de famille, elle n’a pas pu se faire exempter de la vaccination. Si elle avait bénéficié d’une exemption, elle aurait été en conformité avec les exigences de son employeur. De plus, elle aurait pu continuer à travailler et n’aurait pas été placée en congéNote de bas page 4.

[11] La division générale est le juge des faits. Pour cette raison, la division générale est la mieux placée pour apprécier la preuve qui lui est présentée et pour déterminer le poids qu’il faut lui accorderNote de bas page 5. La division d’appel s’en remet à la division générale pour les questions concernant le poids de la preuve.

[12] La question du poids n’est pas un moyen d’appel. La question du poids n’est pas un moyen d’appel. La prestataire n’a pas d’argument défendable pour dire que la division générale n’a pas accordé de poids à sa preuve selon laquelle elle n’avait pas de médecin de famille.

[13] Si l’on met de côté la question du poids, l’absence de médecin de famille n’était pas pertinente au regard des exigences de l’employeur. Du point de vue de l’employeur, le seul critère à prendre en compte était de savoir si la prestataire avait une preuve de vaccination complète contre la COVID-19 ou si elle bénéficiait d’une exemption médicale ou d’une autre exemption autorisée.

[14] À aucun moment l’employeur n’a laissé entendre qu’il exempterait une ou un employé de sa politique de vaccination parce qu’elle ou il n’a pas de médecin de famille, de spécialiste ou d’infirmière ou infirmier praticien.

[15] L’absence de médecin de famille aurait pu expliquer pourquoi la prestataire n’avait pas déjà obtenu une exemption médicale. Toutefois, cela n’a pas exempté la prestataire de l’obligation de satisfaire aux exigences de son employeur.

[16] La division générale devait se concentrer sur la question de savoir si la prestataire s’était conformée aux exigences de son employeur.

[17] De plus, la division générale a conclu que la prestataire avait d’autres options qu’elle aurait pu explorer ou poursuivre. La division générale a conclu que si elle avait poursuivi ces autres options, cela aurait pu lui permettre de répondre aux exigences de son employeur. La division générale a accepté les arguments de la Commission sur ce point.

[18] La Commission avait fait valoir que la prestataire [traduction] « n’a pas réellement tenté d’explorer la possibilité de faire une demande d’exemption médicale ou de droits de la personneNote de bas page 6 ». La Commission avait fait valoir que la prestataire aurait pu entreprendre des démarches pour obtenir une exemption médicale, même si le délai pour le faire était dépassé. La Commission avait également fait valoir que la prestataire aurait pu demander une prolongation du délai pour soumettre une demande d’exemption.

[19] Les conclusions de la division générale concordaient avec les éléments de preuve. Il n’y avait aucune preuve montrant que la prestataire avait entrepris des démarches pour, par exemple, obtenir une prolongation du délai pour soumettre une exemption.

[20] Je ne suis pas convaincue que la prestataire a une cause défendable selon laquelle la division générale a omis d’accorder de poids au fait qu’elle n’avait pas de médecin de famille.

Peut-on soutenir que l’employeur de la prestataire n’a pas fourni de conseils ou ne l’a pas dirigée vers les ressources disponibles?

[21] La prestataire fait également valoir que son employeur n’a pas fourni de conseils ou ne l’a pas dirigée vers les ressources disponibles.

[22] Un moyen d’appel approprié implique l’identification de certaines erreurs que la division générale aurait pu commettre. La prestataire fait valoir que son employeur a omis de lui donner des conseils et des directives. Cet argument ne représente pas un moyen d’appel adéquat.

[23] Même si cela avait été un moyen d’appel approprié, j’aurais jugé que cet argument n’était pas fondé. L’employeur a fourni diverses ressources sur la vaccination. Par exemple, elle a fourni un programme d’éducationNote de bas page 7 qui comprenait les éléments suivants :

  • Le fonctionnement des vaccins contre la COVID-19
  • La sécurité et l’efficacité des vaccins
  • Les avantages, l’efficacité et les risques éventuels de la vaccination
  • Les risques de ne pas être vacciné contre la COVID-19
  • Les effets secondaires possibles de la vaccination contre la COVID-19

[24] L’employeur a également fourni des liens vers différentes ressources, notamment vers Johns Hopkins Medicine, le ministère de la Santé de l’Ontario, Santé publique Ontario et le Comité consultatif nationalNote de bas page 8. Il a également fourni une page d’information sur le vaccin contre la COVID-19 sur son site WebNote de bas page 9.

[25] L’employeur a également organisé au moins trois réunions publiques, dont deux au cours desquelles son médecin en chef chargé des maladies infectieuses était disponible pour répondre aux questions sur les vaccinsNote de bas page 10.

[26] L’employeur a également mis à disposition des expertes et experts en santé au travail pour mener des discussions individuelles sur la vaccination et les préoccupations particulières des employésNote de bas page 11.

[27] Les séries de courriels de l’employeur comprenaient généralement des informations concernant les services d’éducation et les aides confidentielles disponibles.

[28] Bien que les ressources de l’employeur n’aient peut-être pas répondu aux préoccupations de la prestataire au sujet de la vaccination, c’est très différent d’alléguer que son employeur n’a pas fourni de conseils ou de ressources du tout.

[29] Cependant, comme je l’ai dit, les plaintes concernant l’employeur de la prestataire ne constituent pas un moyen d’appel valide. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès grâce à ce moyen d’appel.

Peut-on soutenir que la division générale a omis d’examiner si l’employeur de la prestataire a agi contrairement à la loi?

[30] La prestataire fait également valoir que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son employeur a agi contrairement à la loi. Elle affirme que son employeur n’avait pas de fondement juridique pour mettre en œuvre une politique de vaccination. Elle soutient que, puisque son employeur n’avait aucun fondement juridique pour mettre en œuvre une politique de vaccination, elle n’avait pas à se conformer à cette politique. Pour cette raison, elle nie toute inconduite de sa part.

[31] Je ne vois pas de preuve que la prestataire a, à quelque moment que ce soit, soulevé cet argument devant la division générale. Cependant, même si la prestataire a soulevé cette question et que la division générale ne l’a pas abordée, l’argument sous-jacent n’est pas fondé et les arguments de la prestataire concernant la légalité de la politique de vaccination de son employeur sont voués à l’échec.

[32] Le médecin hygiéniste en chef de la province de l’Ontario a publié une directive concernant les hôpitaux publics. Le médecin hygiéniste en chef a émis la directive 6 en vertu de l’article 77.7 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé, L.R.O. 1990, chap. H.7. Il est clair que la directive 6 a une force et un effet juridiques.

[33] L’article 77.7(1) de la Loi sur la protection et la promotion de la santé prévoit que s’il est d’avis qu’il existe ou qu’il peut exister un danger immédiat pour la santé de toute personne en Ontario, le médecin-hygiéniste en chef peut donner une directive à tout fournisseur de soins de santé, y compris un hôpital public.

[34] L’article 77.7(3) de la Loi sur la protection et la promotion de la santé exige qu’un fournisseur de soins de santé qui reçoit une telle directive s’y conforme. En tant qu’hôpital public, l’employeur de la prestataire était tenu par la loi de se conformer à la directive 6.

[35] La directiveNote de bas page 12 exigeait que l’employeur de la prestataire établisse et mette en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19, et qu’il en assure la conformité, exigeant de ses employés, de son personnel, de ses entrepreneurs, de ses bénévoles et de ses étudiants qu’ils fournissent :

  1. soit une preuve de vaccination complète contre la COVID-19;
  2. soit une preuve écrite d’une raison médicale, fournie par une ou un médecin ou une infirmière ou un infirmier autorisé de la catégorie spécialisée qui énonce : (i) une raison médicale documentée pour ne pas être complètement vacciné contre la COVID-19, et (ii) la période pendant laquelle la raison médicale est valable;  
  3. soit une preuve qu’ils ont suivi une séance de formation.

[36] La directive a permis à l’employeur de la prestataire de supprimer cette option et d’exiger que tous les employés, le personnel, les entrepreneurs, les bénévoles et les étudiants fournissent la preuve requise au paragraphe a) ou b).

[37] L’employeur a établi et mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19 qui était conforme aux termes de la directive. L’employeur a supprimé l’option qui permettait à une employée ou à un employé de fournir la preuve de sa participation à une séance de formation.

[38] La prestataire s’appuie sur les termes de sa convention collective. Elle affirme que, selon les termes de sa convention collective, elle avait le droit de refuser de se faire vacciner.

[39] La division générale n’a pas abordé cet argument concernant la convention collective de la prestataire. Cependant, j’estime que la question des droits de la prestataire découlant de la convention collective est sans rapport avec la légalité de la directive. L’existence d’une convention collective n’a pas, d’une manière ou d’une autre, invalidé ou remplacé la directive.

[40] Quoi qu’il en soit, l’employeur de la prestataire a respecté les droits de la prestataire prévus par la convention collective. L’employeur a clairement indiqué qu’il revenait à la prestataire de choisir de se faire vacciner. Dans ses communications datées du 4 octobre 2021, l’employeur écrit : [traduction] « Cela reste votre choix individuel de vous faire vacciner ou non contre la COVID-19 ».

[41] La prestataire pouvait exercer son droit de ne pas se faire vacciner, mais la vaccination (ou l’obtention d’une exemption) était devenue une condition fondamentale de son emploi, compte tenu de la directive 6. La loi exigeait que l’employeur assure le respect de cette directive.

[42] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a omis d’examiner si la politique de vaccination de l’employeur était contraire à la loi, car la question ne semble pas lui avoir été soumise. Je ne suis pas non plus convaincue que l’on puisse soutenir que la politique de vaccination de l’employeur était illégale.

Conclusion

[43] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. L’appel n’ira pas de l’avant.

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