Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 122

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (442486) datée du 16 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sylvie Charron
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 janvier 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 8 février 2022
Numéro de dossier : GE-21-2587

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] Selon la preuve, l’appelante a été congédiée en raison de son inconduite. L’appelante connaissait les exigences de la politique de vaccination de son employeur et a volontairement omis de s’y conformer. Par conséquent, l’appelante n’est pas admissible à des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a été suspendue pour inconduite au titre de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi le 16 octobre 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelante. Au départ, elle a décidé que l’appelante avait quitté volontairement son emploi (ou choisi de prendre un congé) sans justification, et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[4] Après avoir examiné toutes les preuves, la Commission a ensuite décidé que l’appelante avait été suspendue pour inconduite pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination de l’employeur.

[5] Je dois décider si le non-respect par l’appelante de la politique de vaccination de l’employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] La Commission affirme que l’appelante aurait pu soit soumettre une demande d’exemption de la politique de vaccination de l’employeur, soit se conformer à cette politique et recevoir deux doses du vaccin.

[7] L’appelante n’est pas d’accord et déclare qu’elle a refusé de se faire vacciner en raison d’un problème médical. Elle dit aussi qu’elle travaille à l’étage technique d’un hôpital et n’a aucun contact avec les patients. Elle aurait pu obtenir des mesures d’adaptation en se soumettant fréquemment à des tests rapides. Elle insiste également sur le fait qu’elle a été placée en congé involontaire; la politique de vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail. Elle affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite et que son refus de se conformer à la politique de vaccination était dû à des préoccupations sincères et véritables concernant les effets possibles du vaccin.

Question en litige

[8] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite?

[9] Pour répondre à cette question, je dois décider si la suspension de l’appelante était due à une inconduite.

Analyse

[10] Tout d’abord, je dois décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite ou si elle a quitté volontairement son emploi sans justification.

[11] Dans un premier temps, la Commission a déclaré que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans justification et l’a exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[12] Après un examen plus approfondi de la preuve, la Commission a décidé que le départ de l’appelante de son travail relevait d’une suspension, puisque c’est l’employeur qui a pris l’initiative de la cessation d’emploi. Cette question devrait être traitée au titre de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi, à titre de suspension pour inconduite.

[13] Je suis d’accord avec la Commission sur ce point : l’appelante a été suspendue pour inconduite et est exclue du bénéfice des prestations. Les motifs ci-dessous expliquent pourquoi.

[14] La question de savoir si l’appelante a cessé de travailler parce qu’elle a quitté volontairement son emploi ou en raison de son inconduite est importante, car des critères juridiques différents s’appliquent à chaque question. De plus, la charge de la preuve, ou la partie qui doit prouver les faits, est différente pour chaque question.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi traite ensemble des cas d’inconduite et de départ volontaire sans justification. La loi prévoit que la perte d’un emploi doit être involontaire pour qu’une partie appelante soit admissible au bénéfice de prestations. Autrement dit, un employé ne peut pas se mettre volontairement en situation de chômageNote de bas page 1.

[16] Cela signifie qu’une partie appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si la perte d’emploi est due à une inconduite ou si elle est due à un départ volontaire sans justification. Pour cette raison, je peux conclure qu’une partie appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour cause d’inconduite ou de départ volontaire, pour autant que cette conclusion soit étayée par des éléments de preuveNote de bas page 2.

[17] Une partie appelante qui quitte volontairement son emploi a la charge de la preuve : elle doit démontrer qu’elle avait été fondée à le faire. Une « justification » ou « être fondée à » a une signification précise et est prouvé lorsque la partie appelante peut démontrer qu’il n’y avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire.

[18] C’est la Commission qui doit prouver qu’une partie appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, la Commission doit démontrer que la conduite de la partie appelante était consciente, délibérée ou volontaireNote de bas page 3.

[19] L’inconduite inclut également une conduite si imprudente qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4. Il n’est pas nécessaire que la partie appelante ait une intention coupable (en d’autres termes, il n’est pas nécessaire qu’elle ait l’intention de faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au sens de la loiNote de bas page 5.

[20] Il y a inconduite si la partie appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite l’empêcherait de s’acquitter de ses fonctions envers l’employeur et qu’il y avait une possibilité réelle d’être licencié ou suspendu à cause de cela.

[21] La Commission doit prouver que la partie appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Le motif du congédiement de l’appelante correspond-il à une inconduite au sens de la loi?

[22] Je conclus que le motif du congédiement de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[23] L’appelante a été informée par son syndicat que l’employeur mettait en place une politique de vaccination. Elle affirme que la politique n’a pas été clairement communiquée par l’employeur puisqu’on ne lui a pas conseillé de vérifier régulièrement ses courriels et qu’elle n’a pas reçu de lettre des ressources humaines l’informant des conséquences du non-respect de la politique.

[24] Cependant, la preuve au dossier révèle que l’employeur a envoyé de nombreuses communications à tous les employés pour les informer des exigences en matière de vaccination, de la date limite à laquelle les employés devaient se faire vacciner et du mécanisme permettant de demander une exemption médicale ou une exemption liée aux droits de la personne. Ces communications décrivaient également les conséquences du non-respect de la politique.

[25] L’appelante convient qu’elle a finalement été mise au courant des exigences. Elle convient également qu’elle n’avait personne vers qui se tourner, personne pour l’informer alors qu’elle voulait vraiment donner un [traduction] « consentement éclairé » à la vaccination. Elle avait de sérieuses inquiétudes médicales concernant le vaccin et n’avait aucun médecin pour répondre à ses questions.

[26] L’appelante a témoigné qu’il n’y avait pas eu d’inconduite de sa part et que son non-respect n’était pas volontaire; aucune mesure disciplinaire n’a été prise. L’appelante affirme que son refus de se conformer à la politique de vaccination était une préoccupation sincère et véritable concernant les effets du vaccin.

[27] L’appelante affirme également que l’article 19.02 de sa convention collective prévoit que l’employeur reconnaît que les employés ont le droit de refuser tout vaccin recommandé ou exigé.

[28] La Commission fait valoir que l’appelante aurait pu prendre des mesures pour discuter de ses préoccupations avec son employeur et lui faire savoir qu’elle n’avait pas de fournisseur de soins médicaux. Elle aurait pu tenter d’entreprendre des démarches pour obtenir une exemption médicale, même si le délai pour le faire était dépassé au moment où elle s’est penchée sur la question. Elle aurait pu demander une prolongation du délai pour soumettre la demande d’exemption.

[29] La preuve ne démontre pas que l’on n’ait jamais demandé à l’employeur de prendre des mesures d’adaptation pour l’appelante, compte tenu de ses problèmes médicauxNote de bas page 6.

[30] La Commission soutient que, d’après la preuve, les actions de l’appelante étaient volontaires et délibérées. L’appelante était au courant de l’obligation d’être entièrement vacciné ou de soumettre une demande d’exemption médicale ou de droits de la personne avant le 15 octobre 2021, mais elle ne l’a pas fait. Il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il y a une relation de cause à effet entre sa suspension et son refus de se faire vacciner.

[31] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y avait inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’appelante était au courant de la politique de vaccination et de la date à laquelle elle devait s’y conformer;
  • L’appelante n’a pas réellement tenté d’explorer la possibilité de faire une demande d’exemption médicale ou de droits de la personne;
  • L’appelante a volontairement refusé de se faire vacciner, sachant que cela entraînerait une suspension ou un congédiement éventuel.

[32] Bien que je sois sensible à la situation de l’appelante et à ses préoccupations sincères quant aux effets possibles du vaccin, je ne peux pas changer la loi. Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[33] Je conclus que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations.

[34] Ainsi, l’appel est rejeté.

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