Assurance-emploi (AE)

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Citation : AF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 892

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Parties appelante : A. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (428647) datée du 3 août 2021 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2021
Personne présente à l’audience : A. F.
Date de la décision : Le 14 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1381

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas page 1

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il s’est présenté au travail en sachant qu’il avait contracté le virus du Covid-19 alors que les consignes émises à tous les employés exigeaient que l’appelant ne se présente pas au travail dans ce cas.

[4] L’appelant indique avoir été congédié pour cette raison. Il affirme que, même s’il a reçu un résultat positif au Covid-19 le 23 mai 2021, il n’avait aucun symptôme. Il a continué à travailler jusqu’au 31 mai 2021. Il soutient que la Direction de santé publique l’aurait mal orienté et que, le 28 mai 2021, une personne travaillant pour cet organisme l’aurait menacé d’être sanctionné s’il continuait à se présenter au travail.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[7] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi ?

[8] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a continué à se présenter au travail malgré qu’il avait reçu un résultat positif au Covid-19 le 23 mai 2021.

[9] La Commission et l’appelant s’entendent sur la raison pour laquelle ce dernier a perdu son emploi.

[10] L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant avait la responsabilité de lui transmettre un document médical indiquant qu’il était atteint du Covid-19 pour la gestion de son dossier de maladie, mais qu’il ne l’a pas fait. Il indique que l’appelant a été congédié parce qu’il a continué à se présenter au travail du 24 mai 2021 au 31 mai 2021 alors qu’il était atteint du Covid-19 et qu’il ne devait pas se présenter au travail dans ce cas, comme les règles de l’entreprise l’exigent.

[11] La Direction de santé publique, par l’entremise de l’école de la fille de l’appelant, aurait exigé que l’appelant passe un test de dépistage parce que sa fille a été contaminée au virus et qu’elle a été confinée à la maison, en quarantaine. L’appelant explique avoir fait un premier test de dépistage du Covid-19 le 22 mai 2021. Ce test s’est avéré positif. Il explique avoir fait un deuxième test de dépistage le 28 mai 2021 et avoir été informé que ce test était positif le 31 mai 2021. Il a alors informé l’employeur du résultat de ce dernier test de dépistage. L’appelant explique avoir tenté de transmettre le document médical à l’employeur, mais que ça n’a pas fonctionné.

[12] L’appelant admet s’être présenté au travail entre le 24 mai 2021 et le 31 mai 2021 alors qu’il avait reçu un résultat positif au test de dépistage du Covid-19, je conclus qu’il a posé les gestes reprochés par l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi ?

[13] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite. Un travailleur qui est congédié en raison de son inconduite ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[14] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas page 2 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas page 3 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupableNote de bas page 4 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[15] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas page 5

[16] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas page 6

[17] La Commission fait valoir que l’appelant connaissait les règles de l’employeur et qu’il savait qu’il ne devait pas se présenter au travail s’il avait été en contact avec une personne ayant contracté le Covid-19 ou s’il avait lui-même reçu un résultat positif. Elle soutient que c’est dans une négligence totale des règles de l’employeur et de la santé publique que l’appelant a continué à se présenter au travail. Selon la Commission, il est évident que le comportement de l’appelant était conscient.

[18] La Commission indique également que l’appelant a évoqué dans son avis d’appel avoir obtenu, le 23 mai 2021, l’autorisation de la Direction de santé publique de continuer à se présenter au travail alors qu’il n’a pas mentionné cet argument ni lors du traitement initial de sa demande ni lors de la révision. La Commission fait valoir que cet argument n’est pas crédible étant donné les mesures sanitaires prises à l’échelle planétaire en raison de la pandémie du Covid-19 et qui sont connues de tous. Elle affirme que le comportement de l’appelant résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré et que ce comportement a mené à son congédiement.

[19] La responsable des ressources humaines chez l’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant l’a avisé du résultat positif de son test de dépistage au Covid-19 le 1er juin 2021. La responsable explique que l’appelant devait lui transmettre un document médical attestant le résultat du test de dépistage qu’il avait passé le 28 mai 2021 afin de régulariser son dossier pour son congé de maladie. Comme il ne l’a pas fait, la responsable a contacté la Direction de santé publique pour obtenir l’information. Elle a alors été avisée que l’appelant avait passé un test de dépistage au Covid-19 le 22 mai 2021 et qu’il a été avisé le 23 mai 2021 que ce test était positif.

[20] La responsable indique que tous les employés ont reçu un guide le 5 février 2021 leur indiquant les consignes à suivre concernant le Covid-19. Dans ce guide, il est clairement indiqué qu’une personne qui a été en contact avec une personne ayant contracté le Covid-19 doit passer un test de dépistage, se mettre en quarantaine pendant 14 jours et ne pas se présenter au travail, à moins de recevoir un résultat négatif. Il est clairement spécifié dans ce guide que lorsqu’un employé reçoit un test positif, il ne doit pas se présenter au travail afin de ne pas propager la contagion dans l’entreprise.

[21] Comme l’appelant s’est présenté au travail du 23 mai 2021 au 31 mai 2021 malgré qu’il avait reçu un résultat positif au test de dépistage du Covid-19, il a été congédié.

[22] L’appelant a déclaré à la Commission que la Direction de santé publique l’a contacté le 31 mai 2021 pour lui indiquer que son test de dépistage au Covid-19 était positif et qu’il devait se placer en quarantaine pendant 14 jours.

[23] L’appelant admet avoir passé un premier test de dépistage le 23 mai 2021 et avoir été avisé que ce test était positif le 24 mai 2021. Parce qu’il n’avait aucun symptôme de la maladie, il ne s’est pas placé en quarantaine et il n’a pas avisé l’employeur du résultat de ce test. Après avoir parlé avec un collègue de cette situation, il a décidé de passer un deuxième test le 28 mai 2021. Ce deuxième test était également positif et l’appelant a développé des symptômes de la maladie par la suite.

[24] Lors de l’audience, l’appelant explique qu’il ne reproche pas à l’employeur de l’avoir congédié, mais il fait valoir que la Direction de santé publique l’a mal orienté en plus de le menacer.

[25] Une personne travaillant pour la Direction de santé publique aurait menacé l’appelant au moment où il a passé son deuxième test en lui disant que s’il se présentait de nouveau au travail, il pourrait être sanctionné et devoir payer une amende. L’appelant a déclaré avoir pourtant respecté la demande de la Direction de la santé publique après le 31 mai 2021 et qu’il est resté chez-lui. Il affirme qu’il a quand même été congédié injustement le 4 juin 2021. Il explique que la décision de son congédiement a été prise de façon unilatérale alors qu’il était malade. Il soutient que la Direction de santé publique est responsable de son congédiement.

[26] Je n’ai pas à déterminer si le congédiement était une mesure appropriée, mais bien si les gestes que l’appelant a posés constituent une inconduite.

[27] L’appelant a su le 23 mai 2021 que son test de dépistage au Covid-19 était positif, mais il a continué à aller travailler jusqu’au 31 mai 2021. Le 23 mai 2021, l’appelant savait qu’il devait se placer en quarantaine parce que le résultat était positif. Mais il ne l’a pas fait parce qu’il n’avait pas de symptômes et qu’il voulait continuer à travailler. Il n’a pas parlé à l’employeur du résultat de ce test ni pour l’informer ni pour trouver une solution.

[28] L’appelant savait qu’il ne pouvait se présenter au travail afin d’éviter la contagion dans l’entreprise et qu’il devait se placer en quarantaine pour 14 jours si son test de dépistage était déclaré positif. Il le savait d’autant plus que la Direction de santé publique, par le biais de l’école de sa fille, lui a demandé de faire un test de dépistage parce que sa fille était en quarantaine à la maison, comme il l’a expliqué lors de l’audience. Il savait que sa fille, qui avait peut-être reçu un résultat positif au Covid-19 ou qui avait été en contact avec une personne ayant reçu un résultat positif au Covid-19, devait se placer en quarantaine pendant 14 jours.

[29] L’appelant s’est quand même présenté au travail du 24 mai 2021 au 31 mai 2021 et il n’a pas indiqué à l’employeur que le résultat de son test de dépistage était positif. Il a témoigné qu’à ce moment, il a « oublié » les consignes de l’employeur et le guide qui lui indiquait la procédure à suivre sur les lieux du travail concernant le Covid-19. L’appelant s’en est remis à la Direction de santé publique qui l’aurait mal orienté.

[30] L’employeur l’a congédié pour grave négligence et parce qu’il n’avait pas respecté les règles de l’entreprise. L’employeur a précisé qu’en raison du geste de l’appelant, il a été obligé de mettre 25 employés en arrêt de travail préventif afin d’éviter une éclosion dans le milieu de travail, que ces employés ont dû passer un test de dépistage et que trois d’entre eux ont obtenu un résultat positif.

[31] Je suis d’avis que l’appelant savait qu’il ne pouvait se présenter au travail si le résultat du test de dépistage qu’il a passé était positif. Il a omis de façon consciente d’informer l’employeur. Les consignes émises par l’employeur sont claires et l’appelant aurait dû s’y référer. D’autant plus que ces consignes sont également celles véhiculées par le gouvernement, soit la Direction de santé publique.

[32] Au surplus, comme le fait valoir la Commission, l’appelant devait se placer en quarantaine s’il était en contact avec une personne qui a contracté le Covid-19 et il devait passer un test de dépistage et se placer en quarantaine en attendant les résultats de ce test. L’appelant n’a pas informé l’employeur du résultat positif de son test de dépistage reçu le 23 mai 2021. Même en attendant de passer un deuxième test, l’appelant ne s’est pas placé en quarantaine. Il a continué à aller travailler.

[33] Je comprends les explications de l’appelant indiquant que la Direction de santé publique lui a fait comprendre qu’il devait rester à la maison au moment du deuxième test. Bien que l’appelant fasse valoir que la Direction de santé publique l’aurait d’abord mal orienté et lui aurait affirmé qu’il pouvait continuer à aller travailler pendant le résultat d’un deuxième test, je ne retiens pas cet argument. L’appelant était en contact avec sa fille qui a été contaminée et il savait pertinemment les règles qu’elle devait respecter. L’appelant savait qu’une personne ayant contracté le Covid-19 ou qui est en attente d’un résultat de dépistage ou qui a reçu un résultat positif au Covid-19 devait se placer en quarantaine pendant 14 jours.

[34] L’appelant n’avait pas de symptômes de la maladie et pouvait trouver contraignantes les règles qu’il devait respecter, mais il devait les respecter. Il devait respecter les règles de la Direction de santé publique du Québec bien sûr, mais il a été congédié parce qu’il n’a pas respecté les règles émises par son employeur.

[35] L’appelant a admis lors de l’audience que l’employeur lui avait remis un guide concernant la procédure à suivre sur les lieux du travail concernant le Covid-19.

[36] Bien que l’appelant fasse valoir qu’une personne travaillant pour la direction de la Santé publique l’aurait menacé qu’il pourrait être sanctionné s’il continuait à se présenter au travail et qu’elle aurait provoqué son congédiement, l’appelant a été congédié par son employeur et il a été congédié parce qu’il n’a pas respecté les règles émises par l’employeur.

[37] Pour expliquer pourquoi il n’a pas informé l’employeur du résultat positif qu’il avait reçu le 23 mai 2021, l’appelant a dit qu’il a complètement oublié « cette situation » et qu’il s’est fié à la Direction de santé publique qui est fautive.

[38] Bien que je n’ai pas à déterminer si ce geste posé par l’appelant avait une intention coupable, je précise que le comportement de l’appelant a eu des conséquences pour ses collègues ainsi que pour l’employeur.

[39] Je précise également que je comprends la position de l’appelant qui sent avoir été victime d’une injustice. Il ne voulait pas perdre son emploi. Je précise que les compétences de l’appelant au travail ne sont pas remises en cause. L’employeur l’a congédié parce qu’il s’est présenté au travail malgré qu’il avait reçu un résultat positif au dépistage de Covid-19.

[40] Après avoir soupesé les déclarations de l’appelant, je suis d’avis que, dans les faits, même s’il voulait confirmer un résultat positif reçu puisqu’il était asymptomatique, l’appelant savait qu’il devait se placer en quarantaine puisque, comme il l’a mentionné lors de l’audience, sa fille était en quarantaine et il avait été informé par la Direction de la santé publique qu’il devait passer un test de dépistage. Les règles de l’employeur exigeaient que l’appelant ne se présente pas au travail pendant l’attente du résultat d’un test de dépistage, mais aussi lorsqu’un résultat d’un test de dépistage était positif.

[41] L’appelant admet avoir reçu des directives claires de l’employeur en février 2021 concernant le Covid-19 sur les lieux du travail. Comme explication au fait de s’être présenté au travail malgré un résultat positif au test de dépistage, il affirme avoir oublié. Cependant, l’appelant savait qu’il ne respectait pas les règles de l’employeur quant au Covid-19 puisque c’était les mêmes que celles véhiculées par la Direction de santé publique. La fille de l’appelant se trouvait en quarantaine à la maison et l’appelant avait reçu l’information personnellement concernant les règles à suivre.

[42] L’appelant a été congédié parce que qu’il s’est présenté au travail alors qu’il avait reçu un résultat positif au test de dépistage du Covid-19 et qu’il n’a pas respecté les règles de l’employeur. Il a posé le geste reproché par l’employeur et il a posé ce geste de façon volontaire. Ce geste volontaire qu’il a posé constitue une inconduite.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[43] L’appelant a mentionné que la Commission lui a versé des prestations de maladie. Ces prestations spéciales sont versées pour un maximum de 15 semaines. L’appelant ne peut recevoir des prestations régulières s’il est congédié pour une inconduite qu’il a commise. Lorsqu’un employé ne respecte pas les règles de son employeur, il peut présumer qu’il sera congédié.

[44] Comme mentionné, je n’ai pas à déterminer si le congédiement était une sanction appropriée, je précise cependant que la possibilité d’obtenir des prestations s’évalue de la même manière pour une période de suspension ou suite à un congédiement. En l’espèce, je dois déterminer si l’appelant a posé les gestes que l’employeur lui reproche et si ces gestes constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[45] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. L’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur et le fait de s’être présenté au travail alors qu’il devait être en quarantaine constitue une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[46] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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