Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRANSDUCTION]

Citation : CW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 123

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : C. W.
Représentant ou représentante : N. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 janvier 2022 (GE-21-2524)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 8 mars 2022
Numéro de dossier : AD-22-102

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) travaillait comme camionneur. Il a perdu son emploi. L’employeur du prestataire a dit qu’il avait été mis à pied parce qu’il avait été insubordonné envers son superviseur en lui faisant des menaces.

[3] La défenderesse (Commission) a accepté la raison que l’employeur a fournie pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et elle l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi après avoir envoyé à son superviseur un message texte inapproprié contenant des injures. Elle a conclu que le prestataire aurait dû savoir qu’il était possible que l’employeur le congédie dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] Le prestataire cherche maintenant à obtenir la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale n’a pas suivi les principes d’équité procédurale et a commis une erreur de fait ou de droit dans son interprétation des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision de la division générale qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas statué sur une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a statué sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres mots, il doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant de pouvoir accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable d’être accueilli.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire cherche maintenant à obtenir la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale n’a pas suivi les principes d’équité procédurale et qu’elle a commis une erreur de fait ou de droit dans son interprétation des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite involontaire ne suppose pas que l’écart de conduite soit nécessairement le résultat d’une intention malveillante; il suffit que l’inconduite soit délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été de nature délibérée ou, à tout le moins, de nature si insouciante ou négligente que l’on pourrait dire que l’employé a délibérément fait fi des effets de ses gestes sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de déterminer si celui-ci était coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle sorte que ce congédiement était injustifié. Il consiste plutôt à décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné la perte de son emploi.

[16] En se fondant sur la preuve, la division générale a décidé que le prestataire avait perdu son emploi le 18 décembre 2020. Nul ne conteste le fait qu’il a envoyé un message texte à son superviseur qui disait [traduction] « va te faire foutre… va te faire foutre ». Le prestataire savait que l’employeur avait une politique de tolérance zéro à l’égard des comportements inappropriés envers un supérieur. Le prestataire a déclaré qu’il s’était rendu compte plus tard que l’envoi du message texte n’était peut-être pas la meilleure option, mais que son superviseur l’avait provoquéNote de bas page 1.

[17] La division générale a conclu qu’en agissant ainsi, le prestataire savait, ou aurait dû savoir, que sa conduite entraînerait son congédiement.

[18] La division générale était convaincue que c’est pour cette raison que l’employeur avait congédié le prestataire. L’employeur l’a renvoyé chez lui le même jour. Le prestataire a perdu son emploi après l’incident du message texte. La division générale n’a accordé aucun poids à la position du requérant selon laquelle le message texte ne constituait qu’une excuse pour le congédier à la suite de ses plaintes au sujet de la sécurité et des changements de salaire. Elle a conclu qu’il n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire antérieure malgré ses plaintes concernant la sécurité. De plus, l’employeur avait accepté de ne pas modifier la façon dont le prestataire était payé.

[19] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] Le prestataire a admis qu’il avait envoyé un message texte à son superviseur. Cependant, il a déclaré qu’il avait agi par frustration parce que l’employeur n’avait rien fait au sujet de ses problèmes de sécurité ni du harcèlement qu’il subissait de ses collègues. Il a eu un moment, qu’il regrette maintenant, où il s’est adressé à son superviseur de façon irrespectueuse. Il a soutenu que ses gestes n’étaient donc pas conscients ou délibérés.

[21] Comme l’a affirmé la division générale, le fait que le prestataire ait manqué momentanément de jugement ou qu’il ait été provoqué n’est pas pertinent pour décider si sa conduite constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 2.

[22] La division générale a conclu que le message texte avait été envoyé après que le prestataire et le superviseur aient eu un désaccord au téléphone. Le prestataire a admis avoir envoyé le message texte pendant que le superviseur se rendait au travail. Bien que le prestataire ait pu être frustré et fâché contre son superviseur en raison de l’accumulation de problèmes et qu’il ait pu agir de façon impulsive, cela ne signifie pas qu’il n’a pas agi de façon délibérée. À tout le moins, ses gestes étaient si insouciants qu’ils frôlent le caractère délibéré. Une enquête plus approfondie n’aurait eu aucune incidence sur ces constatations qui ont mené à une conclusion d’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] Il est bien établi qu’un comportement agressif ou violent au travail constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. De plus, une violation délibérée des directives et du code de conduite de l’employeur est également considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 3.

[24] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire aimerait essentiellement présenter de nouveau ses arguments afin d’obtenir un résultat différent sur la question de l’inconduite. Malheureusement pour le prestataire, un appel devant la division d’appel du Tribunal n’est pas une nouvelle audience, où une partie peut présenter de nouveau des éléments de preuve en espérant obtenir un nouveau résultat lui étant favorable.

[25] Le prestataire soulève en outre l’argument selon lequel la division générale n’a pas suivi les principes d’équité procédurale lorsqu’elle a décidé qu’il présenterait la majorité de sa preuve et non sa représentante.

[26] Le principe de justice naturelle renvoie aux règles fondamentales de procédure appliquées par les personnes et les tribunaux ayant compétence judiciaire ou quasi judiciaire. Ce principe existe pour faire en sorte que toute personne qui relève de la compétence d’une instance judiciaire ou quasi judiciaire reçoive un préavis suffisant de sa comparution et qu’elle ait eu toutes les occasions raisonnables de présenter sa cause.

[27] Je note que le prestataire a eu toutes les occasions possibles de présenter sa cause. Il a donné sa version détaillée des événements dans sa demande d’appel à la division générale. De plus, le prestataire et sa représentante ont eu toutes les occasions de présenter la cause du prestataire, et la division générale a écouté leurs arguments pendant près de deux heures et a fourni tous les détails de leur position dans sa décision. Il m’est impossible de conclure que le processus d’audience n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.

[28] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision, comme une erreur de compétence ou le défaut de la division générale de respecter un principe de justice naturelle. Il n’a relevé aucune erreur de droit ni aucune conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait pour en arriver à sa décision.

[29] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale, et compte tenu des arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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