Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c CP, 2022 TSS 147

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : A. Fricker
Partie intimée : C. P.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 1er octobre 2021 dans le dossier GE-21-1531

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 janvier 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimé

Date de la décision : Le 8 mars 2022
Numéro de dossier : AD-21-349

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’intimé, C. P. (prestataire), a demandé 15 semaines de prestations parentales de l’assurance-emploi. Il a choisi les prestations parentales standards dans sa demande de prestations. Il a fait sa demande une semaine avant le premier anniversaire de son enfant et n’a pas pu recevoir les 15 semaines de prestations qu’il souhaitait. Le prestataire a communiqué avec la Commission et lui a demandé de passer aux prestations parentales prolongées.

[3] La Commission a rejeté la demande du prestataire, affirmant qu’il était trop tard pour modifier son choix parce qu’il avait déjà reçu des prestations parentales. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais cette dernière a maintenu sa décision.

[4] L’appel du prestataire à la division générale a été accueilli. La division générale a décidé que le prestataire avait fait une erreur en choisissant les prestations parentales standards parce qu’il n’était pas au courant de la période de prestations parentales. La division générale a conclu que le choix du prestataire était invalide parce que la Commission ne lui avait pas donné suffisamment d’informations pour lui permettre de faire un choix valide entre les prestations parentales standards et prolongées.

[5] La Commission porte maintenant la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et a outrepassé sa compétence.

[6] J’ai décidé que la division générale n’a commis aucune erreur de droit et n’a pas outrepassé sa compétence. Par conséquent, l’appel est rejeté.

Question en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en modifiant le choix du prestataire après que des prestations lui avaient été versées?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’appliquer le principe voulant que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse?
  3. c) La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence en décidant de l’option que le prestataire a choisie dans son formulaire de demande et de la validité de ce choix?

Analyse

[8] Je peux seulement intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc me demander si la division généraleNote de bas page 1 :

  • a agi de façon inéquitable;
  • n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire;
  • a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur importante au sujet des faits de l’affaire.

Contexte

[9] Il y a deux types de prestations parentales :

  • les prestations parentales standards, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations à un taux de 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un montant maximal;
  • les prestations parentales prolongées, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations à un taux de 33 % de sa rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un montant maximal.

[10] La période pendant laquelle des prestations peuvent être versées est communément appelée la période de prestations parentales. La Loi sur l’assurance‑emploi prévoit que la période de prestations parentales se termine 52 semaines après la naissance de l’enfantNote de bas page 2. Cette période peut être prolongée dans certaines circonstances. Elle est notamment prolongée de 26 semaines lorsqu’une partie prestataire choisit de recevoir des prestations parentales prolongéesNote de bas page 3.

[11] Le prestataire a demandé des prestations parentales le 31 mai 2021. Dans sa demande, il a affirmé que son dernier jour de travail était le 28 mai 2021 et qu’il prévoyait retourner au travail le 13 septembre 2021Note de bas page 4. Il a également indiqué que son enfant était né le XNote de bas page 5.

[12] Le prestataire a choisi les prestations parentales standards. À la question de savoir combien de semaines de prestations il souhaitait recevoir, il a choisi 61 semaines dans le menu déroulantNote de bas page 6.

[13] Le prestataire a reçu deux semaines de prestations parentales avant la fin de la période de prestations parentales. Il a communiqué avec la Commission le 2 juillet 2021 pour demander de passer aux prestations prolongéesNote de bas page 7. La Commission a rejeté la demande du prestataire, expliquant qu’il était trop tard pour modifier son choix parce qu’il avait déjà reçu des prestations parentales. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais cette dernière a maintenu sa décision.

La décision de la division générale

[14] La division générale a accueilli l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait choisi les prestations parentales standards, mais que son choix était invalide. La division générale a jugé que le formulaire de demande ne lui fournissait pas toutes les informations nécessaires pour faire un choix valide. Le prestataire a dit à l’audience qu’il aurait choisi les prestations parentales prolongées s’il avait eu toutes les informations pertinentes. La division générale a accueilli l’appel du prestataire et a conclu qu’il pouvait choisir les prestations parentales prolongées parce que son premier choix était invalideNote de bas page 8.

L’appel de la Commission devant la division d’appel

[15] La Commission fait valoir que la division générale a commis plusieurs erreurs de droit dans sa décision. Elle avance les arguments suivants :

  • la division générale a commis une erreur de droit en permettant au prestataire de révoquer son choix après que des prestations lui aient été versées;
  • la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer le principe voulant que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse;
  • la division générale a outrepassé sa compétence en décidant de l’option que le prestataire a choisie dans son formulaire de demande et de la validité de ce choix.

La division générale n’a commis aucune erreur de droit

[16] Dans sa décision, la division générale a suivi une approche en deux étapes adoptée dans certaines décisions de la division d’appel. La division générale a d’abord examiné le type de prestations que le prestataire a choisi dans sa demande, puis si son choix était valideNote de bas page 9.

[17] La division générale a conclu que le choix du prestataire de recevoir des prestations parentales standards était clair. C’était l’option qu’il avait cochée dans son formulaire de demande, et ce choix n’était pas contredit par le nombre de semaines de prestations qu’il demandait ou la date prévue de son retour au travailNote de bas page 10.

[18] Ayant conclu que le prestataire avait fait un choix clair, la division générale a ensuite examiné si ce choix était valide. Elle a jugé qu’il ne l’était pas parce que le formulaire de demande ne fournissait pas au prestataire les informations nécessaires pour faire un choix valide entre les prestations parentales standards et prolongéesNote de bas page 11.

[19] La division générale a reconnu que le prestataire n’était pas au courant de la période de prestations parentales et ne savait pas que son choix de recevoir des prestations parentales standards l’empêchait de recevoir 15 semaines de prestations. La division générale a examiné le formulaire de demande et a conclu qu’il ne contenait aucune information à propos de la période de prestations parentalesNote de bas page 12.

[20] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en modifiant le choix du prestataire après que des prestations lui aient été versées. L’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi établit que le choix est irrévocable (impossible à modifier) dès que des prestations sont versées.

[21] La division générale a le pouvoir en vertu de l’article 64(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social de trancher toute question de droit ou de fait pour rendre une décision sur un appel. Ce pouvoir comprend la capacité d’examiner tous les éléments de preuve pour déterminer le choix qui a été fait et vérifier s’il était valide.

[22] Je reconnais que la Commission demande aux prestataires de faire un choix dans le formulaire de demande de prestations et que le choix ne peut être modifié une fois que la Commission leur a versé des prestations parentales. Toutefois, cela ne veut pas dire que la division générale ne peut pas évaluer la preuve pour déterminer le type de prestations que le prestataire a choisi au départ ou voir si le choix du prestataire était valide.

[23] La division générale a évalué la preuve et conclu que le choix du prestataire de recevoir des prestations parentales standards était invalide. Le Tribunal a rendu d’autres décisions dans lesquelles il a conclu que des prestataires avaient été induits en erreur parce que le formulaire de demande ne contenait aucune information sur la période de prestations parentalesNote de bas page 13.

[24] J’estime que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en modifiant le choix du prestataire après que des prestations lui aient été versées. La division générale a jugé que le choix du prestataire de recevoir des prestations parentales standards était invalide.

[25] La Commission soutient également que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer le principe voulant que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. La division générale a examiné le témoignage du prestataire. Elle a admis qu’il avait lu attentivement le formulaire de demande et qu’il aurait choisi les prestations parentales prolongées s’il avait été au courant de la période de prestations parentalesNote de bas page 14. La division générale a conclu que le formulaire de demande avait induit le prestataire en erreur et l’avait amené à faire le mauvais choix.

[26] Les tribunaux n’ont pas encore examiné la question de savoir si les personnes qui demandent des prestations parentales peuvent échapper aux conséquences d’un choix involontaire ou fait par erreur. Toutefois, les tribunaux ont confirmé que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse que les prestataires peuvent invoquer lors du non-respect d’autres conditions imposées par la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 15. Cela dit, la division générale n’a pas conclu que le prestataire ignorait la loi et ne l’a pas excusé pour cela. Elle a plutôt jugé que le formulaire de demande l’avait induit en erreur ou mal informé au sujet des options offertes. Elle a conclu que le formulaire de demande ne lui fournissait pas toutes les informations nécessaires pour faire un choix valide.

[27] La Commission invoque la décision rendue récemment par la Cour fédérale dans l’affaire Karval c Canada (Procureur général)Note de bas page 16. Elle reconnaît que les renseignements sur la période de prestations ne figurent pas dans le formulaire de demande, mais elle fait valoir que cela ne peut servir de fondement pour affirmer qu’elle a commis une erreur. Selon la décision Karval, les prestataires doivent se renseigner sur les prestations qu’ils demandent et poser des questions à la Commission s’il y a des choses qu’ils ne comprennent pas.

[28] Je juge que la décision Karval ne s’applique pas dans la présente affaire. Dans la décision Karval, la Cour a pris soin de faire la distinction entre les personnes qui n’ont pas les connaissances nécessaires pour répondre à des questions claires et celles qui sont induites en erreur par des informations erronées fournies par la CommissionNote de bas page 17.

[29] La division d’appel a conclu dans d’autres décisions que les informations incomplètes fournies dans le formulaire de demande au sujet de la période de prestations parentales induisent les prestataires en erreurNote de bas page 18. La division d’appel a reconnu qu’il est possible pour les prestataires de trouver de l’information supplémentaire de Service Canada au sujet de la période de prestations parentales; toutefois, elle a jugé qu’il était raisonnable pour les prestataires de présumer que les informations fournies dans le formulaire de demande sont complètes et de se fier à ces informationsNote de bas page 19.

[30] J’estime que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que le prestataire avait été induit en erreur par les informations incomplètes figurant dans le formulaire de demande.

La division générale n’a pas outrepassé sa compétence

[31] La Commission soutient que la division générale a outrepassé sa compétence en décidant de l’option que le prestataire a choisie. Elle fait valoir que la division générale a décidé si l’intention du prestataire correspondait ou non à son choix, ce qui ne relevait pas de compétence.

[32] Je ne suis pas d’accord pour dire que la détermination de l’option qu’une partie prestataire a choisie ne relève pas de la compétence de la division générale. Cela dit, dans la présente affaire, la division générale a admis que le prestataire avait choisi les prestations parentales standards, mais a conclu que le choix était invalide. Dans ses observations, la Commission n’a pas fait valoir que cela ne relevait pas de la compétence du Tribunal. La division d’appel a conclu dans de nombreuses décisions que l’approche adoptée par la division générale est correcte et relève de sa compétenceNote de bas page 20.

[33] Je juge que la division générale n’a pas outrepassé sa compétence en concluant que le choix du prestataire de recevoir des prestations parentales standards était invalide.

[34] En plus des arguments de la Commission, j’ai examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas page 21. La preuve appuie la décision de la division générale. Je ne vois aucun élément de preuve que la division générale a pu ignorer ou mal interpréter. Enfin, la Commission n’a pas soutenu que la division générale avait été injuste de quelque façon que ce soit.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur en décidant que le choix du prestataire était invalide et en lui permettant de choisir des prestations parentales prolongées.

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