Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – rejet en raison d’une inconduite – COVID-19 – politique de vaccination de l’employeur – division d’appel – permission d’en appeler – cause défendable

Le prestataire a quitté son emploi le 7 juin 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’employeur a mis le prestataire en congé pour une période indéterminée parce qu’il a refusé de se faire vacciner ou de subir des tests hebdomadaires de dépistage de la COVID-19 conformément à sa politique de vaccination.

La Commission a décidé que le prestataire avait été mis en congé en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Le prestataire a fait appel de cette décision devant la division générale (DG). La DG a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite. Elle a jugé que le prestataire aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et qu’il avait été mis en congé en raison d’une inconduite. Le prestataire a fait appel de la décision de la DG à la division d’appel (DA).

Le rôle de la DG n’est pas de juger de la gravité de la sanction imposée par l’employeur ou de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’une inconduite en congédiant injustement le prestataire, mais plutôt de décider si le prestataire est coupable d’une inconduite ayant entraîné son congédiement. La DG a jugé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension et éventuellement son congédiement. La DG a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le refus du prestataire constituait une inconduite. Si le prestataire ne voulait pas se faire vacciner, l’employeur lui offrait la solution raisonnable de subir des tests de dépistage de la COVID-19. De plus, il était bien établi dans la jurisprudence qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

La DA a refusé au prestataire la permission d’en appeler parce que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 149

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : L. J.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 20 janvier 2022 dans le dossier GE-21-2505

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 8 mars 2022
Numéro de dossier : AD-22-103

Sur cette page

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a quitté son emploi le 7 juin 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’employeur a mis le prestataire en congé pour une période indéterminée parce qu’il a refusé de se faire vacciner ou de subir des tests hebdomadaires de dépistage de la COVID-19 conformément à sa politique de vaccination. Le prestataire a refusé de suivre la politique parce qu’il est en bonne santé et qu’il ne voyait pas la nécessité de se faire vacciner ou de subir des tests.

[3] L’intimée (Commission) a décidé qu’il avait été mis en congé en raison de son inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser des prestations. La Commission a maintenu sa décision après révision. Le prestataire a fait appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite. Elle a jugé que le prestataire aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et qu’il avait été mis en congé en raison de son inconduite.

[5] Le prestataire cherche maintenant à obtenir la permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il avait été suspendu en raison de son inconduite. Il fait valoir qu’après 23 ans de service, l’employeur a soudainement adopté une politique exigeant qu’il se fasse vacciner pour conserver son emploi. Le prestataire affirme que cette politique est déraisonnable et contraire à la Charte canadienne des droits. Il dit que s’il avait refusé de recevoir tout autre vaccin avant 2019, il aurait été admissible aux prestations.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer que l’on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable d’être accueilli.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire cherche à obtenir la permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il avait été suspendu en raison de son inconduite. Il fait valoir qu’après 23 ans de service, l’employeur a soudainement adopté une politique exigeant qu’il se fasse vacciner pour conserver son emploi. Le prestataire affirme que cette politique est déraisonnable et contraire à la Charte canadienne des droits. Il dit que s’il avait refusé de recevoir tout autre vaccin avant 2019, il aurait été admissible aux prestations.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été mis en congé en raison de son inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas nécessairement que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions qu’il aurait sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la gravité de la sanction imposée par l’employeur ou de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’une inconduite en congédiant injustement le prestataire, mais plutôt de décider si le prestataire est coupable d’une inconduite ayant entraîné son congédiement.

[16] Après avoir examiné les éléments de preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été mis en congé parce qu’il avait refusé de se faire vacciner ou de subir des tests hebdomadaires de dépistage de la COVID-19, conformément à la politique de vaccination que l’employeur a adoptée en réponse à la pandémie mondiale. Le prestataire avait été informé de la politique de vaccination et s’était vu accorder un délai pour s’y conformer. Il avait refusé intentionnellement de s’y conformer parce qu’il estimait ne pas avoir besoin de se faire vacciner. C’était la cause directe de sa suspension. La division générale a jugé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension et éventuellement son congédiement.

[17] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le refus du prestataire constituait une inconduite. Comme l’a affirmé la division générale, si le prestataire ne voulait pas se faire vacciner, l’employeur lui offrait la solution raisonnable de subir des tests de dépistage de la COVID-19.

[18] Il est bien établi dans la jurisprudence qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[19] Le prestataire soutient en outre que la politique de l’employeur a porté atteinte à ses droits garantis par la Charte. Compte tenu de ce motif d’appel, j’ai écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale. J’ai remarqué que le prestataire n’a invoqué aucun argument fondé sur la Charte devant la division générale. Il a plutôt mentionné qu’il ne revendiquait aucun droitNote de bas de page 2. J’ai également remarqué qu’il n’a présenté aucun élément de preuve à la division générale à l’appui de son argument fondé sur la Charte.

[20] Malheureusement pour le prestataire, un appel auprès de la division d’appel du Tribunal n’est pas une nouvelle audience au cours de laquelle il peut présenter de nouveau sa preuve et espérer une nouvelle issue favorable.

[21] Dans sa demande de permission d’en appeler, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme une erreur de compétence ou un manquement à la justice naturelle de la part de la division générale. Il n’a pas non plus relevé d’erreur de droit que la division générale aurait commise ni de conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance pour en arriver à sa décision.

[22] Après avoir révisé le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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