Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire pour une partie de sa demande.

[2] La prestataire a effectué des semaines entières de travail du 1er mars 2021 au 23 avril 2021. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir des prestations d’assurance‑emploi pour cette période. Pour la période qui suit débutant le 23 avril 2021, j’estime que la prestataire était disponible pour travailler et à la recherche d’un emploi.

Aperçu

[3] Pendant la première période en question, la prestataire participait avec une amie à l’exploitation d’une entreprise qui vendait des extensions, des perruques et des produits pour les cheveux.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a jugé que la participation de la prestataire à l’entreprise était suffisamment importante pour conclure qu’elle avait effectué des semaines entières de travail pendant la période en question. Par conséquent, la Commission a conclu qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi. Pour la deuxième période, la Commission a décidé que la prestataire n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler et à la recherche d’un emploi comme l’exige la loi.

[5] La prestataire n’est pas d’accord. Elle soutient qu’elle devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi. Elle affirme qu’elle était toujours au chômage même si elle participait à l’entreprise parce qu’elle ne faisait qu’aider une amie, essentiellement en faisant de la promotion de façon intermittente. Elle dit aussi qu’elle a cherché du travail régulièrement et qu’elle était donc disponible pour travailler.

Questions en litige

[6] La participation de la prestataire était‑elle si limitée qu’elle n’effectuait pas des semaines entières de travail? La prestataire était-elle disponible pour travailler?

Analyse

Question en litige no 1 – Participation à une entreprise

[7] Une partie prestataire qui participe à l’exploitation d’une entreprise peut ne pas avoir droit à des prestations d’assurance-emploi.

[8] La loi prévoit qu’une partie prestataire peut recevoir des prestations d’assurance‑emploi pour chaque semaine où elle est au chômageFootnote 1. Une semaine de chômage signifie une semaine pendant laquelle une partie prestataire n’effectue pas une semaine entière de travailFootnote 2.

[9] De plus, la loi considère qu’une partie prestataire qui participe à l’exploitation d’une entreprise effectue des semaines entières de travailFootnote 3. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir des prestations d’assurance‑emploiFootnote 4. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse officiellement de son entreprise.

Exception si la participation était limitée

[10] Une exception s’applique lorsque la participation d’une partie prestataire à une entreprise était limitéeFootnote 5.

[11] L’exception s’applique si l’importance de la participation de la partie prestataire à l’entreprise était si limitée que celle-ci ne constituerait pas normalement son principal moyen de subsistanceFootnote 6.

[12] C’est la partie prestataire qui doit prouver que sa participation à l’entreprise était si limitée que l’exception s’appliqueFootnote 7. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il est plus probable qu’improbable que sa participation était limitée.

Six facteurs pour évaluer l’importance de la participation

[13] Pour décider si l’exception s’applique, je dois prendre en considération les six facteurs suivantsFootnote 8 :

  1. a) Combien de temps la prestataire consacrait-il à l’entreprise?
  2. b) Combien la prestataire a-t-elle investi dans l’entreprise et quels sont ces investissements (tels que les sommes d’argent, les biens et les autres ressources)?
  3. c) Sur le plan financier, l’entreprise a-t-elle été une réussite ou un échec?
  4. d) L’entreprise était-elle destinée à être exploitée de façon continue?
  5. e) Quelle était la nature des activités de l’entreprise?
  6. f) La prestataire avait-elle l’intention et la volonté de trouver rapidement un autre emploi?

Temps consacré

[14] Le temps que la prestataire consacrait à l’entreprise ne démontre pas une participation limitée. La prestataire a présenté des témoignages contradictoires sur le temps qu’elle consacrait chaque semaine à l’entreprise. Le 9 mars 2021, elle a dit à la Commission qu’elle y consacrait moins de 15 heures par semaine, tandis qu’un mois plus tard, le 13 avril 2021, elle a affirmé qu’elle y consacrait environ 30 heures par semaine.

[15] À l’audience, lorsqu’on lui a demandé de nouveau combien de temps elle consacrait à l’entreprise, la prestataire a essentiellement évité la question, affirmant qu’elle ne le savait pas parce qu’elle faisait tout sur son téléphone. Elle a dit que cela variait au fil du temps, mais qu’elle publiait des choses sur les médias sociaux plusieurs fois par jour. Elle n’a pas pu ou voulu estimer le temps que cela pouvait représenter par semaine.

[16] J’estime que la prestataire n’est pas crédible sur ce point. Je suis d’avis qu’elle tente de minimiser l’importance de sa participation à l’entreprise. Il est de jurisprudence bien établie qu’il faut accorder plus d’importance aux déclarations initiales qui précèdent la décision de la CommissionFootnote 9. Dans la présente affaire, cela signifie la déclaration faite par la prestataire selon laquelle elle consacrait un nombre important d’heures à l’entreprise. Par conséquent, je juge que sa participation n’était pas limitée.

Investissements

[17] La nature et le montant des investissements (tels que les sommes d’argent, les biens et les autres ressources) de la prestataire ne démontrent pas une participation limitée. La prestataire a affirmé à l’audience qu’elle avait investi entre 2 000 $ et 5 000 $ de son propre argent dans l’entreprise, ce qui est un montant important. Elle a également apporté son expertise des médias sociaux et a passé beaucoup de temps à travailler pour l’entreprise. Ces déclarations sont conformes à ce qu’elle a déjà dit à la Commission. Ce niveau d’investissement montre que sa participation n’était pas limitée.

Réussite ou échec financier de l’entreprise

[18] La situation financière de l’entreprise de la prestataire n’est pas particulièrement utile dans ce cas puisque l’entreprise est si jeune. La prestataire a affirmé avoir réalisé un profit d’environ 1 000 $, mais elle a également dit à la Commission que les profits étaient réinvestis dans l’entrepriseFootnote 10. Il convient de noter qu’aucun élément de preuve n’a été fourni quant à la rentabilité de l’entreprise ou à son revenu total au cours des derniers mois. J’estime donc que cet élément n’a aucune incidence sur la conclusion que je dois tirer.

Maintien de l’entreprise

[19] Le témoignage de la prestataire nous permet de constater que l’entreprise devait être exploitée de façon continue. Cependant, puisque c’était principalement son amie qui dirigeait l’entreprise, ce point n’a aucune incidence sur la détermination de sa participation à l’entreprise.

Nature des activités de l’entreprise

[20] L’entreprise à laquelle la prestataire participait vendait des extensions, des perruques et des produits pour les cheveux en ligne. La prestataire a affirmé à l’audience qu’elle travaille habituellement dans des boutiques de téléphonie, mais que rien n’était ouvert en raison des fermetures dues à la COVID-19. Cela démontre une participation limitée parce que c’est un travail complètement différent de ce qu’elle a l’habitude de faire. De plus, la prestataire a déclaré que lorsqu’elle a mis fin à sa participation à cette entreprise, elle espérait recommencer à travailler pour une boutique de téléphonie. Je trouve que cet élément démontre une participation limitée à l’entreprise.

Intention et volonté de la prestataire de trouver rapidement un autre emploi

[21] La prestataire a ditFootnote 11 à la Commission qu’elle ne cherchait pas de travail pendant qu’elle participait à l’exploitation de l’entreprise. Elle a confirmé cela à l’audience, mais elle a précisé que c’était à cause de la pandémie. Cela ne démontre pas une participation limitée, car cela donne de la crédibilité à l’affirmation de la prestataire selon laquelle elle avait l’intention que cette entreprise devienne son principal moyen de subsistanceFootnote 12.

Alors, la participation de la prestataire était-elle assez limitée?

[22] La participation de la prestataire n’était pas à ce point limitée que l’exception s’applique. Son intention, du moins pendant un certain temps, était clairement que cette entreprise devienne son principal moyen de subsistance.

[23] Deux facteurs sont particulièrement importants. La jurisprudence établit que le temps consacré à l’entreprise et l’intention et la volonté de la prestataire d’accepter sans tarder un autre emploi sont importantsFootnote 13.

[24] Après avoir tenu compte de tous ces facteurs, je conclus que l’exception ne s’applique pas à la participation de la prestataire à l’entreprise qu’elle dirigeait avec son amie.

[25] La prestataire effectuait des semaines entières de travail. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations du 1er mars 2021 au 23 avril 2021 parce qu’il ne s’agissait pas de semaines où elle était au chômage selon la loi.

Question en litige no 2 – Disponibilité pour travailler

[26] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 23 avril parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que les prestataires doivent être à la recherche d’un emploi.

[27] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

Analyse

[28] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent qu’ils sont disponibles pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. La prestataire doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[29] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit que les prestataires doivent prouver qu’ils font des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableFootnote 14. Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesFootnote 15 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[30] Deuxièmement, la Loi prévoit aussi que les prestataires doivent prouver qu’ils sont « capables de travailler et disponibles à cette fin », mais incapables d’obtenir un emploi convenableFootnote 16. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que les prestataires doivent prouver pour démontrer qu’ils sont « disponible » en ce sensFootnote 17. Je vais examiner ces éléments ci-dessous.

[31] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon les deux articles de loi.

[32] Je vais maintenant examiner ces deux articles pour décider si la prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[33] La loi énonce des critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesFootnote 18. Je dois regarder si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[34] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesFootnote 19 :

  • l’évaluation des possibilités d’emploi;
  • l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement;
  • la présentation de demandes d’emploi.

[35] La Commission affirme que la prestataire n’en a pas fait assez pour tenter de trouver un emploi. La décision de la Commission est fondée uniquement sur le fait que la prestataire n’a pas fourni de preuve de ses démarches de recherche d’emploi avec tous les renseignements demandés par l’agent. Aucune analyse des autres éléments ne semble avoir été faite.

[36] La Commission a demandé à la prestataire de fournir une preuve de ses démarches de recherche d’emploi du 1er avril à la mi-maiFootnote 20. Elle s’est conformée en partie à cette demande en fournissant une liste des magasins où elle a présenté des demandes d’emploi ainsi que de la date et de l’état de ses demandes d’emploiFootnote 21. Cette liste se terminait à la fin du mois de mai et ne contenait pas de coordonnées. La Commission a donc décidé qu’elle était incomplèteFootnote 22.

[37] La prestataire n’est pas d’accord. Elle a affirmé qu’elle est disponible pour travailler et qu’elle a fait des efforts continus pour trouver un emploi. À l’audience, elle a dit que même si elle préférerait travailler dans une boutique de téléphonie puisque qu’elle avait travaillé dans ce genre de boutique auparavant, elle postule également à d’autres offres d’emploi. Elle a accepté d’envoyer des copies de toutes les offres d’emploi auxquelles elle a postulé sur LinkedIn. Celles-ci ont été reçues peu de temps après l’audienceFootnote 23.

[38] Ces copies montrent que la prestataire a présenté de nombreuses demandes d’emploi de façon constante à partir du 1er avrilFootnote 24. Elles montrent également que les coordonnées des employeurs ne figurent pas dans les offres d’emploi de LinkedIn, puisqu’il suffit de cliquer sur « Postuler » pour envoyer sa candidature. Cependant, les captures d’écran que la prestataire a fournies indiquent clairement où et quand elle a présenté ses demandes d’emploi et si les employeurs les ont rejetées, les ont examinées ou y ont répondu. J’estime que ces renseignements sont suffisants pour démontrer que la prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[39] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesFootnote 25 :

  1. a) qu’elle voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable était offert;
  2. b) qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner au travail.

[40] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireFootnote 26.

Désir de retourner au travail

[41] Comme il a été décidé ci-dessus, j’estime que la prestataire a démontré qu’elle voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable était offert.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[42] La prestataire a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[43] Pour tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi mentionnées plus haut. Cette liste me sert seulement de référenceFootnote 27.

[44] Les efforts que la prestataire a déployés pour trouver un nouvel emploi consistaient notamment à chercher chaque jour du travail sur des sites d’emploi et à postuler des emplois pour lesquels elle avait les qualifications requises. J’ai expliqué ces raisons plus haut lorsque j’ai évalué si les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesFootnote 28.

[45] Les efforts que la prestataire a faits sont suffisants pour satisfaire aux exigences liées à ce deuxième élément parce qu’elle a cherché chaque jour des possibilités d’emploi et a présenté de nombreuses demandes d’emploi. Ses efforts étaient donc continus et soutenus, ce qui est suffisant pour satisfaire à cet élément.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[46] La Commission n’a présenté aucune observation sur ce point et je ne vois rien dans le dossier qui pourrait indiquer que la prestataire a limité indûment ses chances de retourner au travail.

[47] J’estime que la prestataire n’a pas limité indûment ses chances de retourner au travail.

La prestataire était-elle donc capable de travailler et disponible à ce fin?

[48] D’après mes conclusions sur les trois éléments, je juge que la prestataire a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[49] Je conclus que la prestataire a effectué des semaines entières de travail du 1er mars 2021 au 23 avril 2021, et qu’elle n’était donc pas au chômage.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

[51] La prestataire a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi à compter du 23 avril. Pour cette raison, je conclus qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations à compter de cette date.

[52] L’appel est donc accueilli.

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